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1809-1966

Les tanneries de Montfort au 19e siècle

Profitant de l’essor de l’industrie du cuir en Bretagne au milieu du 19e siècle, des tanneurs se sont regroupés dans le faubourg de Coulon à Montort-sur-Meu. Leur activité est attestée de 1809 à 1966.

Les tanneries de Montfort avant le 19e siècle

Les documents concernant la présence d’une industrie du cuir à Montfort avant le 19e siècle se résument à quelques mentions.

L’historien de Montfort Marcel Sibold écrit qu’une tannerie qui fonctionna plusieurs siècles se trouvait dans le faubourg de Coulon au 17e siècle.—  SIBOLD, Marcel, « Faits divers du XVIIe siècle », Glanes en pays pourpré, sans date, p. 12-14. [page 13] —

L’enquête de Necker de 1778 indique que Montfort est un centre très secondaire de l’industrie du cuir en Haute Bretagne. Quatre tanneurs y travaillent 300 peaux de vaches par an.—  DANAIS, Olivier, Les Manifestations de la Contre-Révolution dans le District de Montfort : 1790-1795, Mémoire de maitrise d’Histoire, Rennes 2, 1977, 268 p. —

L’industrie du cuir en Bretagne à la fin de l’Ancien Régime d’après l’enquête de Necker en 1778.
—  DERRIEN, Dominique, « L’œil sur la lunette : L’industrie du cuir en Bretagne à la fin de l’Ancien Régime d’après l’enquête Necker de 1778 », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, Vol. 114 / 1, 2007, p. 131-153, Voir en ligne. —

Les tanneries du faubourg de Coulon au 19e siècle

Le faubourg de Coulon, situé à proximité de la confluence du Garun et du Meu, est le quartier dans lequel les tanneurs de Montfort se sont regroupés durant tout le 19e siècle.

Du début du XIXe siècle à 1966 (année de fermeture du dernier établissement montfortais), soit durant plus d’un siècle de déplacements et de changements de propriétaires des sites de production, aucun ne migre hors du faubourg de Coulon. Alphonse Cosnier qui exploite la dernière tannerie, même après deux autorisations de la préfecture en 1909 puis en 1914 pour transférer ses ateliers hors de la ville, à proximité du moulin de la Harelle, reste fidèle au faubourg.

JOVIN, Servane, « Implantation et architecture des tanneries et mégisseries d’Ille-et-Vilaine aux XIXe et XXe siècles », Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest Année, Vol. 105 / 4, 1998, p. 85-109, Voir en ligne.

Ce regroupement des tanneurs dans un faubourg est une caractéristique relativement commune en France au 19e siècle.

Les tanneries vitréennes et montfortaises illustrent le phénomène de regroupement des établissements dans un quartier de la ville, créant ainsi un faubourg des tanneurs. Beaucoup de villes en gardent encore la trace dans le nom de leurs rues (rue des Tanneurs, ruelle des Cuirs...).

JOVIN, Servane, « Implantation et architecture des tanneries et mégisseries d’Ille-et-Vilaine aux XIXe et XXe siècles », Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest Année, Vol. 105 / 4, 1998, p. 85-109, Voir en ligne.

Le tableau récapitulatif des effectifs de tanneries et mégisseries de l’arrondissement de Montfort indique un essor de l’industrie du cuir à partir de 1857 avec un pic d’activité en 1875 durant lequel dix tanneurs sont recensés. D’autres pôles locaux d’activités existent cependant en dehors de Montfort - notamment au Gué en Plélan où 6 tanneurs sont recensés en 1866. Il est difficile dans ces chiffres d’évaluer le nombre de tanneurs spécifiquement montfortais.

Tableau récapitulatif des établissements de tanneries et de mégisseries en Ille-et-Vilaine au 19e siècle
—  JOVIN, Servane, « Implantation et architecture des tanneries et mégisseries d’Ille-et-Vilaine aux XIXe et XXe siècles », Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest Année, Vol. 105 / 4, 1998, p. 85-109, Voir en ligne.
[page 86] —

On relève l’existence de sept tanneries établies à Montfort entre 1809 et 1966.

