aller au contenu

1920-1924

Les monuments commémoratifs de la Première guerre mondiale à Paimpont

Trois monuments commémoratifs de la Première guerre mondiale ont été érigés à Paimpont entre 1920 et 1924.

1914-1922 —Cent-quarante Paimpontais « Morts pour la France »

Entre août 1914 et novembre 1918, cent-dix-sept Paimpontais sont déclarés « Morts pour la France » 1.

Vingt-cinq d’entre-eux meurent au cours des six premiers mois de guerre. Jean-Baptiste Gesvret, le premier d’entre eux, a vingt-cinq ans lorsqu’il est tué à l’ennemi le 21 août 1914 à Arsimont en Belgique au cours de la « bataille des frontières » 2. Pierre Gilet, premier blessé rapatrié, meurt à la Touche Guérin en Paimpont des suites de ses blessures le 21 octobre 1914.

À partir de novembre, les tranchées se multiplient sur un front stabilisé de près de 700 km entre la mer du Nord et la Suisse. Au rêve de la grande bataille qui devait décider du sort des nations se substitue le « grignotage » et le désir de percée du généralissime Joffre 3. Les pertes sont effroyables et le résultat désastreux.

La vie de la commune est rythmée par les annonces des vingt-huit Paimpontais morts en 1915 dans leurs tranchées de la Marne, de la Meuse ou du Pas-de-Calais.

Alexandre Saunier
A.M. Paimpont

Six d’entre-eux - Armand Robert mort à l’ennemi , Alexandre Saunier disparu au combat, Pierre Guérin présumé tué, Armand Renault disparu au cours des combats, Célestin Étrillard disparu présumé tué et Vital Boscherie mort des suites des blessures de la guerre - décèdent au cours de la bataille de Roclincourt (Pas-de-Calais) entre le 9 mai et le 16 juin 1915 .—  MÉMOIRES DE PIERRE EN PAS-DE-CALAIS, « Roclincourt : Monument à la mémoire des 88e et 288e R.I. et 135e territorial », Mémoires de pierre en Pas-de-Calais, 2011, Voir en ligne. —

Cadavres allemands à Roclincourt en 1915.

Les années de guerre se succèdent et le décompte des morts continue : dix-neuf en 1916, vingt-quatre en 1917, dix-huit en 1918. Pour plus de la moitié d’entre eux, déclarés disparus, présumés tués ou supposés décédés l’espoir est encore possible.

Le 11 novembre 1918, au moment où l’armistice est signé entre l’Allemagne et la France, Pierre Jan expire à vingt ans de maladie en captivité dans le camp de prisonniers de Laz Czerck en Allemagne. Il est le dernier Paimpontais à mourir avant la fin officielle de la guerre.

Mais le décompte des morts ne s’arrête malheureusement pas avec l’armistice. Le 27 décembre 1918, Alexis Leroux, rapatrié d’Allemagne décède à l’hôpital de Besançon des suites de ses blessures.

À partir de 1921, des tribunaux statuent sur l’état civil des soldats présumés disparus, disparus au combat, présumés tués ou présumés prisonniers. Trente-cinq Paimpontais sont ainsi définitivement considérés comme Morts pour la France.

Les derniers blessés sont rapatriés, comme Pierre Percepied, décédé le 25 août 1922 des suites des blessures de la guerre, cent-quarantième et dernier mort officiel Paimpontais pour la France.

Trois monuments commémoratifs

Au début des années vingt, la plupart des familles souffrent de l’absence de sépulture ou de lieu de recueillement pour pleurer leurs morts. Ils reposent dans les grands cimetières, dans les ossuaires ou sur les champs de bataille du Nord et de l’Est de la France. Dans chaque commune, le deuil national s’organise afin de fournir à chacun d’entre-eux un monument commémoratif digne de ce nom.

Il faut multiplier les chiffres des monuments proprement dits – ceux des 36 000 communes – par quatre ou cinq au moins pour donner une idée de la tension commémorative des années vingt : chacun des morts a droit à son nom gravé publiquement dans sa commune, mais aussi dans son entreprise, son école, sa paroisse... Et les pièces principales de millions de foyers se transforment en autels familiaux où l’on expose photographies et souvenirs.

BECKER, Anne, « La Grande Guerre, entre mémoire et oubli », Cahiers français, 2001.

S’il y a en général consensus sur le type de monument à réaliser, le choix de son emplacement est l’objet de cristallisation des oppositions entre catholiques et républicains.

