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1498-1739

La cane de Montfort

Une légende christianisée

Le miracle de la cane de Montfort est attesté depuis la fin du 15e siècle par des procès-verbaux ainsi que par une importante bibliographie. L’examen de ces documents révèle une origine mythique derrière la christianisation de la légende par le clergé local.

L’origine de la cane de Montfort

De la fin du 15e au milieu du 18e siècle, la venue d’une cane, suivie de ses canetons, en l’église Saint-Nicolas de Montfort, attestée par des sources nombreuses et variées, est considérée comme un grand miracle. L’animal apparaissait aux alentours du 9 mai, fête de la translation des reliques de saint Nicolas 1. Nous ne connaissons la légende révélant l’origine de ce miracle que par sa version christianisée.

De nombreux auteurs ont proposé des dates pour le début de ce miracle. Bertrand d’Argentré, historien breton, écrit en 1582 que des procès-verbaux de la paroisse Saint-Nicolas mentionnent le miracle de la cane depuis la fin du 14e siècle. Malheureusement, les archives antérieures au 16e siècle ont toutes disparu. Selon l’abbé Barleuf, elles auraient été détruites lors des guerres de réunion de la Bretagne à la France [citation à retrouver].

La cane de Montfort au 16e siècle

Premières mentions par Fulgose (1509) et Chasseneuz (1529)

La plus ancienne mention du miracle de la cane de Montfort est italienne. Battista di Campofregoso, dit Baptiste Fulgose, doge de Gênes de 1478 à 1483, évoque le miracle qui s’est déroulé dans la ville de Montfort, dans De dictis et factis memorabilibus, recueil de faits historiques et d’anecdotes, imité de l’auteur romain Valère Maxime. L’ouvrage, composé d’abord en italien avant 1494, puis traduit en latin, est imprimé à Milan en 1509.

Dans cette partie de la Gaule qui, autrefois, devait le cens aux Vénètes et aux Morins, qu’aujourd’hui on appelle la Bretagne, proche de la ville de Rennes, il y a une petite ville du nom de Montfort, où, au mois de décembre, lors de la fête de saint Nicolas, venant d’un étang non loin de la ville, soit à l’heure de la messe, soit à celle des vêpres, une cane pénètre dans l’église avec treize poussins, puis après avoir fait le tour de l’autel, retourne dans le même étang, un des poussins qu’elle a amené avec elle manquant toujours, sans que l’on remarquât réellement où il était. Si quelqu’un, pour faire la preuve de la chose, tenait, soit, parce qu’il n’y croit pas, de l’attraper, soit de le tuer, sur le champ, il serait saisi de la rage ou mourrait, ou serait immédiatement frappé d’une maladie grave 2.

FULGOSE, Baptiste, De dictis et factis memorabilibus. Libri IX, Milan, Iacobus Ferrarius : Mediolani, 1509.

Cette première relation du miracle de la cane est la seule à placer sa venue au mois de décembre, au jour de la saint Nicolas. Fulgose insiste sur le caractère sacré de l’animal, souligné par les menaces qui pèsent sur ceux qui s’y attaqueraient. Il est aussi le seul auteur à évoquer un lien entre la cane et la rage 3.

La première mention française est une réécriture du texte de Fulgose par Barthélemy de Chasseneuz 4, président du Parlement d’Aix, publié en 1529 dans son Catalogue du Monde.

[...] près de la ville de Rennes est un château fort du nom de Montfort, où, [...] pendant le mois de mai, (au moment des fêtes de saint Nicolas) d’un petit lac non loin de la ville, à l’heure où on chante les oraisons, soit de la messe, soit des vêpres, une cane avec treize petits, qui, après avoir entouré l’autel, retourne au même endroit, un des petits avec lesquels elle est venue manquant toujours, sans qu’on puisse savoir où il a été : si quelqu’un, soit pour éprouver la chose, soit parce qu’il n’a pas foi, tente de saisir ou de tuer la cane, aussitôt il est pris de rage et meurt, ou tombe subitement dans une grave maladie 5

CHASSENEUZ, Barthélémy de, Catalogus gloriae mundi, Francfort, Feyrabentius, 1579, Voir en ligne. Page 374

Chasseneuz omet la référence géographique inexacte aux Vénètes et aux Morins, ces derniers étant un peuple de Belgie d’origine celtique. Mieux informé que Fulgose, il déplace le miracle mentionné en décembre à la date du 9 mai, fête de la translation des reliques de saint Nicolas.

Mentions dans neuf procès-verbaux du 16e

Les originaux de ces procès-verbaux, aujourd’hui perdus 6 nous sont connus grâce aux copies réalisées par Jacques Doremet, vicaire du diocèse de Saint Malo au 17e siècle, qui a consulté les archives de l’église Saint-Nicolas de Montfort. Il commence en ces termes : Au reste, par les comptes & diaires de la fabrique de la dite église de S. Nicolas, se remarquent en articles ces mêmes mots :

24. Avril 1542. la canne vint en l’église avec treze petits cannetons
Le 17. jour de May 1547. Dimanche de la Trinité, la canne est venue en l’église accompagnée de dix cannetons.
Le 17. de May 1548. La canne avec deux de ses cannetons vindrent environ trois heures de l’après midy en l’église de S. Nicolas.
Le 25. de May 1550. La canne vint avec onze cannetons & sortis par un pertuis qui estait en la vitre, & fit en volant un cerne autour de l’église.
Le 18. de May 1560. La canne vint en l’église avec cinq petits environs midy.
Le 17. de May 1562. Jour de la Pentecoste, environ les neuf heure du soir, la canne vint en l’église avec ses cannetons & y coucha jusqu’environ les cinq heures du matin.
Le 29. Avril 1564. La canne fit son voyage à S. Nicolas accompagnée de sept petits cannetons & tournoya l’image de S. Nicolas.
L’an 1574. Comme cy dessus est dit
Le Mardy 14. de Juin 1588. La canne avec onze cannetons entra dans l’église de S. Nicolas, alla à l’autel, monta à l’Image de S. Nicolas, fit la procession autour des fonts, puis sortit de l’église s’envolant haut en l’air, mais ses petits cannetons se retirerent bellement par la petite porte : tandis que les Prestres chantoient Hymnes & Cantiques en l’honneur de Dieu et de ses Saincts.
—  DOREMET, Jacques, De l’antiquité de la ville & cité d’Aleth, 1894, Saint-Malo, Slatkine, 1628, Voir en ligne. pp. 84-85 —

Catholiques et protestants — Polémiques autour de la cane de Montfort

Avant même que les guerres de religion n’éclatent en Bretagne (1588-1598), le miracle de la cane de Montfort est l’occasion d’affrontements idéologiques entre catholiques et protestants. La cane est utilisée par l’Église romaine comme un exemple miraculeux de dévotion aux saints tandis que les réformés y voient une manipulation du clergé dans le but d’endoctriner les foules.

François de Coligny dit d’Andelot (1521-1569), frère de l’amiral de Coligny est apparenté aux Laval par son mariage avec Claude de Rieux 7. Il met publiquement le miracle en cause avant de l’observer de ses yeux lors de la venue de la cane le 18 mai 1560.

Les catholiques utilisent cet événement pour montrer la supériorité de leur doctrine sur celle des protestants. La seule version protestante attestée est malheureusement disparue.