Tanneurs et tanneries de Montfort entre 1809 et 1966

1809 — Louis Chérel

Le cadastre de 1809 de Montfort mentionne l’existence d’un tanneur, Louis Chérel, qui possède plusieurs parcelles dans le faubourg de Coulon, parmi lesquelles les parcelles n°196 et 197, situées au bord du Meu. —  DUCLOYER, Jean-Pierre, Montfort : une petite ville en Bretagne, Vol. 2, Montfort-sur-Meu, autoédition, 2019. 2 vol. [page 264] —

Cadastre de Montfort de 1809
3 P 5610 — Section A1 de la Ville. Parcelles 1-445

1813-1853 — La tannerie Maudet-Métairie

François Maudet et Mathurin Métairie sont les seuls tanneurs de Montfort attestés au recensement de 1813.

Au début du 19e siècle, François Maudet, qui sera maire de Montfort de 1843 à 1850, est propriétaire de la seule tannerie de la ville, située alors en aval du pont de Coulon, sur la rive droite du Meu. Pour l’exploiter, il s’est associé à Mathurin Métairie. Elle est citée comme étant « la plus belle et la plus grande tannerie du département » en 1818. Tous les bâtiments sont regroupés à coté du moulin à tan, à l’exception d’un magasin de stockage situé un peu plus haut sur la rue de Coulon.

Ducloyer, Jean-Pierre (2019) op. cit. Vol. 2 p. 264-265

En 1830, Messieurs Maudet et Métairie, négociants tanneurs à Montfort [...] adjudicataires de toutes les écorces de la forêt de Brécillien depuis plusieurs années., détiennent le monopole sur la vente des écorces récoltées en forêt de Paimpont. —  RONCERAY, René Jean Noël, « Dossier 28 : Lettre de René Jean Noel Ronceray, garde général des forêts de Brécillien, à propos d’une affaire de vol d’écorces », Archives du S.I.V.U. « Forges et Métallurgie en Brocéliande », 1830, Voir en ligne. —

[...] nous observâmes au dit Allaire qu’il ne devait pas achepter ces écorces sans en avoir obtenu la permission de messieurs Maudet et Métairie à qui elles appartenaient et lui fîmes très expresse déffense d’en achepter d’autres et même de payer celles que ces personnes lui avaient portés.

Ronceray, René-Jean-Noël (1830) op. cit.

En 1853, François Maudet met fin à son association avec Métairie, pour vivre de ses rentes. — Ducloyer, Jean-Pierre (2019) op. cit. Vol. 2 p. 265 —

1853 — La tannerie Picard

François Maudet loue sa tannerie et le moulin à tan à Charles Picard, dont la situation ne sera régularisée par arrêté préfectoral qu’en 1855. — Ducloyer, Jean-Pierre (2019) op. cit. Vol. 2 p. 265 —

1853-1919 — La tannerie Métairie

En 1853, Mathurin Métairie s’installe à son compte en amont du Meu.

Outre l’activité de tannerie stricto sensu, l’entreprise fait aussi mégisserie et corroierie. Les Métairie habitent une grande maison rue de Gaël, l’actuel n°25, où un séchoir à cuir à clair-voie est toujours visible dans le bas de la propriété. L’établissement sera repris par son fils Arthur puis, en 1902, par sa veuve.

Ducloyer, Jean-Pierre (2019) op. cit. Vol. 2 p. 266

En 1859, la tannerie de Montfort - probablement la tannerie Métairie - est dite très belle et très importante —  BESCHERELLE, Louis Nicolas et DEVARS, G., Grand dictionnaire de géographie universelle ancienne et moderne ( G-M), Vol. 3, Administration Générale, 1859, Voir en ligne.p. 851 —

En 1911, la veuve Métairie achète la tannerie de Jules Gallerant afin d’agrandir son entreprise.

Les bâtiments de la tannerie Métairie sont rachetés par Alphonse Cosnier à partir de 1919.— Ducloyer, Jean-Pierre (2019) op. cit. Vol. 2 p. 266 —

1860 — La tannerie Leroyer

Un dénommé Leroyer est mentionné en tant que tanneur à Montfort en 1860.

En 1860, Leroyer de Montfort transfère ses cuves de tannerie et comme ce « transférement a pour résultat d’éloigner de l’agglomération des habitations un établissement sinon insalubre mais au moins incommode », le conseil d’hygiène et de salubrité n’y voit que des avantages.

A.D.I.V. 2Z56 in CUCARULL, Jérôme, « La lutte contre les pollutions industrielles en Ille-et-Vilaine dans la seconde moitié du XIXe siècle », Société Historique et Archéologique de Bretagne, 2001, p. 304-336, Voir en ligne. [page 308]

1850-1911 — La tannerie Coupé

Vers 1850-1851, Jean-Baptiste Coupé installe une petite tannerie sur l’autre rive du Meu, dans l’angle sud-est du boulevard du Colombier.

