2000 à 700 av. J.-C.
Le trésor de Plélan-le-Grand
Un dépôt de l’Âge du Bronze Final
Un dépôt composite comprenant des objets allant du Bronze Ancien au Bronze Final a été découvert à Plélan-le-Grand en février 1892.
La découverte du dépôt vers 1892
Un dépôt composite comprenant des objets allant du Bronze Ancien au Bronze Final a été découvert à Plélan-le-Grand en février 1892. Il a été acquis par l’archéologue Paul du Châtellier (1833-1911) qui en a donné une description sommaire la même année dans la Revue Archéologique.
Plélan-le-Grand (Ille-et-Vilaine). —Une cachette de fondeur de l’époque du bronze a été découverte, au mois de février dernier, par un cultivateur de la commune de Plélan, en faisant ses labours. Cette intéressante trouvaille que j’ai recueillie est composée comme il suit : Une hache plate d’assez grande dimension ; elle mesure 0m,144 de long. Trois haches à ailerons de dimensions différentes. Toutes trois d’une belle conservation ; la plus petite mesure 0m,103 de long sur 0m,033 de large au tranchant, tandis que la plus longue 0m,164 de long sur 0m,034 de largeur au tranchant. Huit fragments de haches semblables brisées pour la refonte. Une petite hache à douille ronde de 0m,072 de long, le tranchant très élargi. Une hache à douille ovale de 0m,13 de long. La moitié, partie de la douille, d’une autre hache à douille ovale, probablement plus longue que la précédente, ornée, sur ses deux faces les plus larges, de deux lignes longitudinales en relief. Ces trois haches à douille, ainsi que celles à ailerons, ont un anneau latéral. Deux poignards, de longueurs différentes, à soie plate avec rivets, et à lame renflée au milieu. Le plus petit, y compris la soie qui a 0m,03 de long sur 0m,02 de large, a 0m,144 de long sur 0m, 033 de plus grande largeur à la base de la soie. Cinq morceaux d’épées à lames renflées avec deux filets le long des bords. Deux poignées de lames d’épées à crans et à cinq rivets. La moitié d’un racloir, fait d’un fragment de lame d’épée, percé d’un trou de suspension. La moitié d’une gouge, à douille très courte. L’extrémité d’un marteau, assez lourd, à douille, attestant un long usage. Un très intéressant morceau de plaque, épaisse de 0m,005, orné de cercles concentriques entourant un bouton, ces ornements très en relief. Ce fragment provient, sans doute, d’une plaque destinée à orner la roue d’un char. Dans quelques stations lacustres il a été trouvé des fragments analogues. Quatre masselottes, restes de jets de fonte.. Quatre kilos cinq cents grammes de culots de fonte. P. DU CHATELLIER.
Une partie de ce dépôt est aujourd’hui conservée au Musée des Antiquités Nationales de Saint Germain-en-Laye 1. Ce trésor qui n’a jamais été l’objet d’une étude à part entière a cependant été commenté par Jacques Briard— BRIARD, Jacques, Mégalithes de Haute-Bretagne. Les monuments de la forêt de Brocéliande et du Ploërmelais, structure, mobilier, environnement, Vol. 23, Paris, Maison des Sciences de l’Homme, 1989. [page 114] —. L’archéologue y distingue trois groupes d’objets correspondant à des époques différentes :
- une hache du Bronze Ancien et des objets du Bronze Moyen à la provenance incertaine,
- des objets du Bronze Final, typiques des dépôts du groupe de « l’épée en langue de carpe »,
- une hache à douille armoricaine et une rouelle en plomb de l’extrémité du Bronze Final.
La hache du Bronze Ancien et les objets du Bronze Moyen
Jacques Briard s’étonne de la présence de plusieurs objets qui détonnent dans le contexte habituel des dépôts du groupe de « l’épée en langue de carpe » datés du Bronze Final. Ces instruments en bronze pourraient être des rajouts de collection, courants pour les trouvailles du 19e siècle.
