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1995

La mère Secouette

Un fantôme au pied de la croix

La mère Secouette est une histoire d’Ernestine Lorand dans laquelle un « fantôme » sème la panique à la sortie des champs.

Une histoire rapportée par Ernestine Lorand

La mère Secouette 1 est une histoire qu’Ernestine Lorand tient de son père. Elle l’a racontée à Christian Leray lors d’un entretien dans sa maison de Concoret le 13 janvier 1987.

C’est lui aussi [le père d’Ernestine] qui nous avait raconté l’histoire de cette femme qui s’en allait d’une batterie 2. Or, il y avait un gars qui partait toujours avant les autres et se mettait un drap sur le corps pour faire peur à tous ceux qui passaient près d’une croix qui avait été dressée en haut d’un champ. Il montait et descendait le long de la croix avec son drap par-dessus lui ! C’était impressionnant, et les gens qui étaient obligés de passer par le sentier le voyaient bien et déguerpissaient vite. A cette époque, il n’y avait pas de route et ils étaient bien obligés de passer par des petits sentiers ou à travers champs. Eh ben, la bonne femme-là était courageuse et quand elle vit le fantôme, au lieu de s’enfuir, elle lui tapa dessus. Voilà donc l’histoire de la mère Secouette.

LERAY, Christian et LORAND, Ernestine, Dynamique interculturelle et autoformation : une histoire de vie en Pays gallo, Paris, L’Harmattan, 1995, Voir en ligne. [page 254]

Ernestine Lorand a écrit ce texte en gallo et en français et il a été publié en 1995. —  LERAY, Christian et LORAND, Ernestine, Dynamique interculturelle et autoformation : une histoire de vie en Pays gallo, Paris, L’Harmattan, 1995, Voir en ligne. [pages 254-255] —

La mère Secouette

La mère Secouette était une brave femme. Elle allait au battage du sarrasin avec ses fléaux. C’était dur. Mais il y avait, parait-il, un fantôme au pied de la croix. Les autres personnes faisaient souvent un détour mais la mère Secouette dit qu’elle allait s’en aller par la croix du fantôme. Elle prit le sentier tout en fredonnant et mit les fléaux sur son épaule, elle se hâta car elle avait laissé ses enfants seuls.

Arrivée au pied de la croix, voilà son fantôme qui faisait des siennes : il se plaignait et allait de haut en bas de la croix. La mère Secouette s’approcha bien près de la croix et puis elle se rappela que le gars Badigeon était parti bien avant elle parce qu’il avait mal à la tête. Elle pensa, si c’était lui, qui faisait des siennes. Elle prit son fléau à deux mains et se mit à taper si dur, qu’au bout d’un moment, elle entendit crier :

— A l’aide, à moi, à moi !

— A toi, dit la mère Secouette, qui es-tu donc ?

— C’est moi Badigeon.

— Ah ! c’est toi, Badigeon. Elle redoubla de plus belle.

— Tu vas en avoir mon fils de garce, tu vas t’en repentir, mon salaud !

Depuis ce jour là, il n’y a plus jamais eu de fantôme le long de la croix, on l’appelle maintenant « la croix du repenti ».

—  LERAY, Christian et LORAND, Ernestine, Dynamique interculturelle et autoformation : une histoire de vie en Pays gallo, Paris, L’Harmattan, 1995, Voir en ligne. [pages 254-255] —


Bibliographie

DUMAZEDIER, Joffre, « Leray (Christian). - Ernestine Lorand, dynamique interculturelle et autoformation : une histoire de vie en pays gallo [Compte-rendu] », Revue Française de pédagogie, 1996, p. 150-151, Voir en ligne.


↑ 1 • Les secouettes étaient des personnes (souvent des femmes) chargées de secouer la paille à l’arrière des batteuses.

↑ 2 • La batterie est le battage des céréales