La Croix de Malchast
Une croix associée à Merlin et à Brocéliande
La croix de Malchast, située sur la commune de Boquého (Côtes d’Armor) est associée à Merlin et à la forêt de Brocéliande. Elle est citée depuis le 15e siècle dans des prophéties annonçant des affrontements guerriers entre français et bretons.
Une première mention de Malchast en 1429
La première mention de la croix de Malchast est tirée d’une biographie de Louis II duc de Bourbon, composée en 1429 par Jean d’Orronville (ou d’Orville) dit « Cabaret ». L’ouvrage est une commande de Charles de Bourbon, petit fils de Louis III de Clermont, futur duc de Bourbon. Cabaret l’aurait rédigé d’après les souvenirs de Jean de Châteaumorand, compagnon d’armes de Louis III. Le livre, à la gloire du duc Louis, relate ses combats dans l’ost de Charles V, lors de la guerre de Cent Ans, englobant la guerre de Succession de Bretagne (1341-1364) et ses suites lointaines.
Faisant part du siège de Saint-Brieuc vers 1392, il relate un mouvement des troupes du connétable de France, Olivier de Clisson, devant Quintin.
Et en retournant, print on la maison de l’evesque de Sainct Brio, qui estoit moult forte, et près de la croix de Malchast où Merlin faisoit les merveilles. Et de là le connestable Clisson et son ost alla devant Quintin, qui est à l’entrée de la forest de Brosséliande, laquelle ville se rendit à luy, et à puis Loheach, où il assembla tous ses gens pour vouloir faire plus grande chose 1.
Ce texte est aussi le premier à mentionner une localisation de la forêt de Brocéliande près de Quintin.
Cette « croix de Malchast » peut être identifiée à une croix située aujourd’hui sur la colline du Marchallac (ou Marchallac’h), près de Boqueho (Côtes d’Armor), au nord de Quintin. À notre connaissance, La chronique du bon duc Loys de Bourbon est le seul texte associant Merlin à cette croix. Il serait étonnant de voir dans cette référence à Merlin et à Brocéliande une simple mention géographique. La croix de Malchast est associée dans de nombreuses références bibliographiques, sous différentes orthographes, à des présages concernant des affrontements entre Français et Bretons en 1351, 1392, 1451, 1488 et 1491. Le manuscrit de 1429 rapporte la plus ancienne mention de la croix de Malchast et la situe clairement entre Saint-Brieuc et Quintin.
La croix de Malchast citée par Rabelais
En 1548, Rabelais relate dans le prologue de Pantagruel un prodige qui advint en Bretaigne, peu de temps avant la bataille donnée à Saint Aubin du Cormier.
Il décrit un affrontement près de la croix de « Malchara », qui vit la victoire de geais sur des pies.
Près la croix de Malchara fut la bataille tant furieuse que c’est horreur seulement y penser. La fin fut que les pies perdirent la bataille, et sus le camp furent felonnement occises, jusques au nombre de 2589362109
Rabelais emprunte aux Facéties de Poge Florentin de 1470, la fable gréco-romaine de la bataille des pies et des geais.
CCXL D’un combat entre des pies et des geais. Au mois d’avril de cette année 1451, il arriva une chose étonnante sur les confins de la Gaule et de cette contrée qu’on nomme aujourd’hui Bretagne. Des pies et des geais, après s’être formés dans les airs en ordre de bataille, poussèrent des cris perçants et se livrèrent pendant tout le jour un combat acharné. Les geais furent vainqueurs ; on trouva morts par terre jusqu’à deux mille des leurs, et quatre mille pies. Ce que signifie ce prodige, le temps nous l’apprendra…
L’auteur de Pantagruel écrit que ce combat des oiseaux présage de l’issue de la bataille de Saint-Aubin-du-Cormier en 1488, qui voit la victoire des Français commandés par la Trémouille sur les Bretons commandés par le duc d’Orléans. Les geais vainqueurs portent en effet dans leur plumage le bleu, le rouge et le blanc de la livrée de la France et les pies un plumage moucheté de noir et de blanc, l’hermine des armes de Bretagne.
Burgaud et Rathery (éditeurs de Rabelais au 19e siècle) ont cherché en vain la croix de Marhara ou Malchara, près de Saint-Aubin-du-Cormier.
Nous n’avons pu trouver aucune localité qui se rapproche de ces deux noms ; mais, aux environs de Saint-Aubin-du-Cormier, près de la Lande de la Rencontre où l’on s’accorde à situer le théâtre du combat se trouve la Lande-aux-Oiseaux qui paraît rappeler la légende à laquelle Rabelais fait allusion.
Autres mentions de la croix
En 1577, Roch Le Baillif, médecin du duc de Mercoeur, fait allusion au prodige des pies et des geais près du chemin de Marhala, lors de la bataille de 1488. — BRACCIOLINI, Poggio, Les facéties de Poge Florentin, Vol. 2, Rééd. 1878, Paris, Liseaux, 1470, Voir en ligne. —
En 1587, son ami Noël du Fail, gentilhomme breton, évoque la bataille des Trente, ou la journée de Marhara
. Il associe également le « Combat des Trente », qui eut lieu en 1351, au combat des pies et des geais.
faire quelques exploits ou apertise d’armes, ou une brave composition entre les pies et les geais qui s’y pelaudèrent tant brusquement.
On retrouve, là encore, la référence aux combats entre Français et Bretons, associés aux pies et aux geais.
Il faut attendre 1752 pour retrouver mention de la croix. L’index Thuani ou Histoire Universelle signale que le duc de Mercœur campe à la croix de Malhara, la veille d’affronter le prince de Dombes en 1591. Son auteur nous indique une vague localisation de cette croix.
Le duc de Mercoeur avait assis son camp derrière un bois de taillis entre les villes de Guingamp et de Quintin
D’après l’historien breton Arthur le Moyne de La Borderie, le lieu de la bataille entre le duc de Mercoeur et le prince de Dombes, en 1591, est la montagne de Malhara en la paroisse de Boqueho .
Des faits et des indications qui précédent, il résulte que la croix de Malhara marquait un lieu très élevé [...] en la commune de Bocquého.