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1836-1900

Brocéliande dans la peinture de paysage du 19e siècle

Inspirés par la renommée bretonne de l’antique forêt de Brocéliande, des artistes peintres du 19e siècle ont réalisé des huiles sur toile mariant peinture de paysage, réalisme et références à la forêt légendaire.

À partir du début du 19e siècle, érudits locaux et littérateurs s’attachent à donner une existence réelle à des références géographiques mentionnées dans la littérature arthurienne.

L’idée d’une grande forêt centrale qui aurait couvert la majeure partie de la Bretagne s’impose durant la période romantique.

C’est ainsi que la forêt de Paimpont, la forêt de Lorge ou la forêt du Huelgoat en viennent à être considérées comme les lambeaux épars de l’antique forêt de Brocéliande.

Ces localisations inspirent à des peintres de paysage 1 - courant pictural majeur au 19e siècle - quelques représentations de Brocéliande. Emprunts des conceptions de leur époque, ces derniers mêlent leurs vision fantasmée de Brocéliande à des représentations réalistes des forêts bretonnes.

Jules Coignet — 1798-1860

Éléments biographiques

Jules-Louis-Philippe Coignet (1798-1860) naît le 2 novembre 1798 à Paris. Peintre français de l’École de Barbizon 2, son œuvre méconnue est dispersée à travers les musées du monde entier. Élève de Jean-Victor Bertin (1767-1842), il est un habitué du Salon 3, récompensé par une médaille d’or en 1824. La plupart de ses toiles ont pour objet des vues et des paysages peints au cours de ses nombreux voyages.
Il meurt à Paris le 1ᵉʳ avril 1860. —  SIX, Manon, « Rennes par Jules Coignet, une nouvelle œuvre dans les collections », 2021, Voir en ligne. —

1836 — Le chêne au Dolmen dans la forêt de Brocéliande

En 1836, Jules Coignet entreprend un voyage en Bretagne au cours duquel il peint cinq 4 tableaux parmi lesquels Le chêne au Dolmen dans la forêt de Brocéliande. Cette œuvre, caractéristique de sa manière, associe travail sur le motif et travail en atelier.

Le chêne au Dolmen dans la forêt de Brocéliande
1836, Huile sur toile, 55 x 45 cm, Musée des Beaux Arts de Quimper - Don de l’association des Amis du musée des Beaux-Arts, 2009
Jules Coignet

Ce tableau est le véritable « portrait » d’un chêne centenaire, suivant l’esprit romantique, insistant sur la lutte contre les éléments, sur la force de la nature. Ce thème est proche de celui d’une autre œuvre de Coignet, le « Vieux Chêne dans la forêt de Fontainebleau » 5, mais aussi d’autres « portraits » d’arbres par plusieurs artistes de l’École de Barbizon. Mais derrière ce thème, se cache un second. On distingue sous les frondaisons un dolmen et le profil d’un moine en méditation au pied du monument mégalithique. Ainsi Coignet fait preuve d’une ambition autre, associant à la fois la forêt immémoriale (Brocéliande !), un monument celtique et la récupération en Bretagne par l’église chrétienne de cultes ancestraux : exemple parfait de l’image de la Bretagne au temps de Chateaubriand.

MUSÉE DES BEAUX ARTS DE QUIMPER, « Le chêne au dolmen dans la forêt de Brocéliande - Jules Coignet (1798-1860) », 2020, Voir en ligne.

Dominique Grenet de Joigny — 1821-1885

Éléments biographiques

Dominique Adolphe Grenet nait le 24 novembre 1821 à Joigny dans l’Yonne.

En 1845, Il intègre l’école des Beaux-arts de Paris dans laquelle il suit les cours d’Auguste Couder et de Léon Cogniet. Ses œuvres sont exposées aux Salons de 1845 à 1882.

Spécialisé dans les paysages historiques, il réalise de nombreuses œuvres inspirées par des paysages de la Bretagne, de la forêt de Fontainebleau et de la Bourgogne.

Il meurt le 28 juin 1885 à son domicile de Gien (Loiret).

1861 — Le Torrent de Saint-Herboth (Forêt de Brocéliande, près de Huël-Goat)

Le Torrent de Saint-Herboth (Forêt de Brocéliande, près de Huël-Goat) est exposé au Salon de 1861 où il reçoit un accueil mitigé.

[...] M. Lepoitevin, M. Grenet, M. Desjobert, M. Vacquez, ont exécuté pour le Ministère quelques œuvres généralement intéressantes, si nous exceptons une ou deux toiles d’une désolante faiblesse ; mais c’est bien peu pour aider au progrès de l’art que ces quelques tableaux de chevalet à côté des deux toiles où M. Gudin a résumé tous les phénomènes et toutes les colorations de la nature.

