aller au contenu

1835 - 1950

Le moulin de la Fenderie

Une propriété des Forges de Paimpont

Propriété des Forges de Paimpont, le moulin de la Fenderie est en activité à partir des années 1830. Il est affermé jusqu’au milieu du 20e siècle.

Une propriété des Forges de Paimpont

« La Fenderie » est - à l’origine - un atelier dépendant des Forges de Paimpont 1 dont la plus ancienne mention attestée date de 1692. —  LE LOUARN, Geneviève, « Fenderie, puis moulin, puis scierie, la Fenderie (Paimpont) », 1982, Voir en ligne. —

Situé en amont de l’étang des Forges, le site est alimenté en énergie hydraulique par l’étang de la Fenderie, lui-même desservi par l’étang Neuf et l’étang de Paimpont.

La Fenderie et les Forges
Les Forges, la Fenderie, l’étang Neuf, l’étang de Paimpont
IGN - Géoportail

Le plus ancien acte en notre possession mentionnant le moulin de la Fenderie date de 1835. Le moulin a donc vraisemblablement été installé vers 1820-1830, époque où le site métallurgique de la Fenderie est abandonné au profit du laminoir construit dans la cour des Forges.

Le moulin est propriété des Forges de Paimpont - comme l’étang et la Fenderie - ainsi que le rappelle un acte du tribunal de Montfort de 1823.

Les moulins, avec la propriété des étangs supérieurs, feraient la loi à la forge et sans la propriété de ces étangs, ils la recevraient au contraire de la forge, si le propriétaire de celle-ci ne l’était pas aussi des moulins.

Tribunal de Montfort, 3U 2 3028 (1823) in TIGIER, Hervé, Terroir de Paimpont, Auto-édition, 2016.

Cette interdépendance entre les moulins en amont des Forges et les Forges de Paimpont est à l’origine de conflits. En 1819, le directeur des Forges, Louis Jean Baptiste Marie Leveillié, est en procès avec Jean Houssay concernant des indemnités pour le chômage de ses moulins de Paimpont.

Transaction entre Louis Jean Baptiste Marie Leveillié, directeur des forges de Paimpont y demeurant, au nom des propriétaires, et Jean Houssay propriétaire au lieu de Sur-Isle [Paimpont] suite à l’assignation du 6 janvier 1816 au Tribunal de Montfort « tendant à obtenir de messieurs les propriétaires des indemnités pour le chômage de ses moulins de Paimpont [résultant de la prise d’eau pour les forges de Paimpont] et vu la réponse ... qui motivent leur refus sur ce que Mr Houssay a bouché les anciens bourbiers ou vannes et les a remplacés par un déversoir placé plus bas que lesdits bourbiers », en sept articles portant modification et entretien du déversoir, pose d’un « pont de bois pour la commodité des piétons outre le passage pour les voitures » et paiement à l’avenir d’indemnités par tiers de la somme de cent francs selon qu’un, deux ou trois tournants chôment, sur constat du garde général.

ADIV 4E 21 47 in TIGIER, Hervé, Terroir de Paimpont, Auto-édition, 2016.
La Fenderie, cadastre de 1823

1835-1886 — Les meuniers de la Fenderie

Durant le 19e siècle, le moulin de la Fenderie est affermé par les propriétaires des Forges. De 1835 à 1886, trois meuniers s’y succèdent.

1835-1838 — Armel Amelin ou Hameline

En 1835, un dénommé Armel Amelin est mentionné en tant que meunier de la Fenderie. —  TIGIER, Hervé, Terroir de Paimpont, Auto-édition, 2016. —

En 1836, il est cité dans un acte du tribunal de Montfort en tant que meunier à la Fenderie sous le nom d’Armel Hameline, 42 ans . —  TIGIER, Hervé, Mauvais coups et Coups du sort de Paimpont et du canton de Plélan au Tribunal de Montfort, Auto-édition, Paimpont, 2012, Voir en ligne. [page 137] —

En 1837, Armel Hameline est cité comme témoin dans un procès concernant le vol de la pale de l’étang de la Fenderie.