Il fallait opter entre le pôle républicain - mairie - et le pôle religieux - cimetière où église. Les empoignades ne sont pas rares dans un certain nombre de conseils municipaux d’Ille-et-Vilaine pour savoir qui de la place ou du cimetière est le lieu le plus approprié pour ériger ce témoignage du souvenir.

JORET, Eric et LAGADEC, Yann, Hommes et femmes d’Ille-et-Vilaine dans la Grande Guerre, Rennes, Département d’Ille-et-Vilaine / Société Archéologique et Historique d’Ille-et-Vilaine, 2014, 427 p. [page 335]

Les Paimpontais quant à eux optent pour trois monuments commémoratifs, érigés à Paimpont entre 1920 et 1924. Le premier est inauguré en 1920 dans l’église, le deuxième au début 1924 dans le cimetière, le dernier sur la place du bourg en juin de la même année.

1920 — Les plaques commémoratives de l’église

En 1920, alors que les tribunaux n’ont pas encore délibéré sur le statut de nombreux Paimpontais présumés tués, leurs familles érigent un premier monument commémoratif dans l’église paroissiale 4.

Le 11 novembre 1920, deux plaques de marbre sont inaugurées dans le transept de l’église à l’issue d’un service solennel. Placées de chaque côté du chœur, elles commémorent le nom de cent-trente-et-un Paimpontais « Morts pour la France ». Ils sont regroupés par lieudits. —  EALET, Jacky et LARCHER, Guy, Paimpont en Brocéliande, Beignon, Les oiseaux de papier, 2015. [page 323] —

Plaques commémoratives de l’église de Paimpont (1)
Guy Larcher
Plaques commémoratives de l’église de Paimpont (2)
Guy Larcher

1924 — Le tableau commémoratif de la guerre 14-18

Un deuxième monument commémoratif est érigé dans le cimetière en 1924. Il est construit à l’initiative d’une entreprise nantaise 5 - Tableaux commémoratifs de la guerre 1914-1918 - qui démarche la commune de Paimpont à l’été 1923 afin d’en proposer la création 6.

En tête de lettre de "Tableaux Commémoratifs de la Guerre 1914-1918"
A. M. de Paimpont 1 M1

Ce projet de monument est dans un premier temps favorablement accueilli par Paul Cochet, maire de Paimpont.

Lettre du maire de Paimpont au Comité de Direction et Administration de « Tableaux commémoratifs de la guerre 1914-1918 »
Je soussigné maire de la commune de Paimpont accepte l’offre gratuite du tableau commémoratif destiné à recevoir les émaux reproduisant les noms et photographies des soldats de la commune morts au champ d’honneur. Ce présent tableau commémoratif devant perpétuer aux générations futures le souvenir impérissable des soldats de la commune tués ou disparus au cours de la guerre sera exposé par mes soins au cimetière.

A. M. de Paimpont 1 M1

En juillet 1923, ayant pris conscience de la dimension commerciale et partiale du monument - seules les familles ayant payé auront une photographie en médaillon de leur mort - le maire envoie une lettre au Comité de Direction et d’Administration de l’entreprise afin de mettre fin au projet.

Lettre du maire de Paimpont du 23 juillet 1923 au Comité de Direction et Administration du « Tableaux commémoratifs de la guerre 1914-1918 »
[...] Veuillez remarquer que j’ignorais tout de ce que vous avez inscrit et que je pouvais m’attendre à recevoir la photographie de tous les soldats de Paimpont décédés. [...] Et puis, ce tableau renferme des erreurs et lacunes qui ne me permettent pas de le prendre en charge. [...] Et surtout, sans m’en avoir prévenu pourquoi, ce tableau commémoratif est-il indiqué comme « Offert par la commune ». Croyez-vous donc que je voudrais bien me permettre de l’exposer soit en mairie, soit sur le Monument aux morts ou ailleurs alors qu’une partie des militaires n’y figurent pas. Avant de commencer votre travail d’exécution n’auriez-vous pas dû me consulter pour connaitre mes conditions d’acceptation au nom de la commune ? Vous avez au contraire réglé toute cette affaire de votre propre initiative et vous en supporterez toute la responsabilité, et je vous préviens que ce tableau commémoratif ne sera jamais exposé au public pour toutes les raisons que je viens d’indiquer.

A. M. de Paimpont 1 M1

L’avocat de l’entreprise lui répond le 23 août, le menace d’être appelé en justice comme représentant de sa commune ou en responsabilité personnelle et le somme de répondre dans les quatre jours.

