Origine des reliefs à Brocéliande - II
Le Massif armoricain — Relief – Contexte géologique
L’article se compose de cinq parties.
1 - Le Massif armoricain (relief - terre-mer)
Le réseau hydrographique de la Bretagne caractérise une asymétrie de la topographie générale : les ¾ du drainage s’effectuent vers le sud où les bassins versants (Vilaine, Blavet, Aulne) sont peu nombreux et de grande taille 2. Au nord les bassins versants sont nombreux et de petite taille.
2 - Le Massif armoricain — Contexte géologique - Terre-mer
Le Massif armoricain correspond à un domaine de socle ancien (terrains du Briovérien et du Primaire : âge situé entre 635 Ma et 252 Ma) recouvert à l’est par les sédiments du Secondaire (Bassin parisien) discordants sur le socle du Massif armoricain. Cette limite cartographique séparant à l’est, le Massif armoricain du Bassin parisien correspond à un processus érosif qui a supprimé la couverture du Secondaire. Cette couverture était vraisemblablement plus étendue vers l’ouest sur le socle ancien (Massif armoricain).
3 - Le Massif armoricain — Les zones de montagne – Contexte géologique associé
À l’échelle du Massif armoricain, les zones de montagnes (Domaines cadomien et hercynien) se limitent à sa partie septentrionale (Baie de Saint-Brieuc, Saint-Malo, nord Cotentin) et sur sa frange sud (Cornouaille, Ligéria, ouest Vendée). Ces zones de montagne étaient tout à fait comparables à la chaîne alpine actuelle.
4 - Le craton armoricain – Caractéristiques morphologiques
Les zones de montagnes sont érodées à la fin du Briovérien / début du Primaire pour la chaîne cadomienne et à la fin du Primaire / début du Secondaire, pour la chaîne hercynienne, si bien qu’on peut à priori considérer qu’après le Primaire, le Massif armoricain se comporte comme une zone aplanie dénuée de relief important, soit la définition d’un craton.
5 - Le craton armoricain (support du relief actuel) – Contextes géologique et climatique associés
- Les transgressions marines du Secondaire sont principalement situées sur le Bassin Parisien. Le Massif armoricain y est le plus souvent représenté comme un domaine continental.
- Pendant le Tertiaire, le Massif armoricain apparait comme un domaine émergé continental soumis à l’érosion, ennoyé temporairement à partir de ses bordures maritimes. La partie continentale du massif a conservé la trace des dépôts apportés par les plus hauts niveaux marins transgressifs (ex. Mer des faluns).
- Le Quaternaire qui débute il y a 2.6 Ma est caractérisé par 6 périodes de glaciation matérialisant des variations climatiques rapides séparées par des épisodes interglaciaires.
Notre ami Yves Quété nous a quitté le 2 octobre 2020.
Il nous a laissé huit articles (dont celui-ci) en attente de validation par le comité de lecture. Nous avons choisi de les mettre directement en ligne. Ces articles constituent une contribution inestimable au contenu de l’Encyclopédie de Brocéliande.
Outre la rédaction d’articles, Yves a organisé pendant cinq ans, de 2015 à 2019, trente-cinq sorties géologiques sur l’ensemble du massif de Brocéliande et sa périphérie. Son but était de faire découvrir aux encyclopédistes la diversité des formations géologiques de la région et la complexité de cette discipline, à travers des exemples observés sur le terrain.
La synthèse de ces excursions est accessible ici.
1 - Le Massif armoricain (relief - terre-mer)
Cette partie est largement inspirée par le travail effectué par Stéphane Bonnet en 1998. — BONNET, Stéphane, Tectonique et dynamique du relief : le socle armoricain au Pléistocène, Thèse de doctorat en Sciences de la Matière. Géosciences, Rennes I, 1998, 352 p. —
— DERCOURT, Jean, Géologie et Géodynamique de la France Outre-mer et européenne, 3e édition, Dunod, 2002, 330 p. —
Le relief du Massif armoricain montre sur la partie située au-dessus des isobathes -80, -95 m, des secteurs incisés (profil en « dent de scie ») qui s’opposent aux zones planes situées plus bas. Le décalage du niveau marin actuel permet de penser que la tranche -80 à -95 / 0 m, correspond à une partie continentale récemment ennoyée.
