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1872

Les filles des Forges de Paimpont

Une chanson collectée à Paimpont par Adolphe Orain

Les Filles des forges de Paimpont est une chanson collectée par Adolphe Orain le 7 mars 1872 au village du Cannée, commune de Paimpont.

Collectage et publications

Adolphe Orain fait paraitre Les Filles des forges de Paimpont pour la première fois en 1880 dans un court ouvrage dédié à son collectage en forêt de Paimpont. —  ORAIN, Adolphe, Une excursion dans la forêt de Paimpont : Le conte de la bûche d’or - La chanson des filles des Forges, Rennes, L. Caillot, 1880, 48 p., Voir en ligne. —

La chanson est publiée la même année par le folkloriste normand Jean Fleury dans la revue Romania. Une note de bas de page y précise le contexte de collectage. Ronde recueillie par Adolphe Orain aux Forges de Paimpont (Ille-et-Vilaine). —  ORAIN, Adolphe, « Les Filles des forges de Paimpont », Romania, Vol. 9 / 34, 1880, p. 304, Voir en ligne. —

Adolphe Orain publie à nouveau Les Filles des forges de Paimpont en 1886. Il précise alors l’avoir recueillie le 7 mars 1872 au village du Canée, commune de Paimpont. —  ORAIN, Adolphe, Glossaire patois du département d’Ille-et-Vilaine, suivi de chansons populaires avec musique, The Internet Archive, Paris, Maisonneuve frères et Ch. Leclerc éditeurs, 1886, Voir en ligne. pp. 181-182 —

En 1907, il écrit que Le gars Mathurin, Le grand loup du bois, ainsi que Les filles des Forges de Paimpont, toutes trois collectées en forêt de Paimpont, ont été composées par un ancien ouvrier des Forges.

L’idée me vint d’aller, à mon tour, errer à l’aventure dans les grands bois de Brocéliande [...] J’y entendis les chansons composées jadis par un ancien ouvrier des Forges : les filles des Forges de Paimpont, le grand loup du bois, le gars Mathurin.

ORAIN, Adolphe, « Les Traditionnistes de Bretagne », Revue de Bretagne, de Vendée et d’Anjou, Vol. 38, 1907, p. 145, Voir en ligne. Page 149

La version de 1872

Les Filles des forges de Paimpont (Air n° 4)

Les filles de forges de Paimpont

Ce sont les fill’s des forges, (bis.)
Des forges de Paimpont,
Falaridon, falaridaine,
Des forges de Paimpont,
Falaridain’, falaridon.

Qui furent à confesse, (bis.)
Au curé de Beignon,
Falaridon, falaridaine,
Au curé de Beignon,
Falaridain’, falaridon.

En entrant dans l’église, (bis.)
Ont demandé pardon,
Falaridon, falaridaine,
Ont demandé pardon,
Falaridain’, falaridon.

— Qu’avez-vous fait les filles (bis.)
Pour demander pardon ?
Falaridon, falaridaine,
Pour demander pardon ?
Falaridain’, falaridon.

— J’avons couru les danses (bis.)
En habits de garçons,
Falaridon, falaridaine,
En habits de garçons,
Falaridain’, falaridon.

— Vous aviez des culottes (bis.)
Dessous vos blancs jupons,
Falaridon, falaridaine,
Dessous vos blancs jupons,
Falaridain’, falaridon.

— J’avions ben des culottes (bis.)
Mais point de cotillons,
Falaridon, falaridaine,
Mais point de cotillons,
Falaridain’, falaridon.

— Allez-vous-en, les filles, (bis.)
Pour vous point de pardon,
Falaridon, falaridaine,
Pour vous point de pardon,
Falaridain’, falaridon.

Il faut aller à Rome
Chercher l’absolution,
Falaridon, falaridaine,
Chercher l’absolution,
Falaridain’, falaridon. (bis.)

— Si je l’avons à Rome, (bis.)
J’ l’aurons ben à Beignon,
Falaridon, falaridaine,
J l’aurons ben à Beignon !
Falaridain’, falaridon.

La variante publiée en 1902

Adolphe Orain collecte une seconde version des Filles des Forges de Paimpont auprès d’un sabotier de Paimpont. Il l’a fait paraitre en 1902 dans un recueil de chansons de Haute-Bretagne. —  ORAIN, Adolphe, Chansons de la Haute-Bretagne, Rennes, Hyacinthe Caillière, éditeur, 1902, 423 p. [pages 37-40] —

Cette version est à nouveau publiée en 1906. —  ORAIN, Adolphe, « Les filles des forges de Paimpont », Bulletin de la Société académique de Brest, Vol. 31, 1906, p. 64-65, Voir en ligne. —

(Les quatre premiers couplets sont sensiblement les mêmes.)

Elles s’en vont à l’auberge (bis)
A l’auberge de Paimpont
Falaridon, falaridaine.
A l’auberge de Paimpont
Falaridaine, falaridon !

