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Le chêne Notre-Dame de Saint-Péran

Un arbre guérisseur aujourd’hui disparu

Le chêne Notre-Dame de Saint-Péran était un arbre guérisseur. Son culte attesté depuis 1522 a été déplacé dans l’église Saint-Pierre en 1661 en même temps que la statue qui lui est associé. Un monument votif situé à la sortie du bourg marque l’emplacement du chêne disparu.

La statue de Notre-Dame du Chêne

Une petite statue de Notre-Dame du Chêne est visible dans l’église Saint-Pierre de Saint-Péran. La statue en bois peint polychrome, haute de 22.5 cm a été estimée du 14e siècle lors de l’Inventaire des Monuments réalisé en 2002. —  MENANT, Marie-Dominique, « Figurine : Vierge, dite Notre-Dame du Chêne », 2002, Voir en ligne. —

Vierge, dite Notre-Dame du Chêne de Saint-Péran
(c) Inventaire général, ADAGP

Ce type de statue, assez rare au 16e siècle, était vénérée au 18e siècle sous le nom de la petite bonne vierge. Elle a pris le nom de Notre-Dame du Chêne au 20e siècle. —  BLOT, Roger, « L’Eglise Saint-Pierre de Saint-Péran », Glanes en pays pourpré, Vol. 71-72, 2003, p. 38-43. —

1661 — L’inscription sous la statue

La statue est placée dans une petite niche en bois du 17e siècle, fermée par une grille métallique sous laquelle est gravée une inscription.

[cette] image de la vierge, trouvée par un soldat 1,
fut placée contre un tronc de chêne
l’an du salut 1522 - en plein air -
réputée pour [ses] miracles, sur ordre de l’évêque,
à l’appel du clergé, sous les acclamations de la foule. elle a été transportée ici pour être mieux
30 novembre 1661
traduction du latin par Roger Blot

en miracle féconde,
mère de dieu
consolez tous le monde
dans ce saint lieu
Cette partie est en français

Notre-Dame du Chêne de Saint-Péran

Roger Blot note que 1661, année durant laquelle la statue a été transportée du chêne à l’intérieur de l’église de Saint-Péran, est une année de famine. —  BLOT, Roger, « L’Eglise Saint-Pierre de Saint-Péran », Glanes en pays pourpré, Vol. 71-72, 2003, p. 38-43. —

Selon Vincent Morel, le texte de l’inscription vise à donner une origine chrétienne à cette statue, expurgée de ses antécédents légendaires.

[...] on peut se demander dans le cas de Saint-Péran si l’affichage d’un texte en latin, gravé dans la pierre en 1661 n’a pas pour fonction, plus que d’informer ou diffuser, d’impressionner, de donner prestige et autorité à la légende, mais surtout à une version de la légende qui peut sembler contrôlée, expurgée de certains éléments, récupérée. L’affichage solennel d’une version de la légende à l’intérieur du lieu de culte peut en effet avoir pour conséquence de faire passer les autres versions pour erronées.

MOREL, Vincent, Les légendes de fondation de lieux de culte en Bretagne du Moyen Age à nos jours : Les inventions de statues en Ille-et-Vilaine, D.E.A. Histoire, Société, Civilisations, Université de Haute Bretagne. Rennes II, 1998, 261 p., Voir en ligne. [page 72]

La mise sous contrôle du culte de Notre-Dame du Chêne s’inscrit dans un contexte de diffusion des principes de la Réforme Catholique dans les paroisses bretonnes au 17e siècle. De nombreuses statues sont transférées au cours de ce siècle de leur lieu de culte vers un lieu consacré.

Quant aux statues, celles qui sont réputées pour avoir produit des miracles et qui ne bénéficient pas d’un emplacement dans une église ou une chapelle sont intégrées dans un édifice cultuel, ce qui permet de mieux contrôler les pratiques de dévotion. Il en est ainsi en 1661, à Saint-Péran, où l’on transfère solennellement dans l’église la statuette de Notre-Dame du Chêne, ainsi nommée parce que trouvée dans un chêne en 1522 et demeurée depuis près de l’arbre.

RESTIF, Bruno, La révolution des paroisses : Culture paroissiale et Réforme catholique en Haute-Bretagne aux XVIe et XVIIe siècles, Presses universitaires de Rennes, 2015, 320 p., Voir en ligne. p. 88

Sur les paroisses du massif forestier de Paimpont, la diffusion des principes de la Réforme Catholique est principalement l’œuvre des abbayes génovéfaines de Saint-Jacques de Montfort et de Notre Dame de Paimpont. Les Génovéfains installés à Paimpont à partir de 1659 ont la charge de la trève de Saint-Péran dépendant de la paroisse mère de Notre-Dame.

