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1844

Peronnik l’idiot

Un conte du Foyer Breton

Peronnik l’idiot est un conte d’Émile Souvestre, paru dans Le Foyer Breton en 1844, qui montre de nombreuses similitudes avec Le Conte du Graal de Chrétien de Troyes.

Un conte d’Émile Souvestre

Perronik l’idiot est un conte collecté par Émile Souvestre et publié en 1844 dans son principal ouvrage, Le Foyer Breton. —  SOUVESTRE, Émile, Le foyer breton : contes et traditions populaires, Vol. 2, 1853, Bruxelles, Kiessling et Cie, 1844, Voir en ligne. —

Ce conte figure dans la dernière partie de l’ouvrage, intitulée Contes du Pays de Vannes. Cette partie commence par une longue introduction : La Hutte du Sabotier.

Le narrateur, parti de Ploërmel pour se rendre à la Fontaine de Barenton, est guidé par un ancien chouan devenu braconnier. Les deux hommes devisent chemin faisant, mais le temps change brusquement, une tempête de neige les surprend à la tombée de la nuit. C’est alors qu’ils croisent un boucher de Ploërmel de retour de la chasse ; il leur propose de s’abriter dans la hutte d’un sabotier. Assis auprès du foyer, le braconnier, le sabotier et un meunier racontent tour à tour leur histoire.

Les deux premiers contes de La Hutte du Sabotier sont Le diable devenu recteur et Les Korils de Plaudren. Le troisième et dernier conte se déroule pour partie en forêt de Paimpont-Brocéliande. Il s’agit de Peronnik l’idiot, raconté par le sabotier. — Souvestre Émile (1844) op. cit., p. 137 —

Le récit de Péronnik l’idiot

A l’époque dont je vous parle (c’est-à-dire il y a mille ans et plus) le pays du blé blanc n’était pas tout à fait comme vous le voyez aujourd’hui. Depuis ce temps-là bien des gentilshommes ont mangé leur héritage et changé leurs futaies en sabots ; aussi, la forêt de Paimpont s’étendait-elle sur plus de vingt paroisses. Il y en a même qui disent qu’elle passait la rivière et allait rejoindre Elven. Quoi qu’il en soit, Peronnik arriva un jour à une ferme bâtie sur la lisière du bois, et, comme il y avait déjà longtemps que la cloche du Benedicite sonnait dans son estomac, il s’approcha pour demander à manger.

SOUVESTRE, Émile, Le foyer breton : contes et traditions populaires, Vol. 2, 1853, Bruxelles, Kiessling et Cie, 1844, Voir en ligne. p. 115
Le foyer breton : Peronnik l’idiot (Emile Souvestre)
Gravure d’Octave Pinguilly dans l’édition Coquebert de 1844 du « Foyer Breton »

Perronik 1 était un de ces pauvres idiots qui ont pour père et mère la charité des chrétiens. Un jour, s’approchant d’une ferme, il demande à manger à la fermière, qui était seule. Il la persuade par ses flatteries de lui donner un large repas. Un cavalier survient et demande quel est le chemin qui conduit au château de Kerglas 2, où le bassin d’or et la lance de diamant sont déposés au fond d’un souterrain.

[...] outre que le bassin d’or [dit-il] produit, à l’instant, les mets et les richesses que l’on désire, il suffit d’y boire pour être guéri de tous ses maux, et les morts eux-mêmes ressuscitent en le touchant de leurs lèvres. Quant à la lance de diamant, elle tue et brise tout ce qu’elle touche.

La fermière prévient le cavalier que plus de cent autres gentilshommes sont déjà passés à la recherche du bassin et de la lance, mais aucun d’eux n’est revenu. Le cavalier cependant, continue son chemin ; Perronik de son côté est retenu à la ferme comme pâtre.

Au cours du temps, plusieurs cavaliers passent en quête du château de Kerglas, mais aucun ne paraît revenir. Un soir un vieillard à la barbe blanche apparaît à la lisière d’un bois, s’approche de Perronik, et révèle qu’il est un sorcier, frère du géant Rogéar qui possède le bassin et la lance. De ce vieillard, Perronik apprend le charme qui le rend capable de saisir un poulain appartenant à Rogéar. Un jour, monté sur ce poulain, Perronik part pour le château du géant et par son adresse réussit à surmonter les périls de la route. Ces périls comprennent des arbres qui paraissent s’enflammer, un korrigan, ou nain, tenant à la main l’épée de feu qui réduisait en cendres tout ce qu’elle touchait, le lac des dragons, et un vallon gardé par un homme noir. Arrivé en vue de Kerglas, le garçon trouve, assise près d’un gué, une femme vêtue d’une robe noire. Sa figure est jaune comme celle d’une Mauresque. La mettant sur la croupe du poulain, Perronik passe le gué, et suivant ses instructions il entre dans le château, fait mourir le géant Rogéar, et s’empare du bassin et de la lance. Alors il va à la cour du roi de Bretagne à Nantes, remporte la victoire sur les Français et ressuscite les Bretons morts en touchant leurs lèvres avec le bassin. Il conquiert le reste de la France, va en Terre Sainte, oblige l’empereur des Sarrasins à se laisser baptiser, et se marie avec sa fille.