FOUQUIER, Henry, L’Art officiel et la liberté. Salon de 1861., Paris, E. Dentu éditeur, 1861, Voir en ligne.p.43
Le Torrent de Saint-Herboth (Forêt de Brocéliande, près de Huël-Goat)
Dominique Grenet de Joigny ; peinture à l’huile sur toile ; Hauteur en cm 113 ; Largeur en cm 221 ; n° d’inventaire 2007.2.14
© musée Denys-Puech Rodez agglomération

La Brocéliande de Dominique Grenet de Joigny est peinte comme un paysage forestier de l’école de Barbizon. La forêt de Huelgoat, lambeau de l’antique Brocéliande, est saisie en dehors de toute référence temporelle. Deux cerfs se battent au bord du torrent de Saint-Herboth sans qu’aucun élément - dolmen, personnage légendaire - ne vienne appuyer le choix du sous-titre du tableau.

Le tableau, exécuté pour le Ministère est acquis par l’État. En 1863, il est offert au Musée de Rodez 6.—  MASSON, Louis, Guide au Musée de la Société des lettres, sciences et arts de l’Aveyron, Rodez, Imprimerie Ratery, 1879, Voir en ligne.p.188 —

M. le président donne lecture d’une dépêche, en date du 19 août dernier, par laquelle Son Excellence M. le ministre de la maison de l’Empereur et des beaux-arts annonce qu’il a accordé au musée de Rodez un tableau de M. Grenet : « Le Torrent de Saint-Herboth. »

SOCIÉTÉ DES LETTRES, SCIENCES ET ARTS DE L’AVEYRON., « Procés verbal de la séance du 8 septembre 1863 », Procès-verbaux des séances de la Société des lettres sciences et arts de l’Aveyron, 1862, p. 87, Voir en ligne. p. 92

Gustave Doré — 1832-1883

Gustave Doré (1832-1883) est l’auteur d’une huile sur toile et de trois gravures représentant Merlin et Viviane en Forêt de Brocéliande.

1867 — Viviane et Merlin

Viviane et Merlin est une huile sur toile, peinte en 1867 par Gustave Doré.

La rencontre entre Viviane et Merlin en forêt de Brocéliande est directement inspirée à l’artiste par l’un des vers du poème Viviane d’Alfred Tennyson (1809-1892) - L’astucieuse Viviane était étendue aux pieds de Merlin - extrait des Idylles du Roi .—  BOUSSAMBA, Jennifer, « Viviane et Merlin de Gustave Doré entre au musée de Brou », Connaisance des arts, 2013, Voir en ligne. —

Viviane et Merlin de Gustave Doré
Gustave Doré, Viviane et Merlin, vers 1867, huile sur toile, 171 x 122 cm,
@ musée du monastère royal de Brou

Un orage approchait, mais les vents étaient calmes ; et dans la sauvage forêt de Brocéliande, contre un chêne creux si énorme et si vieux qu’on eût dit une tour ruinée, l’astucieuse Viviane était étendue aux pieds de Merlin.

TENNYSON, Alfred et DORÉ, Gustave, Viviane, Michel Francisque, Librairie Hachette, 1868, Voir en ligne. p.1

Jean-Édouard Glaize — 1851-1924

Éléments biographiques

Jean-Bienvenu-Édouard Glaize est né à Lorient le 25 février 1851.

Membre de la Société des Artistes français, il participe au Salon des Champs-Élysées à partir de 1879. Son style pictural est influencé par l’Impressionnisme 7.

Ses œuvres les plus remarquées sont le Vieux frère ; Soir d’automne (1884) ; Impression du soir au bord de la mer (1886) ; la Fin des beaux jours (1889) ; Un verger breton (1890).—  BÉNÉZIT, Emmanuel, Dictionnaire critique et documentaire des peintres, sculpteurs, dessinateurs et graveurs de tous les temps et de tous les pays., Vol. 2, Paris, R. Roger et F. Chernoviz, éditeurs, 1923. 2 vol., Voir en ligne. p. 440 —

Portrait de Jean-Edouard Glaize
Papier (Photogravure) ; Dimensions hauteur 27,7 cm, largeur 21,4 cm ; Numéro d’inventaire : 888.0033.12
@Musée de Bretagne

Il meurt le 8 janvier 1924 à Paris.—  ANONYME, « Informations », Le Journal, 8/01, Paris, 1824, Voir en ligne.p. 2 —

1896 — Dans la forêt de Brocéliande

Jean-Édouard Glaize expose un tableau intitulé Dans la forêt de Brocéliande au Salon des Champs-Elysées de 1896.—  SALON DES ARTISTES FRANÇAIS, Explication des ouvrages de peinture et dessins, sculpture, architecture et gravure des artistes vivants exposés au Salon des Champs-Elysées le 1er mai 1896, Paris, Imprimerie Paul Dupont, 1896, Voir en ligne. p. —

Nous ne possédons pas de reproduction de cette œuvre mais la connaissons par une description de F.-E. Adam datée de 1896.

