1880-1997
La scierie de la Fenderie
La famille Gernigon
Mentionnée dès 1692, « La Fenderie » est à l’origine une dépendance des Forges de Paimpont puis un moulin à céréales. Une scierie y est créée en 1875 par la famille Levesque. Dirigée par la famille Gernigon sur quatre générations, elle cesse définitivement son activité en 1997.
1875 — L’achat de la forêt de Paimpont par Louis Auguste Levesque
En 1875, Louis Auguste Levesque (1809-1888) 1 achète la forêt de Paimpont au duc d’Aumale (1822-1897) 2 - 6700 hectares - et les biens immobiliers qui en dépendent. Ces biens comprennent deux forges en activité, les Forges et Forges d’Embas, la Fenderie avec son moulin, les fermes du Brûlis, des Chênes, du Château du Bois et le moulin de la Ruisselée 3 ainsi que les neuf maisons de garde du domaine forestier.
Louis Levesque, occupé par ses affaires industrielles et politiques, place son fils ainé Donatien à la direction du Domaine de Paimpont.
Dès leur acquisition, les Levesque cherchent à valoriser leur nouveau domaine en diversifiant les sources de revenus. Ils entreprennent notamment de repenser l’exploitation forestière avec comme objectif la production de bois de qualité. En 1876, pour pallier la surexploitation de la forêt due aux besoins en charbon de bois des Forges, ils font reboiser des parcelles en résineux, essentiellement en pin maritime et sylvestre. — LEVESQUE, Jérôme, Les Levesque de la fin du XVIIe siècle à nos jours, Les Forges de Lanouée, 2004. [pages 118-119] —
1875-1886 — Mathurin Gernigon
En 1875, la famille Levesque fait installer une scierie dans une partie inoccupée des bâtiments de l’ancienne fenderie des Forges de Paimpont fermée vers 1820. L’autre partie est occupée par un moulin. — LEVESQUE, Jérôme, Les Levesque de la fin du XVIIe siècle à nos jours, Les Forges de Lanouée, 2004.
[page 112] — Mathurin Gernigon (1820-1886) en est le contremaitre. Employé des Levesque, il est payé 4 francs la journée. Les les ouvriers qualifiés sont rémunérés 2,25 francs et les autres ouvriers 2 francs. En 1886, Mathurin Gernigon fatigué, vieillissant
, cesse de travailler à la scierie. — GERNIGON, Armand, Mémoires et souvenirs d’un garde en forêt de Paimpont (1979), Amis de la Bibliothèque de Paimpont, 2002. —
1886-1923 — Joseph Gernigon
En 1886, Donatien Levesque (1842-1908), fils de Louis Auguste, prend la direction de la scierie. Il en confie la gérance à Joseph Gernigon (1854-1923) 4, fils de Mathurin. Les deux hommes passent des accords de répartition des bénéfices.
Quels accords ? Pour le propriétaire, en valeurs : l’emplacement du terrain ; les immeubles ; le matériel et les grumes d’essences diverses amenées à la scierie. Pour le gérant, à sa charge : le salaire des ouvriers, assurance accidents, les scies rubans verticales et circulaires, meules émeri, limes, entretien « huile graisse » - La répartition bénéficiaire se faisant selon le rendement en bois débité et le prix de vente -
Louis Arthur Levesque décède en 1895. Son fils Louis Donatien et son gendre Adolphe Jolan de Clerville (1852-1931) deviennent les cogérants des activités commerciales de la famille. — LEVESQUE, Jérôme, Les Levesque de la fin du XVIIe siècle à nos jours, Les Forges de Lanouée, 2004. in EALET, Jacky et LARCHER, Guy, Paimpont en Brocéliande, Beignon, Les oiseaux de papier, 2015. —
Durant la gérance de Joseph Gernigon, jusqu’en 1923, une grande partie du bois en grumes provenant de la forêt de Paimpont passe par la scierie de la Fenderie. S’y ajoute « le sciage à façon » 5 du bois apporté par les particuliers pour leurs propres besoins.
La presque totalité des arbres abattus étaient amenés par charrettes, les plus gros par diable à deux roues – Les charretiers, des cultivateurs, étaient payés au mètre cube pour le transport – Selon la saison et la nature du temps qu’il faisait à ne pouvoir labourer, les paysans de l’époque, et aussi pour gagner quelque argent, on les voyait arriver à la scierie avec leurs chargements de grumes. Certains jours, c’était des dizaines de charrettes en même temps. Ce n’était pas de tout repos pour les pauvres chevaux, ni pour les hommes. Il y avait aussi la clientèle, qui parfois, venait d’assez loin – De Saint-Méen, Mauron, Montfort, Montauban, Guer, etc, etc… Tous avec charrettes et chevaux – Puis ceux de Campénéac, Augan, Beignon, avec leurs bœufs, qui fait qu’en cette période, mouvements et effervescence ne manquaient.
La scierie emploie alors quatorze ouvriers qui transforment les grumes du domaine forestier 6 en plateaux de hêtre, chevrons, voliges de pin, traverses de chênes, et plus tard, caisses de tous calibres pour les usines [des conserveries Levesque] de Chantenay [Loire-Atlantique] et de Concarneau [Finistère].
— LEVESQUE, Jérôme, Les Levesque de la fin du XVIIe siècle à nos jours, Les Forges de Lanouée, 2004.