En mer, le fond actuel de la Manche (Fig. 20) correspond à une surface plane calée à -80 m. La Fosse centrale de la Manche est la trace du réseau fluviatile du Fleuve Manche prolongeant le Rhin et recevant les confluences de la Tamise, de la Somme et de la Seine lorsque la Manche était exondée. Côté Atlantique le plateau continental s’étend sur 110 km avec une pente moyenne de 0,05 %, il « plonge » ensuite vers la fosse océanique (- 3300 m) avec une pente de près de 8%. Ce rebord du plateau continental est marqué (Fig. 19) par des canyons parallèles érosifs, ouverts vers le sud-est.
À terre, la topographie actuelle du Massif armoricain est marquée par deux domaines de relief/plateau (cote 200/250 m d’altitude), il s’agit du Plateau ouest-armoricain et du Bocage normand 1. Entre les deux s’étend une zone de plus basse altitude (≤100 m) : la Dépression de Rennes et la vallée de la Loire.
Sur le profil ouest-est / côté est du Massif armoricain (Fig. 21 à droite), les cotes altimétriques du Plateau Ouest armoricain (proche de 250 m) et du Bocage Normand (proche de 250 m et 350 m) suggèrent pour ce dernier la possibilité de deux niveaux d’aplanissement étagés : 350 m puis ≃ 250m.
Ces plateaux étendus (x10 km), sont incisés à faible longueur d’onde (x1km) par le réseau hydrographique actuel d’échelle (x1km).
Le réseau hydrographique de la Bretagne (Fig 19 : voir l’emplacement de la ligne de partage des eaux décalée vers le N-NE), caractérise une asymétrie de la topographie générale : les ¾ du drainage s’effectuent vers le sud où les bassins versants (Vilaine, Blavet, Aulne) sont peu nombreux et de grande taille 2. Au nord les bassins versants sont nombreux et de petite taille.
Dans ces deux secteurs, la direction méridienne correspond à la direction d’écoulement majeure du réseau hydrographique.
2 - Le Massif armoricain — Contexte géologique - Terre-mer
Le Massif armoricain correspond à un domaine de socle ancien (terrains du Briovérien et du Primaire : âge situé entre 635 Ma et 252 Ma 3) recouvert à l’est par les sédiments du Secondaire (Bassin parisien) discordants sur le socle du Massif armoricain. Cette limite cartographique séparant à l’est, le Massif armoricain du Bassin parisien (le socle armoricain et sa couverture mésozoïque / secondaire), correspond à un processus érosif qui a supprimé la couverture du Secondaire. Cette couverture était vraisemblablement plus étendue vers l’ouest sur le socle ancien (Massif armoricain).
Le pourtour immergé du Massif armoricain (voir Fig. 23) correspond à une étroite prolongation du socle ancien sur une dizaine de km de large. Au-delà les sédiments récents forment des bassins allongés N60°E remplis de sédiments secondaires (Jurassique – Crétacé) et tertiaires (Cénozoïque – Paléogène – Eocène – Oligocène – Miocène – Pliocène).
Les coupes géologiques (investigations géophysiques, forages de reconnaissance) réalisées, montrent des structures synclinales très évasées où les couches peu pentées sont traversées par un réseau de failles verticales. Du Crétacé au Miocène les roches sédimentaires sont dominées par des faciès calcaires, les faciès argileux apparaissant à partir du Pliocène.
Le relief (exprimé par le biais de la pente du terrain calculée à partir de MNT) permet de reconnaitre la « signature morphologique » d’objets géologiques (failles, axes de pli, bordures de granite, limites des grès…) visibles sur la carte géologique (comparaison Fig. 23 – Fig. 26) et bien dégagés par l’érosion.
Les longues structures cassantes apparues durant le Primaire au Carbonifère (359 Ma – 299 Ma) : CNA, CSAn, CSAs ou durant le Tertiaire à l’Eocène (56 Ma – 34 Ma) : QNE, sont actives aujourd’hui. Ceci se traduit par des reliefs allongés rajeunis (peu érodés) et des séismes de faible magnitude 4.