— Apportez quinze bouteilles (bis)
Du cidre et du vin bon !
Falaridon, falaridaine.
Du cidre et du vin bon !
Falaridaine, falaridon !

Elles ont bu quinze bouteilles (bis)
Sans savoir s’il est bon
Falaridon, falaridaine.
Sans savoir s’il est bon
Falaridaine, falaridon !

— Apportez la seizième (bis)
Et nous la goûterons !
Falaridon, falaridaine.
Et nous la goûterons !
Falaridaine, falaridon !

Donnez la dix-septième (bis)
Redoublez la ration !
Falaridon, falaridaine.
Redoublez la ration !
Falaridaine, falaridon !

MORAND, Simone, Anthologie de la chanson de Haute-Bretagne, C.-P. Maisonneuve et Larose, 1976, 279 p. [pages 124-125]

Une variante collectée en Vendée en 1931

La chanson Les filles des Forges a également été collectée en Vendée par Georges Bourgeois. Dans cette variante plus tardive, publiée en 1931, « Paimpont » a été remplacé par « Pompons » et Beignon (Morbihan) par Aubegnon (Deux-Sèvres). —  BOURGEOIS, Georges, Vieilles chansons du bocage vendéen, Paris, éd. Pierre Bossuet, 1931. —

1. Ce sont les fill’s des Forges (bis)
Des Forges de Pompons !
Dans les ridaines
Don don daine
Des Forges de Pompons !
Dans les ridaines
Don don don.

2. S’en furent à confesse (bis)
Au curé d’Aubegnon...

3. En rentrant dans l’église (bis)
A d’mandiront pardon...

4. Qu’avez-vous fait les feilles (bis)
Que vous d’mandez pardon ?...

5. J’avons couru les danses (bis)
Déguisé en garçons...

6. Aviez-vous daux culottes (bis)
Dessus vos coteillons ?...

7. J’avions bé daux culottes (bis)
Mais poué de coteillons...

8. Allez-vous en les feilles (bis)
Ya point d’absolution ...

9. S’en furant à l’auberge (bis)
A l’auberg’ d’Aubegnon...

10. Ah ! de bonjour bonhomme (bis)
Avez-vous daux vin blanc ?...

11. En buvant quinze bouteilles (bis)
Pre voir s’il était bon...

12. En buvant la seizième (bis)
Dissiriant qu’l’était bon...

L’analyse de la chanson

Les paroles

La plus ancienne version de la chanson collectée en 1872 raconte la confession des filles des Forges de Paimpont au curé de Beignon. Ce dernier leur refuse le pardon pour avoir porté des culottes de garçons.

Pierre Saintyves 1 voit dans cette histoire un rituel de carnaval réprimé par l’Église, survivance locale des processions antiques appelées nupedialia ou des marche-nu-pieds.

Parmi les déguisements qui sentent le mieux les temps primitifs, bien qu’ils soient encore en usage, il faut citer la course en chemise, et les travestis d’homme en femme et de femme en homme. Dans les Ardennes à Gespunsart, et dans bien d’autres lieux, les coureurs du carnaval revêtaient une longue chemise d’une blancheur douteuse, quand elle était blanche, descendant jusqu’aux pieds, et un bonnet de coton, pour mieux figurer un personnage qui sort du lit en quasi nudité. C’était jadis la tenue des processions expiatoires qu’on appelaient nupedialia ou des marche-nu-pieds. On y allait en chemise et au dessous tout à fait nu. Cela ne sent-il pas très fort les Lupercales ? [...] En 692, le synode Quinisexte prohibe énergiquement cet usage. Depuis lors les statuts synodaux et plus tard les catéchismes n’ont pas cessé d’interdire cette pratique encore vivante en Corse et dans certaines campagnes. Dans la petite ville où je suis né, il étaient encore fort à la mode dans mon enfance. Une ronde de la forêt de Paimpont atteste à la fois la persistance de ce vieil usage et de l’opposition que lui fit l’église.

SAINTYVES, Pierre, « Les rondes et quêtes du carnaval », Revue des traditions populaires, Vol. 34 / 1, 1919, p. 30-39, Voir en ligne. pp. 40-41

Ces pratiques locales d’un rituel d’inversion des genres pourrait avoir eu lieu lors de la saint Éloi aux Forges de Paimpont.

Le 1er décembre, jour de la saint Eloi, il y avait une cérémonie religieuse, suivie d’une fête profane (on mangeait, on buvait, on dansait, les forgerons fleurissaient les marteaux et différents outils 2. De là dérivent certaines chansons telle "Ce sont les filles des forges" [...].

Le thème musical

Selon Simone Morand 3 la partition accompagnant la chanson est en partie inexacte.

[...] la mélodie est en ré mineur avec la seconde augmentée, faute très excusable à cette époque où les musicologues commençaient seulement à se pencher sur la musique populaire. En effet, les chansons anciennes sont toutes écrites en mode mineur forme antique, sans seconde augmentée. Le musicien qui a transcrit la mélodie a dû corriger ce qu’il a pris pour une faute de modalité.