Lettre de Camille Favreau, avocat conseil, du 23 août 1923, au maire de Paimpont
Est-ce vraiment quand des dépenses relativement fortes sont exposées, que de véritables contrats sont passés avec les familles et les moitiés des cotisations touchées, que vous pouvez mettre un véto ? Ma cliente ne désire aucun litige, mais j’en vois d’inévitables [...]

A. M. de Paimpont 1 M1

Finalement, le monument est érigé au centre du cimetière au début de l’année 1924. Les photographies de cinquante-cinq des cent-quarante Paimpontais 7 Morts pour la France ornent un tableau de marbre surmonté de la mention Des familles de Paimpont à leurs morts pour la France remplaçant le Offert par la commune prévu à l’origine.

Plaque commémorative du cimetière de Paimpont
Guy Larcher@2017

En 2017, trente-sept des cinquante-cinq photographies émaillées étaient encore présentes sur le panneau de marbre 8.

1924 — Le Monument aux morts

Le 10 septembre 1922, le conseil municipal de Paimpont approuve par délibération l’érection à titre d’hommage public, d’un monument à la mémoire des enfants de cette commune morts pour la France. Entre cette décision et l’inauguration du 15 juin 1924, deux ans de démarches administratives ont été nécessaires à l’édification du monument.— A. M. de Paimpont 1 M1 —

La liste des noms à graver sur le Monument aux morts

Les vérifications administratives concernant l’état civil et la mention Mort pour la France des noms à inscrire sur le futur Monument aux morts mobilisent les services de la mairie durant de long mois. La liste initiale des noms à graver comprend cent-cinquante-sept Paimpontais. Au final, le nom de cent-quarante d’entre-eux sera retenu. —  MAIRIE DE PAIMPONT, « Noms à graver sur le Monument de Paimpont », 1922, Voir en ligne. —

Le financement du monument

À partir de l’été 1922, la municipalité lance une souscription et invite chaque ménage de Paimpont a participer à l’œuvre commune 9. Six mois plus tard, 4727 fr. ont été collectés pour la réalisation du monument.

Le 7 décembre 1922, le coût total des travaux est estimé à 30 600 fr. Malgré un crédit communal de 20 373 fr., il manque 5500 fr à la municipalité pour boucler son budget. Elle sollicite donc une subvention du Ministère de l’Intérieur et obtient 4916 fr versés le 31 décembre 1923 10, portant répartition d’une somme attribuée au département à titre de participation de l’État aux dépenses d’érection de Monuments aux Morts pour la Patrie. — A. M. de Paimpont 1 M1 —

Le coût du projet, diminué de 900 fr en avril 1923, est validé par le préfet le 4 mai 1923.

L’emplacement du monument

Le choix de l’emplacement du Monument aux morts est acté le 7 décembre 1922 par le conseil municipal de Paimpont. Comme dans un tiers des communes d’Ille-et-Vilaine, la place de l’église a été choisie pour accueillir le monument 11. — A. M. de Paimpont 1 M1 —

Projet de localisaton du Monument aux morts de Paimpont
A. M. de Paimpont
Des obus pour orner le monument

Avant même d’avoir statué sur son aspect, la commune de Paimpont entame des procédures de cession de trophées de guerre pour orner le futur Monument aux morts. Le 8 novembre 1922, le maire de Paimpont demande au Ministère de la guerre de lui céder 8 obus de gros calibres et de 2 crapouillots destinés à orner le monument commémoratif .— A. M. de Paimpont 1 M1 —

La cession de matériel est renvoyée au Ministère du commerce et de l’industrie, en charge de la liquidation des stocks militaires. Le 24 novembre, ce dernier attribue à titre de trophées de guerre à la commune de Paimpont 2 canons de 58, à défaut de crapouillots épuisés, à prendre à l’entrepôt des Réserves Générales de Bourges (Cher) et 8 obus de 270 à prendre à l’Atelier de Construction de Rennes (Ille-et-Vilaine). — A. M. de Paimpont 1 M1 —

Le choix de l’entrepreneur

Jules Hignard 12, entrepreneur en granit à Lanhélin (Ille-et-Vilaine) est chargé du plan d’exécution du monument commémoratif d’après un marché gré à gré avec Paul Cochet, maire de Paimpont, entamé en septembre 1922 et finalisé le 27 juin 1923 par délibération du conseil municipal.

