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4e- 5e siècle ap. J.-C.

Deux sépultures du Bas-Empire à Guer

En 1968, un riverain de l’« Hérupée » en Guer (Morbihan) découvre une lance en fer. Une fouille de sauvetage permet de mettre au jour trois sépultures du Bas-Empire. L’étude du mobilier a permis de dater ces sépultures de type « germanique » au 4e – 5e siècle.

La découverte des sépultures en 1968

En novembre 1968, une lance en fer est découverte à l’Hérupée 1 en Guer (Morbihan), au cours de travaux de terrassement. L’auteur de la découverte, M. Buquet, contacte la Direction des Antiquités Historiques qui lance aussitôt une fouille de sauvetage. Celle-ci permet de dégager, dans l’espace menacé par les travaux, deux, voire trois sépultures à inhumation du Bas-Empire.

Ces sépultures ont pu être datées de la seconde moitié du 4e siècle aux premières années du 5e siècle, grâce à la verrerie et à la plaque de ceinturon qui y ont été découvertes. La présence d’armes parmi le mobilier funéraire, et celle d’un foyer rituel sont à rapprocher de rites funéraires fortement teintés d’apports germaniques. Les fouilles ont aussi révélé des garnitures de ceinturons du type « Kerbschnitt » considérées comme faisant vraisemblablement partie de l’équipement militaire de soldats du Bas-Empire. Ces deux éléments s’apparentent à des sépultures de soldats d’origine germanique de la catégorie des Lètes dont la présence dans la région est attestée par la Notifia Dignitatum qui mentionne l’existence d’une préfecture de Lètes francs dans la civitas des Riedones.—  PETIT, Michel, « Sépultures du Bas Empire à Guer (Morbihan) », Annales de Bretagne, Vol. 77 / 1, 1970, p. 273-278, Voir en ligne. —

La sépulture n°1

La première sépulture fouillée est une inhumation en pleine terre, sans délimitation d’aucune sorte. Elle est orientée nord-est / sud-ouest, la tête étant au sud-ouest. Elle abrite un foyer rituel allumé directement dans la tombe, comme l’attestent les fortes traces de combustion marquant le sol. L’examen du contenu de ce foyer a permis de trouver, mêlés à une grande quantité de charbon de bois et d’ossements carbonisés, trois petits clous de fer et un petit bronze du Bas-Empire à l’effigie de l’empereur Valens (364-378). La sépulture en elle-même comprend six objets :

  • Un fer de lance à lame large
    Cet objet de 34 cm se trouvait à gauche des pieds. Quelques fragments de bois particulièrement bien conservés ont été recueillis à l’intérieur de la douille.
  • Un talon de hampe correspondant à la partie inférieure de la lance
    Cet objet situé à droite de la tête se compose de deux éléments : une tige de section carrée dont les deux extrémités sont pointues. Une partie de cette tige devait être enfoncée dans la hampe de l’arme et l’autre devait saillir extérieurement. Une douille cylindrique entourait le bas de la lance, assurant ainsi une meilleure solidité à l’ensemble. La position du fer de lance et du talon de hampe semblerait indiquer que l’arme était disposée obliquement dans la tombe.
  • Une hache en fer à lame recourbée vers le bas.
    La longueur du fer est de 14 cm ; à son extrémité le tranchant a une largeur de 6 cm. Ce type d’arme est assez bien connu en France, mais il est particulièrement fréquent dans les tombes du Bas-Empire du Nord et de l’Est. Il est possible, vu sa position (à gauche des jambes) que le défunt ait tenu cette arme dans la main gauche.
  • Une lame de couteau en fer
    Trouvée au niveau du bassin, la lame à une longueur de 12 cm.
  • Une plaque de ceinturon en tôle de bronze
    Cette plaque se compose de quatre éléments. Elle comporte un décor en taille biseautée constitué de motifs en forme de rosace, de S ou d’ove, qui s’encadrent dans des rectangles et des cercles à bords perlés (fig. 1).
Ceinturon du site de l’Hérupée
Petit, Michel (1970)

Nous avons pu rapprocher ce type d’objet d’autres exemplaires semblables dont l’un se trouve au Musée d’Étampes. Mlle Anne Roes en a publié un, trouvé par elle dans la province d’Utrecht, et pense que ces plaques-boucles ont été fabriquées entre le milieu du 4e et le début du 5e. Plusieurs plaques très proches de la nôtre ont été étudiées par M. Lafaurie. Leur localisation géographique se situe en général sur le cours inférieur du Danube, le cours inférieur et moyen du Rhin, dans le Nord de la France, le long de la Moselle, de la Meuse, de l’Oise, et en Angleterre à proximité de l’embouchure de la Tamise. M. Lafaurie, dans son étude sur les plaques de ceinturons de la Gaule romaine, définit ce type de plaque comme appartenant au groupe dit Kerbschnitt.

Petit, Michel (1968) op. cit., p. 275
  • Un petit vase en verre jaune brisé
    Cet objet a été trouvé au niveau du talon de hampe, et donc à droite de la tête.

La sépulture n°2

En l’absence de limites précises, l’orientation de cette tombe n’a pu être déterminée par les archéologues. Six objets y ont été découverts.

