1802-1866
L’industrie du cuir au Gué en Plélan et Paimpont au 19e siècle
Tanneries, moulin à tan et marchands de cuirs
Situé à cheval sur les communes de Paimpont et de Plélan-le-Grand, le village du Gué est le siège de la châtellenie de Brécilien, de l’époque médiévale à la Révolution Française. Durant des siècles, c’est au Gué que sont centralisés les pouvoirs politique, judiciaire, administratif et économique de la forêt de Brécilien.
Le Gué perd son statut au profit du bourg de Plélan dans la première moitié du 19e siècle, alors même que l’industrie du cuir, florissante en forêt de Brécilien aux 17e et 18e siècles, décline depuis une vingtaine d’années.
C’est pourtant dans cette petite agglomération en transition que des tanneurs, des marchands de cuirs et un meunier en écorce s’établissent au début du 19e siècle, constituant un pôle d’activités autour de l’industrie du cuir.
Un marché pour le cuir des tanneries de Beignon
Un marché hebdomadaire et deux foires annuelles sont attestées au Gué depuis le 15e siècle.— COZIC, Nicolas, « La Motte Salomon : recherche documentaire sur le contexte historique du site », Service Régional de l’Archéologie de Bretagne, 1993. —
Au 18e siècle, ce marché est dit plus considérable que tous ceux des environs
. En 1778, le sieur Guilloton, inspecteur des manufactures de Rennes en charge d’une enquête sur les cuirs, témoigne de son importance pour le commerce des cuirs produits par les tanneurs de Beignon.
Selon Guilloton « ils vendent aux marchés de Plélan à une lieue de Beignon à des marchands de toutes les parties de la province qui portent ces cuirs chez eux pour les revendre ».
De 1790 à 1830, le village du Gué et le bourg de Plélan se disputent l’emplacement du marché. En 1828, la présence d’un marché du cuir est utilisée comme argument par les habitants pour justifier de sa tenue au Gué.
Translation du marché du Gué au bourg de Plélan, conseil municipal de Plélan du 27 avril 1828
Le Gué compte dans son enceinte cinquante-deux ménages, plusieurs commerces assez importants, alimentés en partie par les cuirs qu’y vendent les bouchers, sans que ceux qui sont à la tête de ces établissements soient distraient de la surveillance des travaux par la nécessité d’aller s’approvisionner ailleurs.
Le marché quitte définitivement le Gué pour le bourg par décision du conseil municipal du 23 mai 1827. — EALET, Jacky, LARCHER, Guy et BEAUDOIN, Marcel, Plélan-le-Grand en Brocéliande, Yellow Concept, 2022, 411 p. [pages 50-58] —
Un moulin à tan
Le cadastre de 1823 du Gué en Plélan indique un moulin à eau avec son bassin de retenue. Ce moulin est établi à proximité d’une fabrique de laine, active jusqu’à la fin du 18e siècle.— DORANLO, Henri, « Le mouton des Landes de Bretagne, en Brocéliande », Glanes en Brocéliande, 2011, p. 13-16, Voir en ligne. —
Son utilisation en tant que moulin à tan, propriété de Pierre Allaire, marchand au Gué en Plélan
est attestée depuis 1824 1.— A.D.I.V. 4U 27 24 in TIGIER, Hervé, Paimpont en 1820 : les Paimpontais du Bourg, des Forges et du Gué, auto-édition, 2022, 789 p., (« Les terroirs de Paimpont »).
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L’établissement d’un moulin à tan au Gué au début du 19e siècle est lié à l’installation de tanneurs à la même époque dans la petite localité.
Deux facteurs conditionnaient la répartition géographique des moulins à tan : la possibilité d’approvisionnement en écorces et la proximité des tanneries utilisatrices.
