aller au contenu

1812-1848

Le moulin de Trémourio

Un moulin à papier de Beignon

Le moulin à papier de Trémourio est situé en bordure de l’Aff, sur la commune de Beignon. Son activité est attestée dans la première moitié du 19e siècle. Il est aujourd’hui totalement ruiné.

La technique du moulin à papier

Lorsque l’industrie du papier arrive en Bretagne au 15e siècle, elle est basée sur l’utilisation de tissus usagés provenant de l’économie du chanvre et du lin. Sa fabrication nécessite par ailleurs la consommation d’une eau non calcaire de très bonne qualité afin de donner au papier résistance et souplesse. —  CHASSAIN, Maurice, Moulins de Bretagne, Keltia Graphic, 1993. —

Aux 18e et 19e siècles, la récupération du chiffon devient une véritable industrie. Son développement est permis par la généralisation du linge de corps qui produit beaucoup de chiffons.

Il parait qu’on tire beaucoup plus de linge des campagnes que des villes. Les ouvriers des campagnes et les artisans des bourgs et des petites villes, livrés à des travaux rudes et pénibles, déchirent beaucoup de linge, parce que les toiles de lin et de chanvre sont souvent les seules étoffes qui les habillent la plus grande partie de l’année. Ils usent aussi beaucoup leur linge par des lessives fortes et fréquentes.

Desmarets, Nicolas (1788) 1 in CENTRE GÉNÉALOGIQUE DU FINISTÈRE, et AU FIL DU QUEFFLEUTH ET DE LA PENZÉ, Moulins à papier et familles papetières de Bretagne, du XVe siècle à nos jours, Morlaix, Les Éditions du CGF et du Queffleuth, 2015, 364 p. [page 14]

Les chiffonniers sont appelés pilhaouërs en Basse-Bretagne et pillotoux en Haute-Bretagne, mot gallo tiré de pillot signifiant chiffon, guenille, loque...—  AUFFRAY, Régis, Le Petit Matao, Rue des Scribes Edition, 2007. —

En ce temps là, les "pillotoux" battaient la campagne pour récupérer des chiffons et des vêtements hors d’usage. Ils les échangeaient contre de la vaisselle, des mouchoirs, des serviettes, des bibelots divers.

FICHET, Jean-Claude, L’ermite de Brocéliande - Concoret au 19e siècle, Yellow Concept, 2010.

Les pillots ou chiffons sont achetés par le maitre papetier, secondé par le « gouverneur ». Les chiffons subissent de nombreuses opérations de transformation, réalisées en moyenne par une douzaine de personnes constituant une communauté unie attachée au moulin.

  • À leur arrivée au moulin, les chiffons sont triés par catégories et débarrassés des corps étrangers - boutons, coutures trop épaisses, agrafes - dans le délissoir
  • Ils sont ensuite soumis à une opération de pourrissage durant 3 à 12 semaines dans une salle humide
  • Ils passent ensuite au découpoir ou déromptoir pour être découpés en morceaux de 10 à 15 cm à l’aide d’une lame de faux fixée dans le mur
Fabricant de papier, 16e siècle
Jost Amman 1849
  • La trituration ou transformation du chiffon en pâte est réalisée dans des cuves ou piles dans lesquelles viennent battre des marteaux actionnés par la roue hydraulique. Un courant d’eau claire circule dans le creux de la pile qui reçoit les chiffons
  • La pâte obtenue est alors versée dans la cuve à ouvrer, maintenue à une température de 25 à 30° C. et régulièrement brassée
  • L’ouvreur ou puiseur y plonge la forme, sorte de tamis très serré en fil de laiton dans lequel il fabrique la future feuille par manipulation
  • La feuille est alors égouttée et passée à l’ouvrier coucheur qui la renverse sur un morceau d’étoffe de pure laine appelé flautre
  • Lorsque la pile atteint cent feuilles, elle est placée sous presse pour en extraire l’eau et effacer les impressions
  • Après avoir séparé les feuilles et les flautres, l’ouvrier leveur confectionne une nouvelle pile qu’il met sous presse pour évacuer l’humidité résiduelle
  • Les feuilles sont enfin séchées durant deux ou trois jours par paquets de 7 ou 8, dans une pièce aérée du grenier appelée l’étendoir
  • Les feuilles sèches ou buvards sont alors trempées dans un bain de gélatine - obtenue par la cuisson de déchets et de rognures d’os d’animaux - avec beaucoup d’eau dans laquelle on ajoute 10 à 15% d’alun pilé
  • Les feuilles sont à nouveau mises sous presse et séchées durant douze heures à l’étendoir
  • Elles sont triées dans la salle du lissoir. Les plus tachées, incomplètes ou percées sont éliminées. Les aspérités des autres sont grattées à l’épluchoir ou lissoir
  • Elles sont enfin réunies en mains de 25 feuilles puis en rames de 20 mains, soit 500 feuilles empaquetées et ficelées en croix, stockées au magasin en attendant la vente.

