1940-1945
Le site de Point-Clos - II
Point-Clos pendant la Seconde Guerre mondiale.
Le camp d’aviation de Point-Clos se transforme dès le début de la seconde guerre mondiale en un terrain de réserve pour la Luftwaffe. Des aménagements nouveaux complètent ceux abandonnés par les Français en 1939. Des équipements permettant la réception de chasseurs allemands Fw 190 sont entrepris. En août 1944, les pistes servent au groupe de chasse de l’USAAF 354 th. FG. équipé de P51 mustang. Il y stationne quelques semaines. Le camp de Point-Clos est démilitarisé à la fin de la guerre.
Point-Clos pendant l’Occupation
À partir de 1939, l’aviation française abandonne le camp que la Luftwaffe investit comme terrain de réserve le 17 juin 1940. Le commandement est assuré par le major Alfred Ernst (1895-1953) 1 qui entreprend l’agrandissement de l’aérodrome et son réaménagement.
Comme dans de nombreux sites en Bretagne sur lesquels l’armée allemande érige des systèmes défensifs, les travaux d’aménagement de Point-Clos nécessitent une main-d’œuvre importante. L’entreprise Moser et la société Tomine de Rennes embauchent, dans un rayon d’une cinquantaine de kilomètres autour de Gaël, des centaines de travailleurs attirés par des salaires relativement élevés. Le salaire de base d’un simple manœuvre en 1941 est de 1073 francs [en francs de 1994] soit 206 Euros 2 auquel il faut ajouter les indemnités et les primes. Certains pointent mais ne travaillent pas [...] Des gens affluent pour se faire embaucher
— MONTGOBERT, Gilles, Liberté retrouvée en Pays de Brocéliande, Office Culturel du District de Mauron, 1994. —
On a été exproprié en 1940 pour aller dans le bourg de Concoret. La maison ? C’était les bureaux de Tomine et Moser. Ménilmontant ? Quand les Allemands arrivent, le bâtiment est réquisitionné. Un inspecteur habitait dedans.
Les ouvriers restaurent les pistes d’envol endommagées. Ils procèdent de mai- juin 1940 à juin 1943 à l’amélioration et aux travaux d’entretien de la zone d’atterrissage qui est drainée. Les deux pistes sont rallongées et traversent alors la route départementale, nécessitant la démolition du café Rochefort et de l’hôtel-restaurant-boulangerie Jalu. Elles sont rectangulaires et mesurent respectivement 1100 et 915 mètres.
Les salariés recrutés par Moser et Tomine édifient le poste de réglage de tir pour avions ainsi que les locaux de stockage pour les munitions et installent trois réservoirs de carburant de 25 000 litres chacun près du hangar à l’angle sud-ouest.
Ces aménagements constituent avec les quatre postes de défense anti-aérienne, l’essentiel des infrastructures militaires de ce terrain d’aviation classé "A" (le Flugplatzkommando A 14/XII), c’est à dire terrain de réserve, dans la nomenclature de la Luftwaffe 3.
Une piscine, un terrain de tennis, un « casino » - sorte de foyer pour soldats - ainsi que des cuisines, une cantine, une infirmerie et une blanchisserie et quatre bâtiments d’hébergement complètent les principales installations du camp précédemment occupé par les français 4.
Moi, j’étais à faire les routes (pendant deux ans). La pose des cailloux debout. La circulaire [les voies de liaisons entre les alvéoles] qu’il y avait autour du camp, c’est Moser qu’il l’a faite. Elle a servi à faire des courses cyclistes en 1951. Pour les travaux de terrassement sur le camp, les wagonnets servaient à transporter la terre. Le salaire était versé tous les quinze jours. C’était fleuri partout.
Les activités de la population sous contrôle allemand
Les entrées du camp, flanquées de barrages antichars 5 sont gardées en permanence par des sentinelles. Ces postes de garde sont situés sur la route reliant Paimpont à Gaël. Un poste est en place, au nord vers Gaël et un autre se trouve au sud vers « La Loriette », sur la commune de Concoret.
Je suis revenu en 1940, les Allemands étaient installés à Trébran. En haut de Point Clos, il y avait une sentinelle. Je revenais tous les dimanches chez ma mère à Trébran. Il fallait un laisser-passer. Il y avait un poste de police à la Croix Petit Jean.