En 1853, le préfet Combe-Siéyès lui demande de régulariser son établissement vis à vis de l’administration, ce dont il ne s’acquittera qu’en 1856. Son fils, Théodore, reconstruira le bâtiment en 1893 avant de vendre la tannerie en 1905 [...].

Ducloyer, Jean-Pierre (2019) op. cit. Vol. 2 p. 265

1905-1911 — La tannerie Jules Gallerant

Jules Gallerant est un tanneur actif de 1905 à 1911.

En 1905, il achète la tannerie de Théodore Coupé. — Ducloyer, Jean-Pierre (2019) op. cit. Vol. 2 p. 265 —

Il cesse son activité en 1911 et revend sa tannerie à la veuve Métairie. — Ducloyer, Jean-Pierre (2019) op. cit. Vol. 2 p. 266 —

La tannerie Cosnier

Alphonse Cosnier commence son activité dans l’ancienne tannerie Maudet-Picard qu’il loue à la famille Maudet.

En octobre 1883, une plainte est adressée au Conseil d’hygiène de la préfecture d’Ille-et-Vilaine.

En 1883, l’inspecteur primaire de Montfort et le receveur des contributions indirectes « formulent une plainte contre le sieur Cosnier, boucher tanneur, qui a établi depuis le mois de juin dernier, à proximité de leur demeure, un dépôt de matière animale ; ces débris de viande en se putréfiant exhalent une odeur infecte dont les effets pernicieux se sont fait sentir sur la santé de la famille M. de la Mabilais. Plusieurs personnes ont eu a souffrir de ce milieu délétère. »

A.D.I.V. 2Z57 in CUCARULL, Jérôme, « La lutte contre les pollutions industrielles en Ille-et-Vilaine dans la seconde moitié du XIXe siècle », Société Historique et Archéologique de Bretagne, 2001, p. 304-336, Voir en ligne. [page 308]

Les riverains, soutenus par le Conseil d’hygiène, demandent que le sieur Cosnier soit mis en demeure de faire disparaitre immédiatement ce foyer d’infection.

Le 21 janvier 1904, l’ingénieur ordinaire fait son rapport à la préfecture sur la pollution des eaux du Meu.

« Le Conseil municipal de Montfort s’est plaint de la qualité des eaux de cette rivière [Le Meu] et de son affluent le Garun, dans la traversée de la ville ». Mais cet état est dû non seulement à l’existence de deux tanneries qui effectuent leur travail de rivière dans le lit même du cours d’eau mais aussi au déversement des égouts de la ville sans purification préalable.

A.D.I.V. S 18 ABC in CUCARULL, Jérôme, « La lutte contre les pollutions industrielles en Ille-et-Vilaine dans la seconde moitié du XIXe siècle », Société Historique et Archéologique de Bretagne, 2001, p. 304-336, Voir en ligne. [page 329]
Tanneurs de Montfort
—  LOZACHMEUR, Odile et ECOMUSÉE DU PAYS DE MONTFORT, Le pays de Montfort Tomme II, Rennes, Alan Sutton, 2010, 126 p., (« Mémoire en Images »).
[page 30] —
Ecomusée du Pays de Montfort

A partir de 1905 les bâtiments de la tannerie Cosnier passent entre les mains de plusieurs propriétaires.

A partir de 1905 probablement, son établissement passe entre plusieurs mains : il est successivement racheté par Victor Dreuslin, avocat à Rennes, Pierre Denis, Minotier à Sixt-sur-Aff, enfin par Louis Bourges, notaire à Montfort.

Ducloyer, Jean-Pierre (2019) op. cit. Vol. 2 p. 265
La tannerie Cosnier de Montfort vers 1930
Carte postale ancienne J. Sorel édtieur, Rennes - n°28 Montfort-sur-Meu

Un arrêté préfectoral du 13 septembre 1909 l’autorise à construire une autre tannerie près du moulin de la Harelle.

Le 28 juillet 1914, la préfecture confirme cette autorisation, mais la guerre a sans doute mis fin à ce projet. En 1913, il fera construire un magasin à tan sur une parcelle qu’il possède, rue de Coulon.

