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1820-2020

Mégalithes de Brocéliande — Annexe 2

Mégalithes détruits du massif forestier de Paimpont

Les inventaires réalisés par le Service régional de l’archéologie entre en 1994 et 2004 ne concernent qu’une vingtaine de sites mégalithiques sur le massif forestier de Brocéliande. Pourtant l’examen de l’ensemble des sources permet de dénombrer une soixantaine de mégalithes présentés dans l’annexe 1 et dans l’annexe 3 de l’article Mégalithes de Brocéliande.

Parmi cette soixantaine de sites mégalithiques mentionnés aux 19e et 20e siècles, sept ont été détruits et huit sont aujourd’hui introuvables. Cet annexe de l’article « Mégalithes de Brocéliande » propose d’examiner leurs cas, afin de comprendre le contexte de leur destruction ou de proposer une hypothèse concernant leur localisation actuelle.

Légende de la carte des mégalithes

Destructions de mégalithes aux 19e et 20e siècles

L’idée de préservation du patrimoine au 19e siècle

Depuis leur construction au néolithique, les sites mégalithiques font l’objet de destructions ou de remplois. Cependant, à partir de la Révolution française et l’émergence de l’idée de Nation, ils sont progressivement intégrés aux objets patrimoniaux auxquels une valeur nouvelle est attribuée 1.

Dès lors qu’apparaît l’idée de nation, et donc d’héritage collectif légué par les grands ancêtres, la valeur d’usage doit désormais composer avec la valeur patrimoniale.[...] les édifices qui n’étaient jusque-là repérés que par leur fonction deviennent objets de savoir et supports d’une mémoire collective en cours d’élaboration.

THIESSE, Anne-Marie, La création des identités nationales, Seuil, 2001, (« Points »).

Cette valorisation nouvelle du patrimoine mégalithique prend naissance en Bretagne durant les années 1820. En 1821, Jean-Côme-Damien Poignand signale la découverte de plusieurs mégalithes de la forêt de Paimpont. —  POIGNAND, Jean Côme Damien, Antiquités historiques et monumentales de Montfort à Corseul par Dinan et au retour par Jugon, Rennes, Duchesne, 1820, Voir en ligne. — En 1825, le chanoine Mahé publie le premier inventaire des mégalithes du Morbihan.

A une portée de fusil du même village, un beau peulvan a eu le bonheur de résister au temps qui détruit tous ses ouvrages, comme Saturne dévorait ses propres enfants.

Dès lors, certaines destructions de sites mégalithiques commencent à être déplorées par des antiquaires et érudits locaux, tenants de cette valorisation nouvelle du patrimoine.

Des destructions dénoncées sur le massif forestier de Paimpont

Plusieurs sites mégalithiques de la forêt de Paimpont sont détruits aux 19e et 20e siècles. Ces destructions sont dénoncées en leur temps par Sigismond Ropartz, Félix Bellamy ou le Marquis de Bellevüe.

Respectées par vingt siècles, ces pierres funéraires me semblent gravement menacées aujourd’hui ; on vient de partager la lande immense ; chacun enclôt déjà la parcelle qui lui est devenue propre ; quelle que soit l’infécondité de cette terre sur laquelle de gros rochers de schiste rouge montrent partout leur arrête moussue, le progrès moderne voudra la défricher, et ceux dont le poète a dit :

« De la tombe d’Arthur ils feraient une borne »,

n’éprouveront, à coup sûr, aucun scrupule de broyer ces beaux cailloux de quartz blanc, pour macadamiser les futurs chemins vicinaux de Trehoranteuc.

ROPARTZ, Sigismond, « Pèlerinage archéologique au tombeau de sainte Onenne », Revue de Bretagne et de Vendée, Vol. 10 / deuxième semestre, 1861, p. 195-219, Voir en ligne.page 206

Félix Bellamy, constatant la destruction du Tombeau de Merlin en 1894, s’indigne à son tour.

Mais quel fut mon désappointement, quels furent mes regrets quand j’arrivai sur le lieu, en voyant que depuis quelques mois à peine, le monument avait été ravagé de fond en comble. On avait creusé et fouillé, assurément pour chercher le trésor. On avait renversé trois ou quatre, c’est-à dire la plupart des pierres qui étaient debout, et on avait cassé en petits blocs celles qu’on ne pouvait déplacer à cause de leur masse. Au lieu d’une terre vierge, c’était un sol retourné et jonché de menus fragments de schiste. Les deux pieds de houx subsistaient encore. Je m’éloignai navré, vouant à tous les diables les Vandales passés et futurs, sans oublier les contemporains, dont certains furent charitablement recommandés d’une façon spéciale à leurs bons soins. En 1894 l’œuvre de destruction était achevée : les deux houx étaient déracinés, les pierres restantes avaient été renversées et cassées aussi en petits blocs, et tous ces débris de pierres étaient amoncelés en un tas, à quelques pas à droite du monument détruit, contre la haie du landier.