  • Une fibule de bronze
    Cette fibule peut être rapprochée par sa forme générale du type dit « en oméga ».
  • Les fragments d’un petit objet en fer non identifiable.
    Peut-être s’agit-il d’un bracelet ?
  • Un fer de javelot d’une longueur de 15 cm.
  • Un grand gobelet en verre verdâtre
    Sa hauteur est de 19 cm et son diamètre à l’embouchure est de 11 cm. Les bords de l’orifice ne sont pas ourlés, mais coupés à chaud (fig. 2). Ces gobelets sont datés de la fin du 4e siècle. Ils se rapprochent du type franc plus tardif (5e-6e) à base solide.
Gobelet du site de l’Hérupée
Petit, Michel (1970)
  • Un petit vase en verre bleu
    Ce vase aux fragments très purs a été recueilli au fond du grand gobelet.
  • Un grattoir néolithique en silex
    Cet objet était vraisemblablement contenu dans une bourse en cuir ou en tissu. La présence de tels objets est assez fréquente dans certaines tombes plus tardives.

Sépulture n°3

Les fouilles ont révélé une bouteille d’un verre rempli de bulles d’air, de « nuages » et de filandres, prise dans les racines d’un sapin. Cet objet qui appartenait peut-être à une troisième sépulture, est un flacon à panse bulbeuse et à col assez long dont les lèvres sont ourlées en dedans (hauteur totale : 18 cm). Cette forme est datée de la fin du 3e et du 4e siècle.— Petit, Michel (1968) op. cit., p. 275 —

Éléments de comparaison

Six autres découvertes fortuites de sépultures de l’Antiquité tardive ont été réalisées en Bretagne. La découverte des sépultures de l’Hérupée est à rapprocher de deux d’entre elles : Pont-de-Buis (Finistère) en 1911 et Etel (Morbihan) en 1942 qui a elle aussi livré une boucle de ceinturon ornée de dessins géométriques qui rappellent ceux des soldats de Rhénanie à la fin du IVe siècle.—  LE BOULANGER, Françoise, JEAN, Stéphane et SIMON, Laure, « Saint-Marcel "le bourg" (Morbihan -Bretagne) 2008 - Rapport final d’opération », INRAP, 2008, p. 322, Voir en ligne. [page 27] —

Quarante-cinq sépultures du 5e siècle ap. J.-C. ont été découvertes en 2006 dans le bourg de Saint-Marcel, à une trentaine de kilomètres au sud-ouest de Guer. Plusieurs de ces sépultures comprennent des artefacts pouvant se rapprocher de ceux trouvés à l’Hérupée.

  • On observe dans cinq d’entre-elles le rite du « feu dans la tombe attesté dans la sépulture n°1 de l’Hérupée. Ce rite a aussi été observé dans quelques autres nécropoles du Bas-Empire ou du haut Moyen-Âge.

Il ne s’agit donc pas d’un rite exceptionnel, mais il n’est pas non plus commun ou banal. La présence d’un foyer ou de braises encore bien chaudes déposées au dessus du cercueil/coffrage a rarement été notée dans la bibliographie consultée.

LE BOULANGER, Françoise, JEAN, Stéphane et SIMON, Laure, « Saint-Marcel "le bourg" (Morbihan -Bretagne) 2008 - Rapport final d’opération », INRAP, 2008, p. 322, Voir en ligne. [page 117]
  • Deux sépultures de Saint-Marcel 2 contenaient un gobelet en verre verdâtre similaire à celui de la sépulture n°2 de l’Hérupée.
  • La fouille d’une des tombes a aussi livré une hache, qui ressemble beaucoup à celle découverte dans la tombe 1 à Guer (56).
  • Une fiole à panse globulaire de teinte vert moyen à foncé, de 7,6 cm de hauteur, a été trouvée dans une des sépultures. Cet objet ressemble au flacon à panse bulbeuse, du même type, mais de plus grande taille, mis au jour dans ce qui pourrait être la troisième sépulture de l’Hérupée.
Mobilier du site de l’Hérupée
T1 : sépulture 1 ; T2 : sépulture 2 ; T3 : sépulture 3
Le Boulanger, Françoise (2008)

Bibliographie

BOUSQUET, Jean, « Circonscription de Bretagne », Gallia, Vol. 29 fascicule 2, 1971, p. 235-247, Voir en ligne.

LE BOULANGER, Françoise, JEAN, Stéphane et SIMON, Laure, « Saint-Marcel "le bourg" (Morbihan -Bretagne) 2008 - Rapport final d’opération », INRAP, 2008, p. 322, Voir en ligne.

PETIT, Michel, « Sépultures du Bas Empire à Guer (Morbihan) », Annales de Bretagne, Vol. 77 / 1, 1970, p. 273-278, Voir en ligne.

PETIT, Michel, « Les sépultures du Bas-Empire de Guer (France, Morbihan) », Problèmes de chronologie relative et absolue concernant les cimetières mérovingiens d’entre Loire et Rhin, IVe section, 326e fascicule, Paris, Bibliothèque de l’Ecole des Hautes Etudes, 1978, p. 45-48.


↑ 1 • André Yves Bourgès indique :

Ce toponyme L’Hérupée m’intrigue parce qu’il me semble qu’il s’agit d’un unicum et qu’il est tentant de le rapprocher de certaines formes romanes du nom Erispoë et/ou du surnom des "barons hérupés" dans une légende de la même époque dont Salomon de Bretagne est le personnage principal (hérupé = gentilé de Hurepoix, mais aussi "(re)dressé [comme la chevelure en bataille]", d’où "rebelle", "révolté", etc.)

↑ 2 • Sépultures 122 et 72