1835-1855
La Forge d’Embas - II
La dérivation du ruisseau de Beauvais et le réaménagement de la Forge d’Embas
Utilisé à des fins économiques de 1779 à 1945, le site de la « Forge d’Embas » a connu plusieurs vies.
- 1779-1820 — Annexe des Forges de Paimpont
- 1820-1836 — Moulin à blé
- 1836-1855 — Annexe des Forges de Paimpont après la création d’une dérivation du ruisseau de Beauvais
- 1855-1882 — Atelier de fabrication de machines agricoles des frères Poulain
- 1882-1945 — Moulin à tan
1835-1836 — Le réaménagement de la Forge d’Embas
Vers 1835-1836, les propriétaires du Domaine de Paimpont mettent fin au bail du meunier et reprennent possession de la « Forge d’Embas » pour y installer un marteau à l’usage des forges
.
Le sieur Herpe nous a aussi observé que l’année dernière [1836], on a démoli aux forges de Paimpont un moulin à farine pour le remplacer par un marteau à l’usage des forges.
1835-1836 — La sécheresse
Cette modification de l’organisation des Forges de Paimpont intervient dans un contexte de sécheresse persistante mettant en péril l’activité des Forges.
Le 4 janvier 1835, le Conseil municipal de Paimpont sollicite la bienveillance du département pour aider les employés des forges au chômage.
Ce sacrifice est demandé par le conseil en raison de la fâcheuse position de la majeure partie des habitans de la commune dont le travail a presqu’entièrement cessé depuis deux ans par la sécheresse qui a arrêté les travaux de l’usine des forges de Paimpont où ils étaient tous employés.
Le 26 juillet 1835 une délibération du Conseil municipal de Paimpont indique que les conditions climatiques défavorables au fonctionnement des forges persistent.
Enfin que la sécheresse existent depuis trois [années] a mis un obstacle aux travaux de l’usine des forges, ce qui met beaucoup de familles dans le mal aise et force les ouvriers à aller chercher de l’ouvrage dans les communes environnantes [...].
Au début de l’été 1836, la situation climatique est encore source de préoccupation pour la municipalité de Paimpont.
La commune est misérable en raison du manque d’eau qui n’a pas permis aux forges de travailler depuis trois ans et cependant cet établissement occupe plus de la moitié de la population.
Le 12 octobre 1836, une délibération du Conseil municipal indique que l’absence de pluie depuis quatre ans plonge la commune dans la misère.
Considérant que la plus grande partie de la population de la commune est composé d’ouvriers qui travaillent à l’usine des forges ; que cet établissement a manqué d’eau plus de la moitié du temps depuis quatre ans ; que par ces motifs, leurs familles se trouvent dans la misère et dans l’impossibilité de faire des prestations.
1835-1836 — La construction de la dérivation du ruisseau de Beauvais
L’intégralité des installations des Forges de Paimpont sont jusqu’alors alimentées par deux réseaux hydrauliques, le ruisseau de la Moutte et le ruisseau du Pas du Houx.
Le réaménagement de la Forge d’Embas est basé sur son approvisionnement par le bassin versant de la rivière de Beauvais (actuellement l’Aff), inutilisé jusqu’alors par l’usine des Forges.
Afin de faire parvenir l’eau du ruisseau de Beauvais à la Forge d’Embas, une dérivation est créée au niveau de la pâture du Méret [Mérel]
, détournant l’Aff sur deux kilomètres.
Messieurs les propriétaires des forges manifestent depuis plusieurs mois l’intention de détourner la rivière de Beauvais [actuellement la rivière de l’Aff] qui sépare cette commune de celle de Paimpont en pratiquant un canal de dérivation tant sur les terrains leur appartenant que sur des terrains appartenant à des tiers mais avec le consentement de ceux-ci. [...] longtemps après le commencement de leurs travaux pour mettre leur projet à exécution, c’est à dire le 14 octobre dernier, ces Messieurs les propriétaires de Forges ont présenté à Monsieur le Sous-préfet de Ploërmel une pétition souscrite par deux d’entre-eux afin d’obtenir l’autorisation d’exécuter ce projet qu’ils ont terminé néanmoins sans attendre cette autorisation. [...] le canal de dérivation prend l’eau de la rivière vers le milieu de la pâture du Méret, appartenant à Joseph Guillaume et le conduit à la Forge d’en bas et perd cette rivière, dont le cours avait toujours existé depuis que la terre est sortie des mains du Créateur, se trouve interrompue dans sa longueur de plus d’une demie-lieue (2 km), c’est à dire depuis la pâture du Méret jusqu’au moulin du Bois, à l’endroit où elle rejoignait l’Aff.
Conflits d’usage
La délibération du Conseil municipal de Beignon du 6 décembre 1835 mentionne la dérivation du ruisseau de Beauvais comme un problème occasionnant de nombreuses nuisances pour les usages et activités économiques des Beignonnais.