Nous avons eu plus d’une fois l’occasion de parler des paysages bretons de notre compatriote, M. Jean-Édouard Glaize, et d’en dire tout le bien que nous en pensons. M. J.-E. Glaize est un de nos collègues de la première heure ; il est toujours resté fidèle à la Société de l’Ouest et sait lui faire honneur par la distinction de son talent plein de charme et de fraicheur. Parmi les sites bretons, si pittoresques et si variés, il ne choisit pas les plus sauvages : le public est porté à croire qu’il n’y a en Bretagne que des ciels gris, que des roches abruptes, que des landes épineuses, mais M. Glaize connait une foule de coins ravissants, il a découvert des endroits calmes, riants, ombragés ; tantôt il s’assied sur les bords verdoyants d’une rivière sinueuse dont les eaux claires servent de miroir aux bouquets d’aunes et de saules, tantôt, comme aujourd’hui par exemple, il se promène à l’ombre de chênes antiques, dans les forêts légendaires. Il y a, dans sa Forêt de Brocéliande, un sentiment exquis de la nature, une poésie profonde, un calme mystérieux ; on dirait que les belles fées et les savants enchanteurs du temps passé peuplent encore ces bois merveilleux, on ne les voit pas, mais on sent qu’ils sont présents, et, le rêve aidant, on se reporte facilement, avec M. J.-E. Glaize, à ces âges dont le souvenir est si cher aux poètes et aux artistes bretons.

ADAM, F.-E., « Nos artistes au Salon des Champs-Elysées », L’Ouest artistique et littéraire : organe de la Société artistique & littéraire de l’Ouest, Vol. 7, 1896, p. 23-27, Voir en ligne.p. 26

Élisabeth Sonrel — 1874-1953

Éléments biographiques

Née à Tours, Élisabeth Sonrel, (1874-1953) est une artiste peintre et illustratrice au style marqué par les Préraphaélites 8, le Symbolisme et l’Art nouveau. Fille du peintre amateur Nicolas Stéphane Sonrel, elle parfait sa formation artistique à l’Académie Julian dans l’atelier de Jules Lefebvre (1834-1912) 9 et expose au Salon de peinture et de sculpture entre 1893 et 1941.

Sa peinture fortement inspirée par la légende arthurienne puise une partie de son inspiration dans les paysages bretons. Ses thèmes de prédilection, portraits ou paysages, sont allégoriques, mystiques et symboliques.—  FOUCHER, Charlotte, « Élisabeth Sonrel (1874-1953) : une artiste symboliste oubliée », Bulletin des Amis de Sceaux, 2009, p. 1-27, Voir en ligne. —

Non daté — La forêt de Brocéliande

« La forêt de Brocéliande » est une peinture à l’huile vraisemblablement réalisée au début du 20e siècle. Une jeune bretonne en costume traditionnel bigouden, figurée de façon très réaliste, est peinte au premier plan d’un paysage de lande et d’étang.

La forêt de Brocéliande
Peinture sur toile (46 x 52,5 cm.) - Collection privé
Elisabeth Sonrel

Dans une recherche permanente de la sublimation du féminin, l’artiste a construit une version chaste, vertueuse, mystique, qui s’oppose ouvertement à la créature séductrice et dangereuse de la femme fatale. [...] Qu’elles soient adaptées à un contexte régional comme les jeunes bretonnes où inspirées de textes littéraires comme Mélissinde ou Ligéia, les femmes d’Elisabeth Sonrel apparaissent comme des émanations populaires de ce modèle marial, conservant systématiquement l’idéal de perception à la fois gracieux et mystique, caractéristique du style de l’artiste.

FOUCHER, Charlotte, « Élisabeth Sonrel (1874-1953) : une artiste symboliste oubliée », Bulletin des Amis de Sceaux, 2009, p. 1-27, Voir en ligne. [page 25]

Bibliographie

ADAM, F.-E., « Nos artistes au Salon des Champs-Elysées », L’Ouest artistique et littéraire : organe de la Société artistique & littéraire de l’Ouest, Vol. 7, 1896, p. 23-27, Voir en ligne.