BELLAMY, Félix, La forêt de Bréchéliant, la fontaine de Berenton, quelques lieux d’alentour, les principaux personnages qui s’y rapportent, Vol. 2, Rennes, J. Plihon & L. Hervé, 1896, Voir en ligne. op. cit. page 672

1980-2020 — Destructions contemporaines

Les destructions de mégalithes ne sont cependant pas l’apanage des chercheurs de trésors du 19e siècle. Malgré la prise de conscience contemporaine de leur valeur patrimoniale, plusieurs sites mégalithiques ont été détruits depuis les années 1980.

Leur destruction continue malgré les actions de sensibilisation. Deux allées couvertes ont ainsi été détruites en 1988 ! L’une par des cultivateurs mécontents de la situation paysanne et voyant d’un mauvais œil l’implantation touristique. L’autre, celle de Brambelay sur le camp de Coëtquidan, a été stupidement détruite lors de l’établissement d’un chemin de desserte. Elle était, il est vrai, dans un amas de broussailles qui la dissimulait et le conducteur du bulldozer n’y a vu que de grosses pierres informes.

BRIARD, Jacques, Mégalithes de Haute-Bretagne. Les monuments de la forêt de Brocéliande et du Ploërmelais, structure, mobilier, environnement, Vol. 23, Paris, Maison des Sciences de l’Homme, 1989. [page 123]

En 1988, l’archéologue Jacques Briard propose des mesures afin d’éviter les accidents et les destructions involontaires.

Sur le plan pratique, l’acquisition des monuments par les collectivités locales lors des actions de remembrement a été salvatrice. [...] Parmi les mesures importantes à poursuivre on peut suggérer l’inventaire exhaustif en cours de réalisation, le classement des monuments majeurs, le débroussaillage et la mise en valeur des mégalithes, l’information locale déjà en cours (Syndicats d’initiatives de Paimpont, Mauron, etc.), la réalisation d’ouvrages de vulgarisation accessibles à tous.

Briard, Jacques (1988) op.cit., p. 123

Ces préconisations n’ont été que partiellement poursuivies après le départ de l’archéologue pour le site de Saint-Just (Ille-et-Vilaine) au début des années 1990. Seuls les monuments emblématiques sont aujourd’hui valorisés et connus du grand public comme des habitants des communes du massif. Le travail de vulgarisation et de publication réalisé par l’archéologue n’a été que partiellement repris. Les sites mégalithiques découverts sur le massif forestier depuis les années 1990 sont totalement inconnus des habitants comme de certains propriétaires des terrains où ils sont implantés.

Le patrimoine archéologique a été particulièrement mis à mal ces vingt dernières années. La poursuite du remembrement, la puissance des outils agricoles modernes et les nouvelles pratiques sylvicoles ont vraisemblablement été à l’origine de la destruction de beaucoup de sites n’ayant jamais été répertoriés.

Vestiges de l’allée couverte de Brambelay
13/12/2016
Alain Bellido

Sites mégalithiques détruits ou partiellement détruits aux 19e et 20e siècles

Une dizaine de sites mégalithiques du massif forestier ont été détruits après avoir été mentionnés aux 19e et 20e siècles. Ces destructions documentées sont liées - dans la majorité des cas - à la construction d’une route ou d’un chemin.

Vers 1850 — La Pierre Longue de l’Abbaye en Montfort

L’abbé Oresve mentionne le menhir de la Pierre Longue de l’Abbaye en Montfort comme étant déjà détruit en 1858 2.—  ORESVE, abbé Félix Louis Emmanuel, Histoire de Montfort et des environs, Montfort-sur-Meu, A. Aupetit, 1858, Voir en ligne. —

La pierre longue du village de l’Abbaye qu’on a détruite pour paver le chemin vicinal.

Oresve, Abbé (1858) op. cit. page 74

Une partie de ce menhir, détruit vers 1850 pour empierrer la route Montfort-Cintré, a été retrouvée par René Cadic et Bertrand Monvoisin en 1992. Ce vestige a été dégagé en présence d’Olivier Kayser de la D.R.A.C. et érigé en bordure de la route de la Nouette.—  ANONYME, « Un menhir reconstitué », Ouest-France, Bréteil, 1992, Voir en ligne. —

Menhir du Magois en Bréteil
Philippe Saint-Marc

Vers 1890 — La Butte aux Tombes en Tréhorenteuc

Le tumulus de la Butte aux Tombes en limite de Tréhorenteuc, Paimpont et Néant, a été rogné avant 1896 pour élargir la route menant de Mauron à Tréhorenteuc.