Les déplacements doivent être motivés lors des contrôles inopinés. La liberté de circuler n’existe plus.
On revenait un jour, il y avait Eugène Payou, Léon, mon beau-frère et moi, on revenait à pied, ils m’avaient ramené chez Madame Elloco. Et quand on est passé au monument, on entend les Boches. Je me dis : « Ils vont nous arrêter ! ». Ils nous arrêtent naturellement. On était tous les trois à pied. On a dit « Arbeit, arbeit », qu’on venait de travailler. Alors, ils nous ont laissé passer.
Le camp de Point-Clos, rigoureusement gardé et protégé, n’est cependant pas isolé de la population environnante.
Il y avait deux Allemands qui venaient à la maison, toutes les semaines, ils venaient voir mes parents, parce qu’ils étaient contre la guerre, ils disaient toujours « Pourquoi la guerre, pourquoi la guerre ? ». L’un était transporteur en Allemagne, d’après ce que j’ai compris, il avait un camion et il disait : « La guerre finie, tout de suite retour ici, avec madame ». Ils étaient super sympas, on leur payait un café et ils venaient toutes les semaines, ils m’ont pris en photo je ne sais pas combien de fois. J’aurais voulu retrouver ces deux familles là. Il y en avait un, Fritz et puis l’autre je ne sais plus comment il s’appelait. Il était super gentil, il était en permission et c’est lui qui m’a ramené mon premier harmonica d’Allemagne et il m’a amené des bonbons
Le statut d’aérodrome de réserve n’impose pas une pression excessive sur les habitants du cru, d’autant que certains de ceux-ci tirent par ailleurs quelque avantage, notamment une rémunération du travail imposé par les allemands. Un statu quo s’établit alors entre l’Occupant et la population locale.
Je vidais les latrines, les fosses septiques. C’était convenable avec les Allemands. Ils me faisaient confiance. Je faisais partie du personnel de la ferme - chez Simon actuellement -[...] Il y avait de la vie sur le camp. Ce n’était pas toujours les mêmes ouvriers sur le camp
Le commandant Ernst a, semble-t-il, un rapport sans heurts avec la population. Il se promène régulièrement sur le camp et dans ses environs à bord d’une Matford décapotable, « empruntée », accompagné de jolies femmes.
« [...] je l’ai vu bien des fois. Suzie, c’était sa compagne, une française [...] J’ai eu une fois l’occasion de rencontrer le commandant Ernst. J’ai eu une peur bleue. J’étais devant chez lui, devant sa baraque. [...] Il m’a emmené à la cuisine des soldats. Il me fait signe de monter. Une dame, elle arrive avec un plateau et deux verres d’apéritif. Il me causait en allemand. Il ne m’a pas dit un mot en français. Puis, il est parti, je ne l’ai pas revu »
Contrairement au major Ernst, l’ingénieur en chef dénommé « Galoche » par les ouvriers du camp, suscite la crainte. Ernst est parfois obligé de le rappeler à l’ordre afin qu’il se comporte autrement avec les Français.
Galoche, c’était un drôle de type. Il était méchant. C’est lui qui nous faisait travailler. Il ne parlait pas français. Il avait un menton ! C’est pour ça qu’on l’appelait Galoche. Ce n’était pas son vrai nom. C’était M. Cor (?) C’était un Allemand. C’est lui qui menait les chantiers. Galoche, on en avait peur. Nos parents disaient : "Surtout si tu vois Galoche, fous-le camp de l’autre côté".
Tous les ouvriers ne sont pas volontaires. Certains sont condamnés au travail forcé pour diverses raisons. C’est le cas par exemple de Louis Boisgerault - dix-huit ans en 1942 - contraint de travailler neuf mois dans le camp au creusement de tranchées pour ne pas avoir respecté le couvre-feu.
Quinze jours sans possibilité de sortir du camp, puis par la suite possibilité de rentrer chaque soir à la maison. L’entreprise Percepied de Paimpont, requise par les Allemands, assurait le transport de Gaël à Plélan et je faisais le reste, Plélan -Treffendel à vélo, matin et soir.
Le camp n’est pas directement l’objet d’actes de la Résistance. Il est signalé un sabotage de voie ferrée par les F.T.P.F. à Gaël.