- La hache plate
Une hache plate de 0,144 m de long, datée du Bronze Ancien (vers 2000 av. J.-C.), est citée par Paul du Châtellier dans l’inventaire du trésor de Plélan. Mentionnons la découverte d’une hache du même type, la hache plate de Maxent, sur cette commune limitrophe de Plélan.
- Les deux haches à rebords
Les deux haches à rebords de Plélan s’apparentent au « type des Roseaux » à large tranchant ou « type de Morges » du nom de la localité suisse située sur la rive Nord du Lac Léman où cette variété de hache a été découverte en nombre. Le « type des Roseaux », inspiré des ateliers suisses puis transmis par la voie rhodanienne, n’a jamais été trouvé au delà du département de l’Allier où se trouve le dépôt le plus occidental 2. Les haches données comme provenant de Plélan, les seules qui seraient connues en Bretagne, ont donc une origine douteuse.— BRIARD, Jacques et VERRON, Guy, Typologie des objets de l’Age du bronze en France, Fascicule 3, Haches (1), Paris, Société Préhistorique Française, 1976, Voir en ligne. [pages 31-33] —
- Une hache à talon à écusson
L’inventaire du trésor de Plélan comprend aussi une hache à talon de type à écusson. Cette hache à large tranchant et décor à écusson (fig. 77) pourrait être une importation normande. Son ornementation en demi-cercle sous le talon est en effet plus fréquente en Normandie qu’en Bretagne— Briard, Jacques (1989) op. cit., p. 114 — Le type à écusson que l’on rencontre dans toute l’Europe occidentale est très commun en Normandie au Bronze Moyen. Sa présence à Plélan n’est cependant pas un cas unique puisque ce type attesté dans d’autres régions françaises (Picardie, Boulonnais, région parisienne, Alpes, Languedoc, Alsace) a aussi été découvert en Bretagne (Saint-Helen, Côte-d’Armor ; Morlaix, Finistère).— Briard, Jacques ; Verron, Guy (1976) op. cit., p. 83 —
- Un bracelet du « type de Bignan »
Les bracelets ornés du « type de Bignan » (Morbihan) sont eux aussi datés du Bronze Moyen (vers 1300 av. J.-C.).
Bien que mercantiles les bronziers producteurs de haches à talon ne dédaignent pas la bijouterie. Le bijou à la mode est un bracelet massif épais décoré de motifs incisés. C’est le « type de Bignan », du nom d’un dépôt trouvé à Kéran en Bignan, Morbihan. Ces lourds bracelets sont formés d’une tige de bronze de section lenticulaire ou planoconvexe, redressée à la bigorne en forme d’anneau puis décorée au ciselet, au poinçon ou au burin.[...] Ces « bracelets » pouvaient d’ailleurs être aussi bien des anneaux de bras ou de cheville que de véritables bracelets et des exemples du Massif Central montrent qu’ils pouvaient être portés par série de cinq à huit exemplaires. Lourde bijouterie puisque certains de ces bijoux pouvaient peser jusqu’à 300 g et plus.[...] Les bracelets de Bignan eurent une grande vogue en Haute-Bretagne et des découvertes récentes ont montré qu’ils ont été fabriqués en abondance dans la région de Vitré-La Guerche en Ille-et-Vilaine. La mode s’en poursuit d’ailleurs en Normandie et dans le Maine.
Pour Jacques Briard la présence à Plélan d’un bracelet de ce type comble un vide entre ceux découverts dans le Morbihan et ceux de l’est de l’Ille-et-Vilaine.
Le bracelet décoré (fig. 77) appartient à une série bien connue dans le Morbihan (Bignan, Josselin) mais aussi en Ille-et-Vilaine (Guipry, Tellay, Domalain, etc...) Son origine semble possible sans qu’elle soit absolument plélanaise. Ce serait un lien entre les découvertes morbihannaises et celles d’Ille-et-Vilaine.
