1883-1965
Dom Alexis Presse
Alexis Presse, religieux breton et rénovateur de l’abbaye de Boquen, a participé à la Gorsedd Digor de 1951 à Tréhorenteuc.
Alexis Presse est né le 26 décembre 1883 à Plouguenast (Côtes d’Armor). Il décède à l’abbaye de Boquen (Plénée-Jugon, Côtes d’Armor) le 1er novembre 1965. Vers la fin de 1932, de jeunes moines de l’abbaye de Tamié en Savoie, où Alexis Presse officie à partir de 1925 comme Père Abbé (Dom Mathurin) souhaitent aller, hors de France, en pays de missions. Pour des raisons d’incompatibilité des pratiques de l’Ordre cistercien avec les conditions climatiques de ces pays, un refus leur est signifié par l’Ordre. Les jeunes, n’étant liés que par des vœux temporaires et le temps de leurs vœux étant expiré, proposent de créer un monastère indépendant ou rattaché à la « commune Observance de l’Ordre de Cîteaux ».
La mise au ban de l’Ordre Cistercien
Entre 1933 et 1935, le Père Abbé Alexis qui soutient les jeunes moines effectue les démarches auprès des autorités ecclésiastiques afin d’obtenir l’autorisation de sa hiérarchie pour la création de ce monastère.
Rome souhaitait ardemment des fondations contemplatives missionnaires dans le genre indiqué, tous aussi déclarèrent au Père Abbé que c’était son strict devoir de favoriser le projet de tout son pouvoir […] II espérait obtenir que les fondateurs, tout en quittant l’étroite Observance de Cîteaux, pourraient rester religieux et se rattacher de suite à l’autre branche de l’Ordre.
De fin décembre 1935 à juillet 1936, alors que le saint Siège soutient que le projet de ces religieux correspond à ses souhaits, ce dernier renvoie à la Sacrée Congrégation des Religieux, seule compétente à ses yeux, le choix de la décision finale. Celle-ci refuse catégoriquement et met en accusation devant le Chapitre 1 le Père Abbé qui ne peut réellement se défendre. Le 14 septembre 1936 est publié
un Décret par lequel le Père Abbé était déclaré déposé de sa charge d’Abbé de Tamié avec défense de retourner en cette abbaye sous peine d’excommunication réservée au Père Général.
Ayant pu, avec difficulté, récupérer ses effets et documents personnels, Dom Alexis part le 15 octobre 1936 vers l’abbaye de Boquen, située dans la commune de Plénée-Jugon, dans le diocèse de Saint-Brieuc. Il y établit un monastère sur les ruines d’une abbaye fondée en 1137 et vendue comme bien national le 26 mai 1791 pour 31 000 livres à Louis Josse, dernier prieur de l’abbaye.
Le val est écarté des grandes voies, d’abord secret et peu facile. Il a fallu quitter la route de Rennes à Lamballe, laisser même au croisement de Plénée-Jugon, la départementale, et suivre longuement des chemins contournés qui s’enroulent aux collines et passent et repassent inlassablement les ruisseaux. En avançant, on a senti qu’on s’enfonçait dans le mystère. Les biches viennent parfois paître dans la cour du couvent, et la nuit, les renards y crient. Brocéliande n’est pas loin, ni l’enchanteur Merlin.
Il y retrouvera les jeunes de Tamié et y résidera jusqu’à sa mort en tant que moine n’appartenant à aucune famille religieuse.
Cette affaire a donné lieu à l’écriture par Bela Just en 1943 d’une biographie déguisée en roman — JUST, Bela, Les illuminés, Rééd. 1950. Trad. française Henri Bonnel, Ed. du Seuil, 1943. — éditée en Hongrie. Dom Alexis y devient Dom Bernard.
Un article paru en 1949 dans la revue La vie catholique illustrée en fait un commentaire.
Dom Bernard n’aura pas seulement à vaincre les difficultés matérielles et physiques qu’implique une telle entreprise. Coray est situé auprès d’une forêt bretonne qui évoque la forêt de Brocéliande : les habitants sont à peu près retournés au paganisme, ils pratiquent toutes les superstitions, la sorcellerie est parmi eux en honneur et le monastère reviviscent est, pour eux, une citadelle ennemie. Nous ne savons dans quelle mesure la description est exacte : ces résurgences du paganisme cependant ne sont pas seulement imaginaires, on pourrait les déceler trop souvent dans maintes campagnes de France où la moindre défaillance du christianisme laisse aussitôt réapparaître les coutumes primitives. Mais la maison de Dieu exerce un rayonnement intense : toutes les préventions des hommes d’alentour cèdent le jour où l’œuvre de Dom Bernard reçoit la consécration d’un miracle.
Alexis Presse côtoie Henri Hillion de Coatmoc’han, fondateur de l’abbaye de Run Meno (commune de Vieux-Marché, Côtes d’Armor) dont il est proche. Ce dernier est un des restaurateurs des chrétientés celtiques en France, et particulièrement en Bretagne. Il fut le fondateur de l’Ordre monastique d’Avallon qu’il quittera en 1970.