1576 — Jean Rioche

Le premier auteur à mentionner ces polémiques est Johannes Rioche. Ce gardien du couvent des Cordeliers de Saint-Brieuc, originaire du diocèse de Saint-Malo, parle du miracle de la cane dans trois chapitres de son abrégé de l’histoire de l’Europe depuis Jésus Christ, paru en latin en 1576 8. —  RIOCHE, Jean, Compendium temporum et historiarum ecclesiasticarum, Paris, 1576, Voir en ligne. pp. 156-158 — Le franciscain indique que l’hérésie contre le culte des Saints se répandait, et que certains doutaient publiquement des faits. Il fait cependant valoir qu’il y a eu chaque fois de nombreux témoins et que même le seigneur d’Andelot, seigneur de Montfort et son épouse, durent le reconnaître après l’avoir vu, en 1574. Jean Rioche est aussi le premier à écrire la légende de l’origine du miracle de la cane.

Je n’en ai pas lu écrite l’origine, mais nos pères nous l’ont racontée selon l’opinion commune de nos prédécesseurs. Qu’une jeune fille dévote et honnête avait été enlevée pour être violée par des ravisseurs et emmenée au bord de l’étang. Apercevant des oiseaux elle implorait de ses larmes la sainte troupe des saints et particulièrement saint Nicolas, en vue de son église, qu’ils recommandassent au seigneur qu’elle souhaitait et suppliait d’être plutôt changée en oiseau et s’envola vers l’étang. Et en attestation du miracle, elle-même ou d’autres de sa progéniture, visite le lieu où il s’est produit 9.

Rioche, Jean (1576) op. cit.

Jean Rioche indique l’origine orale de cette histoire. Dans cette première version écrite de l’origine du miracle, la jeune fille est enlevée par une troupe de soldats et transformée en cane par l’intercession de saint Nicolas afin de pouvoir leur échapper. —  TURBIAUX, Marcel, « La Cane de Montfort, aspect d’un thème mythologique », Bulletin de la Société de mythologie française, 1990, p. 11-36. —

1582 — Bertrand d’Argentré

La polémique autour de la cane est mentionnée dans L’Histoire de Bretagne de Bertrand d’Argentré 10 :

Je ne veux passer de dire une chose célébrée en ce lieu, que beaucoup de gens ont difficilement crue, mais très véritable, non d’une fois seulement, mais d’un longtemps, advenant autrefois d’an en an, depuis plus rarement. Il y a au faux-bourg de cette ville une Eglise Parochïle de S. Nicolas,& à peu d’espace de là, il y a un estang situé au dessous du Chasteau de cette Seigneurie : de cet estang par plus de 100. & 200. ans, il sortoit au passé une canne sauvage, laquelle le jour S. Nicolas venoit en cette église, avec nombre de petits cannetons & parmy le peuple qui se trouvoit souvent trois ou quatre mille personnes, choisissoit son chemin & se rendoit à l’église y demeurant une espace de temps, sans s’effaroucher, n’y rien monstrer de sa condition naturelle : & y ayant séjourné quelque temps, retournoit en son estang, tout paisiblement sans pouvoir estre remarquée estant dedans depuis quelques années elle a fait cela mesme, mais plus rarement & non tous les ans. Cela se remarque estre advenu depuis les 200. ans en ça, par les comptes des deniers des paroisses, entre lesquels l’on trouvé avoir esté compté des offrandes données le jour que ladite Canne venoit en ladite Eglise.

ARGENTRÉ, Bertrand d’, L’Histoire de Bretagne, des roys, ducs, comtes, et princes d’icelle, Rééd. 1668, Rennes, Jean Vatar et Julien Ferré, 1582, Voir en ligne. pp. 51-52

Après avoir évoqué le miracle de la cane, l’historien breton entre dans la polémique.

Je suis du temps d’avoir veu un Seigneur de ce pays qui estoit de la nouvelle religion, qui avesc mille telmoins, n’eust pas voulu croire cela, & disoit, que c’estoit artifice de quelque Prestre qui avoit dressé ce miracle, comme ils ont accoustumé de dire, & aussi peu devoit il croire la parole de l’asne de Balaam aussi peu que les Corbeaux apportaient les vivres à Élie las et ennuyé au desert, l’Escriture toute-fois dit, Si tacuerint hi, lapides loquentur, qui seroit encor plus difficile à croire. Il advint un jour, qu’il se trouva en passant à disner en cette ville de Montfort, ceste canne y vint, comme si elle eust voulu se faire voir à cet homme mal persuasible : on le luy vint dire, et tout soudain, sans austre accoustrement, fors les chausses et pourpoint, de haste qu’il avoit il se jette hors de table, & accourut avec quelques-uns des siens en ladite Eglise : cette canne sans peur estoit sortie de l’estang ; et venue en toute paix parmy le peuple qui lui fendit la voye, se rendant en l’Eglise, où elle séjourna et demeura [...] ; puis quelque temps après descendit, s’en restournant de mesme qu’elle estoit venue, il la conduisit à la veuë, et la suivit jusqu’à l’estang. Ayant depuis ce temps là entretenu de bien près cet homme, autant de fois qu’on lui en parloit il se taisoit, muet comme la pierre, et ne mettant plus le fait en doubte, il ne s’avança jamais d’en faire jugement, craignant d’un costé la censure des siens et de l’autre estonné par l’évidence de ce miracle, avouant que la canne estoit véritablement sauvage et qu’elle ne pouvoit avoir esté attraite ny apprivoisée par les prestres, comme autrefois il avoit dit. Aussi eust-il fallu avoir vescu long-temps pour luy, apprendre cette contenance en terme de deux cent ans. Je sçay que souvent les effets des œuvres des Anges de lumière & ténébreux sont de mesme, quant à l’œil, mais si n’est-ce pas peu de péché d’attribuer la Vertu de l’un à l’autre, & dire que Christus in principe demoniorum ejicit daemonia, de quoi l’évangile fait un péché irrémissible contre l’esprit. [...]

Argentré, Bertrand d’ (1582) op. cit., p. 52

La cane est présentée par d’Argentré comme l’intercesseur de saint Nicolas. Elle se manifeste pour éprouver l’incrédulité du seigneur protestant qui après l’avoir vue, est obligé d’accepter les faits. La controverse entre protestants et catholiques porte principalement sur l’eucharistie, la dévotion au Saint Sacrement et le rôle d’intercesseur joué par les saints. L’utilisation des animaux par les catholiques se révèle assez fréquente dans ces querelles théologiques. —  BRETON, Yves, Les génovéfains en Haute-Bretagne, en Anjou et dans le Maine aux XVIIe et XVIIIe siècles, Editions Hérault, 2006. [page 589] —

1652 — Vincent Barleuf

Soixante-dix ans après les faits, Vincent Barleuf (1611-1685), se basant sur les dires d’un témoin oculaire, noircira l’attitude du protestant d’Andelot.

L’auteur rapporte qu’un Gentilhomme voisin nommé Jean Thomas, Chevalier, Seigneur de la Cannelaye, âgé de quatre-vingts ans, l’avoit assuré avoir vu cette canne ; qu’il avoit vu aussi le Seigneur d’Andelot, Comte de Montfort, de la Religion Prétendue Réformée, étant dans l’Église, avoir voulu chasser cette canne avec une baguette & l’empêcher d’approcher des autels & que plus il s’efforçoit de la chasser, & plus elle en approchoit. Plusieurs personnes de tous sexes, Ecclésiastiques & Laïques, ont attesté ces faits par leurs signatures.

BARLEUF, abbé Vincent, Récit véritable de la venue d’une canne sauvage depuis long-temps en la ville de Montfort, comté de la province de Bretagne, et particulièrement ce qui s’est passé les dernières années sur ce sujet : par un chanoine régulier de l’abbaye de S.-Jacques, près Montfort, étant sur les lieux, Rennes, Michel Hellot, 1652, Voir en ligne.