Le 10 août 1827, Louis Hervot et Rose Renault, meuniers au Gué
mettent en vente un moulin à eau situé au lieu du Gué, commune de Plélan, l’étang, palles et déversoir au-dessus et le cours d’eau au-dessous ; sont compris dans cette vente, les tournants, mouvants et ustenciles nécessaires à ce moulin et à celui à écorce y attenant
2. Trois mois plus tard, les acheteurs, Pierre Guéhot, dit la Rose, et Anne Loison, sabotier dans le bois de Trécélien
le revendent à Georges Duhil, marchand tanneur au bourg de Plélan
3.— 4E 21 50 in Tigier, Hervé (2022) Pages 708-709 —
L’édition de 1845 du dictionnaire d’Ogée mentionne deux tanneries au moulin du Gué
4.— OGÉE, Jean-Baptiste, Dictionnaire historique et géographique de la province de Bretagne, dédié à la nation bretonne : M-Z, Vol. 2, Réédition par A. Marteville et P. Varin, 1845, Rennes, Molliex, Libraire-éditeur, 1780, Voir en ligne.p. 259 —
Entre 1861 et 1903, il appartient à M. Bouleau. Encore utilisé en tant que moulin à tan en 1862, il broie chaque année en moyenne la quantité de 60 000 kilos d’écorces.
— BOHUON, Anne-Soazig, Un canton rural breton : le canton de Plélan-le-Grand - Aspect économiques et démographiques (1850-1914), Mémoire de Maitrise d’Histoire contemporaine, Université de Haute Bretagne. Rennes II, 1995, 165 p., Voir en ligne.
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Dans les dernières décennies du 19e siècle, le moulin est agrandi et transformé en minoterie à vapeur
. — DORANLO, Henri, « Le mouton des Landes de Bretagne, en Brocéliande », Glanes en Brocéliande, 2011, p. 13-16, Voir en ligne.
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Après M. Bouleau, la minoterie du Gué ne semble plus être utilisée pour la production de poudre d’écorce de chêne 5.
Les tanneurs du Gué dans les archives du 19e siècle
S’appuyant sur la présence d’un marché au cuir et d’un moulin à tan, une dizaine de tanneurs sont établis au Gué au 19e siècle.
Les noms de neuf d’entre eux nous sont parvenus, notamment grâce au travail de transcription d’archives d’Hervé Tigier. Les documents mentionnant leur activité couvrent une période allant de 1802 à 1866.— TIGIER, Hervé, Paimpont en 1820 : les Paimpontais du Bourg, des Forges et du Gué, auto-édition, 2022, 789 p., (« Les terroirs de Paimpont »). —
Augustin Allaire (1768-1849)
À partir de 1802 et jusqu’à sa mort en 1849, Augustin Allaire est mentionné en tant que marchand tanneur puis tanneur au Gué. Domicilié sur la rive paimpontaise de l’Aff, il acquiert la chapelle Saint-Julien du Gué en Plélan dans laquelle il installe un atelier de tannerie.
1798
En janvier 1798 (pluviôse an 6), Augustin Allaire sollicite un passeport en tant que tanneur dt. au bourg de Plélan
pour se rendre à Rennes, Ploërmel, et Guer 6— A.D.I.V. 1573 in TIGIER, Hervé, Paimpont en 1820 : les Paimpontais du Bourg, des Forges et du Gué, auto-édition, 2022, 789 p., (« Les terroirs de Paimpont »).
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1802
Le 20 août 1802 (2 fructidor an 10), il est pour la première fois mentionné en tant que marchand tanneur au bas de la ville du Gué en Paimpont
— A.D.I.V. 4U 27 1 in Tigier, Hervé (2022) op. cit. p. 707 —
1809
En 1809, trois cercles de cuve de tanneur
lui sont dérobés dans le grand jardin au sud de sa maison
située au Gué en Paimpont 7. — A.D.I.V. 3U 2 952 in Tigier, Hervé (2022) op. cit. p. 670 —
1815-1817
En 1815 8 et en 1817 9 il est nommé dans trois documents d’archives en tant que tanneur au Gué
ou maître en tannerie
.
