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1960

Un herquelié

Un conte d’Henri Thébault

Un herquelié est un conte dans lequel Jean Vétil, pauvre innocent d’un village de Mauron tente de se rendre au moulin du Bois de la Roche en se souvenant des raisons pour lesquelles il y va.

Un conte d’Henri Thébault

Un herquelié est un conte écrit par Henri Thébault durant l’hiver 1960. Il est publié pour la première fois dans un recueil de contes illustré par Robert Guichard. —  THÉBAULT, Henri, Contes Folkloriques de France - Bretagne, Vol. 1, Angoulême, Rachelier, 1960, Voir en ligne. [pages 35-41] —

Dix ans plus tard, Henri Thébault, alors maire de Mauron et conseiller général, le fait paraitre dans un supplément au bulletin municipal de Mauron. —  THÉBAULT, Henri, « Contes & légendes de Brocéliande & du Porhoët », 30 jours en Brocéliande, Supplément juillet-août, 1971, Voir en ligne. —

La version intégrale de Un herquelié

Ne cherchez pas de substantif dans votre petit Larousse. Il n’est ni breton, ni anglais, ni allemand... C’est un mot du Ploërmelais, très difficile à définir.
Un « herquelié » est un homme qui n’a jamais pu apprendre un métier, qui vit d’expédients. Quand on dit de quelqu’un : c’est un « herquelié », entendez : « C’est quelqu’un sur qui il ne faut pas compter. »

Jean Vétil était vraiment le prototype du « herquelié ». On ne l’utilisait que pour aller au moulin, dans les carrioles les plus dégingandées attelées aux vieilles juments poussives et inaptes aux labours.

Auguste Gaudin, le riche fermier de Mauny, employait ce jour-là notre « herquelié ».

— « Tu vas aller au moulin du Bois de la Roche. Mais ne perds pas ta cargaison en route et n’oublie surtout pas que tu as deux « pochées » et moutures du meunier. »

Un herquelié
—  THÉBAULT, Henri, Contes Folkloriques de France - Bretagne, Vol. 1, Angoulême, Rachelier, 1960, Voir en ligne.
[page 39] —
Robert Guichard

Trois lieues séparaient Mauny du Moulin de Maitre Pinel. Le bourg de Mauron était à mi-chemin. Voici donc Jean Vétil sur la route. Comme tous ceux qui n’ont guère de mémoire, il ne cessait de répéter à haute voix : « deux pochées et moutures du meunier, deux pochées et moutures du meunier... » Comme cela, pensait-il, je n’oublierai ni n’égarerai...

En passant le pont de l’Oust, il croisa une charretée débordante de gerbes de blé. Il continua ses psalmodies : « deux pochées et moutures du meunier. »
Le charretier l’entendit et fit claquer vigoureusement son fouet devant les naseaux de la haridelle. La carriole s’arrêta net.

— « C’est toi, le herquelié, qui chante une telle complainte ? Regarde ces gerbes et dis-moi si elles ne portent que deux pochées de bons grains... répète donc plutôt : Que Dieu, dans notre pays, multiplie de telles charretées. »

Et Jean Vétil reprit le chemin ; le psaume avait changé : « Que Dieu, dans notre pays , multiplie de telles charretées... Que Dieu, dans notre pays, multiplie de telles charretées.... »

Ainsi, sans encombres, il arriva à Mauron. Il croisa un enterrement. Le bedeau portait la croix, assisté de deux enfants de chœur et le recteur précédait le corbillard. La voix du « herquelié » couvrit celle du prêtre.

Le bedeau qui avait l’ouïe fine, comprit la répétition sacrilège : « Que Dieu, dans notre pays, multiplie de telles charretées. »

Son sang ne fit qu’un tour. Brusquement, il passa la croix à un de ses enfants de chœur ; puis il s’en fut administrer une retentissante paire de claques qui éclipsa et le chant du recteur et le glas des trépassés.

— « Triple buse, hurla t-il, tu veux donc voir toute la paroisse prendre pension au cimetière. Répète plutôt : « Prions le Seigneur pour les fidèles trépassés ! »

Qui fut dit, fut fait. Jean sortit du bourg en nasillant : « Prions le Seigneur pour les fidèles trépassés... Prions le Seigneur pour les fidèles trépassés... »

À peine avait-il dépassé la dernière maison qu’il aperçut deux hommes portant sur une civière un curieux fardeau. La chienne de Joachim Le Bert, éventrée par un taureau, les yeux exorbités, la langue pendante et baveuse, allait, occise, être jetée dans le trou.

Le herquelié passa. Le battoir du bedeau fut remplacé par les « portants » du brancard. Une volée de coups de bâtons s’abattit sur l’échine de Jean.

— « Albigeois, Sacrilège ! Païen ! s’entendit-il baptiser. Ignores-tu que les prières sont réservées aux âmes du purgatoire et non aux animaux ? Si ta langue ne peux chômer, v’la des paroles de circonstance : Comme il la traîne, comme il la « herse » cette chienne là. »

J’arrête ici mon histoire, car elle est longue, très longue. Après la chienne, l’herquelié croisa une « noce ». Vous devinez le sort qui lui fut réservé par le jeune marié... Pauvre innocent du village !...

Un herquelié
—  THÉBAULT, Henri, Contes Folkloriques de France - Bretagne, Vol. 1, Angoulême, Rachelier, 1960, Voir en ligne.
[page 42] —
Robert Guichard

La version de Daniel Duquenne

Michel Duquenne a publié une version du conte de Henri Thébault dans la revue souche en 2003.—  DUQUENNE, Daniel, « Un "Herquelié" », Souche, Revue du Cegenceb, Mauron, Vol. 3 - 3e trimestre, 2003, p. 5, Voir en ligne. —


Bibliographie

DUQUENNE, Daniel, « Un "Herquelié" », Souche, Revue du Cegenceb, Mauron, Vol. 3 - 3e trimestre, 2003, p. 5, Voir en ligne.

THÉBAULT, Henri, Contes Folkloriques de France - Bretagne, Vol. 1, Angoulême, Rachelier, 1960, Voir en ligne.

THÉBAULT, Henri, « Contes & légendes de Brocéliande & du Porhoët », 30 jours en Brocéliande, Supplément juillet-août, 1971, Voir en ligne.