Actuellement le Massif armoricain subit une contrainte dirigée du sud vers le nord qui est liée à la surrection des Alpes et des Pyrénées combinée avec l’ouverture (direction est-ouest - vitesse de 2 à 3 cm/an) de la Dorsale médio-atlantique située à 2500 km.
Ces poussées continues provoquent le long des failles des ajustements de pression à différentes profondeurs, ce qui induit des mouvements par saccades du socle rocheux de part et d’autre de la faille (pour la plupart subverticales). La plupart des séismes sont peu profonds (<5 km) et de faible intensité. Les séismes les plus forts (magnitude 7) situés à proximité du cisaillement sud-armoricain, ont été ressentis très loin, mais n’ont pas provoqué de dégâts très importants (chutes de cheminées à Vannes en janvier 1930).
3 - Le Massif armoricain — Les zones de montagne – Contexte géologique associé
À l’échelle du Massif armoricain, les zones de montagnes (Domaines orogéniques, cadomien et hercynien) se limitent (Fig. 27) à sa partie septentrionale (Baie de Saint-Brieuc, Saint-Malo, nord Cotentin) et sur sa frange sud (Cornouaille, Ligéria, ouest Vendée).
Ces zones de montagne étaient tout à fait comparables (collisions continentales) à la chaîne alpine actuelle, les sommets culminant jusqu’à 4000 / 6000 m.
— CHANTRAINE, Jean, EGALE-THIÉBLEMONT, D., LE GOFF, E., [et al.], « The Cadomian active margin (North Armorican Massif, France) : a segment of the North Atlantic Panafrican Belt », Tectonophysics, Vol. 331, 2001, p. 1-18, Voir en ligne. —
3a - L’orogenèse cadomienne…
correspond à une collision de croutes continentales (588-560 Ma) qui s’est marquée par l’écaillage de la croute continentale (plissements et glissements), le long de failles obliques à pendage N. Sur la Fig. 30, les reliefs montagneux (émoussés) sont en cours d’érosion et provoquent l’apport de sédiments (le Briovérien terminal ou Ediacarien 635-541 Ma) dans des bassins sédimentaires proches.
— JAUJARD, Damien, « Géologie » - Géodynamique – Pétrologie Etudes de terrain, Maloine Ed., 2015, 336 p., (« Sciences fondamentales »). —
3b - L’orogenèse hercynienne…
correspond à une subduction/collision de la plaque continentale Gondwana, placée au sud, sous la plaque Armorica. Au niveau de ces plaques, les écaillages (empilements de nappes) / plissement / métamorphisme associés ont été intenses dans le secteur situé au sud du CSA(N). Cette partie caractérisée par l’épaississement crustal (empilement des 2 plaques, métamorphisme associé intense) correspond au Domaine interne de l’orogenèse. Les structures sédimentaires touchées par le Domaine interne sont du fait des pressions et températures subies très difficiles à reconnaître.
Au nord le Domaine externe correspond à la plaque Armorica. Ce domaine se signale par un plissement hercynien peu intense des couches sédimentaires primaires (siltites et grès) sous la forme de synclinaux et anticlinaux largement ouverts (échelle x km), ces plis sont associés à une schistosité verticale de faible grade. En fin de l’orogenèse hercynienne, les structures faillées (CNA, CSA) décrochantes dextres, ont été accompagnées par la mise en place de granites (voir Fig. 23 : granites varisques).
3c - L’orogenèse alpine…
dont les zones de collision sont positionnées relativement loin du Massif armoricain, n’a pas provoqué de déformations intenses du Massif. L’orogenèse s’y traduit par des soulèvements anticlinaux de faible amplitude en hauteur (x100 m), étalés sur de longues distances (x100 km - 1000 km). Dans les zones d’extension, apparaissent des fracturations locales sous la forme de bassins d’effondrement (graben : largeur x10 km, décalage vertical x100 m).