Construction d’un monument commémoratif aux Morts pour la France sur la place publique de Paimpont

M Hignard sus désigné s’engage à faire la fourniture et pose d’un Monument aux morts de Paimpont d’après le plan d’exécution tracé par M. Montrand architecte. Cette fourniture comprend tout le granit, la maçonnerie de blocage des marches, le transport, le motif de sculpture et la croix de guerre, les dés qui recevront les obus, la pose de ces obus et du poilu, ainsi que les chaines reliant les obus. Les quatre faces du socle seront polies pour y graver le nom des morts ; en un mot, il restera seulement à fournir pour la commune les moellons pour faire le blocage ainsi que les ais nécessaires pour faire l’échafaudage pour le montage du monument (poilu compris) et les obus et le sable.[...] M Hignard sera également chargé de l’aménagement de la place aux abords du monument suivant le devis dressé par M. Davy agent voyer à Plélan.

En tête de lettre de Jules Hignard, entrepreneur de travaux de granit
— A. M. de Paimpont 1 M1 —

Jules Hignard propose à la municipalité un projet de M. Montrand, architecte, consistant en un obélisque surmonté d’une sculpture d’un Poilu en bronze.— A. M. de Paimpont 1 M1 —

Lettre de Jules Hignard au maire de Paimpont du 28 novembre 1922.
Veuillez trouver sous ce pli le plan que vous me demandez dans votre lettre du 9 novembre. Monsieur Montrand architecte qui l’a dressé n’est pas un inconnu pour votre pays, sa mère est originaire de Paimpont. Il a su donner un cachet d’artiste à votre monument. C’est un ancien élève des beaux-arts, très connu.

A. M. de Paimpont 1 M1

Le monument comprenant un Poilu sur son socle, entouré d’obus reliés par des chaines, a été choisi par près de 20 % des communes du département d’Ille-et-Vilaine. —  JORET, Eric et LAGADEC, Yann, Hommes et femmes d’Ille-et-Vilaine dans la Grande Guerre, Rennes, Département d’Ille-et-Vilaine / Société Archéologique et Historique d’Ille-et-Vilaine, 2014, 427 p. [page 355] —

Projet pour le Monument aux morts de Paimpont
— A. M. Paimpont 1 M 1 —
La sculpture du Poilu

Le 29 septembre 1922, le Conseil municipal contacte l’entreprise Jules Pollacchi sculpteur, établie à Limoges 13. Le Conseil choisit son Poilu sur catalogue et opte pour le modèle n°1 en bronze d’art, Poilu montant la garde, pour un coût de 5700 fr 14.

Jules Pollacchi sculpteur
A. M. de Paimpont 1M1

Le projet de Monument aux morts est envoyé à la préfecture en décembre 1922. L’approbation du monument, du modèle de statue et de leur coût, sont en effet soumis à l’avis favorable de la commission artistique départementale mise en place par la préfecture, puis à sa validation par le ministère de l’intérieur. Le 12 mars 1923, la commission rend un avis défavorable, comprenant deux objections concernant la sculpture du Poilu.

Lettre du sous-préfet de Montfort au maire de Paimpont du 12 mars 1923
Le projet présenté n’a pas été établi pour que le monument soit surmonté d’un poilu. Il y a en conséquence lieu d’étudier un nouveau projet. D’autres part l’œuvre sculpturale devrait être originale étant donné l’importance de la dépense.

A. M. de Paimpont 1 M1

Informé de l’avis défavorable, Jules Pollacchi réfute les arguments de la commission et défend sa sculpture et son prix dans une lettre du 19 mars 1923 adressée à la mairie de Paimpont.

Lettre de Jules Pollacchi au maire de Paimpont du 19 mars 1923
Quant à l’objection visant l’œuvre sculpturale, je me permettrais de faire remarquer qu’il n’est pas exact que, pour le prix de 5700, ou 3250, suivant qu’il s’agit d’un bronze d’art ou de fonte de fer, on puisse avoir un sujet inédit. Ce qui me permet de vendre mes œuvres à un prix si avantageux pour mes clients, c’est parce que mes frais généraux et ceux de mon fondeur sont relativement peu élevés et que nous voulons nous contenter de bénéfices raisonnables afin de pouvoir concurrencer des industriels qui ont l’avantage d’avoir lancé avant nous des sujets artistiques. Il suffit de consulter les catalogues de ces maisons pour se rendre compte que les modèles du genre du mien sont vendus 9 et 10 000 fr quand ils sont en bronze 15. Il est d’ailleurs bien entendu que ce sont là des sujets fondus en série et non les originaux. Étant donné le nombre infini de monuments qui s’érigent sur le territoire de la France et aux Colonies, c’est vouloir presque exiger l’impossible que de demander un modèle à soi et qui ne devra pas être reproduit ailleurs. L’essentiel c’est d’avoir un sujet artistique, bien planté, bien exécuté et qui symbolise l’idée de notre force, sous ce rapport, mon Poilu ne laisse rien à désirer.

