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Origine des reliefs à Brocéliande - I

Les géographes et les géologues s’attachent à comprendre et décrire les mécanismes qui façonnent les différents paysages.

L’évolution des reliefs résulte des processus érosifs reliés aux réseaux fluviatiles, ou à la mer, qui entament les substrats géologiques.

Les systèmes fluviatiles qui caractérisent les milieux continentaux (support des paysages) se distinguent des systèmes maritimes par l’absence de marées, les sédiments s’y déposent dans un contexte de courants unidirectionnels.

Notre ami Yves Quété nous a quitté le 2 octobre 2020.

Il nous a laissé huit articles (dont celui-ci) en attente de validation par le comité de lecture. Nous avons choisi de les mettre directement en ligne. Ces articles constituent une contribution inestimable au contenu de l’Encyclopédie de Brocéliande.
Outre la rédaction d’articles, Yves a organisé pendant cinq ans, de 2015 à 2019, trente-cinq sorties géologiques sur l’ensemble du massif de Brocéliande et sa périphérie. Son but était de faire découvrir aux encyclopédistes la diversité des formations géologiques de la région et la complexité de cette discipline, à travers des exemples observés sur le terrain.
La synthèse de ces excursions est accessible ici.

Le Relief

Pour le promeneur, le paysage s’apprécie à partir des formes, des couleurs, des activités… qui se présentent sur son chemin. Le relief décrit plus spécifiquement les formes de ce paysage, sous l’apparence de points, de lignes, de surfaces, de volumes. Les géographes et les géologues s’attachent à comprendre et décrire les mécanismes qui façonnent les différents paysages.

Fig. 1 – Paysage alpin
Vallées profondes à fortes pentes, encombrées d’éboulis (érosion active)
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Fig. 2 – Paysage de plaine
À gauche - le relief est complètement aplani, le réseau hydrographique est réduit à un mince filet d’eau méandriforme sans alluvion, À droite - le plateau est parcouru par une vallée peu encaissée.
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Fig. 3 – Paysage marqué par le substrat géologique
À gauche - Bancs de calcaire entamés à l’emporte-pièce par une rivière qui circule dans les éboulis accumulés en bas de la falaise, À droite - Granite en milieu côtier : Notez la différence de taille entre les blocs plurimétriques au premier plan et les galets au fond de l’anse qui sont évacués à chaque grande marée, Le platier rocheux découvert à marée basse (on devine ici les rochers recouverts par la mer) correspond à une zone actuellement érodée par la mer, appelée : « Plateforme d’abrasion marine  ».
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Fig. 4 – Paysage de bocage en Normandie
à gauche - Vallon très évasé, à droite - Pente plus accentuée.
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Fig. 5 – Rivières en incision
À gauche - Les méandres de l’Aulne (29) creusent les alluvions actuelles, À droite - La Vilaine (35) traverse en cluse » (dénivelé ≃50 m) des bancs rocheux durs, perpendiculaires à son cours.
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Une cluse est une vallée creusée perpendiculairement à la direction du relief dans une montagne ou une colline.

Fig. 6 – Surface d’aplanissement
À gauche - Exemple de pédiplaine à inselberg », N-E Brésil - À droite - La surface d’aplanissement en presqu’ile de Crozon (29).
libre de droit - Yves Quété

Ces figures permettent de comprendre que l’évolution des reliefs résulte des processus érosifs reliés aux réseaux fluviatiles, ou à la mer, qui entament les substrats géologiques.

Le rôle des cours d’eau est évident pour les vallées alpines où les éboulis de taille importante, sont rapidement fragmentés et évacués par les torrents au moment de la fonte des neiges (Fig. 1).

La fragmentation des roches (par exemple granite Fig. 3 à droite) est rapide pour peu qu’elle se produise en milieu à forte énergie : torrents ou marées de forte tempête.

Dans le paysage calcaire (Fig. 3 à gauche), la rivière entaille à la façon d’une « scie circulaire » le plateau. Cette incision de la rivière est provoquée par un mouvement ascendant du plateau. Il en résulte une vallée étroite à bords verticaux 1 et éboulis (fragments rocheux débités par l’érosion) déposés au pied de la falaise.