Parlons d’abord de la Butte aux Tombes. C’est en effet une butte. La route l’a coupée et elle en a fait disparaitre environ la moitié de droite. La partie qui reste à gauche forme une élévation si peu considérable que le passant inattentif et ne connaissant pas son emplacement pourrait très bien ne pas l’apercevoir ou la prendre pour une inégalité naturelle du sol.[...] La route de Tréhorenteuc, ai-je-dit, a tranché la Butte aux Tombes environ par le milieu ; la portion de droite a disparu, ayant été nivelée pour faire la route. La portion de gauche qui reste à la forme d’un tronc de cône très aplati, duquel on aurait séparé environ la moitié par une tranche verticale parallèle à la route.

BELLAMY, Félix, La forêt de Bréchéliant, la fontaine de Berenton, quelques lieux d’alentour, les principaux personnages qui s’y rapportent, Vol. 1, Rennes, J. Plihon & L. Hervé, 1896, Voir en ligne. pages 182-184
La butte aux Tombes en Tréhorenteuc (2014)
Alain Bellido

Le Tertre allongé en Néant-sur-Yvel

Le Tertre allongé - autre tumulus des Buttes aux Tombes - a été partiellement détruit pour construire un chemin d’accès aux landes des Vignes.

Le Tertre allongé - Un tumulus des Buttes aux Tombes
mai 2015
Alain Bellido
L’archéologue Jean-Charles Oillic en prospection au Tertre Allongé
Jean-Claude Fichet

1935 — Le menhir de Saint-Jouan en Saint-Malon

Le « Menhir de Saint-Jouan », aussi appelé « Pierre drete », situé à proximité de la chapelle Saint-Jouan en Saint-Malon-sur-Mel (Ille-et-Vilaine) est un mégalithe en poudingue de quartz blanc aujourd’hui détruit.

L’abbé Oresve est le premier à le signaler en 1858. Félix Bellamy l’a mesuré et photographié en 1887. Il est pour la dernière fois mentionné en état en 1931. Jacques Briard - sans citer de sources - date sa destruction de l’année 1935.

Le menhir de Saint-Jouan
Photo prise par Félix Bellamy (1896)

Le menhir est encore signalisé sur la carte IGN sous l’appellation Pierre Drette. Il est pourtant aujourd’hui introuvable.

Le recoupement des sources bibliographiques permet cependant de le localiser plus ou moins précisément.

  • Au nord-ouest de la chapelle Saint-Jouan, il existe un gros peulvan de trois mètres d’élévation qui fait la limite de Saint-Malon et de Muel.—  ORESVE, abbé Félix Louis Emmanuel, Histoire de Montfort et des environs, Montfort-sur-Meu, A. Aupetit, 1858, Voir en ligne. page 73 —
  • Elle est sur le bord d’un fossé et fait partie du talus.—  BELLAMY, Félix, La forêt de Bréchéliant, la fontaine de Berenton, quelques lieux d’alentour, les principaux personnages qui s’y rapportent, Vol. 1, Rennes, J. Plihon & L. Hervé, 1896, Voir en ligne. pages 695-696 —
  • Il est situé à 3 km. 500 à l’Ouest-Nord-Ouest et à vol d’oiseau du clocher de Saint-Malon, sur la lande de Saint-Jouan, et à 200 mètres au Nord-Ouest de la chapelle du même nom, près de la cote 113.—  COLLIN, Léon, « Quelques monuments mégalithiques de l’Ouest de l’Ille-et-Vilaine », Bulletin et mémoires de la Société archéologique du département d’Ille-et-Vilaine, Vol. 57, 1931, p. 9-41, Voir en ligne. page 31 —

Une dizaine de gros blocs de poudingue correspondant à ces indications sont encore visibles dans la lande de Saint-Jouan en Saint-Malon au dessus du vallon de la Ville Gâte. Ils pourraient être les vestiges du menhir de Saint-Jouan.