La dérive idéologique de Dom Alexis
C’est à l’abbaye de Boquen qu’Alexis Presse « accueillera » les armes, munitions et tracts que l’Abwehr avait livrés en août 1939 en soutien aux activistes bretons 2. Le contenu des tracts découverts à Jersey, où les courants maritimes avaient fait dériver une caisse malencontreusement tombée à l’eau lors d’un premier déchargement aux Sept Iles (au large de Perros-Guirec), ne laisse aucun doute quant à l’idéologie de leurs auteurs 3. Dom Alexis Presse ne pouvait ignorer la teneur de ces tracts. Il peut être considéré comme proche des promoteurs des thèses indépendantistes bretonnes qui se font jour avant la Seconde Guerre mondiale. Il jouera d’ailleurs le rôle de directeur de conscience de la fraction catholique de la milice Bezen Perrot 4 qui collaborera activement avec les nazis.
Yvon Tranvouez s’interroge sur les dérives identitaires d’Alexis Presse. Après avoir montré ses liens avec le Bezen Perrot, il évoque ceux qu’il entretient avec la Gorsedd de Bretagne.
Mais dans quelle mesure et comment passe-t-on de Merlin à Noménoé, de l’enchantement romantique à l’engagement nationaliste ? Ce point, on l’a vu, reste obscur. Dom Alexis ne figure pas dans la liste des « paladins » de l’Emsav Katolik dressée par Francis Le Squer, ni même dans celle de ceux qu’il situe en second rideau. Il est sûr, pourtant, que pendant la guerre les liens se sont faits plus étroits. Le témoignage d’un ancien du Bezen Perrot sur les événements de 1944 est extrêmement net : « À la demande de Peresse [le chef de cette unité de combat, officiellement Bretonische Waffenverband der SS, engagée dans la lutte contre les maquis en 1944], Dom Alexis Presse avait accepté d’être le conseiller spirituel des jeunes volontaires chrétiens. En le quittant, Dom Alexis lui donna sa bénédiction. […] L’abbaye de Boquen abrita des armes pour le compte du Bezen. » On a vu que Dom Alexis n’a vraisemblablement échappé à l’épuration que sur l’intervention du président du Comité Départemental de Libération des Côtes-du-Nord, Henri Avril, lequel savait sans doute par son frère dominicain, lui-même proche du Père Maydieu, les liens que l’Abbé de Boquen entretenait aussi – sans y voir apparemment de contradiction – avec les milieux de la Résistance catholique. A-t-on voulu effacer discrètement ce qui n’aurait été que l’égarement d’un printemps et d’un été ? Mais alors il faudrait expliquer par quelle entremise la cape que portait l’abbé Perrot au moment de son assassinat s’est retrouvée et conservée à Boquen : dans les années cinquante, il n’est pas rare que des troupes des scouts Bleimor se rendent à l’abbaye pour y faire bénir leur fanion et la lui faire toucher 5. On sait aussi que Dom Alexis a organisé, en 1953, le retour à Boquen de reliques de saints bretons longtemps conservées à Paris, et qu’il a été, de 1938 à sa mort, chapelain des druides, bardes et ovates de Bretagne, accueillant même dans son monastère le Gorsed Kuz de 1953.
En 1949, Alexis Presse préface l’édition posthume du Voyage de Lourdes, ouvrage du célèbre chirurgien Alexis Carrel, prix Nobel de physiologie ou médecine, connu pour ses propositions de reconditionnement des déviants dans L’homme cet inconnu paru en 1935 où il développe sa thèse de l’euthanasie 6.
Dom Alexis et le druidisme
Selon le répertoire du Collège des Bardes de Bretagne (C.B.B.) édité en 1940, Alexis Presse est druide et membre de la Gorsedd de Bretagne depuis 1938 sous le nom de Manac’h ar gwelec’h
. — DIOCÈSE DE QUIMPER ET LÉON, Gorsedd roll Kroaz-Doue ezili beo ha maro Skol Veur Drouized, Barzed hag Oveded Breiz Gorsedd : répertoire alphabétique des membres vivants et décédés du Collège des Druides, Bardes et Ovates de Bretagne, Rennes, Editions Armorica, 1940, Voir en ligne. p. 6 —. Il en est même un membre influent puisque Taldir, alias François Jaffrennou, Grand druide de Bretagne, écrit en 1940 :
Si le Collège des Bardes tient un jour une réunion pour préparer la nouvelle période de son existence, ce sera à l’abbaye restaurée de BOQUEN, par Plénée-Jugon (Côtes du Nord), où le Père Abbé Dom Alexis PRESSE, druide, nous a invités. Pour le moment, la nuit nous recouvre, mais en nous appuyant sur notre Tradition, nous retrouverons le sentier perdu qui nous conduira vers la lumière. Dans l’hiatus qui marque cette période, nous ne nous départirons pas de la réserve qui s’impose, mais prévoyant l’avenir, nous emploierons utilement nos loisirs à nous documenter sur les nouveaux problèmes européens, en prévision de la collaboration intellectuelle qui s’établira entre l’Occident Celtique et la Germanie. Il faut que les bardes y soient présents.
Le dimanche 29 juillet 1951, une cérémonie druidique a lieu à Tréhorenteuc et au Val sans Retour. Il s’agit de la Gorsedd Digor, cérémonie publique en breton de la Gorsedd de Bretagne, célébrée traditionnellement le 3e dimanche de juillet. À cette occasion, Alexis Presse est photographié en tenue de chapelain de la Gorsedd.