1598 — Jean Laporte, dit Louveau

La seule mention protestante de ce miracle vu par d’Andelot est évoquée par Jean Laporte († 1608) 11. Ministre de la religion réformée, il relate la venue de la cane pour Mme de Laval, bru de François d’Andelot 12. —  LAPORTE, Jean dit Louveau, La cane de Montfort : relation dédiée à Mme d’Andelot, 1598. p. 276 — L’ouvrage, aujourd’hui introuvable, est composé à Fontenay-le-Comte en Vendée, entre 1587 et 1598. Louveau y répondait à Bertrand d’Argentré, donnant semble-t-il, diverses explications rationnelles du fait merveilleux du retour de la cane. . —  LE NOIR DE CREVAIN, Phillipe, Histoire ecclésiastique de Bretagne depuis la Réformation jusqu’à l’Édit de Nantes, 1880, Nantes, Ed. B. Vaurigaud, 1683, Voir en ligne. p. 276 —

Les affrontements entre catholiques et protestants s’atténuent avec l’édit de Nantes signé le 13 avril 1598 par le roi de France Henri IV. En réaction à la Réforme protestante, la Contre-Réforme, menée par les catholiques à partir de la seconde moitié du 16e siècle, se développe et trouve son application locale en 1634, à travers la réforme de l’abbaye Saint-Jacques de Montfort menée par la Congrégation de France. La révocation de l’édit de Nantes sous le règne de Louis XIV par l’édit de Fontainebleau, le 18 octobre 1685, déclenche à nouveau les hostilités.

La cane de Montfort au 17e siècle

Les cinq procès-verbaux du 17e siècle

Les deux premiers procès-verbaux du 17e siècle sont connus grâce à la copie de Jacques Doremet de 1628 :

Le 9. de May de l’an 1600. Jour et feste de S. Nicolas, la cane vint avec ses cannetons.
Le samedy 7. May 1605. Environ midy, la canne avec cinq cannetons entra dans l’église & y fut jusqu’à quatre heures & demie, & fit la procession à l’entour des fonts, & vola dessus le sommier qui est engravé dans le pignon du clocher, puis vola sur le daiz du Crucifix, jusqu’à trois fois, alla au maitre Autel, vola sur le Tabernacle du très sainct Sacrement, & enfin se retira par la porte de la cour du prieuré. — Doremet, Jacques (1628) op. cit., pp. 84-85 —

Les deux suivants sont toujours conservés aux Archives Municipales de Montfort.

  • Le 5 mai 1624.

    Le cinquième iour du moys de may mil seix centz vingt et quattre, la canne […] vint environ les dix heures du matin avecqz onze cannetons jusqz à la porte de l’églize de sct Nicolas pour faire son voiage, et passa deux foys au travers de la maison de jacques Baudet, iouste le moulin de sct Nicolas et alla tout le long de la rue parmi le peuple qui assistoit à la voir – Eutasse.

    Archives Municipales de Montfort, Registres de Saint-Nicolas.
  • Le 23 mai 1629.

    Le vingt troisième jour de may mil centz vingt et neuf, le mercredy des Rogations environ ouit heures du matin, la canne avec nombre de cannetons est venue jusqz au marche pied de la grande porte de l’églize Sainct-Nicolas, et ayant monté sur le second pour entrer , un petit chien sortit, dont elle s’envola et quatre de ses cannetons demeurèrent en l’église environ trois heures ; et cela veu de missire Jan Letélier, recteur de Couslon, de dom Jacques Huby, de dom Roullou et plusieurs autres, je soubz signé recteur certifie avoir veu les cannetons dans an et jour que dessus – Eutasse.

    Archives Municipales de Montfort, Registres de Saint-Nicolas

Le cinquième procès-verbal du 10 mai 1645, aujourd’hui disparu, est mentionné par Poignand qui affirme l’avoir lu en mairie de Montfort.

  • 10 mai 1645.

    Le dernier procès-verbal qui l’a constaté était du 10 mai 1645. Il avait été rédigé par Eustache Lemoyne, sénéchal du comté de Montfort, et inséré sur le registre d’audience de cette juridiction. Son analyse est que quelques personnes s’étant présentées la veille pour entrer dans l’église, entre les six et sept heures du matin, auraient vu une canne sur la plus haute marche de la porte principale, suivie de halbrans ; qu’il sortit beaucoup de peuple de l’église, et que la canne s’envola, que cinq halbrans entrèrent dans l’église, et que la canne fut vue par plusieurs fois prendre son vol au-dessus de ladite église, comme à dessein d’y entrer.

    Poignand, J.C.D. (1820) op. cit., p. X

    ,

1620 — Roulliard

Le jésuite Sébastien Roulliard (1581-1639), avocat au parlement de Paris, en parle comme d’un fait établi dans son Anti-patronage paru en 1620. L’ouvrage est une plaidoirie pour le chapitre de Saint-Brieuc contre messire Jean de Brehant qui l’a attaqué en justice. Selon les auteurs de la Biographie universelle,

Son éloquence judiciaire avait tous les défauts du temps, c’est-à dire qu’il y développait une érudition fatigante, surchargeant ses discours de citations étrangères à la cause, puisées presque toujours, non dans les lois et les jurisconsultes, mais dans tous les auteurs sacrés et profanes, grecs ou latins.

COLLECTIF, Biographie universelle ou dictionnaire historique, Vol. 5, Paris, Furne, libraire-éditeur, 1833, Voir en ligne. p. 2664

Son utilisation de la légende de la cane de Montfort illustre ces propos. L’avocat commence par exposer l’histoire de la venue miraculeuse de la cane :

Histoire du pays de Bretagne autant véritable que par aventure estrange, & difficile à croire. Aux faux bourgs de Montfort, diocèse de S. Malo, y a une église de S. Nicolas, proche de là & au dessous du chasteau, un estang, au fonds d’iceluy une Canne sauvage, qui par années tantost de six en six ans, avec ses cannetons ou canneteaux, vient en lad. Eglise à la feste de son Patron, sans s’effaroucher, traverse la presse avec la suite, puis ayant séjourné quelques temps auprès de l’autel & voletillé à l’entour s’en retourne avec ses cannetons : & de là n’est plus vuë tout le temps de l’année jusqu’au retour de la feste susdite où vient servir son patron avec humilité pour en montrer l’exemple aux âmes raisonnables.

ROULLIARD, Sébastien, Anti-patronage, pour les doyen, chanoines et chapitre de S. Brieuc, curés primitifs de la paroisse de S. Michel audit lieu, ayant pris fait et cause pour M. François Bourel, leur vicaire perpétuel, défendeurs, contre messire Jean de Brehant, sieur du Bois-Bouexel, demandeur en complainte., Paroisse Saint-Michel, 1620.

Puis il compare le miracle de la cane de Montfort

[à celui] d’une chèvre pédasienne 13, et dit qu’au sacrifice qui se faisoit tous les ans à Jupiter en Carie, elle ne failloit d’y venir de plus de soixante et dix stades, passoit la presse sans s’effrayer, puis se departoit à la vue de tous, ainsi qu’elle estoit venue.

Roulliard, Sébastien (1620) op. cit.

D’après Marcel Turbiaux, Sébastien Roulliard tire sa comparaison d’un exemple mythologique grec, emprunté à Aristote. L’auteur grec n’écrit pas que la chèvre, à l’exemple de la cane, s’en retourne d’où elle était venue, ce qui permet de penser qu’elle était sacrifiée — Turbiaux, Marcel (1990) op. cit. —. Au delà des dissemblances de la comparaison, l’avocat perçoit le premier le caractère mythique de la légende de la cane.