3d - Les cycles de rapprochement et d’éloignement des continents : le « Cycle de Wilson »…
Les successions d’orogenèses mettant en scène les accommodements dynamiques entre plaques continentales et plaques océaniques ont suggéré l’existence d’un cycle. Ce cycle propose un ordre déterminé d’étapes remarquables, repérées aujourd’hui sur le terrain à différents endroits, dans divers contextes orogéniques :
Wilson 5 avait ainsi imaginé que sur une période d’environ 400 à 450 Ma les différentes configurations d’assemblage des continents et océans observés sur Terre, permettaient de rassembler les étapes de la formation d’une orogenèse.
Ces étapes illustrent suivant la théorie de la « Tectonique des plaques » 6 , une séquence unique où la majorité des continents se regroupent d’abord en « supercontinents » avant de se disloquer puis de nouveau se rapprocher. Les 4 supercontinents principalement connus sur Terre depuis 3000 Ma, sont Kernorland (2700 Ma), Columbia (1500 Ma), Rodinia (1100 Ma) et la Pangée (300 Ma) 7. Actuellement nous nous situons dans le cadre de la dislocation de la Pangée assemblée il y a 300 Ma, l’orogenèse alpine provoque le rapprochement de l’Afrique vers l’Eurasie.
4 - Le craton armoricain – Caractéristiques morphologiques
Les zones de montagnes (domaines orogéniques) dessinées sur la Fig. 27, ont été érodées à la fin du Briovérien / début du Primaire pour la Chaîne cadomienne et à la fin du Primaire / début du Secondaire, pour la Chaîne hercynienne, si bien qu’on peut à priori considérer qu’après le Primaire, le Massif armoricain se comportera comme une zone aplanie dénuée de relief important, soit la définition d’un craton.
Situés en dehors des zones fortement déformées, les cratons correspondent à des zones aplanies qui s’étalent sur de grandes distances (x100 x1000 km). Ils favorisent ainsi la stagnation des eaux ruisselantes qui favorise l’altération du socle. Sous climats agressifs (fortes précipitations continues et climat chaud) actuels et passés, il sera possible, à l’image de la répartition mondiale des altérations (voir Fig. 16), de repérer sur paléosols, les paléoaltérations intenses à très intenses génératrices de latérites épaisses coiffées par une cuirasse ferrugineuse.
D’après Gilbert (1890) :
L’évolution du relief et l’efficacité des processus érosifs sont très différents entre les zones actives tectoniquement et les zones cratoniques.
Dans ces dernières, les taux d’érosion sont faibles sur des surfaces importantes. Ce sont principalement les produits d’altération des sols, dont l’épaisseur varie en fonction du climat, qui vont être la source du matériel clastique exporté vers les océans...
La déformation de la topographie des continents stables est contrôlée par l’épirogénèse. L’épirogénèse désigne les mouvements de faible amplitude et grande longueur d’onde, qui peuvent soulever ou abaisser de vastes surfaces de plaques continentales ou océaniques par opposition à l’orogénèse qui désigne les variations topographiques engendrées par la collision ou la subduction des plaques.
Les zones qui paraissent les plus propices à la formation actuelle d’altérites épaisses et développées sont les domaines de cratons stables, de faible relief, situés en zones subtropicale ou équatoriale (e.g. Afrique de l’Ouest, Amazonie). Ces zones présentent généralement des profils d’altération latéritiques complets et épais.
4a - Les surfaces d’aplanissement : les formes de relief spécifiques des cratons
Les surfaces d’aplanissement (désignées aussi sous les termes de : pénéplaine 8, pédiment 9, pédivallée 10, ou pédiplaine 11) indiquent des surfaces correspondant à l’évolution ultime de domaines exondés parcourus par des réseaux hydrographiques et soumis à l’érosion. Dans l’historique du craton, elles représentent une phase d’émersion, qui précède une phase de submersion, illustrant les mouvements d’épigénie du craton dans ses mouvements verticaux de faible ampleur.
Le niveau de base représente le niveau des océans. En cas de baisse relative de ce niveau (baisse du niveau de la mer et/ou remontée du craton), le réseau hydrographique, initialement sans énergie entame un nouveau cycle d’incision/érosion, qui se marque par des rivières en forme de canyon.
Le premier modèle d’érosion proposé par Davis (1899), s’applique principalement aux zones tempérées. En réponse à un soulèvement bref du craton, les pentes du paysage s’accroissent du fait de la reprise d’incision des rivières [1 : stade jeune].