- Une nuisance pour les habitants de Beignon et les voyageurs de passage
Extrait de la délibération du Conseil Municipal de Beignon du 6 décembre 1835 Les habitants des villages désignés [Le Plessis, Le Val es Lan, La Rivière] n’auront plus où laver hardes et lessives ni où pratiquer les "routages" ? [rouissages ?] pour leur filasse ; l’abreuvoir est commode près de la grande route au Pont du Secret se trouvant sans eau ne procurera plus aux passants et aux voyageurs l’avantage de pouvoir faire boire leurs animaux sans pour ainsi dire quitter leur chemin. Les habitants de Beignon n’auront plus où pêcher la truite et l’anguille que l’eau claire de cette rivière y faisait monter en abondance.
- Une pollution de l’Aff
Extrait de la délibération du Conseil Municipal de Beignon du 6 décembre 1835 L’établissement de l’Usine de Rocambre 1 fait un tort incalculable aux propriétés de la commune de Beignon situées au dessous de Rocambre, plus bas que le moulin du Bois, en les couvrant de guenilles ou crasses de fer qui presque tous les ans ont perdu totalement les foins des prés bordant la rivière et par le moyen de leur prise d’eau de la dérivation du ruisseau de Beauvais, les propriétaires de Paimpont étant à même de donner plus d’activité à leur usine feront encore plus de dégât aux propriétés inférieures.
- Un manque à gagner pour le moulin de la Fosse Noire.
Extrait de la délibération du Conseil Municipal de Beignon du 6 décembre 1835[...] Le moulin à eau de la Fosse Noire, le seul de ce genre dans la commune de Beignon souffrira beaucoup du canal de dérivation [...] il n’aura plus que l’eau que la forge voudra bien lui envoyer...
- Un obstacle à la remise en service du moulin de Tremourio.
Extrait de la délibération du Conseil Municipal de Beignon du 6 décembre 1835
La suppression de la rivière de Beauvais est aussi un obstacle insurmontable à ce que le moulin à papier de Trémorio, situé entre ceux de la Fosse Noire et du Bois qui a cessé de fonctionner depuis environ dix ans, soit jamais remis en activité parce que toute son eau venant de la forge sera trop sale pour battre et nettoyer les chiffes, tandis que celle de Beauvais, toujours claire et limpide, si ce n’est dans les crues extraordinaires était très propre à cette usine.
1836-1882- La dérivation
La dérivation construite en 1835-1836 détourne le ruisseau de Beauvais (aujourd’hui l’Aff) sur deux kilomètres afin d’acheminer l’eau vers la Forge d’Embas.
Depuis Beauvais [depuis le Mérel], on avait détourné l’Aff et différents petits ruisseaux pour faire tourner la turbine qui alimentait le moulin à écorces. On avait même creusé dans la pierre rouge pour canaliser l’eau. Ça longeait la route jusqu’au bas du Brulis, ça passait sous la route et l’eau allait dans la réserve que nous appelions le « noc ou noque ». Quand çà débordait, ça passait par la prairie du Bocard et ça rejoignait l’Aff.
Abandonnés depuis l’après-guerre, les vestiges de la dérivation sont encore visibles aujourd’hui.
Carte réalisée à partir de — FRANGEUL, Alain et GORTAIS, « Casse-Cou », A.S.A.E. Coëtquidan, 1982, Voir en ligne. —
La dérivation prend sa source dans une boucle de l’Aff située en contrebas de la pâture du Mérel.
L’eau est détournée vers une rigole qui longe la pente, laissant l’Aff en contrebas.
La partie centrale de la dérivation est creusée à même la roche.
La dérivation descend vers les champs du Brûlis des Forges à l’orée de la forêt.
Elle longe les champs avant de bifurquer de façon perpendiculaire, puis longe la route (D773) en direction de la Forge d’Embas.
À son arrivée à la Forge d’Embas, l’eau est stockée dans un bassin où elle rejoint celle de la dérivation du déversoir des Forges édifiée en 1779.
L’eau traverse par la suite une conduite en fonte avant son passage dans la roue hydraulique.
Une des roues hydrauliques était sans doute située au droit de l’ouverture visible dans le mur sud remplacée lors d’une modernisation postérieure par une turbine logée dans la salle accolée et actionnée par l’énergie circulant dans la conduite de fonte. Parmi les déblais envahissant l’intérieur du bâtiment subsistent une meule et une roue dentée.
(c) Inventaire général, ADAGP
Cette dérivation est active pour la Forge d’Embas de 1836 à 1855, puis de 1855 à 1882, pour l’atelier de machines agricoles des frères Poulain. Elle est enfin utilisée pour le moulin à tan de 1882 à 1945.