Les vestiges du menhir de Saint-Jouan en 2011
Jean-Claude Fichet
Les vestiges du menhir de Saint-Jouan en 2020
Alain Bellido
Les vestiges du menhir de Saint-Jouan en 2020
A. Bellido

1975 — Le coffre de la Ville Costard en Augan

Le coffre de la Ville Costard en Augan (Morbihan), vraisemblablement de l’Âge du Bronze, est mis au jour en 1975 lors de l’élargissement d’un chemin d’exploitation dans le cadre du remembrement. Il est fouillé par l’équipe de Michel Le Goffic, puis détruit pour construire le chemin d’exploitation agricole.—  LE GOFFIC, Michel, « Fouille d’une tombe protohistorique à la Ville Costard en Augan », Direction des Antiquités Préhistoriques, 1976, p. 6, Voir en ligne. —

Coffre de la Ville Costard en Augan
Michel Le Goffic

L’allée couverte de la Villemarqué sur le camp de Coëtquidan

L’allée couverte de la Villemarqué en Augan (Morbihan) était située sur l’actuel camp militaire de Coëtquidan. Mentionnée pour la première fois par l’abbé Marot, elle est signalée comme étant déjà détruite en 1835.

Roche aux fées [...] à la Villemarquer (on l’a détruite pour construire un moulin).

Malgré la mention de sa destruction, cette allée couverte est toujours signalée en 1847, 1853 et 1863. Xavier de Bellevüe en donne une description en 1913.

Le dolmen de la Villemarqué est situé à 800 mètres au Nord-Ouest du précédent à l’extrémité Ouest des landes de Coëtquidan, à 300 mètres au Nord-Est du moulin de ce nom, à l’Est du manoir de Trieux, près de la cote 145 de la carte de l’État-Major. Il est assez bien conservé, mais quelques unes des pierres qui le composent se sont affaissées. Il a environ 30 mètres de long sur 4 de large, et est divisé en deux chambres par une énorme pierre transversale. Il est orienté de l’Est à l’Ouest et ouvert à l’Est. Je ne crois pas qu’il ait été fouillé.

BELLEVÜE, Xavier de, Le camp de Coëtquidan, Rééd. 1994, Rennes, La Découvrance, 1913. [pages 279-280]

L’abbé Marot et Xavier de Bellevüe parlent-ils du même monument ? L’abbé s’est-il rendu sur place ?

Xavier de Bellevüe signale la présence à proximité d’un réservoir circulaire creusé de mains d’homme, que nous avons retrouvé en 2014 lors d’une sortie autorisée.

A environ 50 mètres au Sud, on remarque, creusé de mains d’homme, dans un bloc de rocher, un réservoir circulaire de 0m70 de diamètre et de profondeur. Près de là on voit aussi deux pierres debout, menhirs ou peulvans, s’élevant à environ 500 mètres l’un de l’autre.

BELLEVÜE, Xavier de, Le camp de Coëtquidan, Rééd. 1994, Rennes, La Découvrance, 1913. [pages 281]
Bassin de l’affleurement rocheux de la Villemarqué
24/11/2014
J.C. Fichet

Les menhirs et l’allée couverte, pourtant monumentale, sont aujourd’hui introuvables à l’emplacement décrit par le marquis de Bellevüe. Le dolmen a probablement été détruit à l’occasion de la construction d’une chemin d’aménagement du camp.

1988 — L’allée couverte de Brambelay sur le camp de Coëtquidan

L’ensemble mégalithique de Brambelay est mentionné pour la première fois en 1835 par l’abbé Marot. Le docteur Molac le signale encore en état en 1978.

Brambelay (Campénéac) ; Roherman, dite « niche à Gobineau » (Augan) Ces deux monuments sont à la limite du camp militaire en dehors des zones de tir. Cependant, sur notre intervention, l’autorité militaire les a protégés des exercices de Génie, par un entourage de barbelés.

Malgré ce signalement, l’allée couverte de Brambelay a été détruite en 1988.

Ce monument a été détruit en 1988 par des travaux d’aménagement d’une route par l’armée. Les éléments de l’allée couverte ont été soigneusement poussés le long du terre-plein sud. Elle avait une longueur de 10 m pour une largeur de 1,40 m. Elle était légèrement renflée en son milieu. Les extrémités semblaient obturées par une dalle ; nous avions peut-être là une sépulture à entrée latérale. La hauteur des supports était très variable et pour la plupart peu élevée, 1,00 m au maximum. Les matériaux utilisés sont en schiste rouge.

GOUEZIN, Philippe, Les mégalithes du Morbihan intérieur : des landes de Lanvaux au Nord du département, Rennes, Institut Culturel de Bretagne - Skol-uhel ar vro - Laboratoire d’anthropologie - Préhistoire (U.P.R. 403 C.N.R.S.) Université de Rennes I, 1994. [page 47]
Vestiges de l’allée couverte de Brambelay
13/12/2016
Alain Bellido

Mégalithes et tumulus introuvables

Une partie des sites mégalithiques du massif forestier de Paimpont mentionnés aux 19e et 20e siècles sont aujourd’hui introuvables. Quatre hypothèses peuvent expliquer cet état de fait.

