120-56 av. J.-C.
Enfouissements monétaires coriosolites en Brocéliande
Le trésor de Mauron et la trouvaille de Saint-Malon
Deux enfouissements monétaires coriosolites, datés de 90 à 56 av. J.-C., ont été découverts sur le massif forestier de Paimpont : deux pièces d’argent à Saint-Malon-sur-Mel en 1893 et cent quatre-vingts pièces de bronze à Mauron en 1932.
Au IIe siècle av. J.-C., l’ensemble de la Gaule est sous domination économique et monétaire arverne. Après la défaite arverne de 121 av. J.-C., le développement économique des Gaules permet aux peuples les plus riches et les plus puissants d’émettre leurs propres monnaies, des statères frappés à l’imitation des monnaies grecques. Dans l’Ouest armoricain, les Vénètes sont les premiers, à partir de 120 av. J.-C., à créer leur atelier monétaire, s’appuyant probablement sur le savoir-faire de quelques ateliers arvernes.
Les monnaies coriosolites de 90 à 56 av. J.-C.
Les Coriosolites représentent un cas à part dans l’usage monétaire armoricain. Les monnaies coriosolites ne sont en effet frappées à la capitale Corseul (Côtes-d’Armor) qu’à partir de 90-80 av. J.-C. soit plusieurs décennies après les autres cités armoricaines. Leur monnaie est une imitation des statères d’argent vénètes. Cet usage tardif d’une monnaie spécifique peut trouver une explication géographique et économique.
Pour gagner les rives de la Manche et par Jersey la Bretagne insulaire, la route la plus courte et la plus facile pour les marchands vénètes était d’emprunter le territoire coriosolite vers la Rance et ses ports ; une route terrestre directe joint Redon sur la Vilaine à la Rance à travers le territoire de ce peuple ; il y aurait eu alors une alliance étroite et des rapports privilégiés de part et d’autre d’une longue frontière commune, le cours moyen et inférieur de l’Oust. Toutefois, la création même tardive, d’un atelier monétaire chez les Coriosolitae montre bien les limites d’une éventuelle hégémonie politique des Vénéti.
Les monnaies coriosolites représentent le plus gros gisement gaulois connu, plus de vingt mille pièces, par une trentaine de trouvailles ou de pertes isolées sur le territoire de la cité de Corseul. La grande majorité des découvertes ont été faites dans un rayon de 50 km autour de Corseul, véritable centre de répartition monétaire. Quelques enfouissements ont été trouvés dans la Manche et le Calvados, correspondant aux marches des armées armoricaines contre les romains en 56 av. J.-C. Onze trésors représentant des dizaines de milliers de pièces, dont douze mille trouvées à La Marquanderie, près de Saint-Hélier, ont été découvertes à Jersey. L’île aurait été une colonie coriosolite sur laquelle les armées de la cité se seraient repliées après la défaite de 56 av. J.-C. — Colbert de Beaulieu, Jean-Baptiste (1965) op. cit. —
L’étude des monnaies trouvées dans ces enfouissements a permis de les classer en six catégories.
Les variations thématiques permettent de classer les différentes émissions de l’atelier coriosolite en six classes, en tenant compte de la forme du nez, pour le droit, et du motif qui se voit sous le cheval du revers, qui peut être un sanglier ou une lyre. Au revers, en effet, nous voyons un cheval, fortement stylisé, aspecté à droite, conduit par une espèce de silhouette plus ou moins fantomatique, et sous lequel figurent, très schématisés, tantôt un sanglier à droite, tantôt une lyre tournée vers la gauche, dont on observe facilement les quatre cordes.
Le trésor coriosolite de Mauron
La découverte du trésor en 1932
Le 23 avril 1953, Monsieur Josso, bibliothécaire de la Société Polymathique du Morbihan et instituteur à Mauron, assiste à un examen de pièces de monnaies armoricaines par J.-B. Colbert de Beaulieu (1905-1995) 1. Il informe alors le spécialiste en numismatique celtique qu’il est en possession de deux pièces de monnaie en bronze identiques aux monnaies d’origine coriosolites qu’il vient d’examiner. Devant l’intérêt de Colbert de Beaulieu, M. Josso détaille à une réunion de la Polymathique du Morbihan la façon dont il s’est procuré ces deux pièces.
Lieu de la trouvaille. - Mauron (Morbihan) ; hameau du Coudray-Baillet et lieu dit ; « Le Petit-Vallet ».
Circonstance de la trouvaille. - En labourant. Plusieurs pièces de bronze sont découvertes ensemble. Toutes de même origine, quant aux détails sur les deux faces, mais de frappes différentes.
Identité de l’inventeur.- M. Bellon René, ancien conseiller de la République, cultivateur au Coudray-Baillet, en Mauron (Morbihan).
Entrée de ces monnaies en ma possession.- Ces deux pièces me furent rapportées vers 1934 par le frère de M. Bellon, fréquentant alors l’école publique de Mauron que je dirigeais.
Suite à cette découverte, J.-B. Colbert de Beaulieu se rend à Mauron pour mener une enquête. Il y rencontre René Bellon qui le renseigne sur les circonstances de sa trouvaille.