14 mai 1944 : Sabotage de la voie Ploërmel-La-Brohinière à Gaël
(Voir en ligne)
Cependant certains ouvriers, à l’instar d’Émile, entravent le bon fonctionnement du camp par des actions de détournement de matériaux de construction ou par de la « négligence » dans le stockage de la peinture pour les avions ou d’huile pour les moteurs.
La construction des bâtiments et des pistes nécessitait de grandes quantités de ciment en provenance des cimenteries de Saint-Pierre-la-Cour. La réception en gare de Gaël était toujours confiée au père Émile qui avait la possibilité de plomber et déplomber les wagons. Il en profitait bien. De nuit les wagons se vidaient pour aller cimenter les étables et maisons des environs, moyennant quelques kilos de beurre.[...] À l’heure du bilan, grand cinéma, Émile allait même jusqu’à menacer de porter plainte contre X..., abominable saboteur de Saint-Pierre-la-Cour qui envoyait des wagons vides.
Globalement l’Occupation allemande n’est pas jugée trop dure par les habitants des communes de Gaël, de Concoret et de Muël. Cela n’empêche cependant pas les dénonciations, les exactions et les menaces.
On avait caché un sac de blé dans un faux grenier pour arriver à faire un peu de pain. Le gars [de la Gestapo] arrive et demande une échelle pour monter. Il a fallu descendre le sac de blé et l’amener à la mairie de Muël le lendemain. On a été dénoncé par quelqu’un.[...] Et il y avait aussi une fille Théaud qui gardait les vaches, elles étaient deux copines ensemble et deux troupeaux dans deux champs séparés. Il y a deux Allemands qui arrivent, [...] le chien se met à aboyer méchamment sur les Allemands, il a pris le fusil, il a flingué le chien.
Tout le monde sait que peu de choses suffisent pour entrainer des représailles. Les réactions de l’Occupant sont imprévisibles et sources d’une anxiété latente.
Je me rappelle, mon père était en train de nettoyer une fontaine et il y avait les Allemands dans les bois, un déploiement qui cherchait, on se demandait ce qu’ils cherchaient. C’était un monsieur, un marginal qui avait piqué l’arme d’une sentinelle aux abords de Gaël. La sentinelle était endormie, c’est ça qu’ils cherchaient, l’arme qui avait été volée […]. C’était un geste gratuit mais qui pouvait avoir des conséquences sur la population vis-à-vis de ça, ils pouvaient prendre des otages.
Les risques que fait peser l’existence de l’aérodrome militaire créent des peurs pour les populations des communes environnantes. C’est le cas des habitants de Saint Malon-sur-Mel dont le bourg est situé vers l’est au delà de celui de Muël.
Une vigie allemande était installée dans les combles du presbytère pour la protection du camp militaire de Gaël Point-Clos. L’occupant y avait stocké (craignant peut-être les bombardements ou les sabotages) assez de munitions pour faire sauter la totalité du bourg. Apeurée, la population s’était mise sous la protection de Notre-Dame. Au sortir de la guerre, Saint Malon fut miraculeusement épargné par les bombardements alliés et les Allemands fuirent sans fracas
L’activité militaire du camp
En tant que camp d’aviation de réserve, Point-Clos n’a pas eu de façon constante, de 1940 à 1944, d’escadrilles sur place. Il n’y a jamais eu de bombardiers basés à Point-Clos pendant la seconde guerre mondiale.
Ce n’est qu’en début mai 1943 que deux escadrilles de Do 17 6 sont affectées au I/LLG1 (troupes aéroportées) dont une partie de l’état-major vient de s’installer provisoirement au camp de Gaël.
Les avions de remorquage et les planeurs (DFS-230) de l’escadron I/LLG1, utilisent périodiquement en mai 1943 le camp d’aviation pour des manoeuvres de troupes aéroportées.
Depuis le printemps 1943, la 1ère escadrille du commando d’expérimentation des corps aériens participe en Bretagne à des exercices utilisant des planeurs 7. C’est au cours de ce mois qu’une démonstration de parachutage à basse altitude a lieu sur le secteur de Gaël.
À la fin mai 1943, seulement quelques semaines après l’arrivée de l’unité aérienne I/LLG1, le commandement en chef du XIe Corps Aérien, auquel cette unité est rattachée, regroupe les troupes aéroportées et les planeurs de transport dans le sud de la France. Le I/LLG1 quitte alors Gaël pour Lézignan (Aude).