A. M. de Paimpont 1 M1

Le devis est finalement validé par le préfet le 4 mai 1923 16. La statue, réalisée chez un fondeur de Castelnaudary (Aude) arrive à Mauron le 16 août 1923 par voie ferrée, puis par camion à Paimpont. — A. M. de Paimpont 1 M1 —

Les chaines d’entourage

La réalisation des chaines en fer forgé reliant les huit obus ornant le Monument aux morts est confiée à l’entreprise de serrurerie d’art L. Mary-Prochasson de Paris. Les chaines arrivent en gare de Mauron le 14 avril 1924.

Lettre de L. Mary-Prochasson à Jules Hignard du 1er mai 1924
— A.-M. 1 M1 —

L’entreprise « Machines Agricoles Albert Edet », fondeur constructeur aux Forges de Paimpont, est chargée du montage des deux canons de 58 mm disposés au pied du monument et de la pose des chaines reliant les huit obus de 270 mm.— A. M. de Paimpont 1 M1 —

Le Monument aux morts de Paimpont dans les années 20
Détail de la carte postale 3439- Paimpont (l’église)
L’inauguration du monument

Le Monument aux morts est inauguré le 15 juin 1924 sur la place publique du bourg.

Le dimanche 15 juin aura lieu la cérémonie officielle d’inauguration du monument commémoratif érigé sur la place de l’Église. D’une belle simplicité, mais d’une justesse de proportions et d’une élégance de lignes parfaites, d’une exécution remarquable et d’un ensemble harmonieusement artistique, ce monument témoigne d’un goût très sûr dans le choix du style et fait grand honneur à ceux qui l’ont conçu et réalisé.

La cérémonie d’inauguration sera présidée par M. le sous-préfet de Montfort. Des invitations ont été adressées à M. le général commandant le 10e Corps d’armée, à MM. les maires des communes du canton et à diverses personnalités. La très appréciée société musicale de l’École de Rééducation des Mutilés de Rennes prêtera son concours à cette solennité qui se déroulera dans l’ordre suivant

À 10 heures (heure officielle). Service commémoratif, célébré en l’église paroissiale.
À 11 heures, bénédiction du monument.
À 11 h. 30, cérémonie officielle d’inauguration, éloge funèbre des enfants de la commune morts pour la France, appel des morts, exécution de l’hymne national.

ANONYME, « Inauguration du monument aux morts », L’Ouest-Éclair, 1/06, Rennes, 1924, p. 6, Voir en ligne.
L’inauguration du Monument aux morts de Paimpont le 15 juin 1924

La population découvre la liste des cent-quarante Paimpontais Morts pour la France, gravée sur les quatre faces de l’obélisque portant la dédicace LA COMMUNE DE PAIMPONT À SES ENFANTS MORTS POUR LA FRANCE 1914-1918 - 1870-1871 .
—  BRAULT, Mikaël, « Paimpont : Monuments aux morts », Mémorial gen Web, Recenser, Perpétuer, Honorer, 2003, Voir en ligne. —

Contrairement aux plaques commémoratives de l’église, les morts ne sont pas classés selon leur localisation par lieudits mais par ordre alphabétique, montrant la volonté de centralisation de la municipalité autour de son bourg.

La cérémonie est suivie d’un banquet à l’hôtel Allaire.

À 13 heures, banquet officiel servi à l’excellent hôtel Allaire. La commune de Paimpont convie gratuitement à ce banquet les anciens combattants de 1870 et tous les mobilisés domiciliés à Paimpont ou ses alentours pendant la grande guerre, et un membre de chaque famille des morts pour la France, père, mère, veuve non remariée, ou enfant. Se faire inscrire et retirer ses cartes avant le 9 juin au secrétariat de la Mairie. En dehors des invités officiels ci-dessus, les personnes désireuses d’assister au banquet, ainsi que les dames, peuvent se procurer des cartes au secrétariat de la Mairie, au prix de 10 francs chaque.

ANONYME, « Inauguration du monument aux morts », L’Ouest-Éclair, 1/06, Rennes, 1924, p. 6, Voir en ligne.

Pour dix francs, les invités peuvent profiter du menu concocté par le gérant de l’hôtel Allaire.