L’érosion s’accentuant, l’élargissement continu des vallées et l’abaissement progressif des lignes de crête [2 : stade mature] aboutissent à la mise en forme d’une pénéplaine [3 : stade ancien]. La pénéplaine constitue le terme le plus abouti (mûr) d’un paysage. — DAVIS, W.M., « The Geographical Cycle », The Geographical Journal, Vol. 14 / 5, 1899, p. 481-504. —
À ce stade les rivières méandriformes sont proches de la côte du niveau de base, elles ne sont plus en capacité d’éroder les reliefs ni de transporter des sédiments. Il est possible d’y repérer des collines résiduelles rocheuses (Inselberg voir Fig. 36 12).
Le second modèle proposé par Penck (1924), privilégie un enfoncement vertical rapide des lits des rivières, qui se prolonge latéralement par le recul des versants au pied d’un escarpement. — PENCK, W., Die Morphologische Analyse (Morphological Analysis of Landforms). J. Engelhorn’s Nachfolger, Stuttgart, Germany, Traduction anglaise de Czech, H. et Boswell, K.C., London, UK, 1953, St. Martin’s Press, New York, 1924. —
– La limite amont d’une pédiplaine peut se repérer par une falaise (knickpoint) qui entame le relief supérieur. Ce modèle, basé sur des observations faites dans les zones tropicales, est plus adapté à ces régions.
Les surfaces planes dont il est parfois difficile sur le terrain de définir leur genèse, seront génériquement désignées sous le terme descriptif de surface d’aplanissement, en recherchant s’il existe sur leurs limites latérales ou en amont, des lignes de relief de type « knickpoint » 13.
Une surface d’aplanissement tronque les structures et lithologies sous-jacentes sans relief significatif, les pentes sont comprises entre x10-4 % et 1 %), leur superficie est comprise entre 102 km2 et 104 km². La présence de sédiments situés de part et d’autre de la surface d’aplanissement, permet de dater relativement ou de manière absolue la période de l’arasement.
A l’échelle continentale, les surfaces d’aplanissement constituent généralement des ensembles emboités, résultats du recul d’escarpements de grande extension en réponse à des soulèvements 14.
– Comme pour des terrasses fluviatiles (voir Fig. 14 et Fig. 15), s’il se produit sur les cratons des séquences alternativement émergées (état en érosion) ou immergées (état en sédimentation en domaine de transgression marine). la nouvelle surface d’aplanissement peut éventuellement effacer les sédiments apportés par la transgression, en les érodant. .
5 - Le craton armoricain – Contextes géologique et climatique associés.
Ce craton est le support du relief actuel.
5a - Durant le Secondaire
— DUGUÉ, Olivier, Le Massif armoricain dans l’évolution mésozoïque et cénozoïque du nord-ouest de l’Europe, Mémoire d’habilitation à diriger des recherches en sciences, Université de Caen Basse Normandie, 2005, 346 p. —
Au début du Secondaire, le Massif armoricain fait partie d’un vaste craton qui s’étend sur toute l’Europe. Ce craton est fracturé en de nombreux blocs (terres émergées) séparés par des mers peu profondes (plates-formes marines). Les zones actives se manifestent vers l’est par des chaines montagneuses (Crimée), accompagnées d’ouvertures océaniques : la Tethys au S-E, se prolonge au sud du craton Européen, par l’océan atlantique.
Suivant l’évolution climatique (voir Fig. 41) et depuis l’aplanissement de la chaîne hercynienne au Permo-Trias (≃300 à 200 Ma), le Bassin parisien tout comme le Massif armoricain proche, sont situés dans la Zone climatique subtropicale chaude jusqu’à la moitié de l’Eocène (≃45 Ma), soit une période d’au moins 200 Ma.
Durant ce temps (voir Fig. 41) le niveau marin mondial montre une courbe continue ascendante (0 à 250 m) jusqu’au Crétacé supérieur (99 Ma) pour ensuite redescendre. Dans le détail ces tendances montrent des fluctuations (transgression / régression) à l’échelle de x10Ma pour une hauteur de x10 m. Ces variations de quelques dizaines de mètres sont caractéristiques des mouvements épirogéniques de faible ampleur qui affectent les cratons.