1628 — Les recherches de Jacques Doremet

Jacques Doremet (v. 1570-1633) est le premier auteur à véritablement étudier la légende de la cane de Montfort. Baptisé catholique, puis converti au protestantisme durant son enfance, il redevient catholique et entre dans les ordres. Estimé de l’évêque de Saint-Malo Jean du Bec, il est nommé grand vicaire du diocèse dont il assume presque seul l’administration entre 1608 et 1610, les deux dernières années de la vie de Jean du Bec à Saint-Malo-de-Beignon. En 1616, il devient titulaire pendant quelques mois de la paroisse de Bréteil dans le doyenné de Montfort. C’est très certainement durant cette période qu’il découvre la légende de la cane. Il est alors célèbre pour ses ouvrages polémiques contre les protestants. L’insertion d’un long chapitre consacré à la cane dans son histoire de la cité d’Alet, —  DOREMET, Jacques, De l’antiquité de la ville & cité d’Aleth, 1894, Saint-Malo, Slatkine, 1628, Voir en ligne. p. 3 — est certainement à rattacher à ces mêmes talents de polémiste. Jacques Doremet, qui écrit cet ouvrage sous le pseudonyme de Thomas de Querci, consacre dix pages de sa description des principales villes du diocèse de Saint-Malo au miracle de la cane. Il commence d’ailleurs par citer intégralement le texte de Bertrand d’Argentré, qui attaque les protestants dans l’affaire de la cane. Il cite ensuite Jean Rioche, avant de nous livrer la copie des procès-verbaux de la fabrique de l’église Saint-Nicolas de Montfort qu’il a consultés sur place. Son étude de la dévotion miraculeuse de la cane à saint Nicolas lui permet de justifier le culte des saints.

L’étude de Jacques Doremet sert de référence à Vincent Barleuf quand trente ans plus tard, il publie à son tour sur le sujet. —  JOUON DES LONGRAIS, Frédéric, Jacques Doremet : sa vie et ses ouvrages, 1971, Slatkine Reprints, 1894, Voir en ligne. —

1652 — Vincent Barleuf

Vincent Barleuf est nommé prieur de l’abbaye Saint-Jacques de Montfort en 1647. En 1652, il publie un récit sur la venue d’une cane sauvage 14. L’ouvrage est dédicacé à Henry duc de la Trémoille et de Thouars, prince de Talmont, comte de Laval et de Montfort, seigneur protestant.

L’ouvrage, qui doit beaucoup au texte de Jacques Doremet, comporte cinq chapitres. Dans le premier, Fondement de la Venue de la Canne, selon l’ancienne tradition et plus commune croyance du pays, Vincent Barleuf livre une version différente de la légende de la cane.

[...] Il y a plus de trois cents ans qu’un certain seigneur du pays, ayant eu un jour à la rencontre une jeune fille de grande beauté, natisve d’un village prochain, la fit prendre et renfermer dans le Châsteau de Montfort à dessein de luy ravir l’honneur. Cette pauvre fille, se voyant ainsi renfermer et dans un péril imminent de la perte de sa pudicité, commença (les yeux beignez de larmes) à jetter la vue du Ciel pour moyenner sa délivrance & considérant que sainct Nicolas, avait autrefois fait paraitre sa miséricorde envers trois jeunes filles demoiselles que leur propre père voulait prostituer à cause de sa pauvreté, elle eu recours à ce grand défenseur de l’intégrité virginalle, luy faisant voeu et promesse que si par son moyen, elle pouvoit évader péril, elle viendrait annuellement à sa Feste luy rendre recognoissance. Cette prière faite en toute humilité à la vue de l’église du dict S. Nicolas qui voisine le Château fut non seulement effectuée, mais aussi effective, car à l’instant elle fut exaucée & non changée en canne (Comme ont voulu le croire quelques uns) mais miraculeusement transportée hors du château. [...] Elle tomba entre les mains des serviteurs dudit Seigneur. Ces libertins pensant que leur maistre en avait fait son plaisir voulurent aussi user de la même témérité ; mais la jeune fille voyant qu’on luy faisait violence, sans avoir personne, qui la put assister ny deffendre, redoubla sa confiance en Dieu et en son premier libérateur ; de sorte qu’en regardant de costé et d’autre pour chercher quelque secours, n’apercevant que des canes sauvages qui étaient sur l’étang du chasteau dudit Montfort, alors elle renouvela sa prière, et supplia très instamment notre Seigneur par les mérites de sainct Nicolas, qu’il plust à sa bonté de permettre que ces animaux, quoique sans raison, fussent néanmoins Tesmoings de son innocence qu’on luy vouloit ravir, & que si la violence qu’on luy faisait allait jusqu’à là que de luy oster la vie, et qu’en conséquence elle ne put annuellement rendre ses vœux et ses promesses à son fidèle protecteur, ces animaux le vinssent faire eux mesme à leur façon, en son nom et pour sa personne. La fille par permission divine s’échappa de leurs mains et fut mise en liberté ; mais estant prévenue de la mort la mesme année, et ne pouvant rendre ses vœux audit Sainct ; depuis ce temps, on voit annuellement une canne sauvage accompagnée de petits cannetons, venir en l’église de S Nicolas... C’est à scavoir à la feste de sa translation, le 9 de may.

Barleuf, Vincent (1652) op. cit.

Cette version de la légende porte les traces d’’une christianisation dans l’esprit de la Contre-Réforme. Vincent Barleuf insiste bien sur le fait qu’elle fut exaucée & non changée en canne (comme ont voulu le croire quelques uns) mais miraculeusement transportée hors du château. Le prieur de Saint-Jacques remplace la version populaire de la transformation de la jeune fille en cane par un miracle de saint Nicolas. Il opère un autre changement d’importance par rapport à la version plus ancienne de Jean Rioche : la jeune fille est d’abord capturée par le seigneur de Montfort, avant de tomber dans les mains de ses soldats. Quelle est la signification de ce doublement de l’enlèvement ?

Dans le second chapitre, Ce qui c’est autrefois passé de remarquable touchant la canne & particulièrement les dernières années, Vincent Barleuf reprend la copie des procès-verbaux de Jacques Doremet. Le troisième chapitre, Ce qui s’est passé de plus notables ces dernières années sur le même sujet, relate l’apparition miraculeuse d’une cane le 27 mai 1649, dont il fut le témoin et l’acteur.