Menu du repas d’inauguration du Monument aux morts de Paimpont du 15 juin 1924
— A. M. de Paimpont 1 M1 —
1930 — Un projet de grille

En juin 1930, la commune de Paimpont passe commande à Albert Edet, fondeur constructeur aux Forges de Paimpont, d’une grille en fer forgé pour le Monument aux morts.

Lettre d’Albert Edet au maire de Paimpont du 25 juin 1930
Je l’ai comprise en fer à U avec barreaux de 20 mm, espacés de 14 cm. Les deux barreaux des extrémités sont prolongés pour être scellés dans le sol [...] Le prix de cette grille serait de 88 Frs le mètre courant, pose comprise. Le portillon à un ventail avec serrure serait facturé en plus au prix de 235 Frs posé. Ces prix s’entendent avec une couche de peinture au minimum.

A. M. de Paimpont 1 M1
Projet de grille pour le Monument aux morts de Paimpont
A. M. de Paimpont 1M1

2012 — Le déplacement du Monument aux morts

En 2012, la place de l’église est entièrement remaniée en vue de l’ouverture du nouvel office de tourisme. L’ancien Monument aux morts, déplacé de quelques mètres, est remonté à l’angle nord de la place.

Le réaménagement du Monument aux morts de Paimpont en 2012
Roger Blot

Les obus et les chaines en fer forgé sont retirées à cette occasion. La statue du Poilu montant la garde est peinte.

Le Poilu du Monument aux morts de Paimpont en 2012
Roger Blot

Bibliographie

ANONYME, « Inauguration du monument aux morts », L’Ouest-Éclair, 1/06, Rennes, 1924, p. 6, Voir en ligne.

BECKER, Anne, « La Grande Guerre, entre mémoire et oubli », Cahiers français, 2001.

BRAULT, Mikaël, « Paimpont : Monuments aux morts », Mémorial gen Web, Recenser, Perpétuer, Honorer, 2003, Voir en ligne.

DALLOZ, Victor, « La loi du 2 juillet 1925 », in Guerre de 1914 : documents officiels, textes législatifs et réglementaires., Vol. 5, Paris, Dalloz, 1918, (« Dalloz »), Voir en ligne.

EALET, Jacky et LARCHER, Guy, Paimpont en Brocéliande, Beignon, Les oiseaux de papier, 2015.

FOURNIER, Pascal et AUBRY, Martine, « HIGNARD Jules & Fils- Marbrier (Marbrerie) », Les monuments aux morts, 2023, Voir en ligne.

JORET, Eric et LAGADEC, Yann, Hommes et femmes d’Ille-et-Vilaine dans la Grande Guerre, Rennes, Département d’Ille-et-Vilaine / Société Archéologique et Historique d’Ille-et-Vilaine, 2014, 427 p.

LE NAOUR, Jean-Yves, « «  Je les grignote  », disait Joffre », in 1914-1918, Perrin, 2018, p. 323-348, Voir en ligne.

MAIRIE DE PAIMPONT, « Noms à graver sur le Monument de Paimpont », 1922, Voir en ligne.

MÉMOIRES DE PIERRE EN PAS-DE-CALAIS, « Roclincourt : Monument à la mémoire des 88e et 288e R.I. et 135e territorial », Mémoires de pierre en Pas-de-Calais, 2011, Voir en ligne.

QUILLIVIC, Claude, « Monument aux morts (Paimpont) », sans date, Voir en ligne.


↑ 1 • La loi du juillet 1915 institue la mention Mort pour la France avec effet rétroactif pour le début du conflit, afin d’honorer la mémoire de tout soldat ou civil tué à l’ennemi, mort des suites de ses blessures ou d’une maladie contractée sur le champ de bataille.

Si la nationalité française est exigée pour les victimes civiles, elle ne l’est pas pour les membres des forces armées. Sont également concernés les indigènes de l’Algérie, des colonies ou pays de protectorat et les engagés au titre étranger, tués dans les mêmes circonstances.

La mention Mort pour la France est délivrée après avis favorable de l’autorité ministérielle pour les personnes décédées entre le 2 août 1914 et le 24 octobre 1919, date légale de la cessation des hostilités. Dans tous les cas, la preuve doit être apportée que la cause du décès est la conséquence directe d’un fait de guerre et la seule présomption ne suffit pas à obtenir cette mention. —  JORET, Eric et LAGADEC, Yann, Hommes et femmes d’Ille-et-Vilaine dans la Grande Guerre, Rennes, Département d’Ille-et-Vilaine / Société Archéologique et Historique d’Ille-et-Vilaine, 2014, 427 p. —

↑ 2 • La bataille des frontières a lieu du 7 au 24 août 1914.