1820
Deux documents datés de 1820 permettent de localiser son activité de tanneur dans le village du Gué.
- Dans le premier d’entre eux, il est dit propriétaire de l’ancienne chapelle Saint-Julien du Gué en Plélan - n°54 sur le cadastre - en avril 1820. Il a fait transformer la chapelle en atelier de travail depuis
dix ou douze ans
, et s’y est fait déroberune peau de génisse
par Godefroy Allaire, lui-même tanneur au Gué 10. — A.D.I.V. 3U2 in Tigier, Hervé (2022) op. cit. p. 674 —
- Dans le second, daté du 22 décembre 1820, il se déclare lésé par l’activité de Louis Hervault, meunier du Gué, n°55 sur le cadastre. Il déclare que
le defendeur a reporté de beaucoup depuis l’an une courrière pour conduire l’eau sortant des roues de son moulin à la rivière d’Aff sur le deport de lui exposant ... tout le long au devant, couchant de la tannerie de ce dernier, du nord à chemin ; cette courière se termine au midi vis-à-vis un terrein de lui comparant, le tout se joignant ; que la chute du courant qui sort de ladite courière ruine extraordinairement et porte un préjudice audit terrein ainsi qu’une fontaine qui se trouve près ladite courière
11.— A.D.I.V. 4U 27 20 in Tigier, Hervé (2022) op. cit. p. 674 —
1823
Augustin Allaire 12 apparait sur le recensement de Paimpont de 1821 ainsi que sur le cadastre de 1823 sur lequel il est dit posséder :
- 234 - Jardin de la prison
- 237 - Bat. & cour de l’ancienne prison
- 250 - 251 - Maison
Le 24 juin 1823, il acquiert une parcelle dite pré de la Rozière, d’une contenance d’environ vingt ares
, située entre le moulin de la Rozière et le village du Gué en Plélan 13.— A.D.I.V. 4 E 2149 in Tigier, Hervé (2022) op. cit. p. 786 —
1836
Au recensement de 1836, Augustin Allaire, est indiqué veuf, tanneur, âge : 72, enfants : 2.
— A.D.I.V. 6M in TIGIER, Hervé, Paimpont en 1820 : les Paimpontais du Bourg, des Forges et du Gué, auto-édition, 2022, 789 p., (« Les terroirs de Paimpont »).
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1837
En 1837, Augustin Allaire, 72 ans, tanneur au Gué en Paimpont
est interrogé dans une affaire liée à l’acquisition d’écorce. Il déclare avoir acheté vers 1793, l’écorce des arbres de l’avenue allant de l’église [de Paimpont] vers le Cannée. 14
— A.D.I.V. 3U 2 3079 in Tigier, Hervé (2022) op. cit. p. 674 —
1849
Il décède le 24 septembre 1849 au Gué à l’âge de 81 ans 15.— A.D.I.V. 3Q 328 in Tigier, Hervé (2022) op. cit. p. 674 —
Godefroy Allaire (1787- ?)
Godefroy Allaire est attesté en tant que tanneur au Gué en Plélan
depuis le 22 juillet 1816. — A.D.I.V. 3Q 27 309 in Tigier, Hervé (2022) op. cit. p. 763 —
Il est incriminé dans deux affaires de vols - en 1820 et en 1830 - concernant les métiers du cuir.
1820
Le 21 juillet 1820, il est condamné pour le vol de deux peaux de vache.
Godefroy Allaire, 33 ans, tanneur au Gué. Après renvoi au tribunal correctionnel par les arrêts de la Cour royale du 19 juin 1820 et 10 juillet 1820, condamné le 21 juillet 1820 pour le vol de deux peaux de vache le 1er et le 8 avril 1820 au Gué à 18 mois d’emprisonnement et aux dépens montant à 194 francs 50 centimes, « l’interdit en outre des droits civiques civils et de famille pendant cinq ans en restant également sous la surveillance de la haute police ».