[...] M. René Bellon, cultivateur au Coudray-Baillet, dont la charrue heurta, en octobre 1934, un certain nombre de cylindres métalliques recouverts de vert-de-gris, qui se sont avérés être des monnaies armoricaines, disposées en piles, d’une trentaine de pièces. Il en compta en tout, environ 180, qu’il distribua à différentes personnes du voisinage et à M. Josso alors instituteur public dans la commune, qui en reçut deux exemplaires. Malheureusement, nous ne pûmes, après vingt ans, réunir onze pièces, que voici. Malgré la modicité de ces éléments pour l’établissement d’un faciès, on constate que la trouvaille est faite de monnaies coriosolites, des classes I, II, III, IV et V [...]
René Bellon leur révèle par ailleurs que des fragments de tuiles romaines parsemaient le site. Un sondage réalisé par Colbert de Beaulieu a produit du charbon de bois, permettant au numismate de conclure : Il s’agit probablement d’un établissement gaulois occupé par les Romains.
— JOSSO, A., « Procès-verbaux (1953) », Bulletin et mémoires de la Société polymathique du Morbihan, 1955, p. 21, Voir en ligne.
[pages 36-37] —
Intrigué par l’existence de vestiges gallo-romains sur le site du Petit-Valet, Pierre Merlat, professeur de la faculté de lettres de Rennes se rend sur les lieux avec Colbert de Beaulieu le 30 septembre 1953. M. Merlat recueille de nouvelles informations sur le sous-sol de la colline où ont été découvertes les monnaies coriosolites ainsi que sur la date de la découverte qu’il ramène à octobre 1932. Il confirme par une analyse toponymique l’occupation gallo-romaine consécutive à l’occupation gauloise. — JOSSO, A., « Procès-verbaux (1953) », Bulletin et mémoires de la Société polymathique du Morbihan, 1955, p. 21, Voir en ligne. [pages 50-51] —
L’archéologue Maurice Gautier a depuis confirmé l’intérêt archéologique du site du Petit-Valet, constitué d’un ensemble d’enclos concentriques comprenant un probable sanctuaire gaulois. — GAUTIER, Maurice et LEVA, Charles, « Recherches aériennes autour de la légendaire forêt de Brocéliande (France) », Revue Archéologique de Picardie, Vol. 17 / 1, 1999, p. 351-358, Voir en ligne. —
Une analyse du trésor de Mauron
On propose généralement comme date des enfouissements de Jersey et de Normandie, celle de la campagne de César et de la victoire du légat Q. Titurius Sabinus en 56 av. J.C. sur la coalition des peuples armoricains. Cependant, un certain nombre de découvertes monétaires échappent à ce regroupement, par leur situation plus à l’ouest, au sud comme à Mauron, ainsi que par leur moindre importance numérique et surtout leur répartition de monnaies entre les classes établie par Colbert de Beaulieu. — GRUEL, Katherine et WIDEMANN, François, « Activation neutronique de monnaies coriosolites du trésor de Trébry. Variation d’aloi. Impuretés », Revue d’Archéométrie, Vol. 1 / 1, 1977, p. 15-34, Voir en ligne. —
L’analyse du trésor de Mauron par Colbert de Beaulieu a montré que sur les 16 pièces identifiées, 37% sont de classe I, 6% de classe II, 18% de classe III, 31% de classe IV, 6% de classe V et aucune de classe VI.
Cette analyse montre une très faible représentation de la classe II, ce qui distingue ce trésor de ceux de Jersey et du Petit-Celland (Manche) dont plus de 50% de la population appartient à la classe II, avec une très grande faiblesse dans les classes IV, V, VI. Ces mêmes différences se retrouvent dans les enfouissements de Trébry et de Penguilly (Côtes d’Armor).
Les trésors de Mauron, Trébry et Penguilly apparaissent comme les probables jalons d’une fuite des Coriosolites vers l’intérieur de la Bretagne.
Ils correspondraient à un autre mouvement de panique plus ancien, peut-être lors de la première incursion des romains en Armorique en 57 av. J.-C. où même bien antérieur. Comme l’écrit Monsieur J.B. Colbert de Beaulieu : "Une succession accélérée reste possible, il n’est pas invraisemblable que, de 58 à 56, on ait pu passer du système de la classe II à celui de la classe III pour aboutir en peu de mois au dépouillement de la classe I sous la pression de la nécessité". Au contraire, Monsieur L. Langouët suppose une évolution typologique plus lente et donc un enfouissement de cette seconde série de trésors "bien avant 57 av. J.C.". Nous ne pouvons trancher entre ces deux hypothèses.
Les deux pièces de Saint-Malon-sur-Mel
Deux monnaies gauloises en argent appartenant à un trésor monétaire découvert à Saint-Malon-sur-Mel sont mentionnées en 1893. — LA COMBE DE VILLERS, Louis, « Procès-verbaux (1892) », Bulletin et mémoires de la Société archéologique du département d’Ille-et-Vilaine, Vol. 22, 1893, p. I-XXXIX, Voir en ligne. p. VI —
Saint-Malon-sur-Mel est situé dans les limites de la cité Coriosolite. Cependant, l’absence de description des pièces de Saint-Malon ne permet pas de les rattacher clairement à des monnaies armoricaines, coriosolites ou riedones. — PROVOST, Alain et LEROUX, Gilles, Carte archéologique de la Gaule : 35. Ille-et-Vilaine, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 1990, 304 p. [page 250] —