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1792-1874

Miorcec de Kerdanet Daniel Louis Olivier

Un acteur de la localisation de Brocéliande en forêt de Paimpont

Historien impliqué dans les débats sur la littérature arthurienne et ses fondements historiques en Armorique, Miorcec de Kerdanet est avec Jean Côme Damien Poignand et Blanchard de la Musse, l’un des principaux acteurs de la localisation de Brocéliande en forêt de Paimpont au début du 19e siècle.

Éléments biographiques

Daniel Louis Olivier Miorcec de Kerdanet est né le 18 août 1792 dans une famille de Lesneven (Finistère) 1. Il fait ses études au collège de Saint-Pol-de-Léon, puis étudie la jurisprudence à Rennes où il devient docteur en droit puis avocat. Il exerce ensuite la fonction de bibliothécaire de la bibliothèque publique de Rennes, dont il édite le premier catalogue des imprimés. Pour des raisons familiales, il doit renoncer à sa charge à la fin de l’année 1827. Il revient à Lesneven, ville où il est élu maire en 1830. Il exerce ensuite la profession d’avocat à Brest. —  RABBE, Alphonse, VIEILH DE BOISJOLIN, Claude Augustin et BINET DE SAINTE-PREUVE, Charles Claude, Biographie universelle et portative des contemporains, Vol. 3, Paris, F.-G. Levrault Libraires, 1836, Voir en ligne. p. 607 —

Miorcec de Kerdanet fait partie de la première génération d’érudits et d’antiquaires qui, dès le début du 19e siècle, s’intéressent à la Bretagne des origines. Historien impliqué dans les débats identitaires sur l’origine de la langue bretonne et sur celle de la littérature arthurienne, il publie dans les années 1820 des ouvrages novateurs et appréciés. Hersart de la Villemarqué lui rend visite à Lesneven à la fin de l’année 1837, autant pour parcourir son importante bibliothèque que pour converser sur Gwenc’hlañ 2 avec le vieil érudit. Cette rencontre apparait rétrospectivement comme une passation de pouvoirs, car l’influence de Miorcec de Kerdanet décline définitivement à partir des années 1840, remise en cause par la nouvelle génération qui lui reproche ses méthodes d’un autre temps 3. Il décède à Lesneven le 22 juin 1874, à l’âge de 81 ans.

Un acteur de la localisation de Brocéliande

En 1818, Miorcec de Kerdanet publie son premier ouvrage historique, Notices Chronologiques, dans lequel il dresse le portrait de Bretons qui ont fait l’histoire de Bretagne.

C’est ainsi qu’évoquant Merlin, il écrit que la forêt de Brocéliande lui sert encore de demeure. Miorcec de Kerdanet cite l’abbé de la Rue à l’appui de ses thèses et localise Brocéliande en forêt de Lorge.

[...] Ou Bressélian, aujourd’hui la Forêt de Lorges (près Quintin dans le département des Côte-du-Nord). Si nous en croyons les Auteurs des XIIe et XIIIe siècles, dit M. De La Rue , les Fées Bretonnes résidaient alors dans cette forêt sacrée. Il n’était question que des prodiges qu’elles y opéraient. Robert Wace, qui avait mis en vers le premier Roman de la Table Ronde, (Le Bruty-Breuhined) en 1155, entendit tant parler de ces fées qu’il prit le parti d’aller en Bretagne pour vérifier les bruits publics. C’est dans son Roman de Guillaume le Conquérant qu’il parle de ce voyage. Il y fait mention des animaux effrayans qui l’habitaient, des orages, des tempêtes qu’on occasionnait en répandant quelques comtes d’eau de la fameuse fontaine de Baranton [...]

MIORCEC DE KERDANET, Daniel-Louis, Notices chronologiques sur les théologiens, jurisconsultes philosophes, artistes, littérateurs, poètes, bardes, troubadours et historiens de Bretagne, Brest, Imprimerie de G-M-F Michel, 1818, Voir en ligne. p. 7

La rencontre avec Poignand

En 1820, Jean Côme Damien Poignand dédie son ouvrage Antiquités Historiques et Monumentales à visiter de Montfort à Corseul, par Dinan et au retour, par Jugon, à son très affectionné serviteur et ami Miorcec de Kerdanet. Les deux érudits qui partagent le même éditeur rennais, chez Duchesne, se connaissent suffisamment pour que Poignand demande à Kerdanet de diriger l’impression de son manuscrit.