Armel Hameline, 42 ans, meunier à la Fenderie. Pierre Coudé étant venu la veille allumer sa pipe chez eux, il ne leur est pas difficile de penser que c’est lui qui avait enlevé la barre servant à "lever la pale de l’étang" que son fils ne trouva plus le lendemain matin. Pierre Coudé, 40 ans, mari de Marie Gortais, maçon au Cannée, est condamné le 21 juillet 1837 à un an et un jour d’emprisonnement et aux dépens par corps montant à 64 francs 80 centimes. (une barre de fer pouvait être revendue environ 3 francs).

ADIV 3U 2 in TIGIER, Hervé, Terroir de Paimpont, Auto-édition, 2016.

Armel Ameline décède le 1er janvier 1838.

Décès d’Armel Ameline le 1er janvier 1838, mari d’Anne Marie Thomas [non mariés à Paimpont], meunier au moulin de la Fenderie.

ADIV 3Q 319 in TIGIER, Hervé, Terroir de Paimpont, Auto-édition, 2016.

1838-1841 — Le moulin dans la comptabilité des Forges

L’activité du moulin de la Fenderie apparait dans les comptes des Forges de Paimpont de 1838 à 1841 sans que le nom du meunier ne soit mentionné.

1838-1841

Achat de bois : Garniture (d’…) pour le moulin de la Fenderie : 6.00. — Compte des recettes et dépenses des Forges de Paimpont Du 1er juin 1838 au 1er juin 1839 in dossier 67 - Archives du S.I.V.U. « Forges et Métallurgie en Brocéliande »  —

Frais extraordinaires : Journée d’expert pour le moulin de la Fenderie : 9.00. — Compte des recettes et dépenses des Forges de Paimpont Du 1er juin 1838 au 1er juin 1839 in dossier 67 - Archives du S.I.V.U. « Forges et Métallurgie en Brocéliande » —

Biens affermés d’Armel Ameline pour 18 mois de jouissance des moulins de la Fenderie échue le 1er octobre 1838 : 1500. — Compte des recettes et dépenses des Forges de Paimpont Du 1er juin 1838 au 1er juin 1839 in dossier 67 - Archives du S.I.V.U. « Forges et Métallurgie en Brocéliande » —

Biens affermés du sieur Hamelinne 2 meunier à la Fenderie pour solde du semestre échu le 1er avril 1840 : 250 ; à valoir au semestre échu le 1er octobre 1840 : 350. — Compte des recettes et dépenses des Forges de Paimpont du 1er juin 1840 au 1er juin 1841 in dossier 56 - Archives du S.I.V.U. « Forges et Métallurgie en Brocéliande » —

En janvier 1841, le Tribunal de Montfort estime la valeur d’affermage du moulin de la Fenderie à 1 000 francs l’année.

Le moulin de la Fenderie, affermé aux mêmes conditions que celui qui précède [La Ruisselée] avec les terres qui en dépendent, contenant en tout, un hectare vingt deux ares soixante six centiares, est estimé par nous à l’unanimité d’un revenu de mille francs que nous capitalisons au denier seize, ce qui donne seize mille francs.

Tribunal de Montfort, 3U 2 3028 (provisoire) in TIGIER, Hervé, Terroir de Paimpont, Auto-édition, 2016.

1848-1886 — Eugène Nevot

La présence d’Eugène Nevot 3 en tant que meunier de la Fenderie est attestée à partir de 1848.

Le moulin de la Fonderie (sic) en Paimpont affermé à Nevot suivant bail du 30 décembre 1848, enreg. à Montfort le 11 janvier suivant pour la somme annuelle de 1000 francs.