Des bracelets du type de Bignan ont aussi été découverts à Guer, commune voisine de Plélan 3.
Un dépôt du Bronze Final
Le « trésor de Plélan » est constitué d’un ensemble hétéroclite d’objets allant du Bronze Ancien (vers 2000 av. J.-C.) à l’extrémité du Bronze Final (vers 700 av. J.-C.). Cependant, la majeure partie de ce dépôt regroupe des objets présentant une unité. Ils sont typiques du groupe « de l’épée en langue de carpe », appartenant au Bronze Final (vers 800 av. J.-C.).
La partie du Bronze Final de Plélan-le-Grand semble authentique par la description de P. du Châtellier en 1892 et l’inventaire de la collection P. du Châtellier que réalisa en 1905 l’abbé Millon au château familial de Kernuz où elle était déposée. C’est un ensemble classique du groupe de l’épée en langue de carpe du Bronze Final III.
Le groupe « de l’épée en langue de carpe » est un faciès culturel majeur du Bronze Final armoricain. Il est représenté par une centaine de dépôts ou d’objets isolés, très nettement littoraux et parfois insulaires. Les dépôts à l’intérieur de la Bretagne sont clairsemés. En Ille-et-Vilaine, les plus importants sont ceux de Saint-Marc-le-Blanc, Saint-Grégoire, Louvigné-du-Désert, Plélan-le-Grand et Saint-Méen-le-Grand.
Le groupe atlantique breton se relie donc tout naturellement à tout un faciès bien représenté de la Somme à la Gironde et même sur le plan européen du sud-est des îles britanniques à la péninsule Ibérique. C’est l’apogée du Bronze Atlantique marqué par une fabrication intense des armes et des outils les plus variés, marqué aussi par des échanges fructueux avec le monde continental ou méditerranéen.
Les objets du « groupe de l’épée en langue de carpe »
Les objets du Bronze Final (vers 800 av. J.-C.), majoritaires dans le dépôt de Plélan, forment un ensemble caractéristique des dépôts du « groupe de l’épée en langue de carpe » qui comprend :
- Trois haches à ailerons
Les trois haches à ailerons sont accompagnées de huit fragments du type à ailerons subterminaux (fig.78,2) vraisemblablement stockés pour la refonte.
- Deux poignards à soie
Les deux poignards de longueur différente sont à soie plate avec rivets et à lame renflée au milieu (fig.78,3). Ces objets plutôt rares dans les ensembles atlantiques devaient plus être utilisés pour les besoins domestiques que pour le combat.
- Les débris de plusieurs épées à renflement central
Le dépôt comprend cinq morceaux d’épées à lames renflées avec deux filets le long des bords, accompagnés de deux poignées de lames d’épées à crans et à cinq rivets. Ces épées dites « en langue de carpe », caractéristiques de dépôts de la fin du Bronze Final armoricain ont donné leur nom à ce groupe principalement atlantique.
L’épée des derniers bronziers atlantiques est une arme pouvant atteindre 770 mm [...] Les bords de la lame sont parallèles jusqu’à effilement typique de la pointe. La lame est renforcée par un renflement caractéristique souligné par des rainures. Des « ricassos », logements pour les doigts, sont aménagés sous formes de crans rectangulaires bordés par une moulure. La poignée est munie de trous de rivet ou de fentes de rivetage pour le complément de bois ou d’os nécessaire à la préhension. Le pommeau est évasé et parfois coiffé d’une petite virole en bronze en forme de bonnet de police. Cette arme fabriquée en série (plusieurs centaines d’épées ou de fragments de lames sont connus en Bretagne), pouvait frapper aussi bien d’estoc (pointe) que de taille (tranchant, comme un sabre). On a supposé, d’après sa longueur, qu’elle pouvait être utilisée par des cavaliers plutôt que par des fantassins.[...] La pénétration vers l’intérieur de la Bretagne est épisodique.