L’Aulne (Fig. 5 à gauche) méandriforme incise d’une dizaine de mètres ses alluvions et le plateau proche (animé d’un mouvement ascendant).

La Vilaine (Fig. 5 à droite) creuse un plateau rocheux orienté perpendiculairement à son cours.

1 - Les systèmes fluviatiles et les Terrasses

1a - Les systèmes fluviatiles

Fig. 7 – Les différents systèmes fluviatiles
—  JAUJARD, Damien, « Géologie » - Géodynamique – Pétrologie Etudes de terrain, Maloine Ed., 2015, 336 p., (« Sciences fondamentales »). —
Damien Jaujard

Les systèmes fluviatiles (tresse, méandre, anastomose) reflètent l’énergie de la rivière. Cette énergie dépend de sa pente longitudinale et de son débit (fonction de la pluviométrie). Plus la rivière est puissante, plus son tracé est rectiligne et plus les éléments transportés sont grossiers.

Les systèmes fluviatiles qui caractérisent les milieux continentaux (support des paysages) se distinguent des systèmes maritimes par l’absence de marées (flux et reflux), ce qui produit des sédiments dans un contexte de courants unidirectionnels.

A terre, on distingue trois systèmes fluviatiles principaux :

Fig. 8 – Les rivières en tresses
—  TERRIER, Benoît et PIÉGAY, Hervé, Les rivières en tresses. Eléments de connaissance., Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse, 2019, (« Eau & Connaissance »), Voir en ligne. —
Bassin Rhône-Méditerranée (2019)

— Les rivières en tresse :
Sur une pente marquée (d’où une forte charge sédimentaire), la rivière montre un large lit occupé par de nombreux chenaux anastomosés (la tresse). Les dépôts détritiques s’organisent en fuseaux allongés dans le sens du courant. Ces fuseaux se caractérisent par une forte hétérogénéité granulométrique : sables, graviers, galets dominants, ils se colmatent rapidement, provoquant leur migration latérale.

Fig. 9 – Sens d’écoulement de la rivière
Ride de courant unidirectionnelle se traduisant par le dépôt des lamines obliques et l’avancement de la ride.
—  JAUJARD, Damien, « Géologie » - Géodynamique – Pétrologie Etudes de terrain, Maloine Ed., 2015, 336 p., (« Sciences fondamentales »). —
Damien Jaujard
Fig. 10 – Les rivières en tresses
À gauche – stratifications obliques – indices de courant unidirectionnel à l’intérieur des strates comblant un chenal, À droite – Superposition des chenaux divagants et érosifs les uns par rapport aux autres.
—  STUDYLIB, « Chapitre 2 La sédimentation des particules et des solutés », sans date, Voir en ligne. —
studylibfr.com

À l’intérieur des strates, des lamines obliques traduisent le mode de croissance de bancs sableux d’amont en aval, déterminant le sens du courant unidirectionnel de la rivière.

Fig. 11 – Les rivières à méandres
A droite - La sinuosité de la rivière diminue, suivant la largeur du lit
libre de droit

— Les rivières à méandres se situent sur les parties avales de la rivière, là où la pente plus faible 2 limite les aptitudes de transport de la rivière. Le chenal au tracé sinueux implique l’érosion des anciens dépôts (et/ou du substrat en place) sur la rive concave avec dépôts accumulés sur la rive convexe (barre de méandre). Les éléments les plus grossiers non majoritaires, sédimentent au fond du chenal.

Fig. 12 – Les rivières à méandres - Mécanismes érosifs et sédimentaires associés
Mécanismes érosifs et sédimentaires associés.
—  STUDYLIB, « Chapitre 2 La sédimentation des particules et des solutés », sans date, Voir en ligne. —
studylibfr.com

— Les chenaux anastomosés : l’accentuation de la courbure du méandre (vitesse du courant abaissée) finit par provoquer lors d’une crue nouvelle l’abandon du méandre (divagation de la rivière) qui finit colmaté par de la sédimentation fine de type lacustre. Ces rivières sont composées de nombreux chenaux désorganisés. La pente est très faible avec dépôt majoritaire de particules fines (sable, silt, argile).