Le jeudy de la Pentecoste, 27 may 1649, sur les sept heures du soir, la canne & ses petits cannetons ayant paru dans la rue du faux-bourg qui conduit à l’église de St. Nicolas, elle entra, de son mouvement, dans ladite église, où un grand concours de peuple s’assembla au son des cloches. Pendant ce temps, la canne prit son vol jusqu’au lambris de l’église, passant & repassant devant le crucifix, puis descendant sur cette multitude, plusieurs la touchèrent. Elle fut mise ensuite, par un ecclésiastique, sur le grand autel ; &, comme on achevoit de chanter une hymne, la canne qui, pendant ce temps, avoit demeuré sur l’autel (comme une victime innocente), sauta d’un petit vol au pied de l’image de St. Nicolas, où elle demeura quelque temps, rendant à cette image quelque sorte de respect par le battement de ses ailes, dont elle frottoit l’image. Elle passa la nuit proche l’autel, avec ses cannetons. On y dit des messes tout le matin, pendant lesquelles, la canne & ses petits demeurèrent paisibles au coin du maistre autel, du côté de l’évangile, & sous le sacraire où reposoit le saint sacrement, estant vue & considérée, tout à loisir, d’une grande multitude de personnes qui accouroient de toutes parts pour ce sujet. Le R. P. Barleuf prit la canne, & la tenant sur la main comme un oiseau privé, la faisoit voir & toucher à tous ceux qui le vouloient, sans qu’elle s’effrayât aucunement. Ledit révérend père célébra la messe ; &, lorsqu’il fist les élévations de la sainte hostie & du calice, plusieurs personnes remarquèrent, que la canne & ses petits, qui avoient la queue tournée vers l’autel, se détournèrent jusqu’à la fin de la dernière élévation, qu’ils se retournèrent vers le sacraire. Toutes les messes finies, estant prés de midy, on fist fendre la presse pour leur donner passage. La canne & ses cannetons traversèrent l’église & la presse, sans donner aucune marque de crainte, & firent un cercle autour des fonts baptismaux, marchant deux à deux ; &, comme elle avoit laissé un de ses petits dans un coin de l’église, proche lesdits fonts (ce qu’elle avoit coutume de faire, quand elle y entroit, comme si c’estoit une offrande qu’elle faisoit), le R. P. Barleuf le reprit & le reporta avec les autres ; mais elle le repoussa, & le canneton, au lieu de se joindre aux autres, voulut, par force, retourner à l’église, où ne pouvant rentrer, il s’alla jetter dans une haye tout proche de l’église, & depuis ne parut plus, quoiqu’on l’eût cherché avec soin. La canne prist son vol en l’air & ses cannetons s’en allèrent vers l’étang & ne furent plus vus le reste de l’année. Toutes ces circonstances , arrivées cette année-là , ont pour témoins grand nombre de personnes dignes de croyance & dont plusieurs sont encore en vie.

Barleuf, Vincent (1652) op. cit.

Il évoque notamment les circonstances de la venue de la cane en 1651.

En 1651 cette canne parut encore, mais avec cette circonstance de plus. Un Gentilhomme l’ayant vu sur l’étang de Montfort, y envoya un excellent barbet qu’il avoit, pour sçavoir ce que ce pouvoit être que cette canne. Dès l’instant que ce barbet approcha d’elle, il fut saisi d’une telle frayeur, qu’il fut contraint de revenir plus promptement qu’il n’étoit allé ; la canne demeura immobile ; & le chien étant sorti de l’eau, ne put jamais être retenu.

Barleuf, Vincent (1652) op. cit.

Le prieur de Saint-Jacques indique encore que la cane s’est manifestée les 13, 14 & 15 du mois d’avril 1652.

Dans le quatrième paragraphe, Circonstance & événements remarquables touchant la canne , l’auteur établit les sept circonstances qui prouvent que cette canne est envoyée par un ordre particulier de la providence de Dieu.

Dans le dernier paragraphe, Vincent Barleuf cite les très nombreux et prestigieux témoins qui ont assisté au miracle.

Si l’abbé Barleuf prend le temps de publier cet ouvrage, c’est qu’il poursuit un dessein évangélique bien précis : transmettre l’enseignement de la Contre-Réforme porté par les chanoines génovéfains aux paroissiens de Montfort. Sa relation de la « venue », où la cane apparait comme un médiateur entre le prêtre et les fidèles, insiste nettement sur le culte du Saint Sacrement accentué à partir du concile de Trente. Elle met aussi en avant l’importance du culte des saints et de leur rôle d’intercesseur sans lequel le miracle de la cane n’est pas possible. Vincent Barleuf tente résolument de faire évoluer la pensée médiévale de ses paroissiens vers une symbolique plus en phase avec les conceptions catholiques de son époque. L’historien Yves Breton reprend les propos de Baraty :

« nous croyons qu’au-delà des particularités locales, le récit véritable de la cane aide à éclairer puis à comprendre les voies de communications empruntées par la pastorale au XVIIe siècle [...] Et que chemin faisant, nous rencontrions un folklore christianisé aidera peut-être à comprendre un peu mieux le rapide progrès et le définitif succès des missions dans leur entreprise ». L’interprétation qui est donnée par le religieux vise donc à magnifier le culte de la virginité triomphante et concourt à la promotion de celui des saints mais elle est aussi le signe d’une christianisation imparfaite d’une tradition populaire que les missionnaires post-tridentins s’empressent de reprendre pour finaliser.

Breton, Yves (2006) op. cit., pp. 588-590

1656 — Une lettre de madame de Sévigné

Dans une lettre à Anne Marie Louise d’Orléans, dite la Grande Mademoiselle, fille du frère cadet du roi Louis XIII, écrite aux Rochers le 30 octobre 1656, Madame de Sévigné fait part du miracle de la cane :

Je m’assure aussi que vous n’aurez jamais ouï parler de la cane de Montfort, laquelle tous les ans, au jour Saint-Nicolas, sort d’un étang avec ses canetons, passe au travers de la foule du peuple, en canetant, vient à l’église et y laisse de ses petits en offrande.

Cette cane jadis fut une damoiselle
Qui n’alloit point à la procession,
Qui jamais à ce saint ne porta de chandelle ;
Tous ses enfants, aussi bien qu’elle,
N’avoient pour lui nulle dévotion,
Et ce fut par punition
Qu’ils furent tous changés en canetons et canes,
Pour servir d’exemple aux profanes ;

Et si, Mademoiselle, afin que vous le sachiez, ce n’est pas un conte de ma mère l’oie,

Mais de la cane de Montfort,
Qui, ma foi, lui ressemble fort.

RABUTIN-CHANTAL SÉVIGNÉ, Marie de et MONMERQUÉ, Louis-Jean-Nicolas, Lettres de Madame de Sévigné de sa famille et de ses amis Par Marie de Rabutin-Chantal Sévigné,Monmerqué, 1862, Paris, Librairie de L. Hachette, 1656, Voir en ligne. p. 419

Madame de Sévigné propose une version inédite, et sans doute personnelle, de la légende de la cane dans laquelle la jeune fille n’est pas transformée en oiseau afin de pouvoir exaucer le vœu fait à saint Nicolas mais pour la punir de son manque de dévotion.

Cette lettre semble avoir piqué la curiosité de la Grande Mademoiselle qui commande une enquête sur la cane. Cette enquête, datée de 1662, est un abrégé du texte écrit par Vincent Barleuf et porte un titre légèrement différent de la version de 1652. Cette seconde version du texte de Barleuf, citée par Vaurigaud, est publiée partiellement en 1759. —  MERCIER DE SAINT-LÉGER, Barthélémy, « EXTRAIT d’un Manuscrit, petit in 4°cote I. N°. 8. d’une très-grande Bibliothèque, intitulé : Récit véritable de la venue d’une Canne sauvage depuis long-tems en l’Eglise de S. Nicolas de Montfort, Comté de Bretagne, & particulièrement ce qui s’est passe les dernières années à ce sujet. Dressé par le Commandement de S. A. R, Mademoiselle. », in Recueil C, Paris, 1759, p. 157-174, Voir en ligne. pp. 157-174 — L’enquête comprend des éléments inédits sur ce qui s’est passé concernant la cane entre 1652 et 1662.

En 1662, on vit la même canne dans Montfort avec onze cannetons, se promener dans les rues, & se faisant voir familièrement à tout le monde. Elle fit le tour des maisons, & n’entra point dans l’Eglise cette année. Un de ses cannetons ayant été tué par un accident, son nombre de onze lui resta toujours. Celui qui étoit resté mort sur la place, quelques instans après, ne fut point trouvé. On étoit cependant assuré qu’il n’avoit point été emporté.

Cette même année plusieurs personnes doutoient que ce fût la même canne qui avoit paru l’année précédente ; on m’engagea à l’aller voir ; & comme je l’avois très bien examinée, je reconnus & attestai que c’étoit la même. Mais ce qui arriva à un homme de ma connoissance, est encore plus surprenant : comme il doutoit que ce fût la véritable canne, nommée la canne de Montfort, il souhaita en lui-même de voir cet animal de près. Cette canne fendit une presse très-considérable, & alla se présenter à lui. Il en fut si frappé que ses doutes se dissipèrent.

