aller au contenu

1571-1970

Le chêne de la victoire à Treffendel

Un arbre exceptionnel disparu

Le chêne de la Victoire était un arbre exceptionnel planté en 1571 sur la paroisse de Plélan-le-Grand. Il était situé au lieu-dit « La Victoire » au bord de la route de Rennes à Ploërmel, à une centaine de mètres de l’ancienne gare de Treffendel.

Un chêne remarqué en 1907

En 1907, Édouard Aubrée le mentionne comme l’un des quatre plus beaux arbres d’Ille-et-Vilaine.

Le chêne de la Victoire, dit aussi du Breil Houssoux, avoisinait, autrefois paraît-il, une vieille chapelle disparue depuis et que remplace une simple croix de pierre. A leur entour se tenait une foire supprimée ou transférée au bourg de Treffendel. Ce chêne, avec la pièce de terre qu’il surplombe au nord, débordant sur la route au midi, aurait été vendu huit cents francs, voilà quelques années, m’a raconté un habitant du village, en même temps qu’une maison et un jardin sis en face, et séparés d’eux par la route nationale de Rennes à Plélan. L’arbre, à lui seul, considéré au point de vue esthétique, son prix commercial mis à part, vaut mieux. A son apogée, il s’étend de l’est à l’ouest sur une largeur de 25 mètres et de 26 du nord au sud. Sa taille n’est pas sensiblement moindre. Son dôme de feuillage, parfait de forme, ombrage cinq ares tant de champ que de route. Sa bille de deux mètres cinquante avant les grosses branches offre une circonférence de 4 mètres 50 équivalant à 143 centimètres de diamètre. Le titre de roi des arbres donné dans notre pays au chêne lui appartient de fait et de droit.

AUBRÉE, Edouard, « Quelques beaux arbres et quelques vieux arbres de l’Ille-et-Vilaine », Revue bretonne de botanique pure et appliquée, Vol. 2, 1907, p. 72-75, Voir en ligne. p. 74

Le chêne en cartes postales

Les plus anciennes cartes postales du chêne de la Victoire sont contemporaines de la description qu’en fait Édouard Aubrée 1.

Chêne de la Victoire
Timbre de 1907, retiré de la vente en 1921.
Chêne de la Victoire à Treffendel
Chêne de la Victoire à Treffendel

Sur cette carte postale l’arbre est nommé à tort Le Chêne de la Liberté.

L’origine du chêne

En 1925, Maurice Montigny s’intéresse à l’histoire de ce chêne. Selon ses recherches, le chêne de la Victoire aurait été planté en 1571 par Claude Jouneaux 2, seigneur du Breilhoussoux en Plélan pour commémorer la victoire de la bataille de Lépante 3.

M. Bily, propriétaire du chêne en 1925, fournit à la Société Archéologique d’Ille-et-Vilaine un document conservé dans sa famille, attestant cette origine.

Lorsque parvint en Bretagne l’annonce de la grande victoire de la chrétienté à Lépante, Claude Jouneaux, seigneur du Breilhoussoux et de la Motte-UriaI [la Motte en Saint-Thurial], fit placer dans sa chapelle une statue de Notre-Dame, sous son nouveau titre [Notre-Dame de la Victoire], et transplanta à l’ombre de cette même chapelle, en face de l’hostellerie, un arbre destiné à rappeler le souvenir de cette grande bataille. Le nouvel arbre fut appelé « Chêne de la Victoire » et remplaçait un autre chêne plusieurs fois séculaire qui, d’après la tradition conservée dans la famille, avait donné asile dans son tronc creusé [...]

MONTIGNY, Maurice, « Le chêne de la Victoire », Bulletin et Mémoires de la Société archéologique et historique d’Ille-et-Vilaine, Vol. 52, 1925, p. 105-114, Voir en ligne. p. 106

Une autre indication, donnée par Melle Bily, permet de percevoir l’importance de la commémoration de la Victoire de Lépante dans les campagnes et notamment à Plélan. Aux cérémonies de la Vierge on chantait un cantique comprenant un couplet sur la bataille.

Ainsi qu’au grand jour (le Lépante)
Ou tu foudroyas le Croissant
Que ta main sème l’épouvante
Parmi les hordes de Satan.