↑ 3 • Le désir de percée du généralissime Joffre est soutenu par la foi dans la possibilité de faire craquer le front ennemi en un point.

Une fois que la ligne ennemie sera enfoncée, à un endroit donné, il suffira de s’engouffrer dans la brèche pour que le front craque et que l’ennemi se replie de partout…

LE NAOUR, Jean-Yves, « «  Je les grignote  », disait Joffre », in 1914-1918, Perrin, 2018, p. 323-348, Voir en ligne.

↑ 4 • Certaines paroisses d’Ille-et-Vilaine ont érigé un monument dans leur église dès les premières années de guerre.

C’est ainsi que dès le début 1915, à l’instar du curé de Maxent qui plaça dans l’entrée du chœur de son église, à côté de la statue de Jeanne d’Arc, un « cadre d’or » où était inscrit les noms des Maxentais victimes de la guerre afin que cette énumération chronologique dise et redise « aux générations futures nos gloires et nos deuils », de nombreux curés affichèrent dans leur église la liste des morts de la paroisse : ce « monument de papier » complété au fur et à mesure de l’arrivée des avis de décès, sera transformé immédiatement après la guerre en deux plaques de marbre blanc disposées de part et d’autre de l’autel de Notre-Dame du Perpétuel Secours.

JORET, Eric et LAGADEC, Yann, Hommes et femmes d’Ille-et-Vilaine dans la Grande Guerre, Rennes, Département d’Ille-et-Vilaine / Société Archéologique et Historique d’Ille-et-Vilaine, 2014, 427 p. [page 334]

↑ 5 • Trois entreprises nantaises et une entreprise rennaise proposaient la confection et la vente de tableaux commémoratifs ou tableaux d’honneur de la guerre 1914-1918 aux communes d’Ille-et-Vilaine au début des années vingt.

  • Tableaux commémoratifs de la guerre 1914-1918, 5 rue Racine à Nantes, dirigé par Madame Berthe veuve Adam.
  • Les portraits Voltaire. Médaillons commémoratifs, rue Lamartine à Nantes, dirigés par J. Gardet
  • Paul de la Fuente spécialiste d’articles funéraires, émaux photographiques inaltérables pour tombes et monuments commémoratifs, tableau d’Honneur des morts de la Grande Guerre
  • Maurice Verhasselt, fabricant d’émaux, rue du Pré Botté à Rennes

—  JORET, Eric et LAGADEC, Yann, Hommes et femmes d’Ille-et-Vilaine dans la Grande Guerre, Rennes, Département d’Ille-et-Vilaine / Société Archéologique et Historique d’Ille-et-Vilaine, 2014, 427 p. [page 372] —

↑ 6 • L’entreprise nantaise Tableaux commémoratifs de la guerre 1914-1918 a aussi démarché les communes de Maxent et Renac dans lesquels figurent des plaques de marbre à médaillons photographiques réalisées sur le même modèle.

Tableau d’honneur de Maxent
—  JORET, Eric et LAGADEC, Yann, Hommes et femmes d’Ille-et-Vilaine dans la Grande Guerre, Rennes, Département d’Ille-et-Vilaine / Société Archéologique et Historique d’Ille-et-Vilaine, 2014, 427 p.
[page 372] —
Jean-Philippe Millot

↑ 7 • Un Paimpontais présent sur le monument commémoratif du cimetière - ainsi que sur celui de l’église - est absent de celui du bourg. Il s’agit de Paul Colin, mort des suites des blessures de la guerre à Paimpont le 28 avril 1919.

↑ 8 • L’examen des archives municipales de Paimpont a permis de retrouver le nom de six des photographiés manquants sur le monument commémoratif du cimetière.

Lettre de la mairie de Paimpont au Tableau commémoratif de la guerre 1914-1918 du 20 décembre 1923

Voir pour la deuxième rangée si ce ne serait pas Cochet Eugène, ce n’est certainement pas Bouvier Armand.
Pour le 7ème de la sixième colonne ce n’est pas Piel Joseph, c’est Levêque Jean-Baptiste.
Pour le 3ème de la dernière colonne sans photographie, ce n’est pas Riatel, c’est Rialet.
Le 5e de la dernière ligne c’est Renimel et non Reminel.
Jan au lieu de Jean

A. M. de Paimpont 1 M1

↑ 9 • Trois étrangers à la commune participent à la souscription parmi lesquels Mme Pathé, résidente à Roissy, qui offre 600 fr à la commune — A. M. de Paimpont 1 M1 —

