1062
L’origine de Saint-Malo-de-Beignon
Saint-Malo-de-Beignon apparaît pour la première fois dans les sources en 1062. Dès le transfert du diocèse d’Alet à Saint-Malo, c’est à Saint-Malo-de-Beignon que l’évêque Jean de Châtillon administre la moitié sud de son diocèse.
Saint-Malo et Saint-Malo-de-Beignon
La première attestation du toponyme Beignon date du 9 février 1062 dans un acte de Quiriac, évêque de Nantes, à l’occasion d’un procès opposant l’abbaye de Redon à celle de Marmoutier sur la propriété de l’église de Béré (Loire-Atlantique). Parmi les témoins, Renaud est intitulé évêque de Saint-Malo de Beignon
(Rainaldo episcopo de Masloo de Bidainono). Au 12e siècle, Saint-Malo-de-Beignon s’écrit « Biennon ». En 1246, Foucher, archidiacre de Saint-Malo-de-Beignon, se nomme archidiaconi Sancti Maclovii de Bedano
. — REYDELLET, Chantal, CHAUVIN-LECHAPTOIS, Monique et BACHELIER, Julien, Cartulaire de Saint-Melaine de Rennes suivi de 51 chartes originales, Presse Universitaire de Rennes, 2015.
[pages 353; 356] —
Au milieu du 11e siècle, l’évêque d’Alet Jean de Châtillon, le futur bienheureux Saint Jean de la Grille (v. 1098-1163), reprend l’église de Saint-Malo aux moines bénédictins de Marmoutier (Indre-et-Loire). Le siège épiscopal est transféré à Saint-Malo-de-l’Isle, sur l’ancien rocher de l’ermite Aaron (Saint-Malo intra-muros). Le déplacement est autorisé le 16 août 1146 par une bulle du pape Eugène III à Viterbe (Italie) mais le diocèse ne s’y installe officiellement qu’en 1152.
En une décennie, Jean crée un chapitre cathédral régulier appartenant à l’Ordre de Saint-Augustin de l’Observance de Saint-Victor de Paris, un modèle plutôt rare dans le nord de la France. L’évêque est seigneur en indivis avec son chapitre qu’il dote de trente-et-une églises couvrant vingt-neuf paroisses, ce qui représente environ 20 % de l’ensemble du diocèse. — TULOUP, François, Saint-Malo, Histoire religieuse, Paris, Éditions Klincksieck, 1975, 246 p. [pages 16-28] —
La localisation de ces églises apparaît également comme intéressante : elles ne sont pas unanimement réparties sur le territoire diocésain, mais groupées en deux zones bien précises qui correspondent au sud de chacun des archidiaconés de Dinan et de Lohéac, définissant ainsi des « zones canoniales » à l’intérieur de chaque circonscription du diocèse.
La juridiction de l’évêque de Saint-Malo comprend deux sièges d’officialités, à Saint-Malo et Saint-Malo-de-Beignon, pour rendre la justice spirituelle de l’Église.
Ces édifices se répartissaient équitablement entre le nord et le sud du diocèse, prolongeant localement l’autorité épiscopale sur tout le territoire.
Sur Saint-Malo-de-Beignon, l’une des plus pauvres, le chapitre ne prélève que la moitié des dîmes — d’après la charte de fondation du chapitre — AD Ille-et-Vilaine, Chapitre de Rennes : devis réparations diverses, 1 G261/1. —
De plus, le seigneur-évêque, comte de Saint-Malo et baron de Beignon, possède aussi une juridiction avec droit de haute et basse justice, un privilège maintenu jusqu’à la fin de l’Ancien Régime.
Le seigneur-évêque possédait également une juridiction temporelle personnelle dont le ressort territorial comprenait « le Palais épiscopal, quelques maisons adjacentes & plusieurs fiefs mouvans dud(it) évesché qui sont scituéz dans les Paroisses voisines » ; en Château-Malo et Saint-Malo-de-Beignon notamment.
La confusion entre Baulon et Beignon
La charte du Cartulaire de Redon
Selon la charte du Cartulaire de Redon du 29 novembre 869, une donatrice nommée Roiantdreh, à la mort de son fils, désigne le roi Salomon comme son fils adoptif. En échange de sa protection jusqu’à la fin de sa vie, elle lui lègue la paroisse de Sévignac (Côtes-d’Armor) et les biens qu’elle possède dans les paroisses de Médréac (Ille-et-Vilaine) et de Plumaugat (Côtes-d’Armor), exception faite de ce qu’il lui aura plu d’octroyer à mes filles, c’est-à-dire à ses sœurs
. L’acte est enregistré en un lieu dit « Bicloen », longtemps traduit par erreur « Beignon ».
Ceci fut fait dans le comté de Trans-silvam, dans la paroisse appelée Baulon (Bicloen), sous le règne du roi Charles [le Chauve], Salomon dominant la Bretagne, Ratuili étant évêque de l’évêché de Saint-Malo (Alet), Festien étant évêque de l’évêché de Saint-Samson (Dol), le 3 des calendes de décembre, le 3e jour de la férie, en présence de nombreux hommes nobles qui virent et entendirent, dont les noms suivent. Ont signé […] 1
Au 9e siècle, Ratuili est le prélat de l’évêché d’Alet (Saint-Servan), mais le copiste le présente comme l’évêque de l’évêché de Saint-Malo (episcopo super episcopatum Sancti Macutis). Il retranscrit le texte de la charte au 11e siècle mais à cette date, le siège épiscopal d’Alet n’a pas été encore été transféré à Saint-Malo-de-l’Isle. Cependant pour s’attribuer le patronage du saint, depuis 869 au moins, les évêques d’Alet se présentent aussi bien « évêques de Saint-Malo » que « d’Alet ». — GUILLOTEL, Hubert, « Les évêques d’Alet du IXe au milieu du XIIe siècle », Annales de la Société d’Histoire et d’Archéologie de l’Arrondissement de Saint-Malo, 1979. [page 251] —
La charte d’Anouuareth
La charte de donation d’Anouuareth (841-843) en faveur de l’abbaye Saint-Maur-de-Glanfeuil (Saint-Maur, Maine-et-Loire) et la notice relatant la donation (840-846 ou 851-855) donnent le nom ancien de la paroisse de Baulon, Beingloen vicaria
.— Cartulaire de l’abbaye de Saint-Maur, Archives départementales du Maine-et-Loire H 1773, f° 6b-vb. in PLANIOL, Marcel, « La donation d’Anowareth », Annales de Bretagne, Vol. 9 / II, 1893, p. 216-237, Voir en ligne.
[page 235-236] —
Beingloen est une variante graphique de Bicloen. Selon Anne Lunven, le document est un faux, mais la toponymie est exacte. — LUNVEN, Anne, « La donation d’Anouuareth à l’abbaye Saint-Maur de Glanfeuil : retour sur un corpus d’actes (trop) célèbre », Bibliothèque de l’école des chartes, 2012, p. 343-375, Voir en ligne. —
Le Jardin des Évêques
Le « Jardin des Évêques » témoigne de l’importance de Saint-Malo-de-Beignon dans le diocèse.
Sur le site, un panneau d’information - qu’il conviendrait de mettre à jour - précise que les évêques ont fait de Saint-Malo-de-Beignon leur résidence d’été où ils résidaient 4 mois par an
.
Bien plus qu’une simple résidence d’été pour les évêques, Saint-Malo-de-Beignon a été un siège d’officialités dont la juridiction portait sur la moitié du diocèse de Saint-Malo.