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1907

La légende de la fontaine de Vignouse

Un miracle de Notre-Dame de Paimpont

Vignouse en Paimpont

Vignouse est un lieu-dit de la commune de Paimpont situé à la « Ville-Danet », à 3,5 kilomètres du bourg de Paimpont en direction de Gaël. Ce lieu-dit est attesté depuis 1715.

En 1715 un loup enragé fit de grands ravages aux environs de Concoret. 25 personnes en furent mordues et plusieurs en moururent. Il parut d’abord à Vignouse.

GUILLOTIN, abbé Pierre-Paul, « Registre de l’abbé Guillotin », Concoret, 1791, Voir en ligne.

Selon l’abbé Louis Gervy, recteur de Paimpont au début du 20e siècle, la fontaine de Vignouse a fait l’objet d’une vénération de la part des paimpontais.

Cette fontaine à l’eau claire et limpide, se trouve sur la route même qui conduit à Saint-Méen. Les paysans lui attribuent des vertus merveilleuses. Aussi, malgré le danger qu’elle présente pour les attelages, peut-être à cause de la vénération dont elle fait l’objet, la voirie elle-même a cru jusqu’ici devoir la respecter.

GERVY, abbé Louis, « Un grand pèlerinage et un charmant pays (1) », Revue de Bretagne, Vol. 37, 1907, p. 344-370, Voir en ligne.p. 347
Cadastre de 1823 : Vignouse

L’abbé Gervy est, en 1907, le premier auteur à donner une version de la légende de la fontaine de Vignouse. Selon l’abbé, un miracle de la Sainte Vierge serait à l’origine du nom donné à ce lieu-dit. La publication de cette légende est à replacer dans le contexte du renouveau du pèlerinage de Notre-Dame de Paimpont et de la construction du sanctuaire de la grotte en 1884.

La légende de la fontaine de Vignouse

Donc, au village voisin, habitait un brave bûcheron du nom de Genouvrier. Son épouse, bonne fille de Paimpont, lui avait donné plusieurs enfants. De bon matin, Jérôme, après avoir envoyé à son Dieu le cordial salut de l’ouvrier chrétien, se rendait en sifflant dans la forêt. Sous le fil de sa hache et le vigoureux effort de son bras, les chênes les plus durs et les plus gros tombaient comme paille jaunissante. Le soir, les sourires, les caresses des siens, lui faisaient oublier les sueurs et les ennuis d’une journée solitaire. Mais la mort jalouse avait aiguisé sa faulx si terrible et Jérôme tomba sous ses coups et se coucha tristement pour dormir de son sommeil éternel. Qu’elle fut longue et silencieuse la veillée du mort !

A la faible lueur d’un cierge béni, veuve et orphelins, agenouillés dans la douleur au pied du lit funèbre, pleuraient sans mot dire. Leurs larmes aussi étaient des prières. Au loin, dans la vieille église, quelques glas se détachèrent soudain de la cloche des trépassés, tandis que le vent errait sur la bruyère et que des bruits mystérieux sortant des ravins voisins, venaient augmenter la terreur des petits enfants serrés contre leur mère.

C’était déjà trop pour la veuve de sa propre douleur ; la douleur de ses enfants la força, à son tour, de se mettre au lit. Une nourriture substantielle, un peu de vin, auraient réparé ses forces épuisées. Mais que faire quand on n’a ni avoir ni pouvoir ? Elle allait oublier ses chers petits abandonnés et appeler la cruelle Ravisseuse de tous ses vœux, quand elle se souvint de la charité inépuisable du curé de Paimpont, si bon naguère pour Jérôme souffrant.

— Marie, dit-elle à une de ses petites filles, prends cette cruche, mon enfant, va à Paimpont demander à M. le Curé, un peu de vin pour ta mère si faible et si malade. Il aime à se montrer la Providence du pauvre...

Et Marie se mit aussitôt en route, non sans pleurer le long du chemin, car elle comprenait que sa mère souffrait et allait peut-être mourir. Arrivée auprès de la fontaine aujourd’hui appelée Vignouse, voilà qu’elle aperçut tout à coup une belle dame. La dame s’avança gracieusement vers l’orpheline et, la prenant par la main d’un air de douce compassion :

— Où vas tu ? ma petite Marie, demanda-t-elle. Pourquoi pleures-tu ?

— Ma mère est malade, belle dame. Je vais à Paimpont chercher du vin pour elle.