Il n’y a plus à partir de ce transfert de troupes aéroportées de planeurs sur le terrain de Point-Clos. Cependant une note sommaire, sans doute rédigée début mai 1943, décrivant l’activité aérienne de Point-Clos, est parvenue à Londres par le biais du réseau « la France combattante ». Si les renseignements relatifs au nombre d’appareils sont exacts, les prévisions figurant dans la note sont sans rapport avec la réalité future.
Une note du commandant Guillaudot 8 précise qu’au camp de Gaël se trouvent environ 5 à 600 officiers, sous-officiers et soldats.[...]
Appareils : 60 bombardiers "Dornier", 40 transports de troupe "Junkers" et une centaine de planeurs. Ces chiffres doivent être doublés à bref délai. Les quatre dépôts d’essence indiqués sur la carte ont une contenance globale de 130 tonnes.
Des alvéoles pour le stationnement de douze avions sont construites au début 1943 sur la périphérie du camp au sud-ouest et au nord-est du terrain. Des voies de communication bétonnées les relient aux pistes d’envol. Elles ont pour fonction d’abriter, en les dispersant, les avions de l’escadrille de chasse qui arrive deux mois plus tard.
Le 26 septembre 1943, de nouveaux travaux de nivellement sont entrepris à la limite est du terrain.
Le 27 novembre 1943, l’escadrille 12./JG2 du groupe de chasse III/JG2 de la Luftwaffe équipée de Focke-Wulf 190 (Fw 190 A-6) rejoint le camp de Gaël 9. Elle y restera jusqu’au 3 mars 1944.
La période - de mai 1943 à mars 1944 - sera la seule, tout au long de l’Occupation, pendant laquelle des unités aériennes allemandes actives seront basées sur le camp de Gaël.
Les attaques de harcèlement et les bombardements
Les informations proviennent en partie de l’Association Bretonne du Souvenir Aérien.
La Luftwaffe enregistre la majorité de ses pertes sur le terrain de Point-Clos à partir de 1943. Elles sont pour la plupart dues à des attaques de harcèlement par les avions de la R.A.F..
Je décide d’attaquer Gaël, un des aérodromes de chasse, à l’ouest de Rennes. C’est un peu contraire aux ordres car on nous a interdit de survoler des zones défendues et il y aura de la D.C.A. […] Nous arrivons à la route qui longe l’aérodrome de Gaël, un virage serré, l’attaque se présentera assez mal car il faut sauter une colline et descendre pendant 3 ou 4 kilomètres vers Gaël, nous nous profilerons sur le ciel. […] Nous montons la colline, j’ouvre les soutes à bombes. Nous passons le sommet à 5 ou 6 mètres au-dessus des arbres et c’est la descente vers le but, l’aérodrome s’étale devant nous. Nous voyons les hangars. Nous sommes à 480km à l’heure. La D.C.A. commence à monter. Partout des petits nuages noirs, les obus de 40 éclatent et nous serrent de près. Je passe au-dessus de trois tours mitrailleuses jumelées. Notre avion vibre et est secoué par les départs de nos quatre canons qui crachent rageusement. Voici les hangars qui bordent la piste et devant eux un chasseur. […] Nous sommes au maximum à 10 mètres au-dessus des hangars. Les bombes sont parties, nous baissons encore et survolons les pistes à 3 mètres. Onze secondes ont passé, nous sommes déjà à près de 1500 mètres des hangars. Je me suis retourné et vois les bombes éclater […]. Et tout redevient calme. Nous continuons quelques minutes, vers le nord et reprenons la route du retour.
Les dégâts les plus importants sont le résultat de bombardements en piqué et mitraillages par les Mosquitos. À partir de 1944, les bombardiers B17 prennent le relai.
Au cours de l’Occupation, six avions sont détruits sur le camp ou en combat aérien à proximité de l’aérodrome. Quatre attaques ou bombardements des installations ont lieu à partir d’avril 1944.
- Le 30 octobre 1941 le Messerschmitt (Bf 110C-2) du Uffz. Robert, Buschmann est détruit à 85% le pilote est tué (sans doute un avion de passage à Point-Clos puisque à cette date il n’y avait pas d’avions basés en permanence à Point-Clos).