  • Le site mégalithique a été mentionné sans que l’auteur ne se soit rendu sur les lieux, s’appuyant sur un témoignage qu’il n’a pu vérifier. Dans ce cas, le site mégalithique mentionné a pu ne jamais exister.
  • Le site mégalithique a été mentionné sans dénomination ou avec un nom différent de celui utilisé par les auteurs postérieurs. Dans ce cas, le site mégalithique mentionné peut correspondre à un site connu autrement dénommé.
  • Le site mégalithique mentionné a été totalement ou partiellement détruit. Dans ce cas, certains indices de son existence peuvent subsister (fosse de calage, amas de pierres, etc.)
  • Malgré de nombreuses recherches sur le terrain, le site mégalithique mentionné n’a pu être retrouvé.

Cette dernière partie de l’annexe 2 de l’article « Mégalithes de Brocéliande » propose d’examiner huit sites pouvant correspondre à ces quatre hypothèses.

1821 — Le Tombeau de Viviane

En 1821, Jean-Côme-Damien Poignand fait mention de la découverte de la tombe de Merlin et de celle de Viviane sur la commune de Paimpont. Bien qu’en grande partie détruite, l’allée couverte dite "Tombeau de Merlin" est encore identifiable. La tombe de Viviane par contre est introuvable depuis la fin du 19e siècle.

En 1896, Félix Bellamy publie les notes inédites de Poignand sur le sujet.

[...] (les détails suivants sont extraits des notes de M. Poignant) : « A la distance d’une portée de fusil l’un de l’autre, se voient deux vieux tombeaux druidiques. Les pierres de ces deux tombeaux que j’ai encore vues debout, il y a moins de quarante ans, formaient des espèces de cellules en carré long, entourées de pierres colossales, plantées verticalement et recouvertes de pareilles pierres transversalement couchées sur le haut. Elles ont été renversées pendant la révolution, et cela, pour chercher dessous des trésors, d’après les explications que j’ai obtenues dans une nouvelle visite que j’ai faite, il y a quelques années. Toutefois, l’on n’a pas pu les enlever, à cause de leur énorme volume, et il est encore possible de les voir dans leur emplacement. »

BELLAMY, Félix, « La fontaine de Barenton », Revue de Bretagne et de Vendée, Vol. 23, 1868, p. 445-456, Voir en ligne. page 451

En 1826, l’ami de J.-C.-D. Poignand, Blanchard de la Musse indique à son tour la nature de ces deux monuments.

Les deux tombeaux de Merlin et de son épouse Viviane n’étaient que de simples dolmens [...] ils ont été abattus dans les trente ans derniers, et leurs matériaux restent encore presque tous amoncelés sur le lieu.

BLANCHARD DE LA MUSSE, François-Gabriel-Ursin, « Sur Montfort », Le Lycée Armoricain, Vol. 4, 1826, p. 344-349, Voir en ligne. page 348

Partant de cette description, Bellamy a tenté de retrouver la Tombe de Viviane. Ses recherches ainsi que celles de ses successeurs sont demeurées sans résultat.

Aujourd’hui, le tombeau de Viviane est complètement détruit, et l’on n’en voit plus de débris, à moins qu’il ne faille prendre pour tels quelques blocs de pierre qui pourraient bien être le roc lui même, émergeant à la surface du sol.

1825 — Deux tumulus à Saint- Léry

En 1825, le chanoine Mahé (1760-1831) publie un essai sur les antiquités du Morbihan dans lequel il évoque plusieurs sites mégalithiques aujourd’hui introuvables, parmi lesquels deux buttes tumulaires à Saint-Léry.

Deux buttes tumulaires, voisines l’une de l’autre, et hautes d’environ 15 pieds, décorent cette commune. [...] Les habitans de Saint-Léry voient avec indifférence les deux antiques tombeaux qu’ils ont sous les yeux ; cependant ceux dont les cendres y sont déposées sont peut-être ceux qui défrichèrent les terres dont la commune jouit aujourd’hui.

MAHÉ, chanoine Joseph, Essai sur les antiquités du département du Morbihan, Vannes, Galles aîné, 1825, Voir en ligne. p. 194

En 1847, François-Marie Cayot-Delandre mentionne à son tour la présence de tumulus sur la commune de Saint-Léry 3, apportant une précision quant à leurs dimensions.

Saint-léry. — Cette très-petite commune possède deux tumulus voisins l’un de l’autre et élevés d’environ 4 mètres.