Fig. 13 – Les rivières anastomosées
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1b - Les terrasses


Les terrasses sont l’empreinte érosive des anciens lits (vallons emboités) d’une rivière qui a divagué dans les limites d’une vallée (lit majeur) suffisamment élargie.

Fig. 14 – Mécanisme de formation des terrasses
Chaque reprise érosive de la rivière induit un nouveau lit mineur soit une nouvelle terrasse qui entame le socle (système étagé). Si l’énergie de la rivière est moindre la terrasse entame les alluvions en place sans atteindre le socle (système emboîté).
A gauche —  DE WEVER, Patrick et GIUSTI, Christian, Le relief de la terre. Terre à portée de main, Eco sciences, 2017, 108 p. —
A droite —  BONNET, Stéphane, Tectonique et dynamique du relief : le socle armoricain au Pléistocène, Thèse de doctorat en Sciences de la Matière. Géosciences, Rennes I, 1998, 352 p. —
De Wever & Giusti 2017, Bonnet 1998
Fig. 15 – L’emboîtement des terrasses
Depuis la plus récente vers la plus ancienne : suite Fz, Fy, Fx et/ou Fw. Sur le terrain (en dehors de sites de gravières – systématiquement fermés au public car trop dangereux), si les galets plus ou moins grossiers/arrondis sont faciles à reconnaître, il est difficile de distinguer les différentes terrasses et leur typologie : dans les « systèmes étagés » par exemple, l’affleurement du socle peut être masqué par des éboulis issus de la terrasse supérieure.
Yves Quété

Sur une carte géologique au 1/50 000, il est d’usage de caractériser les terrasses suivant leur altitude relative au niveau actuel de la rivière.
Sur les versants, la partie remblayée (alluvions) de la terrasse se caractérise par un replat encadré par des pentes.
La limite inférieure de la terrasse (Fig. 14 : flèche descendante) caractérise le niveau d’incision de la rivière, il peut toucher soit le substrat rocheux : terrasses étagées, ou des alluvions déposées antérieurement : terrasses emboîtées.

Les niveaux d’incision traduisent une reprise du creusement de la rivière, relié à un abaissement du niveau de la mer (eustatisme) et/ou une composante de déplacement vertical du continent - par exemple : des compartiments limités par des failles actives.

La limite supérieure : (flèche ascendante), correspond aux matériaux issus de l’amont, transportés par la rivière (alluvions) et/ou ceux issus des vallons latéraux (colluvions) encadrant la rivière.

Frise
Yves Quété

En regardant les photos présentées (voir frise ci-dessus) on conçoit intuitivement qu’un domaine de plateau, initialement creusé par des vallées étroites (canyon), puisse par un élargissement progressif des vallées, araser le relief initial (Niv. 0). Ceci aboutit à une forme finale (Niv. 1) plane peu pentée (surface d’aplanissement) située à un niveau topographique plus bas que le plateau originel.

La reprise des processus érosifs correspond à une baisse du niveau de base (le niveau des océans) du réseau hydrographique associé et/ou une remontée du continent. La surface d’aplanissement se fige lorsqu’elle atteint le niveau de base du réseau hydrographique.

Les mouvements du relief sont différents entre les secteurs actifs tectoniquement (les zones de chaînes montagneuses) à relief important, fort taux d’érosion / incision fluviatile et les secteurs stables (les cratons) situés en dehors des zones d’affrontement des plaques continentales et/ou océaniques.

Sur les cratons le relief est peu important et les taux d’érosion sont faibles. Les processus d’altération sont dominants surtout en contexte climatique favorable (chaud et humide) et couverture végétale (forêt). En conditions climatiques humides et chaudes (zone intertropicale) les cratons peuvent se repérer par la présence de sols épais (x10 m) très lessivés de type latéritique (argiles : kaolinite, gibbsite, cuirasse ferrugineuse), à condition que cette couverture fragile ait été préservée de l’érosion.