Le foyer breton : Peronnik l’idiot (Emile Souvestre)
Gravure d’Octave Pinguilly dans l’édition de 1844 du Foyer Breton

L’origine du conte selon Souvestre

Selon Émile Souvestre, ce conte remonterait aux temps des bardes, époque où la forêt de Paimpont couvrait une immense étendue. Cette référence à la forêt mythique qui aurait couvert l’Armorique ancre le conte dans le temps celtique des origines, topos commun de cette première moitié du 19e siècle.

Nous avons fait observer précédemment que le pays de Vannes avait également conservé quelques récits dans lesquels on reconnaissait les réminiscences bardiques. La tradition de Peronnik l’idiot en fera foi.

Souvestre Emile (1844) op. cit., p. 71

Peronnik l’idiot est suivi d’un chapitre de plusieurs pages où Souvestre expose les liens et les similitudes présumées entre le conte breton et le roman médiéval La quête du saint Graal. Pour le collecteur, la similitude des deux œuvres s’explique par leur origine galloise commune.

Il nous semble difficile de ne point reconnaître dans le conte de Peronnik l’idiot, les traces de la tradition qui a donné naissance à l’un des romans épiques de la Table Ronde. Bien que défigurée dans le récit breton, et surchargée de détails modernes, la donnée primitive de la Quête du saint Graal s’y retrouve, en effet, nette et entière.[...] Les rapports d’origine qui existent entre ce poème et le conte breton ne sont point, à ce qu’il nous semble, difficiles à saisir. Dans les deux récits il s’agit de la conquête d’un bassin et d’une lance dont la possession assure des avantages du même genre ; les héros de la version française et de la version armoricaine sont soumis à des dangers, à des tentations, et la réussite leur assure à tous deux la couronne. On pourrait même peut-être trouver quelques rapports de personnage entre l’idiot Peronnik allant devant lui sans savoir où, et arrachant à la fermière son pain de méteil, son beurre frais baratté, son lard du dimanche, et ce Perceval simple, ignorant, grossier, qui débute par dévorer deux pâtés de chevreuil et boire un grand pot de vin. A la vérité, les détails diffèrent et les épreuves subies par Peronnik ne ressemblent point, en général, aux épreuves imposées à Perceval ; mais, en revanche, elles rappellent, de fort près, celles que surmonte Perédur, le héros de la tradition galloise. Il semble donc que le conte armoricain a puisé successivement aux deux sources française et bretonne. Né de la tradition galloise, modifié par la version française, et enfin approprié au génie populaire de notre province, il est devenu, en s’altérant par une suite de transmissions, ce que nous le voyons aujourd’hui.

Peronnik l’idiot et la critique contemporaine

Dès la fin du 19e siècle, François-Marie Luzel et Anatole Le Braz ont remis en cause les méthodes de collectage de Souvestre, lui reprochant d’arranger les contes traditionnels avec trop de liberté. —  POSTIC, Fanch, « Le rôle d’Émile Souvestre dans le développement du mouvement d’intérêt pour les traditions orales au XIXe siècle », in Actes du colloque : Emile Souvestre, écrivain breton porté par l’utopie sociale, Feb 2006, Brest, France, Brest, Centre de Recherche Bretonne et Celtique /Université de Bretagne Occidentale, 2006, p. 117-136, Voir en ligne. —

Le spécialiste de littérature médiévale Roger Shermann Loomis (1887-1966) revient en 1949 sur ces accusations portées par les successeurs de Souvestre.

[...] l’authenticité de Perronik est suspecte, et les érudits ont discuté par intervalles pendant un siècle le problème de son caractère : est-il un vrai descendant par voie orale d’un conte celtique de Perceval, comme Souvestre l’a prétendu, ou est-il une fabrication artificielle de Souvestre lui-même ?

LOOMIS, Roger Shermann, « Le Folklore breton et les romans arthuriens », Annales de Bretagne, Vol. 23, 1949, p. 203-227, Voir en ligne.

Selon ce professeur de littérature médiévale, certains traits du conte de Souvestre vont dans le sens d’un collectage authentique et peu réécrit.