— FOUCAULT, Alain, Climatologie et paléoclimatologie, 2e édition, Dunod, 2016, 415 p., (« Sciences Sup »). —
Pendant le Jurassique et le Crétacé, (Fig. 41 et Fig. 42) les eaux marines sont le plus souvent chaudes (> 20°C), elles sont situées dans le domaine de température des eaux tropicales actuelles. Des épisodes moins chauds (eaux proches de 22°C) marquent le Jurassique supérieur (Oxfordien) et la base du Crétacé. Le maximum de chaleur (25°C) est atteint durant le Crétacé supérieur vers 100 Ma, il est suivi d’une baisse (15/ 20 °C) qui se poursuivra durant le Tertiaire, avec trois optima dégressifs vers 50 Ma (Eocène inférieur : Yprésien), vers 20 Ma (Miocène inférieur : Burdigalien) et vers 5 Ma (limite Miocène/Pliocène).
– La limite Crétacé / Tertiaire (≃65/60 Ma) est marquée par une crise biologique majeure qui voit disparaitre les dinosaures (reptiles), les ammonites et bélemnites (céphalopodes) ainsi que 90% des foraminifères planctoniques et 80 % des coccolithophoridés (algues vertes unicellulaires : l’accumulation de leurs squelette forme la craie). L’explication de ce phénomène soudain associe un volcanisme terrestre abondant producteur de CO2 (mise en place au niveau du continent indien d’un plateau basaltique « trapp » d’une épaisseur moyenne de 2.400 m) et une chute de météorite (impact unique situé sous la péninsule du Yucatan ?) : pic d’iridium 15. Ce pic est contenu dans un mince niveau d’argile noire qui marque l’arrêt brutal de la sédimentation de calcaire du fait de la disparition des coccolithophoridés dans les océans.
5a1 - Les transgressions marines
Ces transgressions marines sont principalement situées sur le Bassin Parisien, qui communique à la fois avec la Manche et le Golfe de Gascogne. Le Massif armoricain y est le plus souvent représenté comme un domaine continental.
Les indices de sédiments jurassiques visibles aujourd’hui sont rares et situés en Normandie :
Au début du Jurassique (200-145 Ma), les bordures du Massif armoricain (aire continentale émergée où vivaient les dinosaures) sont progressivement envahies par la mer qui abandonne des sédiments carbonatés et argilo-calcaires (Lias à Gryphées de Fresville).
Puis au Jurassique moyen, une mer peu profonde et chaude permet l’installation d’une plate-forme carbonatée où se déposent, entre autres, les calcaires oolithiques du Bajocien (Sainte-Honorine) riches en fossiles d’invertébrés marins (ammonites, nautiles, brachiopodes…) et le Calcaire de Caen.
Au Jurassique supérieur, l’approfondissement du milieu se marque par le dépôt de vases plus ou moins calcaires à l’origine des marnes oxfordiennes des Vaches Noires (Villers-sur-Mer) célèbres pour leur contenu paléontologique (ammonites, oursins, bivalves…). A la fin du Jurassique, la mer se retire du domaine normand.
– Plus à l’ouest sur le Massif armoricain, on ne peut exclure que les sédiments jurassiques se soient déposés sur le continent et aient été ensuite totalement érodés.
Le dépôt de la Craie (Crétacé supérieur) correspond à une phase de transgression marine majeure. Sur le Massif armoricain continental, la multitude des vestiges sédimentaires repérés (Fig. 43 à droite), permet d’imaginer que durant cette période, la mer de la craie a pu recouvrir la partie bretonne du Massif Armoricain. Ces dépôts ont ensuite été altérés puis érodés (altération latéritique puis érosion fin Crétacé / début Tertiaire).
Sur le domaine armoricain l’ampleur de l’ennoyage de la craie porte toutefois à discussions, Eric Thomas précise :
Au Cénomanien (Crétacé supérieur-Mer de la craie) débute une grande transgression qui s’achève au Campanien…on retrouve des sédiments cénomaniens jusqu’aux environs de Laval…il est donc possible que la sédimentation crétacée ait largement dépassé ce secteur. Cependant, à l’heure actuelle, aucun témoin de sédiments crétacés d’âge postérieur au Cénomanien n’a été découvert sur le Massif armoricain s.s.