Deux traditions locales

Une tradition locale mentionnée par Guillotin de Corson en 1891 indique que le transfert de la statue a été fait en présence de deux évêques.

La tradition locale ajoute que deux évêques vinrent en cette circonstance à Saint Péran et transférèrent eux-mêmes solennellement cette statuette en 1661 de la forêt de Paimpont en l’église de Saint-Péran.

GUILLOTIN DE CORSON, abbé Amédée, Pouillé historique de l’archevêché de Rennes, Vol. 6, Rennes, Fougeray éditeur, 1896, Voir en ligne. p. 218

Selon une enquête orale réalisée par Vincent Morel en 1998 2, l’on essaya d’amener la statue à l’église mais elle revint seule à son chêne. — Morel, Vincent (1998) op. cit., p. 142 —

L’oratoire de Notre-Dame du chêne

L’oratoire de Notre-Dame du chêne de Saint-Péran
Photographie page 54 de Dévotion populaires et tombes guérisseuses en Bretagne.
Dominique Camus

La christianisation des arbres guérisseurs par leur rattachement au culte marial est chose courante et s’effectue bien souvent par l’apposition d’une statuette de la Vierge. Dans l’immense majorité des cas le culte et la statue qui l’accompagne disparaissent avec la mort de l’arbre. Ce n’est pas le cas à Saint-Péran puisque le culte et la statue existent toujours alors que l’arbre a disparu depuis des siècles.

En dessous de la niche grillagée qui protège l’effigie en bois, haute d’une vingtaine de centimètres, une inscription d’époque nous informe que cette statuette aurait été découverte par un soldat contre le tronc d’un chêne guérisseur en 1522, puis transportée dans l’église en 1661. Si l’arbre n’est plus, son souvenir demeure. Lui aussi a été particulièrement chanceux car un monument de pierre a été élevé à son emplacement. Il se situe à environ 400 mètres du bourg, en bordure de bois, sur la route qui conduit à Iffendic. De multiples ex-voto ornent l’édifice constamment fleuri. Et là encore, on découvre, parmi les fleurs et sous le couvert des arbres, les habituels dépôts d’objets faits par les visiteurs. Comme c’est souvent le cas lorsqu’un tel endroit est consacré par la Madone, les sollicitations ne sont pas seulement thérapeutiques. Sa bienveillance est requise pour résoudre des peines de coeur, pour que règne l’harmonie familiale, pour s’assurer du succès à un examen, trouver un emploi... Il faut croire que les gens des environs s’estiment satisfaits de cette présence puisque la dévotion parait active depuis plusieurs siècles.

CAMUS, Dominique, Dévotions populaires et tombes guérisseuses en Bretagne, Rennes, Ouest-France, 2011, 127 p. [page 54]
Demandes d’interventions à "la dame de la forêt" à Notre-Dame du chêne de Saint-Péran
Photographie page 54 de Dévotion populaires et tombes guérisseuses en Bretagne.
Dominique Camus

Bibliographie

BLOT, Roger, « L’Eglise Saint-Pierre de Saint-Péran », Glanes en pays pourpré, Vol. 71-72, 2003, p. 38-43.

CAMUS, Dominique, Dévotions populaires et tombes guérisseuses en Bretagne, Rennes, Ouest-France, 2011, 127 p.

GUILLOTIN DE CORSON, abbé Amédée, Pouillé historique de l’archevêché de Rennes, Vol. 6, Rennes, Fougeray éditeur, 1896, Voir en ligne.

MOREL, Vincent, Les légendes de fondation de lieux de culte en Bretagne du Moyen Age à nos jours : Les inventions de statues en Ille-et-Vilaine, D.E.A. Histoire, Société, Civilisations, Université de Haute Bretagne. Rennes II, 1998, 261 p., Voir en ligne.


↑ 1 • Selon Roger Blot, l’expression a milite inventa peut signifier trouvée par un soldat ou plus techniquement, faite par un soldat sans modèle. —  BLOT, Roger, « L’Eglise Saint-Pierre de Saint-Péran », Glanes en pays pourpré, Vol. 71-72, 2003, p. 38-43. —

↑ 2 • L’enquête orale a été menée auprès de Mr Méhaut (75 ans), Saint-Péran [notes écrites], Mme Régnault (env.70 ans), Saint-Péran, Mr et Mme Brulard (env.65 ans), Saint-Péran [Coll. V.Morel, K7 n°73 et 74].