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†1181

Geoffroy Ier, seigneur de Gaël-Montfort

Séparation des seigneuries de Gaël et de Montfort

Geoffroy Ier est seigneur de Montfort et de Gaël de 1162 à 1181. Par son union avec Gervaise de Say, il est aussi possesseur de terres en Normandie. Après sa mort, son fils ainé et son puîné se partagent la seigneurie de Gaël et de Montfort.

Éléments biographiques

Geoffroy Ier est le fils cadet de Guillaume Ier de Gaël-Montfort et d’Amicie de Porhoët 1. Geoffroy Ier est cité pour la première fois dans les actes de fondation de l’abbaye Saint-Jacques de Montfort en 1152. En 1162, il succède à son frère aîné Raoul III à la seigneurie de Montfort et de Gaël.

Contexte historique

En 1154, Conan IV est en âge de gouverner le duché de Bretagne. Il essuie un échec face à l’opposition croissante de son beau-père, Eudes II (Eudon) de Porhoët, duc de Bretagne depuis 1148 et oncle de Geoffroy Ier de Gaël-Montfort. Dans ce contexte, Conan sollicite l’aide du jeune roi d’Angleterre Henri II, obtient le duché de Bretagne lors d’une expédition militaire en 1156 et devient vassal de ce dernier. Eudes II de Porhoët et les barons bretons vont s’opposer violemment à la mainmise du roi sur le duché de Bretagne. Face aux révoltes fomentées par Eudes II de Porhoët en 1164, 1166, 1167 et 1168, le roi Henri II mène des expéditions militaires en Bretagne 2.

Lors de la campagne de 1166, Conan se voit imposer les fiançailles de sa fille Constance, héritière du duché, avec Geoffroy le quatrième fils d’Henri II. Les deux fiancés étant trop jeunes à la mort de Conan en 1171, Henri II devient suzerain en Bretagne jusqu’en 1181, date où Geoffroy Plantagenêt devient duc de Bretagne jusqu’à sa mort en 1186.

Selon l’historien Noël-Yves Tonnerre, l’expédition militaire de 1168 est la plus violente.

Il [Henri II] effectua une longue chevauchée à l’intérieur de la péninsule pour s’emparer des forteresses de ses adversaires. Il s’attaqua d’abord au domaine patrimonial d’Eudon. Josselin fut pris et détruit puis il vint à Vannes, s’empara du château d’Auray, ancienne résidence ducale dont il renforça les défenses […] Henri II se retourna alors contre Roland de Dinan et ses principaux alliés. En quelques semaines il obtint des succès décisifs. Il ravagea les bords de Rance, prit d’assaut le château de Léhon, s’empara du château d’Hédé, détruisit celui de Tinténiac, assiégea avec succès Bécherel. Cette fois la noblesse avait reçu des coups sévères ; courageuse, elle n’avait pas été capable de présenter une véritable cohésion devant la redoutable machine de guerre adverse.

CHÉDEVILLE, André et TONNERRE, Noël-Yves, La Bretagne féodale, XIe-XIIIe siècle, Rennes, Editions Ouest-France, 1987. [pages 88-89]

Lors de cette expédition, Henri II Plantagenêt s’empare du château de Hédé, possession de Geoffroy Ier, probablement héritée de ses grands-parents. Hédé est une place forte 3 qui constitue un emplacement stratégique pour les troupes du roi d’Angleterre. Après s’être emparé du château, le Plantagenêt le fait fortifier et y installe une garnison.

La seigneurie de Gaël-Montfort partagée en deux

L’historien Noël-Yves Tonnerre rapporte que

Geoffroy de Montfort estima à sa mort en 1187, que sa châtellenie pouvait être partagée entre ses deux fils. Raoul reçut la seigneurie de Gaël et Guillaume la seigneurie de Montfort. […]

Chédeville, André ; Tonnerre, Noël-Yves (1987) op. cit., p. 157

La raison de ce morcellement de la seigneurie de Gaël et de Montfort, quelques mois après la publication de l’Assise au comte Geoffroy interroge les historiens 4. Cette Assise a été mise en place en 1185 par le duc Geoffroy Plantagenêt. Elle confirme - sans obligation d’application - ce qui était déjà mis en pratique, à savoir le droit d’aînesse, qui fait disparaître le partage équitable entre les descendants pour éviter un morcellement excessif des fiefs. Elle renferme des motivations politiques et militaires qui permettront aux successeurs du duché de renforcer l’autorité ducale.