Ducloyer, Jean-Pierre (2019) op. cit. Vol. 2 p. 265

Le 28 octobre 1918, Alphonse Cosnier déclare disposer d’un stock de 3979 peaux brutes dont 3606 peaux de vache, 595 peaux de veau et 108 de mouton ainsi que de 28 cuirs, déjà vendus en attente d’expédition à un acheteur de Paris.

A partir de 1919 et du rachat des établissements Métairie, Alphonse Cosnier demeure le seul tanneur de Montfort.

Il commence par racheter le moulin à tan puis le séchoir, enfin, en 1925, le bâtiment principal où il installe son exploitation. Il abandonne le premier site Maudet-Métairie des années 1830, ne conservant que le magasin de stockage, situé dans le fonds de la ruelle des Moulins. Les Cosnier habitent alors rue de Coulon. Dans les années trente, Alphonse Cosnier cède son entreprise, qui emploie une vingtaine d’employés, à son fils également prénommé Alphonse.

Ducloyer, Jean-Pierre (2019) op. cit. Vol. 2 p. 267

1939-1943 — Eugène Berson, fournisseur des Établissements Cosnier

Durant la seconde guerre mondiale, les Établissements Cosnier se fournissent en écorce récoltées en Forêt de Paimpont par Eugène Berson, marchand de bois à Concoret.

Courrier d’Alphonse Cosnier du 9 décembre 1939
Archives Eugène Berson

En 1939, ils achètent 50 000 kilos d’écorces à Eugène Berson.

Courrier du Service régional des Cuirs et Chaussure du 22 novembre 1939
Archives Eugène Berson

Dans une lettre datée du 23 janvier 1940, Alphonse Cosnier déclare qu’Eugène Berson de Concoret est son principal fournisseur en écorce.

En-tête d’une lettre du 23 janvier 1940 de l’établissement Cosnier à monsieur Berson
Archives Eugène Berson

En septembre 1943, Eugène Berson livre 20 450 kilos d’écorce à Monsieur Cosnier, tanneur à Montfort.

Livraison d’écorce par Eugène Berson pour Adolphe Cosnier le 26 septembre 1943
Archives Eugène Berson

1950-1966 — La fin des Établissements Cosnier

En 1950, Alphonse Cosnier fait construire un magasin de stockage à l’emplacement de l’ancien séchoir. Le bâtiment que les Montfortais appelaient « le blockhaus » est surmonté d’un séchoir à claire-voie.

Le bâtiment inutilisé depuis sa fermeture en 1966 existe encore dans l’actuelle rue de la tannerie.

Dans le sous-sol du bâtiment [...] enclavé dans l’ensemble commercial moderne, des cuves enterrées qui servaient au tannage sont toujours visibles. Il s’agit d’un bâtiment en briques sur pilotis. Ses colonnes en fonte, que l’on peut voir au rez-de-chaussée, proviennent des fonderies J. Guy de Rennes.

Ducloyer, Jean-Pierre (2019) op. cit. Vol. 2 p. 268

Bibliographie

BESCHERELLE, Louis Nicolas et DEVARS, G., Grand dictionnaire de géographie universelle ancienne et moderne ( G-M), Vol. 3, Administration Générale, 1859, Voir en ligne.

CUCARULL, Jérôme, « La lutte contre les pollutions industrielles en Ille-et-Vilaine dans la seconde moitié du XIXe siècle », Société Historique et Archéologique de Bretagne, 2001, p. 304-336, Voir en ligne.

DANAIS, Olivier, Les Manifestations de la Contre-Révolution dans le District de Montfort : 1790-1795, Mémoire de maitrise d’Histoire, Rennes 2, 1977, 268 p.

DUCLOYER, Jean-Pierre, Montfort : une petite ville en Bretagne, Vol. 2, Montfort-sur-Meu, autoédition, 2019. 2 vol.

JOVIN, Servane, « Implantation et architecture des tanneries et mégisseries d’Ille-et-Vilaine aux XIXe et XXe siècles », Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest Année, Vol. 105 / 4, 1998, p. 85-109, Voir en ligne.

RONCERAY, René Jean Noël, « Dossier 28 : Lettre de René Jean Noel Ronceray, garde général des forêts de Brécillien, à propos d’une affaire de vol d’écorces », Archives du S.I.V.U. « Forges et Métallurgie en Brocéliande », 1830, Voir en ligne.

SIBOLD, Marcel, « Faits divers du XVIIe siècle », Glanes en pays pourpré, sans date, p. 12-14.