- Deux racloirs à bélière
Des débris d’épées ont été martelés pour fabriquer des racloirs à bélière. On en connait deux fragments (fig.78,6). Les racloirs à bélière sont des objets plats en bronze présentant la forme d’un triangle sensiblement équilatéral, perforé en son centre (bélière), dont les côtés son constitués par des arêtes tranchantes. Les racloirs à bélière, à la différence des racloirs triangulaires pleins (Languedoc), se rencontrent principalement dans la zone atlantique. Six des sept exemplaires découverts en Bretagne sont de ce type.— NICOLARDOT, Jean-Pierre et GAUCHER, Gilles, Typologie des objets de l’Age du bronze en France, Fascicule 5, Outils, Paris, Société Préhistorique Française, 1975, Voir en ligne. [pages 101-103] —
- Un marteau à douille et un fragment
Le marteau à douille avec grosse nervure médiane a été décrit par Jacques Briard 4 (Fig. 1). Il appartient au groupe des marteaux à douille quadrangulaire, caractérisés par une forme oblongue ou trapue à section quadrangulaire. L’extrémité proximale, destinée à l’emmanchement, présente souvent un bourrelet très développé comme sur cet exemplaire. Le marteau de Plélan a par ailleurs comme particularité d’avoir une douille conique apparente sur les deux faces.— Nicolardot, Jean-Pierre ; Gaucher, Gilles (1975) op. cit., p. 9 —
Le second marteau à douille est un fragment (fig.78,4) issu de ce même dépôt. Il confirme l’importance du travail de la dinanderie 5 à l’Âge du Bronze final.— Briard, Jacques (1989) op. cit., p. 114 —
- Une plaque ornée de cercles concentriques
Un remarquable fragment de plaque épaisse (4-5- mm), réalisée au moule, est orné de cercles concentriques (fig.78, 7). Ce type de plaque pouvait orner les objets cultuels ou les chars de parade.— Briard, Jacques (1989) op. cit., p. 114 —
- Le collier et les bracelets
La bijouterie est fréquente dans les dépôts du « groupe de l’épée en langue de carpe ». Elle est représentée par une vingtaine de perles creuses en anneau ou en tonnelet qui formaient un collier. Elle comprend aussi une série de bracelets décorés. Ces bracelets plus affinés différent notablement des lourds et massifs bracelets du Bronze Moyen de type Bignan.
Deux objets postérieurs au Bronze Final
- La hache à douille et le matar de Plélan de 1849
Pour Jacques Briard, la petite hache à douille armoricaine du type de Couville (Manche) 6 (fig.78, 8) détonne dans les dépôts du « groupe de l’épée en langue de carpe ». Quelques haches à douille on été associées à ce type de dépôts, comme à Louvigné-du-Désert (Ille-et-Vilaine), mais ces associations sont douteuses. Ces objets font en effet partie des haches prémonétaires du premier Âge du Fer (700-400 av. J.-C.), postérieures au trésor de Plélan-le-Grand.— Briard, Jacques (1989) op. cit., p. 114 —
Cette hache pourrait être le matar (ancien nom des haches à douille armoricaines) décrit par l’archéologue Louis-Jacques-Marie Bizeul lors de la séance du 2 novembre 1849 de la Société Archéologique de Nantes et du département de la Loire-inférieure. Il fit don à cette Société Archéologique du matar trouvé à Plélan-le-Grand parmi beaucoup d’autres.— NAU, Théodore, « Séance du 2 novembre 1849 », Bulletin de la Société archéologique de Nantes et du département de la Loire-inférieure, Vol. 1, 1859, p. 381, Voir en ligne. p. 381 —
- Une rouelle en plomb
Parmi les autres objets de Plélan, Jacques Briard estime la petite rouelle en plomb postérieure au Bronze Final III. — Briard, Jacques (1989) op. cit., p. 114 —