Les faciès du Crétacé supérieur reconnus au large du Léon témoignent d’une sédimentation en milieu marin ouvert, tout comme les nombreux témoins préservés sur la bordure occidentale du bassin parisien, ainsi que ceux plus occidentaux de Normandie…Ceci suggère un ennoyage important du Massif armoricain au Crétacé terminal mais ne permet pas de conclure à une incursion complète du domaine.
– La couverture mésozoïque sur le socle armoricain a donc été vraisemblablement plus étendue que celles indiquées par les limites cartographiques actuelles du Bassin parisien.
5a2 - Les régressions marines : les socles rocheux exondés sont soumis à l’altération
A terre ou en mer les indices de socles altérés seront recherchés pour retrouver la trace des sols en place épargnés depuis par l’érosion. La présence de sols latéritiques avec cuirasse ferrugineuse au sommet (à cette époque le craton armoricain était situé en zone subtropicale) étant un indice important à découvrir, pour définir un sol en place durant le Secondaire ou le Tertiaire, préservé depuis.
Un premier indice est fourni par le puits PENMA 1 (voir localisation PL.14).
Sur ce forage profond, on voit que le Secondaire a recouvert un socle primaire altéré, peu érodé, donc proche du niveau des sols. Sur cet exemple situé en domaine marin à moins de 100 km du rivage on constate un enfoncement de plus de 1500 m du socle Primaire vis-à-vis du Primaire situé sur le continent. Cette dénivellation est interprétée comme la composante verticale d’une faille (limite de graben ?).
Au Permo-Trias (300-200 Ma), le relief de la chaîne hercynienne est en cours d’aplanissement.
— BALLÈVRE, Michel, « Le Massif armoricain avant l’orogenèse varisque : Place du Massif armoricain dans la chaîne varisque », Géochronique (éditions BRGM-SGF), Vol. 140 / décembre, 2016, p. 15-20. —
Le Permien (300-250 millions d’années) correspond à un période d’émersion continentale caractérisée par le dépôt d’argiles sableuses rouges marquant le début de l’arasement de la chaîne varisque.
Pendant le Trias (250-200 millions d’années), des conglomérats, des sables et des argiles rouges (Noron-la-Poterie, Airel, Carentan, la Pernelle), d’origine fluviatile, marquent la fin d’une longue période d’évolution continentale sous climat aride qui conduisit à l’érosion de la chaîne varisque.
Le Massif armoricain constituait, avec le Massif central et les Ardennes, des reliefs résiduels sources des sédiments du Trias inférieur, sous la forme de faciès fluviatiles (conglomérat et surtout de sédiments gréseux rouges ) 16.
Au Crétacé inférieur (145 -125 Ma)
La surrection de l’ouverture du Golfe de Gascogne 17 place la marge sud du Massif armoricain en position de relief (épaulement au nord du rift) dont les produits de l’érosion alimentent les dépôts « Wealdiens » du Bassin parisien, sous la forme de dépôts terrigènes deltaïques.
Les massifs anciens périphériques exondés (Massifs armoricain, central, des Ardennes, le Brabant), montrent une altération de type « kaolinique sur socle primaire », qui traduisent des conditions climatiques subtropicales à tropicales. Sur les terrains de socle calcaire, la présence de paléo karsts 18 vérifie l’extension de ces climats chauds et humides.
5b - Durant le Tertiaire
— MENIER, David, Morphologie et remplissage des vallées fossiles sud-armoricaines : Apport de la stratigraphie sismique. Minéralogie, Thèse Université, Rennes 1, 2003. —
Pendant le Tertiaire, le Massif armoricain apparait comme un domaine émergé continental soumis à l’érosion, ennoyé temporairement à partir de ses bordures maritimes. La partie continentale du massif a conservé la trace des dépôts apportés par les plus hauts niveaux marins transgressifs (Fig. 47 les flèches rouges ascendantes : Mer oligocène et Mer des faluns).