On aurait pu croire que l’Assise de 1185, dite « au comte Geoffroy », avait pour seul but de fixer les règles de succession dans l’aristocratie militaire bretonne. En fait, elle avait aussi une grande importance politique. [...] L’Assise n’était qu’un texte contractuel et volontaire. Si le baron ou le chevalier ne le voulait pas, il pouvait refuser d’y adhérer et continuer de suivre des règles qui lui étaient propres. Mais s’il l’acceptait, l’acte lui fournissait l’opportunité juridique d’éviter de diviser ses terres et permettait ainsi la sauvegarde du patrimoine dans les mains du fils aîné. Il pouvait donc se reposer sur cet acte juridique afin de repousser la forte pression venant de ses frères cadets ou de ses sœurs. Par ailleurs, par cette Assise, le duc promit de ne plus interférer dans les successions, sauf en cas d’absence d’héritier mâle. Surtout, Geoffroy avait des intérêts personnels à élaborer cette Assise. Elle lui permettait de s’emparer des biens des Eudonides dans le Trégor et dans le Penthièvre.

MORVAN, Frédéric, « Les règlements des conflits de succession dans la noblesse bretonne au XIIIe siècle », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, Vol. 116 / 2, 2009, Voir en ligne.

On peut s’interroger si ce morcellement de la seigneurie de Gaël-Montfort n’est pas lié à la parenté entre Geoffroy Ier et Eudes II de Porhoët, son oncle, ennemi farouche du roi Henri II. En représailles, Eudes s’était vu enlever le Porhoët. Il est plausible que suite à son engagement, Geoffroy Ier ait été puni et que la division de sa seigneurie lui ait été imposée, à l’exemple de Hervé de Léon.

Ce fut, en effet, sous la contrainte d’Henri II et de son fils, Geoffroy, que les vicomtes de Léon durent partager leurs domaines divisant en deux branches la maison vicomtale, celle aînée dite aussi vicomtale et celle cadette, dite des Hervé de Léon.

Date de la mort de Geoffroy Ier

Selon les historiens Chédeville et Tonnerre, Geoffroy Ier est mort en 1187. Il semble qu’il y ait une erreur et que celle-ci soit de 1181 : pour preuve le texte des originaux de la Chronique de Robert de Torigni, abbé du Mont-Saint-Michel de 1154 à sa mort en 1186 :

Mon très aimé Geoffroy de Montfort homme devant être pleuré mourut en Bretagne ; lui succéda son fils né de la famille de Rualendi de Saie 5.

TORIGNI, Robert, Chronique de Robert de Torigni, abbé du Mont-Saint-Michel ; suivie de divers opuscules historiques de cet auteur et de plusieurs religieux de la même abbaye., Vol. 2, Rouen, Librairie de la société de l’histoire de Normandie, 1873, Voir en ligne. p. 97

La date « 1181 » figure en tête de chapitre — Robert de Torigni (1154-1186) op. cit., p. 93 —. L’historien Dom Morice reprend la même référence —  MORICE, Dom Pierre-Hyacinthe, Mémoires pour servir de preuves à l’histoire ecclésiastique et civile de Bretagne, Vol. 1, Paris, Charles Osmont, 1742, Voir en ligne. col. 135 — Si 1181 est la véritable date de la mort de Geoffroy Ier, le partage de la seigneurie de Gaël-Montfort, intervient avant l’Assise au comte Geoffroy datée de 1185.

Geoffroy Ier possesseur de terres en Normandie

Geoffroy Ier de Montfort est marié à Gervaise de Say 6. Le nom de Gervaise de Say est mentionné au 12e siècle à Quettreville, fief noble relevant de l’ancienne baronnie normande de Say à Guéhébert.

Gervaise de Say confirmant une charte de donation faite par Richard de Guéhébert en faveur du prieuré de la Roelle, situé dans cette paroisse.

FIERVILLE, Charles, Étude historique sur le marquisat de Marigny (Manche), Coutances, Impr. de Daireaux, 1874, Voir en ligne. p. 78

Deux donations non datées font également part de Gervaise de Say. La première dans la région de Coutances.

La donation de Gouville à Savigny, faite par Gervaise de Say, femme de Geoffroy de Montfort, fut confirmée par une charte de Henri II, donnée, sans date, à Valognes, apud Valoignias.

POTIN DE LA MAIRIE, Nicolas-René, Recherches historiques, archéologiques et biographiques sur les possessions des Sires normands de Gournay. Le Bray normand et le Bray picard, Vol. 1, Gournay-en-Bray, Letailleur-Andrieux, Imprimeur-libraire, 1852, Voir en ligne. p. 127

La seconde donation concerne Quettreville.