— Ah ! tu vas chercher du vin pour ta mère malade. Mais as-tu de l’argent au moins ?

— Dame non, je n’ai pas d’argent

—Comment feras-tu alors ? Les aubergistes, ces gens qui donnent trop souvent à boire à ceux qui n’en ont pas besoin, ne te donneront pas du vin si tu n’as pas d’argent.

— C’est vrai ça, répondit l’enfant. Mais M. le Curé m’en donnera lui.

— Et si ta mère a trop grand besoin et est morte à ton retour ?

A ces mots, la pauvre petite Marie se mit à pleurer à chaudes larmes.

— Ne pleure pas, mon enfant, dit la bonne dame d’une voix émue. Ne pleure pas. Ta mère ne mourra point et sera bientôt guérie. Crois bien ce que je te dis, et, puisque tu as besoin de vin, puise dans cette fontaine : l’eau se changera en vin.

— Bien sûr, dit l’enfant à moitié convaincue. Ce sera du vin et ma mère sera guérie ?.

— Ce sera du vin et ta mère guérira ; car, vois-tu, mon enfant, je suis plus puissante que la maladie, plus puissante que la mort même. Le vent se tait à mon approche, les fleurs s’inclinent sur mon passage et l’herbe se courbe à peine sous mes pas. Va, dis à tous que tu as vu la Vierge Marie, et que la Reine du Ciel a guéri ta mère. Adieu mon enfant, sois bien sage et je te mettrai dans mon beau Paradis.

En disant ces mots, Celle qui est assise dans le Ciel à la droite de Dieu, se pencha vers l’enfant qu’Elle embrassa au front. Marie étendit ses bras, mais l’apparition glissa entre ses mains et s’évanouit dans le ciel sous la forme d’une petite lueur bleue.

L’enfant puisa dans la fontaine et le prodige s’accomplit, et la pauvre mère, après avoir bu du vin miraculeux fut aussitôt guérie, et put reprendre au foyer du pauvre logis une place où elle était si nécessaire.

Que d’autres accueillent par un sourire ce naïf récit. Libre à eux. Pour moi, ô belle, ô bonne Dame de Vignouse, puissante Protectrice et céleste marraine de Marie Genouvrier l’orpheline, douce guérisseuse de la veuve du bûcheron, j’aime à vous saluer et à vous reconnaitre, à la lueur incertaine de la légende, comme la messagère et l’introductrice au milieu de nous de Celle qui doit embaumer les pages de notre histoire paroissiale, la belle, la bonne Notre-Dame de Paimpont.

Mentions et commentaires

Paul Banéat

En 1929, Paul Banéat mentionne la légende développée par l’abbé Gervy.

Une légende raconte que la Vierge Marie changea son eau en vin en faveur d’un enfant qui allait sans argent chercher du vin à Paimpont pour sa mère malade. Le nom de Vignouse viendrait de cette légende.

BANÉAT, Paul, Le Département d’Ille-et-Vilaine. Histoire, archéologie, monuments, Vol. 3, Rééd. 1973, Librairie Guénégaud, 1929. [page 41]

Albert Poulain

Albert Poulain mentionne à son tour la légende de Vignouse.

Paimpont En bordure de la route, à 3 km du bourg, une fontaine porte le nom de « fontaine vignouse ». La légende attribue à la Vierge le miracle du changement de l’eau en vin pour un enfant dépourvu d’argent, allant chercher du vin pour sa mère malade ! Il n’est pas étonnant de rencontrer ce genre de fontaine dans ces lieux prestigieux, peut-être avait-elle le nom de fontaine blanche ?

POULAIN, Albert, Sorcellerie, revenants et croyances en Haute-Bretagne, Rennes, Ouest-France, 1997, 132 p. [page 79]

Bibliographie

BANÉAT, Paul, Le Département d’Ille-et-Vilaine. Histoire, archéologie, monuments, Vol. 3, Rééd. 1973, Librairie Guénégaud, 1929.

GERVY, abbé Louis, « Un grand pèlerinage et un charmant pays (1) », Revue de Bretagne, Vol. 37, 1907, p. 344-370, Voir en ligne.

GUILLOTIN, abbé Pierre-Paul, « Registre de l’abbé Guillotin », Concoret, 1791, Voir en ligne.

POULAIN, Albert, Sorcellerie, revenants et croyances en Haute-Bretagne, Rennes, Ouest-France, 1997, 132 p.

TIGIER, Hervé, Terroir de Paimpont, Auto-édition, 2016.