Quels sont les arguments en faveur de l’authenticité de Perronik ? D’abord, le conte a tout à fait l’air rustique ; il paraît être la création de la fantaisie populaire, non pas une construction artificielle de l’époque de Louis-Philippe. Deuxièmement, s’il est contrefait, l’auteur aurait été un faussaire inconcevablement habile en limitant ou déguisant les emprunts qu’il a faits aux romans médiévaux. Hors de Perronik-Perceval, les noms propres ne se ressemblent pas, les associations sacrées du Graal et de la lance qu’on trouve dans le poème français ne se rattachent pas aux talismans cherchés par Perronik. Le Roi Pêcheur et le géant Rogéar n’ont rien en commun, sauf la possession d’un vaisseau 3 et d’une lance. Troisièmement, et c’est un argument qui m’a beaucoup frappé, les caractéristiques des objets possédés par Rogéar ne sont pas précisément celles attribuées aux objets gardés par le Roi Pêcheur ni celles du plat et de la lance qu’on trouve dans Perédur ; mais ces qualités sont presque identiques à celles rattachées dans une liste galloise du XVe siècle au vaisseau et à l’épée de Rhydderch. Le bassin d’or décrit par Souvestre « produit à l’instant les mets et les richesses que l’on désire  ». Quant au plat (dysl) de Rhydderch de la liste galloise, « le mets quelconque qu’on désirait, on l’a obtenu tout de suite ». La lance de diamant décrite par Souvestre « brillait comme une flamme  ». Dans la liste galloise se trouve, non pas une lance mais l’épée de Rhydderch ; « si quiconque la tirait du fourreau, sauf celui à qui elle appartenait, l’épée paraissait comme une flamme dans sa main  ». Si Souvestre n’a pas connu ce document gallois, comment expliquer la correspondance avec Perronik sinon par un lien traditionnel ? Cela n’arrive pas par hasard. Ces trois considérations semblent assurer l’authenticité de Perronik.

Loomis, Roger Shermann (1949) op. cit., p. 223

Mais Roger Shermann Loomis admet qu’une grande partie de cette argumentation peut être contredite. Émile Souvestre avait en effet connaissance de l’ouvrage de Hersart de la Villemarqué, paru en 1842, dans lequel il aurait pu emprunter les éléments archaïques du conte. —  HERSART DE LA VILLEMARQUÉ, Théodore, Contes Populaires des anciens Bretons, Paris, Coquebert éditeur, 1842, Voir en ligne. —

Roger Shermann Loomis conclut cette analyse sur une note de scepticisme.

Nous ne pouvons, alors, accorder à Souvestre le titre d’un folkloriste scrupuleux, scientifique, sincère, mais plutôt celui d’un arrangeur et remanieur extrêmement habile et artistique. Perronik est une contrepartie bretonne des poèmes ossianiques de Macpherson. Convaincu autrefois de son authenticité par les arguments de Junk, par le caractère apparemment primitif de certains traits, je me range maintenant parmi les sceptiques.

Peronnik l’idiot a été l’objet d’études plus récentes. S’il est vrai que le parallélisme entre le conte populaire et Perceval le Gallois est trop parfait pour n’être pas en partie fabriqué, des spécialistes contemporains en admettent cependant l’authenticité.

Un conte populaire breton raconte l’histoire d’un personnage nommé Peronnik qui n’est pas sans rappeler Perceval. De toute évidence, il ne s’agit pas d’une version vulgarisée du roman de Chrétien mais plutôt d’une survivance dans la tradition orale bretonne d’un vieux conte armoricain. Celui-ci remonte probablement à la même famille de récits celtes parvenus en Armorique au Ve siècle et dont Chrétien dut recevoir une version galloise au XIIe siècle. La tradition populaire [...] associe un bassin en or et une lance de diamant pour en faire les deux attributs merveilleux d’un magicien. Ce témoignage du folklore n’est pas sans intérêt pour cerner la nature et la fonction des objets merveilleux qui se trouvent autour du Graal. La magie, le merveilleux ne relèvent pas simplement ici de curiosités littéraires. Ils sont souvent [...] le témoignage d’anciens mythes qui ont perdu une part de leur substance et de leur fonction. À travers le merveilleux, ces récits mythiques se restructurent grâce à de nouvelles configurations de l’imaginaire tout en gardant l’écho des croyances archaïques dont ils relevaient .

WALTER, Philippe, Perceval : le pêcheur et le Graal, Paris, Imago, 2004.

En 1993, Isolde Crahay a soutenu une thèse sur les liens entre le conte publié par Émile Souvestre et la littérature arthurienne dans laquelle elle confirme l’origine archaïque de Péronnik l’idiot.