Florissante en Bretagne aux 17e et 18e siècles, cette méthode traditionnelle de fabrication du papier périclite dans la première moitié du 19e siècle en raison de l’industrialisation des procédés permise par de nombreuses inventions : machine à fabriquer le papier en continu en 1800, introduction de la pâte mécanique de bois en 1844, de la pâte chimique en 1857, etc. — CGF, et al. (2015) op. cit. p. 23-26 —

1812-1825 — Un moulin à papier

Le moulin de Trémourio est absent de l’inventaire des moulins à papier bretons réalisé en 2015.—  CENTRE GÉNÉALOGIQUE DU FINISTÈRE, et AU FIL DU QUEFFLEUTH ET DE LA PENZÉ, Moulins à papier et familles papetières de Bretagne, du XVe siècle à nos jours, Morlaix, Les Éditions du CGF et du Queffleuth, 2015, 364 p. —

Localisation de l’ancien moulin à papier de Trémourio

Mentionné pour la première fois sur le cadastre de Beignon de 1812, il est construit sur une dérivation de l’Aff située entre le Pont-du-Secret et la Fosse Noire.

Moulin de Trémourio sur le cadastre de Beignon de 1812
3 P 52 1 - Tableau d’assemblage du plan parcellaire, échelle 1/10 000 (15 mai 1812). 1812
Moulin de Trémourio sur le cadastre de Beignon de 1812
3 P 52 8 - Section D du Plessix, 2e feuille, échelle 1/2 500, parcelles n° 1688-2071 1812

Une délibération du conseil municipal de Beignon du 6 décembre 1835 asserte qu’il a été un moulin à papier jusqu’en 1825.

La dérivation du ruisseau de Beauvais, entreprise par les propriétaires des Forges en 1835, y est mentionnée comme un obstacle à sa remise en service.

Extrait de la délibération du Conseil Municipal de Beignon du 6 décembre 1835
La suppression de la rivière de Beauvais est aussi un obstacle insurmontable à ce que le moulin à papier de Trémorio, situé entre ceux de la Fosse Noire et du Bois qui a cessé de fonctionner depuis environ dix ans, soit jamais remis en activité parce que toute son eau venant de la forge sera trop sale pour battre et nettoyer les chiffes, tandis que celle de Beauvais, toujours claire et limpide, si ce n’est dans les crues extraordinaires était très propre à cette usine.

BRIDIER, Pierre, « Livret D : de 1802 à nos jours », in Le pays de Beignon témoin de l’histoire, Beignon, autoédition, 1987, p. 117, Voir en ligne. [page 40]

1843-1848 — Un moulin ruiné

En 1843, Trémourio est mentionné comme le seul moulin à eau de Beignon dans le dictionnaire d’Ogée. On peut cependant douter qu’à cette date, il soit encore en activité. —  OGÉE, Jean-Baptiste, Dictionnaire historique et géographique de la province de Bretagne, dédié à la nation bretonne : A-L, Vol. 1, Réédition par A. Marteville et P. Varin, 1843, Rennes, Molliex, 1780, Voir en ligne. —

Moulin à papier de Trémourio
Carte de l’état-major (1820-1866)

Il est indiqué en tant qu’ancien moulin sur le cadastre de Beignon de 1848. La couleur jaune est utilisée sur ce cadastre pour indiquer les bâtiments ruinés.

Ancien moulin de Trémourio sur le cadastre de Beignon de 1848
3 P 52 39 - Section D du Plessis, 2e feuille, échelle 1/1 000, parcelles n° 257-568 [1848]
A.D.M.

Il ne reste aujourd’hui que quelques fondations et pans de murs de ce moulin, recouverts par la végétation. Le cours de l’Aff a été modifié. Il suit désormais le tracé de l’ancien bief. La limite communale de Beignon (en tiretés sur la carte) suit quant à elle l’ancien cours de l’Aff.

Cours de l’Aff au niveau de l’ancien moulin de Trémourio

Bibliographie

BRIDIER, Pierre, « Livret D : de 1802 à nos jours », in Le pays de Beignon témoin de l’histoire, Beignon, autoédition, 1987, p. 117, Voir en ligne.

CENTRE GÉNÉALOGIQUE DU FINISTÈRE, et AU FIL DU QUEFFLEUTH ET DE LA PENZÉ, Moulins à papier et familles papetières de Bretagne, du XVe siècle à nos jours, Morlaix, Les Éditions du CGF et du Queffleuth, 2015, 364 p.

CHASSAIN, Maurice, Moulins de Bretagne, Keltia Graphic, 1993.

FICHET, Jean-Claude, L’ermite de Brocéliande - Concoret au 19e siècle, Yellow Concept, 2010.

GAVAUD, Pierrick, Beignon : Porte sud de Brocéliande, Beignon, Les oiseaux de papier, 2013, 163 p.

OGÉE, Jean-Baptiste, Dictionnaire historique et géographique de la province de Bretagne, dédié à la nation bretonne : A-L, Vol. 1, Réédition par A. Marteville et P. Varin, 1845, Rennes, Molliex, Libraire-éditeur, 1780, 534 p., Voir en ligne.


↑ 1 • Nicolas Desmarets (1728-1815) est un géologue, né à Soulaines-Dhuys (Aube). En parallèle de sa carrière dans l’administration des manufactures du royaume, il s’intéresse vivement aux sciences de la Terre et, dès 1775, il étudie les phénomènes de l’érosion en terrain volcanique.

Desmarets entreprend pour l’Encyclopédie de Diderot un traité de géographie physique ; il ne peut mener à bien son ouvrage, et n’en écrit que quatre volumes (de A à N) avant de mourir à Paris.