1845-1950
Le moulin du Bave
Un moulin à tan dans la vallée de l’Aff
Le moulin du Bave - ou de Bave - était un moulin à eau situé sur le versant paimpontais de la vallée de l’Aff. Construit au milieu du 19e siècle pour alimenter l’industrie du cuir beignonnaise en tan, il est abandonné depuis les années 1960 et subsiste à l’état de ruine.
1845-1950 — Le moulin du Bave en activité
1845 — La construction du moulin
Le moulin du Bave fait partie d’une série de moulins construits sur le cours de l’Aff à proximité de Beignon : le pont de la Lande, la Fosse Noire, Trémourio et le Grand Bois.— GAVAUD, Pierrick, Beignon : Porte sud de Brocéliande, Beignon, Les oiseaux de papier, 2013, 163 p. [pages 61-62] —
Sa présence n’est pas signalée sur le cadastre de 1823. Il est mentionné pour la première fois dans de l’édition de 1845 du dictionnaire d’Ogée.
L’on construit en ce moment un moulin à tan sur la petite rivière qui sépare Beignon de Paimpont.
Maurice Chassain, reprenant la citation du dictionnaire d’Ogée, date cependant sa construction de 1853.
En 1853, on construit un moulin à tan sur la petite rivière qui sépare Beignon de Paimpont.
Deux dates sont gravées sur le pilier droit de la porte du moulin. La plus haute indique 1870 ; la plus basse est difficilement lisible - S’agit-il de dates de construction ou d’agrandissement du bâtiment principal ?
1911 — Alexis Ealet, meunier du Bave
Alexis Ealet (1882-1911) est meunier au Baive
au début du 20e siècle. Son épouse, Félicité Anne Marie Launais en hérite à sa mort en 1911. — NOTAIRE DE PAIMPONT, « Succession de M. Ealet Alexis », 1911, Voir en ligne. —
1845-1950 — Un moulin à tan
Bien que situé sur la commune de Paimpont le moulin du Bave était destiné à faire fonctionner l’industrie du cuir de tannerie dont Beignon s’était fait une spécialité.— GAVAUD, Pierrick, Beignon : Porte sud de Brocéliande, Beignon, Les oiseaux de papier, 2013, 163 p. [pages 61-62] —
Deux facteurs conditionnaient la répartition géographique des moulins à tan : la possibilité d’approvisionnement en écorces et la proximité des tanneries utilisatrices.
L’accès par Beignon était permis par un pont sur l’Aff - dessiné sur la gravure de Paulette Colin - donnant sur la cour du moulin.
Le pont de madriers a été refait deux fois en vingt ans. Aujourd’hui, il est en ruines. Il n’en reste que des piles de grosses pierres.
Le moulin était alimenté en énergie hydraulique par un barrage qui détournait l’eau de l’Aff vers un bief ou canal de dérivation, quatre cents mètres en amont de la roue à aubes.
L’eau du bief pouvait être dérivée vers une réserve d’eau comprenant deux étangs.
L’industrie beignonnaise de la tannerie périclite dans les années 1950. Faute de débouchés locaux, le moulin du Bave cesse de produire du tan.
[...] l’évolution rapide a provoqué la disparition progressive des moulins. Là aussi les petites usines ont régressé, victimes de la concentration industrielle. Et surtout, d’énormes modifications de techniques dans le tannage ont amenuisé les besoins en matières tannantes d’origine végétale.
Années 1950 — Un moulin à grain
Pierre Bridier (1912-2000) a connu le moulin en activité au début des années 1950.
Le moulin servait surtout pour le grain ; le chemin qui y conduit existe toujours du côté Sud, sur Beignon ; on y voit, gravé dans la pierre qui émerge, les sillons creusés par les roues des charrettes.
En 1955, il intègre le décor du moulin du Bave à l’un de ses films sur Beignon.— BRIDIER, Pierre, « Beignon », 1955, Voir en ligne.(3’33") —
Le 24 avril 1965, des festivités y sont organisées pour la Saint-Jean à l’initiative de Pierre Bridier.
1966-1967 — Un meurtre à la guinguette du Bave
En 1962, Julienne Le Bris et Joseph Ealet se rencontrent à Bagnolet (Seine-Saint-Denis). Ils se marient le 17 octobre 1964 et s’installent au Moulin du Bave, propriété de la famille Ealet, afin d’y monter une buvette pour les touristes
. Julienne Ealet tient l’établissement, Joseph travaille comme bûcheron.
Le 10 juillet 1967, Joseph Ealet décède à l’hôpital de Ploërmel d’un coup de couteau porté par sa femme. Jugée aux assises d’Ille-et-Vilaine le 29 février 1968, Julienne Ealet est condamnée à trois ans de prison ferme pour meurtre sans préméditation. — DELAHAYE, Jean, « Aux assises d’Ille-et-Vilaine : trois ans de prison sanctionnent le coup de couteau mortel porté par sa femme au bucheron de Paimpont. », 29 février, 1968, p. 11, Voir en ligne. —
J’ai eu la joie de connaitre la dernière meunière. Trois fois veuve, elle y vécut quarante ans et éleva une nombreuse progéniture. Quand j’ai fait sa connaissance, c’était une vieille femme d’une intelligence et d’une vivacité d’esprit extraordinaires prouvant à quel point le manque d’instruction a privé le passé de valeurs intellectuelles remarquables parmi les plus modestes paysans. Elle ne savait ni lire ni écrire.
1968-2023 — Les ruines du moulin du Bave
A la fin des années 1960, le moulin du Bave, déjà en ruine, est conseillé au touriste de passage comme un vestige pittoresque à inclure dans sa visite de la forêt de Paimpont.
Il leur sera loisible de visiter les différents belvédères qui dominent la vallée de l’Aff et de voir dans cette coulée du Mérel, les vestiges de l’ancien moulin à tan destiné à l’industrie du cuir de tannerie et alimenté en eau par la rivière.
Le moulin abandonné est livré aux pilleurs.
Depuis que ses habitants l’on quittée, la maison a été pillée deux trois fois. Les volets brisés ne peuvent même plus abriter les amoureux en quête de solitude. Les vitres jonchent le sol, pêle-mêle avec des meubles brisés. On y entre... comme dans un moulin. Les plafonds tombent.[...] Cela serre le cœur de voir ainsi disparaitre un foyer que l’on a connu bien vivant, avec son jardin, ses volailles, la chienne « Bergère » et les cris d’enfants. Bien souvent j’y suis allé chercher du lait ribot comme on n’en fait plus maintenant.
Les ruines du moulin, progressivement recouvertes par la végétation, sont toujours visibles dans la vallée de l’Aff.
Le moulin est toujours là, abandonné depuis plus de vingt-cinq ans. L’un des enfants ayant disparu au Canada sans laisser d’adresse, on ne peut ni le vendre ni le réparer ; il meurt tout doucement. Les derniers héritiers ont construit une maison toute neuve, plus proche du bourg ; ils ont emmené la grand-mère qui trouvait bien dur de quitter son foyer pour une maison plus confortable ; et pourtant, la vie ne devait pas être rose tous les jours dans ce coin perdu au fond de la vallée. Il y fait froid en hiver. Lors des grandes inondations, la rivière noie les trois quart de la cour.