Les cratons se reconnaissent par leur grande extension géographique (x100 jusqu’à 1000 km), ils sont animés de mouvements tectoniques de faible amplitude (x100m) et grande longueur d’onde. Ce contexte correspond à l’épirogenèse. Il s’oppose à l’orogenèse qui caractérise les mouvements de grande amplitude (x1000 m) liés à la collision ou la subduction des plaques.

Fig. 16 – Répartition de l’intensité de l’altération chimique autour du globe
On voit qu’actuellement les secteurs tectoniquement actifs correspondent à la subduction de la plaque océanique du Pacifique sous la côte ouest américaine et la collision du bloc continental Afrique-Inde-Australie contre le bloc eurasien. Les altérations intenses se limitent à la zone intertropicale et sont caractérisées par des argiles spécifiques : kaolinite, hydroxydes et gibbsite).
—  BESSIN, Paul, Évolution géomorphologique du Massif armoricain depuis 200 Ma : approche terre-mer, Mémoires de Géosciences, Rennes 1, 2015, 327 p. —
Paul Bessin 2015

Les documents permettant d’apprécier le relief

Les documents usuels sous forme papier/numérique qui permettent de comprendre le relief d’une zone donnée sont la carte IGN Scan 25 type « randonnée pédestre » et les Modèles Numériques de Terrain (MNT 3 ).

Fig. 17 – Les documents décrivant le relief
À gauche - Tréhorenteuc (56) : La carte topographique IGN au 1/25000 – équidistance des courbes 5 m (c)IGN Scan25, À droite - le Modèle Numérique de Terrain (MNT) , pixel = 25 m, carte d’altitudes et tracé des courbes de niveau calculées à partir du MNT.
Yves Quété
Fig. 18 – Les applications du MNT
À gauche - Calcul de la pente en %, À droite - Dessin d’un profil topographique. Remarquez les formes différentes des deux coupes de vallée : le Ruisseau du Gué de Mony (étroit) apparaissant comme une forme juvénile de celle du Ruisseau de la Grenouillère dont la vallée est plus élargie. L’espace comblant le vide creusé par les vallées (pointillé orange) correspond au socle rocheux érodé et emporté par le ruisseau.
Yves Quété

Ces deux supports cartographiques seront utilisés pour présenter les divers exemples traités dans cet article. Concernant les MNT on peut jouer sur la taille du pixel (ici 25 m, 96 m, 2000 m, etc.) pour décrire les composantes du relief à différentes échelles d’observation.


Bibliographie

BESSIN, Paul, Évolution géomorphologique du Massif armoricain depuis 200 Ma : approche terre-mer, Mémoires de Géosciences, Rennes 1, 2015, 327 p.

BONNET, Stéphane, Tectonique et dynamique du relief : le socle armoricain au Pléistocène, Thèse de doctorat en Sciences de la Matière. Géosciences, Rennes I, 1998, 352 p.

DE WEVER, Patrick et GIUSTI, Christian, Le relief de la terre. Terre à portée de main, Eco sciences, 2017, 108 p.

JAUJARD, Damien, « Géologie » - Géodynamique – Pétrologie Etudes de terrain, Maloine Ed., 2015, 336 p., (« Sciences fondamentales »).

STUDYLIB, « Chapitre 2 La sédimentation des particules et des solutés », sans date, Voir en ligne.

TERRIER, Benoît et PIÉGAY, Hervé, Les rivières en tresses. Eléments de connaissance., Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse, 2019, (« Eau & Connaissance »), Voir en ligne.


↑ 1 • Ce type de vallée étroite et pentée longitudinalement est appelée canyon.

↑ 2 • Le cheminement en méandres correspond au mode d’écoulement spontané des rivières en dehors des passages pentés ou remodelés artificiels.

↑ 3 • MNT : Il s’agit d’une représentation numérique du relief (à la hauteur du sol), soit les valeurs d’altitude sous la forme d’un réseau de points. On peut dériver de cette trame de points, des indications sur les valeurs de pentes, expositions et sur les formes de la surface topographique Un MNT peut prendre la forme d’un fichier numérique (points, polylignes, surfaces…) où chaque entité porte une information altimétrique.