↑ 10 • Les subventions accordées par l’État aux communes pour les aider à l’érection de Monuments aux Morts de la Grande Guerre sont établies selon deux barèmes :

  • Le nombre de morts comparé à la population (entre 4.5 et 5 % à Paimpont soit 9 % des crédits inscrits au budget.
  • La valeur centime rapportée à la population pour 100 habitants (inférieure à 4,01 à 5 à Paimpont soit 9 % des crédits inscrits au budget de subvention complémentaire)

↑ 11 • 53 % des monuments aux morts d’Ille-et-Vilaine ont été construits dans l’enclos-mur de clôture de l’église où dans le cimetière, 33 % sur la place de l’église, 5 % sur une place à proximité de la mairie, 9 % en divers autres endroits (carrefours, champs de foire, promenade,...) —  JORET, Eric et LAGADEC, Yann, Hommes et femmes d’Ille-et-Vilaine dans la Grande Guerre, Rennes, Département d’Ille-et-Vilaine / Société Archéologique et Historique d’Ille-et-Vilaine, 2014, 427 p. [page 335] —

↑ 12 • Jules Hignard a réalisé deux autres monuments aux morts, à Cancale et à Tinténiac (Ille-et-Vilaine)—  FOURNIER, Pascal et AUBRY, Martine, « HIGNARD Jules & Fils- Marbrier (Marbrerie) », Les monuments aux morts, 2023, Voir en ligne. —

↑ 13 • Selon les Monuments historiques, la statue de Poilu du monument de Paimpont est fondue au Val d’Osne (Haute-Marne) par Charles Pourquet sculpteur à Paris.—  QUILLIVIC, Claude, « Monument aux morts (Paimpont) », sans date, Voir en ligne. —

Cette affirmation est contredite par l’examen des Archives municipales de Paimpont qui montrent que la statue est un modèle de Jules Pollacchi, sculpteur à Limoges, et qu’elle a été réalisée dans la fonderie d’Edmond Guichard à Castelnaudary (Aude). — A. M. de Paimpont 1 M1 —

↑ 14 • Selon les Monuments historiques, la statue de Poilu en Bronze du Monument aux morts de Saint-Méen serait la même que celle de Paimpont.

Une œuvre similaire est employée dans un monument différent à Saint-Méen-le-Grand.

QUILLIVIC, Claude, « Monument aux morts (Paimpont) », sans date, Voir en ligne.

La statue de Saint-Méen provient de l’atelier de Charles Pourquet sculpteur à Paris alors que celle de Paimpont est un modèle de Jules Pollacchi, sculpteur à Limoges. Dans une lettre du 19 mars 1923, ce dernier écrit d’ailleurs à la mairie de Paimpont que son modèle n°1 en bronze d’art, Poilu montant la garde n’existe qu’en quatre exemplaires.

J’ajoute qu’il n’en existe que quatre exemplaires : l’un dans les Landes, le second en Saône-et-Loire, le troisième dans la Creuse et le quatrième dans la province de Constantine. On ne pourra donc pas dire que ce modèle court les rues, comme certain sujet que je connais et qui en est à son 500e exemplaire, tout en étant affreux.

A. M. de Paimpont 1 M1

↑ 15 • L’examen des catalogues de ses concurrents dément ses propos. La fonderie Guichard & Cie de Castelnaudary propose un Poilu au repos réalisé en bronze pour 4000 fr., le Poilu en sentinelle de Charles-Henri Pourquet, réalisé à la fonderie du Val d’Osne est quant à lui facturé 3800 fr, soit 1500 à 1700 fr de moins que le modèle n°1 de Jules Pollacchi.—  JORET, Eric et LAGADEC, Yann, Hommes et femmes d’Ille-et-Vilaine dans la Grande Guerre, Rennes, Département d’Ille-et-Vilaine / Société Archéologique et Historique d’Ille-et-Vilaine, 2014, 427 p. [page 365] —

↑ 16 • La commission artistique départementale a émis un avis défavorable finalement accepté pour plusieurs communes d’Ille-et-Vilaine comme Noyal-sur-Vilaine, Pipriac, Saint-Georges-de-Reintembault ou au Ferré, en raison de la banalité de l’œuvre ou regrettant que la statue ne soit pas une œuvre originale comme à Paimpont. —  JORET, Eric et LAGADEC, Yann, Hommes et femmes d’Ille-et-Vilaine dans la Grande Guerre, Rennes, Département d’Ille-et-Vilaine / Société Archéologique et Historique d’Ille-et-Vilaine, 2014, 427 p. [page 363] —