Un dernier extrait nous replonge dans les polémiques opposant catholiques et protestants. L’auteur y trouve l’occasion de prouver la supériorité de l’église catholique sur les seigneurs de Montfort, convertis à la Réforme.

En 1663, Madame la Duchesse de la Trimoille, de la Religion Prétendue Réformée, étant à Montfort, désira voir la canne & ses cannetons, sur le récit qu’on lui avoit fait de cette merveille. Le jour de S. Marc, le 25 Avril, cette Dame fut avertie à quatre heures du matin, que la canne étoit aux portes de la ville ; elle s’y transporta ; elle envoya deux de ses domestiques pour prendre les cannetons. Le premier ne put en prendre, parce qu’il étoit de la Religion Prétendue Réformée ; l’autre, qui étoit Catholique, en prit deux qu’il porta à la Duchesse qui les fit porter à son Hôtel pour les nourrir ; mais ils moururent aussi-tôt. Le lendemain & jours suivans, cette Dame allant voir la canne, elle lui vit le même nombre de cannetons.

Cette Duchesse, ajoute l’Auteur, conférant avec moi sur cette matière, m’avoua que c’était une chose bien ridicule aux gens de sa Religion, & un zèle bien mal fondé, de briser les figures des Saints & ruiner les Temples ; qu’en second lieu, il y avoit des gens de bien dans la Religion Catholique ; qu’enfin il y avoit du surnaturel dans l’apparition de cette canne, & qui passoit sa connoissance.

Peu de tems après, la canne étant proche l’Eglise de S. Nicolas, cette Duchesse forma le dessein, avec son Ecuyer qui étoit de la même Religion, de prendre cette canne, & de l’emporter à Vitré en Bretagne. L’Écuyer se transporte près l’Eglise ; la canne l’attend sans se mouvoir ; mais comme il se baissoit pour la prendre, elle prit son vol, & alla se percher sur le pignon de l’Eglise, considérant la Duchesse & l’Écuyer avec tranquillité. L’Écuyer couvert de confusion, dit à la Duchesse : Madame, retirons-nous d’ici ; il n’y fait pas bon.

1664 — Toussaint de Saint-Luc

Le père Toussaint de Saint-Luc (16..-1694), carme réformé de Bretagne et généalogiste, est l’auteur d’un ouvrage sur Conan Mériadec, paru en 1664. Dans la seconde partie de ce texte, intitulée Recherches générales de la Bretagne gauloise, au chapitre Description de la Bretagne, par les fleuves & rivières, un paragraphe est consacré au Meu. Toussaint de Saint-Luc y évoque le miracle de la cane de Montfort en ces termes :

Le Meu [...] vient remplir par le moyen d’un de ses ruisseaux une partie des douves de la ville, & chasteaux de Montfort, dit la canne, à cause d’une canne qui se trouve tous les ans (par une merveille toute extraordinaire), environ le 9 du mois de may, dans l’église de Saint Nicolas, avec ses petits cannins, & fait en présence de tout le monde plusieurs tours dans l’église, jusqu’à ce qu’elle se soit renduë proche l’autel, où elle demeure pendant la messe dans un repos admirable, & puis s’en retourne par le même chemin qu’elle est venue, sans que personne ait encore peu découvrir où elle va à la sortie de l’église. Pour surcroist de cette merveille, elle a laissé plusieurs fois de ses petits dans l’église, comme par offrande ; mais on ne les a point encore peu ny élever, ny conserver.

DE SAINT-LUC, Toussaint, L’histoire de Conan Mériadec qui fait le premier règne de l’histoire générale des souverains de la Bretagne gauloise, dite Armorique, Saint-Brieuc, L. Prud’homme, 1664, Voir en ligne. p. 200

1666 — Paul Hay du Chastelet

Dans son Histoire de Bertrand Du Guesclin parue en 1666, Paul Hay du Chastelet (1620-1682) témoigne du miracle de la cane auquel il a assisté :

Il [Du Guesclin] marche à Gaël, chasteau fort considérable & bien fortifié, qui appartenoit au Comte de Montfort, que nous disons Montfort la Canne, à raison du prodige ou pour mieux dire du miracle qui se continue tous les ans depuis plusieurs Siècles à la connoissance publique & à la veuë de tout le monde, car il arrive visiblement que le sixième de May feste de Saint Nicolas, Patron de l’Eglise Parochiale de Montfort, une Canne avec ses Cannetons se vient joindre à la procession qui s’y fait très-solennellement, & on dit qu’elle laisse sur l’Autel un de ses petits pour offrande ; je m’y fuis trouvé une année par curiosité, & ay veu cette fameuse Canne, mais la foule m’empescha de voir si elle laissa un de ses petits Cannetons. On rapporte en plusieurs manières l’origine d"une chose si extraordinaire & si incroyable, & peut estre mesle-on beaucoup de fables & d’imaginations à ce que l’on en raconte.

HAY DU CHASTELET, Paul, Histoire de Bertrand Du Guesclin, connestable de France et des royaumes de Léon, de Cordoue, de Castille et de Séville., Vol. 6, 1666, Voir en ligne. p. 238

La cane de Montfort au 18e siècle

1707 — Dom Lobineau

Dans son Histoire de Bretagne, Dom Lobineau (1667-1727), moine bénédictin de la congrégation de Saint-Maur et grand historien breton, moque le miracle de la cane :

Ce seroit ici le lieu de réfuter la fable de la Canne de Montfort, si elle estoit appuiée sur la moindre vraisemblance ; il y a sujet de s’estonner comment un conte aussi ridicule que celui-là, n’a pas laissé cependant de trouver ses garens auprès du peuple, comme s’il estoit nécessaire que Dieu fist des metamorfoses pour prouver qu’une fille sage ne doit pas écouter les recherches impudiques d*un Seigneur qui veut la séduire, & qu’elle le doit fuir lors qu’il veut faire violence à son honneur.

LOBINEAU, Dom Guy-Alexis, Histoire de Bretagne : composée sur les titres & les auteurs originaux, Vol. 1, Paris, Chez la veuve François Muguet, 1707, Voir en ligne. p. 105

Dom Lobineau se fait le détracteur de la légende chrétienne de la cane. Il y voit non seulement un conte ridicule mais surtout un moyen inadapté à son époque. Le temps de l’évangélisation des populations locales par la médiation de la cane est révolu. L’enseignement post tridentin 15 des chanoines de Montfort a porté ses fruits, mettant en place les fondements d’une morale catholique qui se suffit à elle-même. — Breton, Yves (2006) op. cit., p. 590 —

1715 — Candide de Saint-Pierre

En 1715, le père Candide de Saint-Pierre 16 fait paraitre un livre consacré à la cane de Montfort. L’ouvrage, qui apporte peu d’éléments nouveaux aux œuvres de Jacques Doremet et de Vincent Barleuf, a pour principale valeur d’être disponible. Ce texte, abrégé de l’œuvre de Vincent Barleuf, constitue la référence principale des auteurs qui ont redécouvert le miracle de la cane au 19e siècle.