MORAND, Simone, Anthologie de la chanson de Haute-Bretagne, C.-P. Maisonneuve et Larose, 1976, 279 p. [pages 124-125]

La version de Tri Yann

Une version de la chanson a été proposée par le groupe Tri Yann. Les filles des forges est le premier titre de leur premier album paru en juin 1972. —  TRI YANN, « Tri Yann an Naoned », Kelenn, 1972, Voir en ligne. —

La chanson devient en 1976 le titre même de leur première compilation. —  TRI YANN, « Les filles des forges (compilation) », Marzelle, 1976. —

La version de Tri Yann raconte l’histoire de jeunes filles qui vont à confesse auprès d’un prêtre qui profite de la situation pour leur faire des avances. Mais elles se refusent à lui.

Digue-ding-don-don, ce sont les filles des forges (bis)
Des forges de Paimpont, Digue-ding-don-daine
Des forges de Paimpont, Dingue-ding-don-don

Digue-ding-don-don, elles s’en vont à confesse (bis)
Au curé du canton, Digue-ding-don-daine
Au curé du canton, Dingue-ding-don-don

Digue-ding-don-don, qu’avions-vous fait les filles (bis)
Pour demander pardon, Digue-ding-don-daine
Pour demander pardon, Dingue-ding-don-don

Digue-ding-don-don, j’avions couru les bals (bis)
Et les jolis garçons, Digue-ding-don-daine
Et les jolis garçons, Dingue-ding-don-don

Digue-ding-don-don, ma fille pour pénitence (bis)
Nous nous embrasserons, Digue-ding-don-daine
Nous nous embrasserons, Dingue-ding-don-don

Digue-ding-don-don, je n’embrasse point les prêtres (bis)
Mais les jolis garçons, Digue-ding-don-daine
Qu’ont du poil au menton, Dingue-ding-don-don

Digue-ding-don-don, ce sont les filles des forges (bis)
Des forges de Paimpont, Digue-ding-don-daine
Des forges de Paimpont, Dingue-ding-don-don

La version de Pierre Valray

Les filles des forges a fait l’objet d’un enregistrement audio par Pierre Valray, animateur de l’émission "Chansons perdues" sur Radio Bleue en 1995. —  VALRAY, Pierre, « Les gars de Campenia », Campénéac, distrib. Campenia, 1995. —


Bibliographie

BOURGEOIS, Georges, Vieilles chansons du bocage vendéen, Paris, éd. Pierre Bossuet, 1931.

MARCON, Gaby, FÉDÉRATION CARREFOUR DE TRÉCÉLIEN, et FÉDÉRATION CARREFOUR DE TRÉCÉLIEN, Les Forges de Paimpont : une activité industrielle du XVIIème au XIXème siècle, Numéro Hors Série, Association des Amis du Moulin du Châtenay, 1993, 58 p.

MORAND, Simone, Anthologie de la chanson de Haute-Bretagne, C.-P. Maisonneuve et Larose, 1976, 279 p.

ORAIN, Adolphe, « Les Filles des forges de Paimpont », Romania, Vol. 9 / 34, 1880, p. 304, Voir en ligne.

ORAIN, Adolphe, Une excursion dans la forêt de Paimpont : Le conte de la bûche d’or - La chanson des filles des Forges, Rennes, L. Caillot, 1880, 48 p., Voir en ligne.

ORAIN, Adolphe, Glossaire patois du département d’Ille-et-Vilaine, suivi de chansons populaires avec musique, The Internet Archive, Paris, Maisonneuve frères et Ch. Leclerc éditeurs, 1886, Voir en ligne.

ORAIN, Adolphe, Chansons de la Haute-Bretagne, Rennes, Hyacinthe Caillière, éditeur, 1902, 423 p.

ORAIN, Adolphe, « Les Traditionnistes de Bretagne », Revue de Bretagne, de Vendée et d’Anjou, Vol. 38, 1907, p. 145, Voir en ligne.

TRI YANN, « Tri Yann an Naoned », Kelenn, 1972, Voir en ligne.

TRI YANN, « Les filles des forges (compilation) », Marzelle, 1976.

VALRAY, Pierre, « Les gars de Campenia », Campénéac, distrib. Campenia, 1995.


↑ 1 • Pierre Saintyves est un pseudonyme utilisé par Émile Nourry (1870-1935), libraire et éditeur parisien, mais aussi folkloriste, et précurseur des études folkloriques en France.

↑ 2 • Les bouquets de Saint-Eloi réalisés par des compagnons sont en général composés de huit fers autour d’un grand fer central.

↑ 3 • Selon Simone Morand, Orain a recueilli cette chanson vers 1884. La date de 1884 donnée pour le collectage de cette chanson n’est pas la bonne puisque Adolphe Orain l’a fait paraitre dès 1880 et écrit l’avoir collectée en 1872.