Tribunal de Montfort, 3Q 27 332 -13 juillet 1855 in TIGIER, Hervé, Terroir de Paimpont, Auto-édition, 2016.

Eugène Nevot exploite ce moulin jusqu’à sa mort en 1886. —  GERNIGON, Armand, Mémoires et souvenirs d’un garde en forêt de Paimpont (1979), Amis de la Bibliothèque de Paimpont, 2002. —

Le moulin de la Fenderie

1886-1923 — Joseph Gernigon

À la mort d’Eugène Nevot, Joseph Gernigon (1854-1929) gérant de la scierie de la Fenderie décide de prendre en location la maison et le moulin.

En venant habiter à la Fenderie, prendre l’exploitation du moulin à son propre compte, Mr Gernigon Joseph assura ainsi la charge et la responsabilité entière de cette petite cité industrielle et commerciale.

GERNIGON, Armand, Mémoires et souvenirs d’un garde en forêt de Paimpont (1979), Amis de la Bibliothèque de Paimpont, 2002.

De 1905 à 1908, puis de 1911 à 1913, Armand Gernigon, fils de Joseph travaille au moulin de la Fenderie. Il en a donné une description détaillée dans ses Mémoires. —  GERNIGON, Armand, Mémoires et souvenirs d’un garde en forêt de Paimpont (1979), Amis de la Bibliothèque de Paimpont, 2002. —

Les roues hydrauliques

Le moulin est alimenté par deux roues hydrauliques.

[...] il y avait deux roues hydrauliques. L’eau venant de l’étang arrivait par canalisation pour se déverser dans les auges des roues. La vitesse et le poids de l’eau entraînant ces dernières dans leur rotation, actionnant les meules et les bluteries d’où en sortait la farine.

GERNIGON, Armand, Mémoires et souvenirs d’un garde en forêt de Paimpont (1979), Amis de la Bibliothèque de Paimpont, 2002.

L’approvisionnement du moulin en blé

À l’époque d’Armand Gernigon, le meunier se fournit en blé, avoine et blé noir, chez les paysans-producteurs. Les tournées dans chaque village - l’expression consacrée est « aller aux pochées » - sont assurées par un charretier-pochonnier avec un, parfois deux chevaux 4.

La répartition des revenus entre les paysans-producteurs et le meunier est fixée par des coutumes.

C’était un échange, genre de prélèvement sur les marchandises amenées au moulin. Le meunier ne se faisait payer pour son travail, prélevait une certaine quantité sur le poids. En principe, la pochée, ou sac de blé amené au moulin avait un poids de 55 Kg. 110 livres à l’époque (toutes les pesées en livres). Sur ce poids de 110 livres de blé, le meunier ne livrera au producteur : 72 livres de farine plus 28 livres de son, qui donnera un total de 100 livres farine et son. Le meunier aura ainsi fait un prélèvement de 10 livres sur le poids du blé. De même pour le blé noir et méteil 5 : 100 livres - 10 l = 90 livres. Avec ces soustractions, le meunier y retrouvait son compte.

GERNIGON, Armand, Mémoires et souvenirs d’un garde en forêt de Paimpont (1979), Amis de la Bibliothèque de Paimpont, 2002.

Le travail au moulin

Après la tournée, la charrette est vidée de son contenu, puis les pochées de grains pesées par le meunier sur la balance.

[La balance est constituée de] deux plateaux carrés, en bois, suspendus à chaque angle du plateau par des chaînettes, celles-ci reliées aux deux extrémités d’une barre, elle même fixée par un crochet à un anneau au centre de la barre. Des années plus tard est apparue la bascule.

GERNIGON, Armand, Mémoires et souvenirs d’un garde en forêt de Paimpont (1979), Amis de la Bibliothèque de Paimpont, 2002.