- 31 décembre 1943 le Focke-Wulf 190 (Fw 190 A-6) du Uffz. Adolph, Rainer, est détruit, le pilote blessé.
- Le 23 janvier 1944, 6 Typhons IB du Squadron 266 de la R.A.F. 10 attaquent le camp et tombent sur un Fw 190, celui du Uffz. Stemmer Friedrich, sorti en vol d’essai, ce dernier est abattu, à 15h30, en combat aérien, à 3,5km au sud du terrain de Gaël.
- Le 8 février 1944 deux Typhons IB, du Squadron 193 de la R.A.F. attaquent le camp de Point-Clos. Le Wing Commander Ernest Reginald Baker détruit à l’atterrissage le Fw 190 A-7 du Fw. Buteweg Heinz à 12h45. Le second Fw 190 A-6, celui du Uffz. Scholze Heinrich, est détruit à 12h46 par le Squadron Leader Percival Harold Beake. L’avion tombe à l’extérieur du camp, entre la cote 107 et 108, le pilote périt brûlé dans son appareil 11.
- Le 11 février 1944, Fw 190 A-6 du Uffz. Grigoleit, Erwin, est détruit. Le pilote est tué.
- Le 11 avril 1944, une attaque en piqué de neuf avions alliés - P-47 Thunderbolts - endommage fortement deux hangars dont celui de l’atelier du camp. Les boucles reliant les alvéoles aux pistes sont touchées et des abris pour les avions dans le sud-est du camp sont détruits. De nombreux cratères de bombes parsèment les installations.
Le 7 mai 1944, des travaux de réparation reprennent et l’on continue le nivellement du terrain au nord et à l’est. Mais les bombardements s’intensifient. - Le 15 mai, au cours du bombardement du camp de Gaël par une trentaine d’avions, le village de Trébran en Concoret est en partie détruit et la population des huit maisons qui le composent doit être évacuée.
- Les 10 juin 1944, 36 B-17 bombardent le terrain de Gaël, terrain qui est déjà signalé comme étant dépourvu de toute activité aérienne depuis le mois d’avril.
- Le 15 juin 1944, la 8th Air Force dispatche des B-17 sur une série de cibles en France dont celle de Gaël, 12 bombes sur le terrain de Point-Clos.
La débâcle
Dans les dernières semaines de juillet, la réussite du débarquement est assurée. Les troupes alliées sont à Dinan et approchent de Saint-Méen-le-Grand. L’arrivée des américains est imminente. Il n’est plus question pour les allemands de se replier. Ils se préparent à être défaits sur place. Les groupes de résistants font des prisonniers, notamment en forêt de Paimpont. D’autres sont tués dans des escarmouches dans les environs de Mauron.
L’évacuation du camp de Point-Clos par les troupes d’occupation se prépare dans la hâte. Le 1er août 1944, le major Ernst ordonne la destruction immédiate et systématique de l’aérodrome par explosifs, à l’exception cependant d’un arboretum qu’il avait entrepris, depuis son arrivée, de créer au sud-est en bordure du camp.
Ce camp fut miné après. Ils firent sauter à partir du 1er août 1944, jusqu’au 4 août, casernes, bâtiments, hangars [mais pas le château d’eau datant des années vingt]. Puis les troupes américaines sont à Gaël et Mauron le 3 août.
Alfred Ernst marque son départ par un acte « chevaleresque » bien que désuet en la circonstance :
Le commandant est resté toute la guerre sur le camp. Il est parti en dernier. Il a fait nettoyer la voiture qu’il avait prise à Gaël, pour la rendre au propriétaire. Le propriétaire était parti en Angleterre, à l’appel du Général de Gaulle. Quand on lui a raconté que le commandant lui avait piqué sa voiture et s’en était servi, il a dit « Je ne monterai jamais dedans ! ». Il n’est jamais remonté dans sa voiture.