CAYOT-DELANDRE, François-Marie, Le Morbihan, son histoire et ses monuments, Vannes, A. Caudéran, libraire éditeur, 1847, Voir en ligne. op.cit. page 333

Ces deux tumulus sont à nouveau mentionnés par Alfred Fouquet en 1853 puis par Louis Rozenzweig en 1863. —  ROSENZWEIG, Louis Théophile, Répertoire archéologique du département du Morbihan, Paris, Imprimerie royale, 1863, Voir en ligne. page 149 —

Selon l’abbé Le Claire, l’abbé Piéderrière recteur de Saint-Léry en 1863, recense trois tumulus sur sa paroisse : L’un situé au coin ouest du château de Loû, et les deux autres entre le Moré et la prairie de la Loriette.

  • Le tumulus du château du Lou

Vers 1860, des fouilles sont effectuées dans le tumulus du Lou par le propriétaire du château, Bertrand de La Morlais. Des armes datées de la Guerre de la Ligue sont mises au jour.

Suivant la tradition rapportée par l’abbé Mahé, un grand combat aurait eu lieu aux environs du château au temps de la Ligue et que l’un des chefs, tombé mort y aurait été enterré. Or, des fouilles pratiquées dans le tumulus le plus rapproché du Lou par Mr. Bertrand de La Morlais y firent découvrir une longue épée, une bague et une cotte de maille espagnole. Sur l’épée conservée au château on lit :

VIVA D. MARIA RAIHMA DE PORTUGAL.

Or cette Marie du Portugal ne peut être que la fille de Jean III et Catherine d’Autriche, née le 15 octobre 1527, qui par son mariage en 1542 avec Philippe Ier d’Espagne lui apporta la couronne du Portugal. Elle mourut le 12 juillet 1545.

LE CLAIRE, abbé Jacques-Marie, « Transcription dactylographiée par Jean-Claude Fichet d’un manuscrit de l’abbé Le Claire de 1920 sur Saint-Léry », Mauron, 1980, Voir en ligne.

L’abbé Piéderrière effectue d’autres fouilles sur le même tumulus, sans obtenir de résultat.

D’autres fouilles faites par Mr de La Morlais en présence de Mr Piéderrière ne donnèrent aucun résultat, et on constatera que les buttes ne renfermaient aucune terre rapportée.

  • Le tumulus de la butte du Moré

Les deux autres tumulus évoqués par l’abbé Piéderrière sont situés entre le Moré et la prairie de la Loriette.

Quant à la Butte du Moré, elle se trouve dans un bas fond sur l’ancienne mare du même nom haute encore de 7 à 8 mètres et ayant 50 mètres de circonférence. Après examen, nous pensons que la terre qui la compose est neuve et n’a jamais été remuée par la main de l’homme. Les douves ont disparu lors de l’appropriation de la prairie en 1865, mais on y voit toujours une fontaine et des traces d’eau stagnante.

LE CLAIRE, abbé Jacques-Marie, « Transcription dactylographiée par Jean-Claude Fichet d’un manuscrit de l’abbé Le Claire de 1920 sur Saint-Léry », Mauron, 1980, Voir en ligne.

Fort de ces éléments, l’abbé Le Claire propose de voir dans les buttes de Saint-Léry non pas des tumulus, comme l’abbé Mahé l’avait écrit, mais des vestiges de mottes féodales.

Mais alors qu’étaient ces buttes ? Il n’en reste plus qu’une aujourd’hui [vers 1920] et son examen n’ayant rien donné, que faut-il en penser ? Si ce n’est un tumulus, peut-être est-ce une motte féodale ?

1835 — Un tombeau à Campénéac

En 1835, l’abbé Marot mentionne un site mégalithique situé en Campénéac qui ne figure sur aucun inventaire archéologique.

À un kilomètre de la Chapelle Saint-Jean en Campénéac, sur le chemin de Néant ; j’ai vu à gauche, à 25 m du chemin, un tombeau d’une espèce encore unique pour moi. Il consiste en deux pierres de 7 pieds de long enfoncées sur chant à deux pieds l’une de l’autre, recouvertes par une autre pierre plate ; les deux autres bouts étaient fermés par deux autres pierres enfoncées en terre. Ce tombeau est découvert, mais il n’a pas été fouillé. Entre ces deux grandes pierres qui forment comme une auge, j’ai enfoncé facilement une baguette de bois à deux pieds. Le fond est en rocher.

MAROT, abbé Pierre et HÉLIGON, abbé Joseph Judicaël, « Notes de l’abbé Marot », Bulletin de la Société Polymathique du Morbihan, 1907, p. 275-302, Voir en ligne. op. cit. page 293

La situation géographique du monument ainsi que sa description pourraient concorder avec celle du Tombeau des Géants, situé à 900 mètres de la chapelle. Une différence de taille existe pourtant : les mesures prises par l’abbé ne sont pas celles du mégalithe. Les 7 pieds du monument équivalent à un peu plus de 2 mètres alors que celui-ci mesure le double. Si la description de l’abbé est celle du Tombeau des Géants, la dalle de couverture était toujours en place en 1835.