Les évêques de Saint-Malo, dont dépendait la paroisse de Plélan, ont semble-t-il favorisé la commémoration de la bataille de Lépante. Dans la chapelle de la Vierge de la cathédrale de Saint-Malo, se trouvait un tableau représentant le pape Pie V en extase tandis que dans la partie supérieure de la toile, évoluait victorieusement l’escadre de don Juan d’Autriche. — Montigny, Maurice (1925) op. cit., voir en ligne —

La destruction du chêne

Le chêne de la Victoire a échappé à l’abattage dans les années vingt grâce à l’action d’un membre de la Société Archéologique d’Ille-et-Vilaine .

A une époque récente il fut sur le point d’être condamné à mort par un amateur que sa forte ramure tentait et il n’échappa au massacre que grâce à l’heureuse intervention d’un de nos collègues de la Société Archéologique, M. le Bâtonnier Bily, qui acheta le terrain sur lequel se dresse ce chêne près de quatre fois centenaire.

Le chêne, âgé de près de quatre cents ans a finalement été abattu en 1964.

Son tronc devenu creux, il ne vivait plus que par son écorce et devenait donc dangereux. On s’est résolu à l’abattre le 16 septembre 1964. Il allait avoir 400 ans.

JET, René, Treffendel au passé simple, Treffendel, Identic, 1996, 29 p. [page 1]
Chêne de la Victoire à Treffendel

Bibliographie

AUBRÉE, Edouard, « Quelques beaux arbres et quelques vieux arbres de l’Ille-et-Vilaine », Revue bretonne de botanique pure et appliquée, Vol. 2, 1907, p. 72-75, Voir en ligne.

EALET, Jacky, GRUEL, Sylvie, GOUNEAU, Lucien, [et al.], Le Pays de Brocéliande, Rennes, Alan Sutton, 1994, (« Mémoire en image »).

JET, René, Treffendel au passé simple, Treffendel, Identic, 1996, 29 p.

MONTIGNY, Maurice, « Le chêne de la Victoire », Bulletin et Mémoires de la Société archéologique et historique d’Ille-et-Vilaine, Vol. 52, 1925, p. 105-114, Voir en ligne.

POTIER DE COURCY, Pol, Nobiliaire et armorial de Bretagne, Vol. 2, Nantes, V. Forest et E. Grimaud, 1862, Voir en ligne.


↑ 1 • Le timbre de la carte postale, Marianne de 5 centimes a été mis en circulation en 1907, et retiré de la vente en 1921. Par ailleurs un tampon postal daté de 1912 permet de situer l’édition de la première carte postale de 1907 à 1912

↑ 2 • Claude Jouneaux est seigneur du Breilhoussoux et de la Rivière en la paroisse de Plélan, de la Motte en Saint-Thurial, de la Motte-Lizé en Etrelles ainsi que de Sainte Marie et de la Noë Mareuc. Capitaine d’une compagnie d’armes en 1589, il est fait prisonnier dans une rencontre à Montfort et mis à rançon. Il obtient un sauf conduit en 1593. —  POTIER DE COURCY, Pol, Nobiliaire et armorial de Bretagne, Vol. 2, Nantes, V. Forest et E. Grimaud, 1862, Voir en ligne. p. 63 —

↑ 3 • La bataille de Lépante est une bataille navale qui s’est déroulée le 7 octobre 1571 dans le golfe de Patras, en Grèce, à proximité de Naupacte — appelée alors Lépante —, dans le contexte de la Quatrième guerre vénéto-ottomane. La puissante marine ottomane y affronta une flotte chrétienne comprenant des escadres vénitiennes et espagnoles renforcées de galères génoises, pontificales, maltaises et savoyardes, le tout réuni sous le nom de Sainte-Ligue à l’initiative du pape Pie V. La bataille se conclut par une défaite pour les Turcs qui y perdirent la plus grande partie de leurs vaisseaux et près de 20 000 hommes. L’évènement eut un retentissement considérable en Europe car il sonna comme un coup d’arrêt porté à l’expansionnisme ottoman. C’est d’ailleurs en souvenir de cette victoire que fut instituée la fête de Notre-Dame de la Victoire, puis fête du Saint-Rosaire à partir de 1573.