Le commandant du camp avait fait savoir, à l’approche des alliés, qu’il ne voulait pas se rendre aux « terroristes français ». C’est un officier de réserve français qui rédige sa demande de reddition. Celle-ci est datée du 3 août 1944, à 10 heures. Elle est remise au commandant Ernst par un boulanger de Concoret, qui officie comme agent de liaison. Le commandant, après avoir pris connaissance du message, fait répondre à l’officier de réserve français qu’il lui donne rendez-vous à Rennes le jour même. Vers 11 heures, il prend la fuite vers Rennes avec son état-major. Ils sont paraît-il attaqués entre Plélan-le-Grand et Mordelles. (Il semble que trois lignes ont été ajoutées, après coup, en bas de l’acte de reddition stipulant que Ernst a été tué au cours de cette attaque. Rien ne vient accréditer cette affirmation.)
Arrivée du 354ème groupe de chasse de l’USAAF sur le terrain de Gaël
L’ordre de marche de la IIIème armée américaine a prévu d’acheminer les troupes du général Patton vers la pointe bretonne par la route du centre-Bretagne. Cette trajectoire n’emprunte pas la route de Gaël à Paimpont mais passe directement par Saint-Méen-le-Grand et Mauron, libérant au passage le bourg de Gaël le 3 août 1944.
Le 354ème groupe de chasse - 354 th. FG. (équipé de P.51) - de la IXème Air Force de l’Armée de l’Air des États-Unis (USAAF) prend le contrôle du camp le 11 août. Ce groupe vient de Criqueville-en-Bessin (Calvados) et occupe le terrain de Point-Clos alors désigné sous le numéro de code « A-31 ». Il en repartira définitivement en septembre de la même année pour Orconte (Marne). Le 354th Fighter Group fête sa 500ème victoire alors qu’il est basé à Point-Clos. Ce groupe a abattu 794 avions et en a détruit 180 au sol
— Besson Mylène (2013) op. cit., p. 33 —
Le groupe de chasse est composé de trois escadrons qui stationnent sur le camp de Point-Clos jusqu’en septembre 1944.
- 353th (rd) Fighter Training Squadron du 11/08/44 au 16/09/44,
- 355th FS (Fighter Squadron) du 14/08/44 au 21/09/44,
- 356th FS (d’abord désigné 343e) du 15/08/44 au 21/09/44.
Cinq semaines de relations franco-américaines intenses
L’arrivée sur ce terrain en retrait de la zone des plages du débarquement représente pour les jeunes pilotes une halte pendant laquelle ils vont, malgré les combats qu’ils continuent de mener, vivre d’intenses relations avec la population locale qui n’attend que cela.
Le mouvement commença le 11 août quand les premiers échelons ont quitté A-2 [Criqueville] et cela se termina 3 jours plus tard. Les avions arrivèrent le 13 et selon l’histoire du 355th squadron, l’escadrille du colonel Teschner précéda les premiers groupes de pilotes vers A-31, ils étaient salués à l’atterrissage par une populace heureuse. L’escadrille renvoyait un salut d’accueil. Six jolies filles embrassaient le Colonel. Elles s’étaient alors présentées avec un bouquet de fleurs et une bouteille de vin de premier choix. [...] Les hommes étaient ébahis de l’accueil qu’ils recevaient, littéralement comme des héros conquérants par la population française autour de Gaël et sur la route ensuite. Accepter un verre était rendre honneur aux hôtes.
Parmi les quelques pilotes qui sont revenus après la guerre sur le site de Point-Clos, Clayton Gross 12 déclare lors de l’inauguration de la stèle commémorant l’Occupation et la Libération du camp :
Gaël fut une de nos bases les plus populaires, des photos de mon livre l’attestent. C’est ici que nous avons rencontré l’accueil le plus chaleureux de toute notre traversée de l’Europe. La nourriture était bonne et les filles aimaient bien la promenade du dimanche, cependant les parents n’étaient jamais loin derrière. Je suis très heureux d’être ici. Le peuple de Bretagne a été accueillant pendant la guerre et l’est encore aujourd’hui. Les quelques semaines que nous avons passées ici, avant de partir pour l’Allemagne restent pour toujours dans nos coeurs. Les femmes ici, étaient les plus belles de toute la France et les hommes étaient les plus courageux.
L’armée américaine partie, l’entreprise Rol-Lister de Rennes commence à retirer les munitions laissées à l’abandon, à combler les trous de bombes. Un déminage du terrain est entrepris. Ce programme de nettoyage dure jusqu’en 1946. On retrouve encore quelques munitions stockées en faible quantité dans la partie Concoret du camp en 2011.