1858 — Neuf pierres renversées en Saint-Malon

Un monument mégalithique, probable cromlech constitué de neuf pierres renversées, est mentionné par l’abbé Oresve en 1858 dans les landes de Lanvai en Saint-Malon.

Le nord-est de la lande de Lanvai possède neuf pierres, renversées, à l’exception d’une de trois mètres de hauteur. Il est probable que cette dernière était un cromlech.

Oresve, Abbé (1858) op. cit. page 73

La lande de Lanvai en Saint-Malon n’est mentionnée ni sur la carte IGN ni sur le cadastre de 1823. S’agit-il de la lande de Lanval, sur laquelle se situe le menhir de la Ville-Guichais et son possible alignement ?

Le menhir de la Ville Guichais ou Chaise de Merlin

1886 — Le dolmen de Careil

En 1886, Paul Bézier cite le témoignage d’une habitante de Monterfil qui se souvient d’avoir vu une pierre plate au centre de l’étang de Careil.

Une femme très âgée de Monterfil m’a dit qu’elle se souvenait d’avoir vu, dans son jeune âge, vers le centre de l’étang de Careil, une pierre plate ressemblant à un dessus de grande table qu’une fée avait apportée en cet endroit. L’étang est maintenant complètement desséché, la pierre a disparu ; mais n’était-elle point la pierre de couverture d’un dolmen miné et placé ainsi sous l’eau d’un étang pour le mieux soustraire à une violation ? On sait que cette coutume a été souvent pratiquée.

BÉZIER, Paul, Inventaire des monuments mégalithiques du département d’Ille-et-Vilaine - Supplément, Rennes, Ch. Catel, 1886, Voir en ligne. Pages 117-118

Après 1896 — Les trois pierres de Vaux en Saint-Malon

En 1896, Félix Bellamy mentionne trois pierres pouvant être les vestiges d’un site mégalithique.

Je signalerai dans cette même contrée trois gros blocs de pierre brute couchés sur le sol, et qui pourraient bien avoir été dans le principe les matériaux d’un monument mégalithique. On les trouve à quelques centaines de mètres
de la ferme des Brousses Noires, et de l’autre côté de la route, dans une petite coulée dite Les Vaux, dans la commune de Saint-Malon. On a dû fouiller le sol pour découvrir le prétendu trésor. Il n’est pas mention de ces blocs dans
l’Inventaire des Monuments mégalithiques d’Ille-et-Vilaine.

La coulée des Vaux a été l’objet d’un important remembrement dans les années 1980-1990. Une grosse pierre en schiste pourpre, située au bord d’un chemin supprimé, a été déplacée par M. Fleury, agriculteur, et déposée sur le bord de la route de Coibois où elle se trouve encore aujourd’hui.

Mégalithe de Coibois en Saint-Malon en 2011
Jean-Claude Fichet

M. Fleury a aussi signalé à Jean-Claude Fichet en 2011 avoir recouvert de terre un monticule de pierres situé dans le champ qui jouxte la pierre. Cette pierre pourrait être l’un des trois blocs décrits par Félix Bellamy.

Mégalithe de Coibois en Saint-Malon en 2020
Alain Bellido

1913 — Le galgal de la Grande Bosse sur le camp de Coëtquidan

En 1913, Xavier de Bellevüe publie un ouvrage sur l’histoire du camp de Coëtquidan dans lequel il s’insurge contre les conséquences de son extension. Le premier chapitre est consacré à un inventaire des mégalithes dans lequel il déplore le pilonnage de la « Grande Bosse » par les obus et la destruction d’un galgal.

Au sommet, vers le Nord de celle des buttes du Bois-du-Loup, qui est appelée la « Grande-Bosse », existait autrefois un galgal important, formé d’un amas considérable de grosses pierres, et qui a été fouillé vers 1850.

BELLEVÜE, Xavier de, Le camp de Coëtquidan, Rééd. 1994, Rennes, La Découvrance, 1913. [page 281]

Le marquis de Bellevüe mentionne aussi d’autres sites mégalithiques du camp de Coëtquidan, eux aussi détruits lors de l’extension du camp, sans toutefois préciser leur localisation.

Sur tout le territoire de Coëtquidan sont aussi beaucoup de tumuli ou tombelles. Quelques uns de ces monuments ont été fouillés, notamment en 1820 et en 1899 ; et on y a trouvé des ossements calcinés, du charbon, et des haches en bronze de petit format, dont il existait des spécimens au château du Bois-du-Loup. Actuellement, il serait difficile de découvrir ces tumulus tant le sol a été dévasté par les obus.