L’ancienne baronnie de Say a laissé beaucoup de traces dans cette commune. Geoffroy de Montfort, qui possédait cette terre au nom de Gervaise de Say, sa femme, la donna à l’abbaye de Savigny.

Potin de La Mairie, N.-R. (1852) op. cit., vol. I, p. 179

A la fin du 12e siècle la baronnie de Say est réunie à celle de Remilly.

[…] l’alliance de Richard du Hommet avec Agnès de Say, fille de Jourdain de Say avait amené la réunion des baronnies de Say et de Remilly […] Dans la partie de la paroisse de Quettreville, nommée Say, il devait y avoir au XIIe et au XIIIe siècle une chapelle de Say qui appartenait à l’abbaye de Savigny.

Fierville, Ch. (1874) op. cit., vol. I, p. 85

Aux 13e et 14e siècles, la baronnie de Say est absorbée par celles de Marigny et de Remilly qui reviendront chacune à la famille de Malesmains. Jeanne de Malesmains qui en est l’héritière l’apportera aux Montauban de Bretagne par son union avec Olivier V de Montauban. Enfin elle échouera aux Rohan en 1443, suite au mariage de Marie de Montauban avec Louis Ier de Rohan.


Bibliographie

CHÉDEVILLE, André et TONNERRE, Noël-Yves, La Bretagne féodale, XIe-XIIIe siècle, Rennes, Editions Ouest-France, 1987.

FIERVILLE, Charles, Étude historique sur le marquisat de Marigny (Manche), Coutances, Impr. de Daireaux, 1874, Voir en ligne.

MORICE, Dom Pierre-Hyacinthe, Mémoires pour servir de preuves à l’histoire ecclésiastique et civile de Bretagne, Vol. 1, Paris, Charles Osmont, 1742, Voir en ligne.

MORVAN, Frédéric, « Les règlements des conflits de succession dans la noblesse bretonne au XIIIe siècle », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, Vol. 116 / 2, 2009, Voir en ligne.

POTIN DE LA MAIRIE, Nicolas-René, Recherches historiques, archéologiques et biographiques sur les possessions des Sires normands de Gournay. Le Bray normand et le Bray picard, Vol. 1, Gournay-en-Bray, Letailleur-Andrieux, Imprimeur-libraire, 1852, Voir en ligne.

TORIGNI, Robert, Chronique de Robert de Torigni, abbé du Mont-Saint-Michel ; suivie de divers opuscules historiques de cet auteur et de plusieurs religieux de la même abbaye., Vol. 2, Rouen, Librairie de la société de l’histoire de Normandie, 1873, Voir en ligne.

SAINTE-MARTHE, Denis de, Gallia Christiana, in provincias ecclesiasticas distributa ; in qua series et historia archiepiscoporum, Episcoporum et Abbatum, Vol. 11, Paris, excudebat J. B. Coignard, 1759, Voir en ligne.


↑ 1 • Amicie est la sœur d’Eudes II (Eudon), héritier de la vicomté de Porhoët, qui est duc de Bretagne de 1148 à 1154. Elle a d’autres frères : Jostho, cité en 1149, Alain, auteur de la branche de La Zouche, installé en Angleterre en 1172 et Etienne.

↑ 2 • D’après certains historiens, Wace, historiographe de Henri II, aurait pu se rendre à la fontaine de Barenton en 1168 au cours d’une de ces campagnes militaires

↑ 3 • Un acte de 1085 signé du duc Alain Fergent mentionne l’existence du château de Hédé.

↑ 4 • Les historiens ne retiennent pas l’hypothèse de Guillotin de Corson selon laquelle Geoffroy 1er était père de deux fils ainés jumeaux qui se partagèrent la succession paternelle.

↑ 5 • Texte original :

Obiit vir plangendus, carissimus meus Gaufredus de Monteforti in Britannia, cui successit filius ejus, natus ex filia Rualendi de Saie

↑ 6 • La baronnie de Say est une ancienne seigneurie normande déjà mentionnée en 1060.

Une charte de 1060 Donationes factae sancto Martino trouvée dans le XIe volume du Gallia Christiana mentionne un Robert de Sayo surnommé Picot. Picot de Say et ses fils, Robert et Henri font à St-Martin de Séez des donations dans la paroisse de Say.

SAINTE-MARTHE, Denis de, Gallia Christiana, in provincias ecclesiasticas distributa ; in qua series et historia archiepiscoporum, Episcoporum et Abbatum, Vol. 11, Paris, excudebat J. B. Coignard, 1759, Voir en ligne. pp. 152-153