J’espère que vous ne me refuserez pas la complaisance de diriger l’impression et d’en corriger l’épreuve, pour le celtique surtout, que vous entendez, et que peut-être le prote 4 n’entendra pas. Les fonctions judiciaires dont je suis chargé, et d’autres fonctions administratives que des circonstances viennent de m’imposer momentanément, ne me laissent pas le loisir d’y aller donner moi-même mes soins.

POIGNAND, Jean Côme Damien, Antiquités historiques et monumentales de Montfort à Corseul par Dinan et au retour par Jugon, Rennes, Duchesne, 1820, Voir en ligne. p. 5

L’antiquaire montfortais y écrit avoir découvert la tombe de Merlin en forêt de Brécilien, ancien nom de la forêt de Paimpont.

Cette forêt de Brécilien a été mal à propos supposée être la forêt de Lorges, proche Loudéac, parce qu’Éon de l’Étoile se trouvait natif de Loudéac ; mais ce n’est pas ordinairement dans son propre pays que l’on peut devenir prophète. Celui-ci essaya de l’être ou l’avait été Merlin, où il passait pour reposer avec son épouse sous des aubépines, où était son perron fameux...

Poignand, J.-C.-D. (1820) op cit., p. 89

En 1821, suite à l’ouvrage de Poignand, Miorcec de Kerdanet change d’opinion à propos de la localisation de la forêt de Brocéliande. Il écrit : C’est en Bretagne, dans la forêt de Brécilien ou de Brocéliande que Merlin est enseveli […] L’avocat précise dans ses notes qu’il s’agit de la forêt de Paimpont, qui en 540 partageait la Bretagne en deux parties et ajoute plus loin que Brécilien se situe vers Concoret. —  MIORCEC DE KERDANET, Daniel-Louis, Histoire de la langue des Gaulois et par suite de celle des Bretons, Rennes, chez Duchesne, 1821, Voir en ligne. p. 57 —

Miorcec de Kerdanet qui est le premier auteur à utiliser le terme de « Brocéliande » pour désigner la forêt de Paimpont 5, s’est donc rallié à la thèse de Poignand en 1821. Miorcec de Kerdanet cite Creuzé de Lesser pour étayer ses propos, concluant son chapitre par le chant neuvième de la Table Ronde dans sa quasi intégralité.

Miorcec de Kerdanet, Brocéliande et le Lycée Armoricain

En 1823, Miorcec de Kerdanet est de l’aventure du Lycée Armoricain, première revue à inscrire la Bretagne dans le mouvement romantique. Ses ouvrages sur la Bretagne des origines lui valent une certaine reconnaissance et des amitiés parmi les fondateurs de la revue nantaise. Miorcec de Kerdanet signe des articles sur l’histoire de Bretagne dès la première livraison de 1823. —  MIORCEC DE KERDANET, Daniel-Louis, « Chateaux de Bretagne », Le Lycée Armoricain, Vol. 1, 1823, p. 95, Voir en ligne. p. 95 —

Ses publications et ses articles sont l’objet de commentaires et d’échanges avec Édouard Richer. —  MIORCEC DE KERDANET, Daniel-Louis, « Voyage au vieux château de Joyeuse-Garde », Le Lycée Armoricain, Vol. 2, 1823, p. 261-264, Voir en ligne. p. 261 — C’est dans le plus tardif d’entre eux que Miorcec écrit en 1826, en parlant des forêts bretonnes.

La plus considérable était celle de Paimpont, qui, en 1467 avait 7 lieues de long sur deux de large : elle contient aujourd’hui 9000 hectares. On sait de quelle célébrité a joui cette forêt dans les XIIe, XIIIe, XIVe siècles sous les noms harmonieux de forêt des Armantes ou de Brocéliande. Outre le perron merveilleux de l’enchanteur Merlin, elle renfermait le tombeau de ce barde et la fontaine périlleuse de Barenton, décrite assez longuement par Huon de Méry, poète du XIIIe siècle.

MIORCEC DE KERDANET, Daniel-Louis, « Précis sur l’histoire naturelle de Bretagne », Le Lycée Armoricain, Vol. 8, 1826, p. 333-344, Voir en ligne. p. 339

On y trouve encore la transcription de soixante vers inédits du Tournoiement de l’Antéchrist de Huon de Méry, associant pour la première fois la forêt de Paimpont à cette œuvre médiévale.