Bellevüe, Xavier Marquis de (1913), op. cit., p.281

Après 1936 — Le menhir du Vaugriot en Concoret

Le menhir du Vaugriot était situé à proximité de l’allée couverte du Rocher en Concoret. Il est mentionné en 1936, par M. Josso, instituteur à Mauron et membre de la Société Polymathique du Morbihan.

Menhir du Vaugriot en Concoret (Morbihan).— Ce menhir couché vers l’Est et incliné sur l’horizon de 30° environ, mesure 3m60 de long sur 2m50 de large. Notre confrère M. Josso, instituteur public à Mauron, a mis au jour, à la base du monolithe et encore en place, les grosses pierres qui servaient à le caler. Ce menhir se trouve à l’extrémité d’un monticule allongé qui parait inviolé. Quelques sondages ont amené la découverte d’une maçonnerie de pierres sèches. Il serait intéressant de continuer ces fouilles et de dégager notamment ce muraillement.

BOUIX, Pierre, « Procès verbaux », Bulletin et mémoires de la Société polymathique du Morbihan, Vol. 75, 1936, p. 11, Voir en ligne. page 11

Le « menhir du Vaugriot » est aujourd’hui introuvable.


Bibliographie

BELLAMY, Félix, La forêt de Bréchéliant, la fontaine de Berenton, quelques lieux d’alentour, les principaux personnages qui s’y rapportent, Vol. 2, Rennes, J. Plihon & L. Hervé, 1896, Voir en ligne.

BELLEVÜE, Xavier de, Le camp de Coëtquidan, Rééd. 1994, Rennes, La Découvrance, 1913.

BOUIX, Pierre, « Procès verbaux », Bulletin et mémoires de la Société polymathique du Morbihan, Vol. 75, 1936, p. 11, Voir en ligne.

BRIARD, Jacques, « Mégalithes et maisons des fées », in Brocéliande ou l’obscur des forêts, La Gacilly, Artus, 1988, p. 65-72.

CAYOT-DELANDRE, François-Marie, Le Morbihan, son histoire et ses monuments, Vannes, A. Caudéran, libraire éditeur, 1847, Voir en ligne.

COLLIN, Léon, « Quelques monuments mégalithiques de l’Ouest de l’Ille-et-Vilaine », Bulletin et mémoires de la Société archéologique du département d’Ille-et-Vilaine, Vol. 57, 1931, p. 9-41, Voir en ligne.

GOUEZIN, Philippe, Les mégalithes du Morbihan intérieur : des landes de Lanvaux au Nord du département, Rennes, Institut Culturel de Bretagne - Skol-uhel ar vro - Laboratoire d’anthropologie - Préhistoire (U.P.R. 403 C.N.R.S.) Université de Rennes I, 1994.

MAHÉ, chanoine Joseph, Essai sur les antiquités du département du Morbihan, Vannes, Galles aîné, 1825, Voir en ligne.

MAROT, abbé Pierre et HÉLIGON, abbé Joseph Judicaël, « Notes de l’abbé Marot », Bulletin de la Société Polymathique du Morbihan, 1907, p. 275-302, Voir en ligne.

MOLAC, Roger et CAHIERRE, R., « Le mégalithisme du pays de Guer. Inventaire des mégalithes », Bulletin de la Société Polymathique du Morbihan, Vol. 105, 1978, p. 7-16, Voir en ligne.

SAINT-MARC, Philippe, « Menhir du Breil », 2009, Voir en ligne.


↑ 1 • En 1830, l’Inspection générale des monuments historiques, notamment chargée de procéder à un inventaire du patrimoine architectural du pays, est créée. En 1837, c’est au tour de La Commission supérieure des monuments historiques, chargée de dresser la liste des édifices méritant une protection et dont les travaux bénéficieront de subventions ministérielles, de voir le jour.

↑ 2 • Sa destruction est à nouveau mentionnée dans l’inventaire des mégalithes d’Ille-et-Vilaine de Paul Bézier daté de 1883. —  BÉZIER, Paul, Inventaire des monuments mégalithiques du département d’Ille-et-Vilaine, Rennes, Ch. Catel, 1883, Voir en ligne. —

↑ 3 • Ces tumulus sont aussi mentionnés par l’archéologue Louis Rosenzweig en 1863.

SAINT-LÉRY. Ép. celtique. Deux tumulus voisins l’un de l’autre et élevés d’environ 4 mètres (C. D.) ROSENZWEIG, Louis Théophile, Répertoire archéologique du département du Morbihan, Paris, Imprimerie royale, 1863, Voir en ligne. page 148