Candide de Saint-Pierre y expose cependant quelques observations qui lui sont propres. Natif de Montfort, il assure avoir assisté à la venue de la cane en mai 1649, à l’époque où Vincent Barleuf officiait à l’église Saint-Nicolas :

J’atteste avoir vu plusieurs fois & differentes années la susdite canne avec ses cannetons ; de l’avoir vue dans l’église où elle entra un soir, & y passa la nuit & tout le matin proche l’autel où estoit l’image de St. Nicolas pendant toutes les messes qu’on y dist. Je la vis voler par l’église qui estoit pleine de peuple, & je me souviens trés-bien qu’elle descendit sur ma teste & de là vola au pied du crucifix ; ce fut le 27 may 1649. J’estois âgé d’environ 7 ans. Je la vis encore l’année que j’entray en religion il y a près de 52 ans ; je maniay ses cannetons en compagnie de quatre ou cinq jeunes écoliers un jour St.Pierre, & les ayant remis à terre nous ne sçûmes en un moment ce qu’ils devinrent ; nous vîmes en même temps la canne élevée en l’air. En foy de quoy j’ay signé tout ceci ce 6 aoust 1715. F. Candide de St. Pierre carme de Rennes, natif de ladite ville de Montfort.

LE GRAND, Albert, Les vies des saints de la Bretagne-Armorique par Fr. Albert Le Grand, 1837 - Annotée par Miorcec de Kerdanet, Daniel-Louis, Brest-Paris, Anner, 1637, Voir en ligne. p. 337

Il a aussi composé deux cantiques sur la venue miraculeuse de la cane. Le premier est une versification de la légende d’après Barleuf. Le second énonce les sanctions divines touchant les incrédules ayant voulu éprouver le miracle de la cane.

Écoutez le fait mémorable
Touchant la Canne de Montfort ;
Cette histoire est bien véritable
Et d’en douter on auroit tort.

Plusieurs personnes de mérite
Ont signé cette vérité ,
A la fin de l’histoire écrite
Par un homme de probité.

Voici le fait & l’origine
D’un prodige si merveilleux ;
Il n’est pas d’une foy divine,
Mais digne d’un aveu pieux.

Une paysanne, jeune fille
D’une ravissante beauté,
Vint d’un lieu qu’on nomme saint Gille
En Montfort, ancienne cité.

Miorcec de Kerdanet, Daniel Louis (1837) op. cit., p. 337

La fin du miracle de la cane

Le dernier procès-verbal mentionnant la venue de la cane est daté du 9 mai 1739.

L’an 1739, nous soussigné missire Joseph Allain, recteur de la paroisse de St. Nicolas, certifions à qui il appartiendra, pour en conserver l’éternelle mémoire, que le huit may, veille de la translation de St. Nicolas, entre les sept & huit heures du soir, étant à souper chez N. H. Toussaint Mouazan, sieur de Tremelin, l’un des anciens syndics de cette ville, sénéchal de plusieurs jurisdictions, en compagnie de noble & discret Missire Laurent Brûlé, recteur de la Baussane, noble & discret missire François René de Léon, recteur-prieur de Miniac, près Bécherel & missire Louis Davy, prêtre de la paroisse de St. Jean de cette ville ; messire Louis du Bouais de St. Gondran, receveur actuel des devoirs du département de Montfort, messire Jacques Baudri, commis au bureau de la distribution des vins & eaux-de-vie & papier timbré de cette ville, demoiselle Marie-Anne de Léon, veuve de N. H. René le Tournoux, trieur des Plessis , sénéchal de plusieurs juridictions & ancien syndic de cette ville, & demoiselle Renée le Tournoux, épouse dudit sieur Mouazan le sieur Joseph Vialars, marchand de draps & soyries de cette paroisse, nous apporta un petit canneton de la grandeur que seroit ordinairement un canneton domestique éclos depuis trois ou quatre jours, nous disant : voilà un canneton de votre canne ; la canne de St. Nicolas est arrivée & voilà un de ses petits que j’ai pris sur le pavé vis-à-vis de l’Église ; le public est assemblé autour de votre église, & assure avoir vu voltiger la canne, plusieurs fois, en l’entour de l’église & de la croix. Aussitôt, on interrompit le souper & nous nous transportâmes dans la place qui est au-devant de l’église, appelée ordinairement le cimetière, pour nous acertiorer du fait, accompagnés desdits sieurs de Léon, Davy, du Bouais, Mouazan, même desdits sieurs Brûlé & Baudri ; mais ces deux derniers, s’en étant retournés aussitôt, ne virent point la canne. Étant arrivés dans ladite place, nous trouvâmes en effet un grand concours de peuple assemblé, dont la plupart nous attestèrent avoir vu la canne voltiger, à plusieurs reprises, autour de la croix dudit cimetière & de l’église, & pouvoit être dans les jardins du prieuré, où nous entrâmes pour tâcher de la trouver : ce que n’ayant pu faire, nous revînmes dans la place au-devant de ladite église, & y étant resté quelques minutes , nous apperçumes une canne que tout le public nous dit être la même qu’ils avoient vue. Elle nous parut d’une autre figure que les cannes ordinaires par la longueur de sa queue & la finesse de son col & de sa tête : elle parut venir comme du haut de la rue St. Nicolas, fit en voltigeant le tour du presbytère, du prieuré & de l’église, & s’en retourna à peu près vers le lieu d’où elle avoit paru venir.

Nota. - Qu’on apporta à notre presbytère, le même soir, un canneton semblable à celui dont nous avons parlé, trouvé dans un jardin voisin de l’église, que nous enfermâmes sous la clé jusqu’à ce jour, deux heures de l’après midi : pendant ce temps, on lui a offert, plusieurs fois, à boire & à manger, sans qu’il ait rien pris, excepté une seule fois qu’il nous a paru avaler quelques gouttes d’eau, après lui avoir mis, plusieurs fois, le bec dans l’eau, après tout quoy, en présence de grand nombre de personnes, avons donné la liberté à ce petit canneton, qui a marché avec autant de vitesse que si c’eut été un grand ; & ayant passé par le trou d’une porte qui donne sur des jardins, il a disparu : ce que nous certifions véritable, comme ci-devant, ce 9e mai 1739. Signé Brûlé, recteur de la Baussane, F : R : de Léon Pr. Br. de Miniac, L : Davy p.lre, Du Bouays, Baudri, Marie-Anne de Léon, Renée le Tournoux, de Tremelin Mouazan, Joseph Vialars. Fin avant de signer, je certifie, que plusieurs personnes m’ont déclaré avoir encore vu la canne ce matin, faire le tour de l’église, en voltigeant comme hier au soir. Signé Allain R.

Registres des décès de la paroisse St Nicolas de Montfort in Miorcec de Kerdanet (1837) op. cit., p. 340

Ce fut la dernière fois que l’on vit le miracle de la cane à Montfort. Cinq ans plus tard, une cane inaugura pourtant le feu d’artifice du 8 octobre 1744.

Une décharge de l’artillerie annonça le vol d’une Canne de Feu qui partit avec une rapidité étonnante d’une des fenêtre de l’hôtel-de-ville du côté du faubourg et, après avoir été jusqu’à la moitié de la rue Saint-Nicolas, elle retourna avec la même rapidité

Lettre circulaire imprimée MS50 in SIBOLD, Marcel, « La cane de Montfort devant l’histoire », Glanes en pays pourpré, sans date.

Selon Poignand, l’évêque de Saint-Malo, de Fogasse de la Bastie, en visite épiscopale à Montfort vers 1750, demande à examiner les procès-verbaux mentionnant le miracle de la venue. Les ayant examinés il aurait affirmé :

Quoi ! Messieurs, vous n’avez que cela ? C’est bien peu de chose que votre canne.

Poignand, J.C.D. (1820) op. cit., p. XII

Cette condamnation épiscopale marque la fin du soutien du miracle de la cane par l’église catholique.