ANONYME, « Informations », Le Journal, 8/01, Paris, 1824, Voir en ligne.

BÉNÉZIT, Emmanuel, Dictionnaire critique et documentaire des peintres, sculpteurs, dessinateurs et graveurs de tous les temps et de tous les pays., Vol. 2, Paris, R. Roger et F. Chernoviz, éditeurs, 1923. 2 vol., Voir en ligne.

BOUSSAMBA, Jennifer, « Viviane et Merlin de Gustave Doré entre au musée de Brou », Connaisance des arts, 2013, Voir en ligne.

FOUCHER, Charlotte, « Élisabeth Sonrel (1874-1953) : une artiste symboliste oubliée », Bulletin des Amis de Sceaux, 2009, p. 1-27, Voir en ligne.

FOUQUIER, Henry, L’Art officiel et la liberté. Salon de 1861., Paris, E. Dentu éditeur, 1861, Voir en ligne.

MASSON, Louis, Guide au Musée de la Société des lettres, sciences et arts de l’Aveyron, Rodez, Imprimerie Ratery, 1879, Voir en ligne.

MUSÉE DES BEAUX ARTS DE QUIMPER, « Le chêne au dolmen dans la forêt de Brocéliande - Jules Coignet (1798-1860) », 2020, Voir en ligne.

SALON DES ARTISTES FRANÇAIS, Explication des ouvrages de peinture et dessins, sculpture, architecture et gravure des artistes vivants exposés au Salon des Champs-Elysées le 1er mai 1896, Paris, Imprimerie Paul Dupont, 1896, Voir en ligne.

SIX, Manon, « Rennes par Jules Coignet, une nouvelle œuvre dans les collections », 2021, Voir en ligne.

SOCIÉTÉ DES LETTRES, SCIENCES ET ARTS DE L’AVEYRON., « Procés verbal de la séance du 8 septembre 1863 », Procès-verbaux des séances de la Société des lettres sciences et arts de l’Aveyron, 1862, p. 87, Voir en ligne.

TENNYSON, Alfred et DORÉ, Gustave, Viviane, Michel Francisque, Librairie Hachette, 1868, Voir en ligne.


↑ 1 • La peinture de paysage est un genre pictural figuratif qui représente le paysage.

↑ 2 • L’école de Barbizon désigne, de façon informelle, à la fois le centre géographique et spirituel d’une succession de colonies de peintres paysagistes établies autour de Barbizon, et le désir de ceux-ci de travailler « en plein air et d’après nature » dans la forêt de Fontainebleau.

↑ 3 • Le Salon de peinture et de sculpture, appelé de manière générique le Salon, est une manifestation artistique qui a eu lieu à Paris de la fin du XVIIᵉ siècle à 1880.

↑ 4 • Jules Louis Philippe Coignet réalise quatre autres tableaux durant ce voyage.

  • une vaste vue romantique des ruines du château de La Roche-Maurice, près de Landerneau (Dijon, musée des Beaux-Arts),
  • un « portrait » de dolmen à Locmariaquer (Brest, musée des Beaux-Arts),
  • une vue pittoresque de Rennes (Rennes, musée des Beaux-Arts)
  • une scène étrange montrant des bestiaux pataugeant dans l’eau salée à Saint-Pol-de-Léon (Chambéry, musée des Beaux-Arts).

↑ 5 • 

Le chêne au Dolmen dans la forêt de Fontainebleau
Huile sur toile - 53,8 x 64,8 cm. - Houston, Museum of Fine Arts, vers 1830
Paul Coignet

↑ 6 • Le tableau est déposé au musée Denys-Puech de Rodez dès 1914. En décembre 2006, le FNAC procède au transfert de propriété en faveur du musée Denys-Puech.

↑ 7 • Jean-Édouard Glaize est notamment l’auteur d’un pastel sur papier de facture impressionniste intitulé Dans le jardin

Dans le jardin
Jean-Edouard Glaize ; Pastel sur papier ; H. 52 cm L. 64 cm ; Collection privée.

↑ 8 • Le préraphaélisme est un mouvement artistique né en Angleterre en 1848. Ce mouvement tient la peinture des maîtres italiens du XVᵉ siècle, prédécesseurs de Raphaël, comme le modèle à imiter.

↑ 9 • Jules Joseph Lefebvre (1834-1912), professeur à l’École des beaux-arts de Paris et à l’Académie Julian, est considéré comme un des représentants de l’art académique en France.