Souvestre publia Peronnik l’idiot comme une tradition de Brocéliande (1845) : le héros ayant conquis une lance de diamant qui brise et tue tout ce qu’elle touche, avec un bassin de résurrection, devient roi, comme Perceval. Le conte, jadis rapproché du Conte du Graal, a maintenant la réputation d’avoir été inventé, mais à l’époque romantique, il était de règle de retravailler les récits populaires. Souvestre a emprunté l’expression "bassin d’or" et introduit dans le conte un personnage de légende locale, la peste, vêtue comme Cundrie dans Parzival. Cependant, le reste s’avère authentique. La prétendue "idiotie" de Peronnik, qui réussit en tout, remonte aux temps ou l’innocent était censé attirer la protection divine. Les tentations de Peronnik revêtent la forme la plus archaïque du conte t. 551, les frères en quête d’un remède pour leur père. Ce conte figure justement dans les sources de l’histoire de Perceval (la demoiselle de la tente) comme le prouve la comparaison avec le poème de Thornton et le Roman de Perceforest. La manière dont le héros tue un corps sans âme avec une pomme et une aide féminine rappelle le schéma archaïque du meurtre du magicien Curoi par Cuchulainn. Le motif du corps sans âme est souvent lié au glaive de lumière dont le diamant est la matière idéale, celle du Vajra ou foudre d’Indra libérant les eaux vivifiantes. Avec ses talismans, Peronnik tue et ressuscite exactement comme le dieu irlandais Dagda avec sa massue. Outre une lecture de la légende évoquant banquet funéraire et culte des mânes le conte suggère de vieilles croyances dans la réincarnation des âmes, la naissance de l’un pouvant impliquer la mort de l’autre. Malgré quelques remaniements modernes, Souvestre a transmis une tradition d’un archaïsme surprenant, en relation avec les sources les plus anciennes de la légende.

CRAHAY, Isolde, Peronnik l’Idiot et la légende du Graal, Thèse de doctorat en Études médiévales, Université de Paris IV - Sorbonne, 1993.

Cette thèse a fait l’objet d’une publication parue en 2013. —  CRAHAY, Isolde, Aux sources féeriques du conte du Graal : Peronnik l’idiot et Perceval le nice, Peter Lang Gmbh, Internationaler Verlag Der W, 2013. —

Peronnik l’idiot illustré

Les illustrations d’Octave Penguilly

L’édition de 1844 du Foyer Breton a été illustrée par trois graveurs dont Octave Penguilly (1811-1870) 4 On lui doit notamment quatre gravures illustrant Péronnik l’idiot. —  SOUVESTRE, Émile, Le foyer breton : traditions populaires, Paris, Coquebert éditeur, 1844, Voir en ligne. p. 194 —

Une adaptation en BD

Peronnik l’idiot a été adapté en bandes dessinées par Philippe de la Fuente en 1997. —  LA FUENTE, Philippe, Peronnik l’idiot, Paris, La comédie illustrée, 1997. —

La Fuente, Philippe - Peronnik l’idiot
Paris, La comédie illustrée, 1997.

Bibliographie

CRAHAY, Isolde, Peronnik l’Idiot et la légende du Graal, Thèse de doctorat en Études médiévales, Université de Paris IV - Sorbonne, 1993.

CRAHAY, Isolde, Aux sources féeriques du conte du Graal : Peronnik l’idiot et Perceval le nice, Peter Lang Gmbh, Internationaler Verlag Der W, 2013.

HERSART DE LA VILLEMARQUÉ, Théodore, Contes Populaires des anciens Bretons, Paris, Coquebert éditeur, 1842, Voir en ligne.

LOOMIS, Roger Shermann, « Le Folklore breton et les romans arthuriens », Annales de Bretagne, Vol. 23, 1949, p. 203-227, Voir en ligne.

POSTIC, Fanch, « Le rôle d’Émile Souvestre dans le développement du mouvement d’intérêt pour les traditions orales au XIXe siècle », in Actes du colloque : Emile Souvestre, écrivain breton porté par l’utopie sociale, Feb 2006, Brest, France, Brest, Centre de Recherche Bretonne et Celtique /Université de Bretagne Occidentale, 2006, p. 117-136, Voir en ligne.

SOUVESTRE, Émile, Le foyer breton : contes et traditions populaires, Vol. 2, 1853, Bruxelles, Kiessling et Cie, 1844, Voir en ligne.

WALTER, Philippe, Perceval : le pêcheur et le Graal, Paris, Imago, 2004.


↑ 1 • Ce résumé de Peronnik l’idiot est l’œuvre du spécialiste de littérature arthurienne Roger Shermann Loomis (1887-1966). —  LOOMIS, Roger Shermann, « Le Folklore breton et les romans arthuriens », Annales de Bretagne, Vol. 23, 1949, p. 203-227, Voir en ligne. —

↑ 2 • Souvestre fait peut-être référence au manoir de Kerglas à Saint-Nolff (Morbihan)

↑ 3 • Étymologiquement proche de vaisselle : vers 1150 : « toute espèce de récipient »

↑ 4 • Octave Penguilly L’Haridon, né le 4 avril 1811 à Paris, mort dans la même ville le 3 novembre 1870, est un peintre, graveur et illustrateur français.