1830
Le 21 septembre 1830, Godefroy Allaire vole de l’écorce au Cannée et la vend à Augustin Allaire, négociant tanneur demeurant au Gué, commune de Paimpont
. — LARCHER, Guy, « Crime en forêt de Brocéliande », Glanes en Brocéliande, Vol. 82, 2014, p. 8-10, Voir en ligne. —
[...] une quantité assé considérable d’écorces leur avait été volée dans la coupe du Tertre près le village du Cannée et que les nommés Godefroi Allaire et Marie Jeanne Roland femme Lorencieux demeurant au Bout de Bas du village du Cannée en ont vendu plusieurs pochées à Monsieur Augustin Allaire négociant tanneur demeurant au Gué commune de Paimpont. Ce que le dit Allaire ne nous a pas désavoué et nous a déclaré en avoir achepté deux à raison de deux liards la livre en quantité d’environ 400 pesant et qu’il avait cru d’après le dire de ces personnes que c’étaient des morceaux qu’ils avaient trouvés perdus dans la forêt et dans les chemins après que les paquets avaient été enlevés.
Charles Marie Allaire
1824
En 1824, Charles Marie Allaire est attesté en tant que tanneur demeurant aux Douves [au Gué, n°3 sur le cadastre de 1823], commune et canton de Plélan
16.— A.D.I.V. 4U 27 24 in TIGIER, Hervé, Paimpont en 1820 : les Paimpontais du Bourg, des Forges et du Gué, auto-édition, 2022, 789 p., (« Les terroirs de Paimpont »).
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Marie André (1794- ?) et Jean Marie Even
1819
En 1819, Marie André, tanneur nouvellement venu de Montfort se fixer au Gué de Plélan
achète du cuir volé à Pierre Salmon, boucher à la Malois 17 en Plélan
18. — A.D.I.V. 2U 467 in Tigier, Hervé (2022) op. cit. p. 752-753 —
1820
En 1820, Marie André et Jean Marie Even sont mentionnés en tant que tanneurs associés depuis 1818 au Gué. Leur tannerie est établie dans un atelier construit en planches
, situé le long d’un canal de dérivation de l’Aff, en aval de l’étang du moulin du Gué en Plélan 19.— A.D.I.V. 3U2 in Tigier, Hervé (2022) op. cit. p. 674 —
1831-1833
Marie Anne Paschal André
est attesté marchand tanneur
le 9 avril 1831 20 et tanneur
, au Gué en Plélan en août 1833. — Tigier, Hervé (2022) op. cit. p. 601 —
Julien Josse
1812
Le 20 août 1812 le sieur Julien Josse est mentionné en tant que tanneur au Gué en Plélan
— A.D.I.V. 4E 7716 in Tigier, Hervé (2022) op. cit. p. 763 —
Gabriel Crosnier
1838
Le 17 janvier 1838, Gabriel Crosnier, 32 ans est attesté en tant que tanneur au Gué en Plélan
— Tigier, Hervé (2022) op. cit. p. 183 —
Les tanneurs des années 1860
En 1862, une tannerie d’une certaine importance
est indiquée dans le tableau de renseignements sur l’État de la population et sur l’importance des Produits agricoles et Industriels de la Commune
de Plélan. — BOHUON, Anne-Soazig, Un canton rural breton : le canton de Plélan-le-Grand - Aspect économiques et démographiques (1850-1914), Mémoire de Maitrise d’Histoire contemporaine, Université de Haute Bretagne. Rennes II, 1995, 165 p., Voir en ligne.
[page 106] —
En 1866, six tanneurs sont encore attestés au Gué en Paimpont.— Cadastre de 1866 in TIGIER, Hervé, Paimpont en 1820 : les Paimpontais du Bourg, des Forges et du Gué, auto-édition, 2022, 789 p., (« Les terroirs de Paimpont »). [page 96] —