[page 118]. —
Les installations
Donatien Levesque entreprend la modernisation de la scierie créée à l’initiative de son père dix ans plus tôt. Les travaux, confiés aux établissements Panhard et Levassor de Paris à partir de 1886, comprennent l’ajout de trois éléments techniques.
- deux bancs de scie circulaire
- un banc de scie à ruban
- une scie verticale alternative
L’énergie est fournie par la roue hydraulique de l’ancienne installation métallurgique (10 mètres de diamètre et une largeur de 2m 50).
Sur l’arbre central en bois de cette grande roue était emboîtée dans une extrémité de l’arbre, une majestueuse roue dentée de deux mètres de diamètre environ, dont les dents s’engrenaient avec les dents d’un pignon fixé-claveté sur l’arbre de transmission souterraine, sur lequel arbre était clavetées les poulies actionnant par courroie les scies mécaniques – J’ajoute qu’étant ce temps de plus d’un siècle, l’installation de cette scierie donnait une certaine inspiration moderne – L’eau fournissant la force motrice arrivait par un tuyau long de 50 mètres et d’un diamètre de 1 mètre (dimensions approximatives) – Une des extrémités déverse de ce tuyau en fonte aboutit à la vanne de l’étang, alors que l’autre extrémité déverse son eau dans un réservoir en fonte, placé lui-même à une distance très calculée de la roue hydraulique produisant ainsi la force nécessaire pour entraîner le matériel mécanique de la scierie –
La raboteuse raineuse
En 1889, Joseph Gernigon se rend à l’Exposition universelle de Paris et découvre une raboteuse-raineuse au stand « Machines-Outils ». Il s’informe sur son fonctionnement, en prend bonne note et revient à Paimpont avec l’idée d’en fabriquer une aux Forges.
Étant modeleur professionnel, il façonnera les modèles en bois, qui passeront entre les mains des mouleurs, pour ensuite, après la coulée en fusion, devenir de la fonte en pièces identiques aux modèles fournis. Les pièces étant fabriquées, mon père les ajustera, puis en fera le montage et enfin mettra cette raboteuse en ordre de marche de laquelle sortira du parquet bien raboté et bien rainé.
En 1890, la nouvelle machine, première raboteuse dans la contrée
commence à débiter des mètres cubes de parquet, faisant le succès et la renommée de la scierie.
Beaucoup de gens, industriels et artisans vinrent voir cette machine travailler [...] A cette époque, surtout dans les villages, nombre de maisons étaient dépourvues de parquet ou de plancher – (Je précise : lames de parquet 08 cm de large : plancher 18 cm de large) Dans les maisons, on marchait sur le sol de terre battue, souvent humide par temps frais. La réputation de cette raboteuse fut telle que nombreux furent les gens qui se décidèrent à faire placer des parquets où des planchers dans leurs maisons.
L’affûteuse
Joseph Gernigon se consacre ensuite à l’invention d’un appareil à affûter automatiquement les lames de scie à ruban.
Cette nouvelle machine remplace avantageusement l’affûtage à la main, contribuant à économiser de nombreuses heures de travail.
La turbine
En 1908, la roue hydraulique, usée, est démantelée et remplacée par une turbine.
Des débouchés pour la sciure
Dans un souci d’optimisation des revenus du Domaine de Paimpont, la sciure de la scierie est utilisée à différentes fins.
Rien n’était perdu, la sciure des bois de la scierie remplaçait la paille dans les boxes en guise de litière, ou était livrée à l’usine de Concarneau pour isoler les boites de sardines dans les caisses marquées au fer rouge de la marque Louis Levesque.
La fin de la gérance de Joseph Gernigon
La scierie de la Fenderie tourne à plein régime jusqu’en 1910 mais les installations vieillissantes subissent la concurrence de scieries équipées de machines plus performantes.
L’activité est impactée par l’entrée en guerre en 1914 et la mobilisation de nombreux paimpontais. Dans l’incapacité d’assurer la gestion du domaine forestier durant la guerre, les propriétaires vendent 3500 hectares de forêt, diminuant fortement l’apport en grumes de la scierie 7. L’activité reprend néanmoins après la guerre. Joseph Gernigon exploite le moulin et la scierie de la fenderie jusqu’en 1923. Son fils Emmanuel lui succède. — GERNIGON, Armand, Mémoires et souvenirs d’un garde en forêt de Paimpont (1979), Amis de la Bibliothèque de Paimpont, 2002. —
1923-1955 — Emmanuel Gernigon
Emmanuel Gernigon prend la succession de Joseph en 1923. Le contrat passé entre Joseph et la famille Levesque prend fin. Emmanuel devient le nouveau gérant. Adolphe Jolan de Clerville (1852-1931) lui loue désormais le moulin et la scierie de la Fenderie 8.
1965-1997 — Daniel Gernigon
Daniel Gernigon, fils d’Emmanuel prend la direction de la scierie au 1er janvier 1965.
Je suis né à la Fenderie. J’ai commencé à travailler à l’âge de quinze ans comme apprenti au garage Chatelier à Plélan. Après mon service militaire en Algérie, mon père à insisté pour que je reste à la Fenderie.
Daniel entreprend de moderniser les installations. Il assure la découpe du bois d’œuvre pour le bâtiment
et embauche deux ouvriers dans les dernières années. La scierie ferme en 1997 faute de fonds suffisants pour la rendre compétitive. Après cent ans de présence de la famille Gernigon, la famille Le Gualès reprend possession des bâtiments, pour les transformer en gites ruraux.