Miorcec de Kerdanet et la cane de Montfort

Miorcec de Kerdanet est l’auteur d’une réécriture commentée de La vie des Saints d’Albert le Grand parue en 1837. Dans cet ouvrage, il s’intéresse notamment aux saints de Brécilien : saint Judicaël, saint Méen et saint Léry mais aussi à la légende de la cane de Montfort. —  LE GRAND, Albert, Les vies des saints de la Bretagne-Armorique par Fr. Albert Le Grand, 1837 - Annotée par Miorcec de Kerdanet, Daniel-Louis, Brest-Paris, Anner, 1637, Voir en ligne. p. 331 —


Bibliographie

CREUZÉ DE LESSER, Augustin François, La Table ronde, Rééd. 1829, Paris, Amable Gobin et Cie éditeurs, 1811, Voir en ligne.

LA BORDERIE, Arthur le Moyne de, « Notes sur les livres et les bibliothèques au Moyen Âge en Bretagne », Bibliothèque de l’école des chartes, Vol. 23, 1862, p. 39-53, Voir en ligne.

LE JEAN, Guillaume, La Bretagne : son histoire et ses historiens, Nantes, L. et A. Guéraud, 1850, Voir en ligne.

LE GRAND, Albert, Les vies des saints de la Bretagne-Armorique par Fr. Albert Le Grand, 1837 - Annotée par Miorcec de Kerdanet, Daniel-Louis, Brest-Paris, Anner, 1637, Voir en ligne.

POIGNAND, Jean Côme Damien, Antiquités historiques et monumentales de Montfort à Corseul par Dinan et au retour par Jugon, Rennes, Duchesne, 1820, Voir en ligne.

RABBE, Alphonse, VIEILH DE BOISJOLIN, Claude Augustin et BINET DE SAINTE-PREUVE, Charles Claude, Biographie universelle et portative des contemporains, Vol. 3, Paris, F.-G. Levrault Libraires, 1836, Voir en ligne.

Œuvres

MIORCEC DE KERDANET, Daniel-Louis, « Voyage au vieux château de Joyeuse-Garde », Le Lycée Armoricain, Vol. 2, 1823, p. 261-264, Voir en ligne.

MIORCEC DE KERDANET, Daniel-Louis, Notices chronologiques sur les théologiens, jurisconsultes philosophes, artistes, littérateurs, poètes, bardes, troubadours et historiens de Bretagne, Brest, Imprimerie de G-M-F Michel, 1818, Voir en ligne.

MIORCEC DE KERDANET, Daniel-Louis, Histoire de la langue des Gaulois et par suite de celle des Bretons, Rennes, chez Duchesne, 1821, Voir en ligne.

MIORCEC DE KERDANET, Daniel-Louis, « Chateaux de Bretagne », Le Lycée Armoricain, Vol. 1, 1823, p. 95, Voir en ligne.

MIORCEC DE KERDANET, Daniel-Louis, Voyage au vieux château de Joyeuse-Garde, Brest, MIchel, 1823.

MIORCEC DE KERDANET, Daniel-Louis, « La langue des bas bretons est-elle l’ancienne langue celtique ? », Le Lycée Armoricain, Vol. 1, 1823, Voir en ligne.

MIORCEC DE KERDANET, Daniel-Louis, « Précis sur l’histoire naturelle de Bretagne », Le Lycée Armoricain, Vol. 8, 1826, p. 333-344, Voir en ligne.


↑ 1 • Son père, Daniel Nicolas Miorcec de Kerdanet (1752-1836), fut avocat, maire de Lesneven et député ultra-royaliste du Finistère à la Restauration.

↑ 2 • Gwenc’hlañ ou Guinclan ou Kian ou Guinclaff est un barde légendaire breton du VIe siècle.

↑ 3 • Il faut lire à ce sujet les nombreuses critiques formulées en 1850 par Guillaume Le Jean, ancien admirateur de Miorcec de Kerdanet. —  LE JEAN, Guillaume, La Bretagne : son histoire et ses historiens, Nantes, L. et A. Guéraud, 1850, Voir en ligne. p. 261 —

↑ 4 • Chef d’un atelier de composition typographique

↑ 5 • J.-C.-D Poignand utilisait le terme « Brécilien »