La pesée terminée, les pochées sont attachées à une chaîne qu’un monte-charge dépose à l’étage. Le blé y est purifié de ses impuretés - petits cailloux minuscules, sable et poussière - par un appareillage. Il est ensuite déversé dans la trémie de la meule et réduit en farine et en son. Ces derniers passent enfin par la bluterie d’où sort une belle farine blanche.

La même méthode est utilisée pour le blé noir. Pour l’avoine et le méteil, seule la meule faisait le travail. —  GERNIGON, Armand, Mémoires et souvenirs d’un garde en forêt de Paimpont (1979), Amis de la Bibliothèque de Paimpont, 2002. —

Les innovations de Joseph Gernigon

Lorsque Joseph Gernigon prend possession du moulin, il trouve une installation vieillie dans toute sa structure, matériel et montage. Il entreprend des travaux de modernisation :

  • vers 1890, le moulin de la Fenderie comprend deux meules : Blé pour la farine ; l’autre pour blé noir et méteil pour les deux. Vers 1900, Joseph Gernigon ajoute une troisième meule, exclusivement pour le blé noir.
  • suppression des roues d’angles munies de dents en bois de cormier avec emboîtements dans des pignons coniques.

Ce genre d’entraînement demandait beaucoup de force, de l’eau en conséquence, qui parfois manquait. En supprimant tous ces rouages par pignons, mon père, Joseph Gernigon transformera ce système de rotation par un jeu de courroies adaptées sur des poulies. La réussite fut concluante en diminuant la consommation d’énergie, la suppression du bruit occasionné par tous les engrenages des roues et pignons, alors que l’entraînement du matériel par courroies était devenu silencieux.

GERNIGON, Armand, Mémoires et souvenirs d’un garde en forêt de Paimpont (1979), Amis de la Bibliothèque de Paimpont, 2002.
  • création d’une chambre à farine avec un mélangeur, innovation pour cette époque.
  • montage d’un épierreur préservant les grilles de l’appareil de nettoyage du blé, par suite de l’évacuation des petits cailloux par l’épierreur, inventé et entièrement fabriqué par Mr Joseph Gernigon.

En 1923, Joseph Gernigon se retire des affaires. Il demeure à la Fenderie jusqu’à sa mort en 1929.

1923 - années 50 — Emmanuel Gernigon

En 1923, Emmanuel Gernigon (1899-196 ?), prend la suite de son père Joseph au moulin et à la scierie de la Fenderie 6. En 1929, à la mort de son père, il exerce la profession de minotier à la Fenderie. Le moulin est en activité sous sa direction jusqu’au milieu des années cinquante.


Bibliographie

Archives du S.IV.U. « Forges et Métallurgie en Brocéliande »

GERNIGON, Armand, Mémoires et souvenirs d’un garde en forêt de Paimpont (1979), Amis de la Bibliothèque de Paimpont, 2002.

TIGIER, Hervé, Terroir de Paimpont, Auto-édition, 2016.


↑ 1 • La fenderie est un atelier où l’on fend le fer en barres.

↑ 2 • Il s’agit probablement d’un ayant-droit d’Armel Ameline.

↑ 3 • Eugène Nevot est l’oncle d’Armand Gernigon et le neveu de Mathurin Nevot garde général du Domaine de Paimpont à partir de 1875.

↑ 4 • 

Il faut avouer que le pochonnier après avoir absorbé bon nombre de bolées de cidre au cours de sa tournée chez les paysans, arrivait le soir bien endormi sur les pochées du chargement. Le ou les chevaux connaissant fort bien le trajet rentraient généralement sans entraves et docilement.

GERNIGON, Armand, Mémoires et souvenirs d’un garde en forêt de Paimpont (1979), Amis de la Bibliothèque de Paimpont, 2002.

↑ 5 • Le méteil est un mélange de céréales. Il s’agit traditionnellement d’un mélange de blé et seigle.

↑ 6 • Il se marie avec Joséphine Gortais le 7 novembre 1923 en mairie de Paimpont.