L’étang Saint-Nicolas, qui touchait autrefois les contreforts de la tour du Papegault, commence à diminuer vers 1730. L’étang, dans lequel la cane apparaissait, se réduit alors aux dimensions du Garun, ne se reformant qu’aux saisons de fortes pluies. L’étang disparait complètement vers 1760. —  SIBOLD, Marcel, « Montfort-la-Cane entre Meu et Garun », Glanes en pays pourpré, sans date, p. 12-14.. —

L’église Saint-Nicolas, vendue comme bien national en 1791, est rasée en 1798. La ville s’est appelée Montfort-la-Cane du 17e siècle jusqu’en 1798, avant de prendre le nom de Montfort-la-Montagne, puis de Montfort-sur-Meu.


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SIBOLD, Marcel, « La cane de Montfort devant l’histoire », Glanes en pays pourpré, sans date.

TURBIAUX, Marcel, « La Cane de Montfort, aspect d’un thème mythologique », Bulletin de la Société de mythologie française, 1990, p. 11-36.

SIBOLD, Marcel, « Montfort-la-Cane entre Meu et Garun », Glanes en pays pourpré, sans date, p. 12-14.


↑ 1 • L’animal apparaissant au moment de la fête de la translation des reliques du saint, cette procession est donc forcément postérieure à la translation de saint Nicolas à Bari en 1087. La fondation de l’église Saint-Nicolas de Montfort date de 1105 (Ogée).

↑ 2 • Traduction de M. Turbiaux d’après l’exemplaire de la B.M. de Rennes n°88822, p. 56, recto

↑ 3 • Bernard Robreau est l’auteur d’un essai sur les fées de Brocéliande dans lequel il évoque la folie ou la rage dans laquelle tombent les hommes séduits par les femmes-fées se transformant en oiseau, le plus souvent en cane ou en oie. —  ROBREAU, Bernard, « Yvain et les fées de Brocéliande », in Brocéliande ou le génie du lieu, Presses Universitaires de Grenoble, 2002, p. 147-148. [pages 147-148] —

↑ 4 • Barthélemy de Chassaneuz est né en 1480. Avocat au bailliage d’Autun il plaide la cause des Rats contre l’excommunication prononcée par l’évêque d’Autun, dont il raconte lui-même les détails dans son ouvrage intitulé Catalogus gloriae mundi. La bizarrerie et l’éclat de cette cause lui donnent une certaine célébrité. II est nommé conseiller au parlement de Paris en 1542 et assiste au jugement du cardinal de Bourbon. Quelque temps après, il passe au parlement d’Aix, en qualité de premier président. Il meurt dans cette ville, en 1542.

↑ 5 • Traduction d’après l’original en latin.

Aliud quoque ferè incredibile de anaturum natura infert ibi Fulgosus cum ait quod in ea parte Galliae (quae Britannia dicitur) prope urbem Redonensem, oppidum est Montisfortis nomine, ubi, Maio mense (cum sancti Nicolai solemnia celbrantur) a parvo lacu haud longè ab oppido, ea hora, qua vel missa vel vespertinae orationes cantatur, Anas templum init cum tredecim pullis, post aquam aram circumendedit, ad eudem lacum regreditur, uno pullorum, quos secum veniens duxit, semper deficiente, neque vero quo is se recipiat intelligitur ; quod quis, ut rei experimentatum faciat, aut quia rei nullam fidem habeat, comprehendere, aut occidere tentaverit, confestim rabie corripitur ac moritur, aut gravem morbum subito incidit.

↑ 6 • Poignand écrit en 1820 qu’il a lu les originaux aux archives municipales de Montfort.

Ce procès-verbal était en effet le seul qui pût mériter quelque confiance, et opérer quelque persuasion parmi les nombreux procès-verbaux d’autres miracles qui composaient une grosse liasse de papiers que j’ai vue aux archives de la municipalité. Je crois que cette liasse, qui avait été prêtée à des particuliers pendant la révolution, a été détruite ou perdue ; car je l’y ai fait chercher depuis, et elle n’a point été trouvée. Tous les autres procès-verbaux qu’elle contenait n’attestaient rien autre chose si ce n’est qu’à différentes époques une canne avait été vue marcher devant la procession, et quelquefois même se fourvoyer dans l’église avec ses petits, ou voltiger autour de l’église. Il est surtout d’observation que la canne processionnelle était toujours une couveuse qui avait des cannetons à protéger.

POIGNAND, Jean Côme Damien, Antiquités historiques et monumentales de Montfort à Corseul par Dinan et au retour par Jugon, Rennes, Duchesne, 1820, Voir en ligne. p. IX

Selon le dictionnaire Ogée, la liasse de procès-verbaux aurait été vendue en 1809. —  OGÉE, Jean-Baptiste, Dictionnaire historique et géographique de la province de Bretagne, dédié à la nation bretonne : M-Z, Vol. 2, Réédition par A. Marteville et P. Varin, 1853, Rennes, Deniel, succ. Molliex Libraire-Editeur, 1780, Voir en ligne. p. 52 —

↑ 7 • Claude de Rieux (1525-1561), petite-fille de Guy XVI de Laval, seigneur de Montfort.

↑ 8 • texte en latin :
Traduction possible :

Il y a maintenant, et depuis des temps immémoriaux, dans la petite Bretagne, une histoire, qui se passe aux périodes de grande vénération dans la ville ou château de Montifortis. Dans cette même ville est une église dédiée en l’honneur de Dieu et de Saint-Nicolas, fréquenté depuis des temps antiques. Il y a un grand lac non loin de là au milieu d’un faubourg, à quelques mètres entre lui et l’église, et dans ce dict étang, vivait une cane avec des oiseaux aquatiques. Laquelle, en mai, nourrit ses poussins au moment de la fête de translation des reliques de saint Nicolas, à ce moment, et parfois après les dictes fêtes, se rend à l’église en procession avec ses poussins, et elle va, comme par dévotion, parallèlement à la foule sur le chemin de l’autel du bienheureux Saint-Nicolas mais à l’autel elle s’en retourne avec ses poussins vers le lac sans que personne ne la dirige. On raconte qu’elle laisse un de ses poussins, on ne sait où, mais ce n’est pas là un fait certain. [...]
Mais fréquemment non seulement les catholiques : tout a été fait, et plus tard approuvé par l’Assemblée des États des provinces appelée à la réunion.

↑ 9 • Traduction de Marcel Turbiaux —  TURBIAUX, Marcel, « La Cane de Montfort, aspect d’un thème mythologique », Bulletin de la Société de mythologie française, 1990, p. 11-36. —

↑ 10 • Bertrand d’Argentré est un juriste et historien breton, né à Vitré le 19 mai 1519 et mort à Thorigné le 13 février 1590.

↑ 11 • Jean Laporte, dit Louveau est un des premiers apôtres du protestantisme en Bretagne. Il y est envoyé en 1559 par l’Église calviniste mais ne commence son apostolat que deux ans après. Il est nommé premier pasteur de la ville de Nantes de 1587 à 1596. Proche de l’amiral de Coligny, il meurt en 1608

↑ 12 • Anne d’Alègre, comtesse de Laval, belle fille de François de Coligny, épouse de Guy Paul de Coligny, dit Guy XIX de Laval

↑ 13 • Les Pédasiens sont un peuple d’Asie Mineure mentionné par Hérodote

↑ 14 • Il s’agit d’un petit in 4°, 135 m. sur 80, imprimé chez Michel Hellot à Rennes.

↑ 15 • suivant la Contre-réforme issue du concile de Trente

↑ 16 • Le R. P. Candide de St. Pierre est né à Montfort-la-Canne en 1643. Il fait profession de foi au couvent des Carmes de Rennes, en 1663. Il a notamment publié un recueil de poésies sacrées, dédié à Jules-Malo de Coëtquen, comte de Combourg.