5b1 - Les sédiments et tectonique du tertiaire
Au Bartonien (Eocène supérieur), les domaines marins ouverts se situent majoritairement sur la côte sud au sud du cisaillement sud-armoricain branche sud (CSA(S)). Au nord deux affleurements ponctuels (Tréguier et Quessoy) ont été inventoriés.
L’Oligocène inférieur marque une intrusion marine limitée 19 dans l’axe de la dépression rennaise limitée vers l’ouest par la faille de Quessoy Nort-sur-Erdre. Les faciès représentent le plus souvent des milieux plus ou moins confinés et isolés des milieux marins ouverts.
Concernant la tectonique, Nicolas Brault indique :
— de la fin du Crétacé à l’Eocène supérieur, le Massif armoricain est soumis à l’influence d’un flambage lithosphérique lié à la compression "pyrénéenne" ;
— de l’Eocène supérieur à l’Oligocène, le flambage se résorbe et l’évolution du Massif armoricain est guidée par une extension généralisée à l’échelle de l’Europe de l’Ouest ;
— du Mio-Pliocène à l’actuel, un flambage lithosphérique en liaison avec la compression alpine provoque la remontée du Massif armoricain… Au Pliocène, pour Thomas (1999), le Massif armoricain a atteint l’altitude la plus basse qu’il aura connu durant tout le Tertiaire : environ 80 m… après l’inondation fini pliocène, le Massif armoricain remonte pour atteindre son altitude actuelle.
Les sédiments tertiaires sont « piégés » dans des bassins d’effondrement (voir Fig. 48 et Fig. 50) qui en s’enfonçant (graben limité par des failles actives et/ou subsidence 20 ) permettent de stoker des épaisseurs de sédiments sur plusieurs centaines de m.
Eric Thomas (1999) indique :
Nous proposons que la sédimentation à l’Oligocène inférieur (et déjà pour une partie des « bassins » depuis la fin de l’Éocène [1 à 3 Fig. 50]) se soit effectuée dans des bassins en subsidence flexurale sur des failles non émergentes et à fonctionnement relativement lent.
Ces failles, toujours recouvertes de sédiments, n’auraient par conséquent jamais été érodées…
Ceci implique que la sédimentation, depuis l’Eocène terminal jusqu’à l’Oligocène inférieur (38-28 Ma), n’aurait pas été simplement réduite aux secteurs actuellement préservés. Une extension latérale plus importante doit être envisagée
Ces bassins d’effondrement traduisent la phase d’extension qui affecte l’Europe de l’Ouest (voir Fig. 47), plus à l’est, il se produit la mise en place de rifts tels que le Fossé rhénan, Limagne. Sur le Massif armoricain, les grabens se sont établis en remobilisant les grands décrochements linéaires mis en place à la fin de l’orogenèse hercynienne (post Stéphanien < 300 Ma).
5b2 - Le climat au tertiaire
Cette partie est largement inspirée du Rapport intermédiaire du BRGM (BRGM/RP-600977-FR 2011 concernant le forage Cinergy).
Durant l’Eocène et l’Oligocène, si les températures annuelles les plus chaudes (A : autour de 20°C) et les précipitations (C : entre 1000 et 1500 mm) évoluent peu, il existe de grandes variations sur les mois les plus froids (D) : durant l’Eocène la baisse de température hivernale est de l’ordre de 10°C.
Au cours de l’Eocène, le Bassin de Paris subit un climat chaud plus ou moins humide. De grands mammifères essentiellement herbivores témoignent d’un paysage de type savane au Lutécien …, alors que la microflore du Bartonien …indique un climat certes chaud mais humide. L’Eocène terminal s’accompagne d’un net refroidissement…dans le bassin de Paris avec la disparition des flores tropicales.
L’Oligocène inférieur (Rupélien : 34-28 Ma) marque un profond changement climatique en Europe de l’ouest, avec un abaissement de la température et une augmentation de l’aridité. (Ollivier-Pierre et al. 1987). Aux températures égales (23-25°C) tout au long de l’année, succèdent des saisons froides plus marquées. Ce refroidissement durera une dizaine de millions d’années avant qu’un rapide réchauffement ne ramène la température à son niveau antérieur.
Ceci n’empêche pas de constater au Rupélien, au sud du Bassin parisien et en Bretagne (Bassin de Rennes), l’installation de plate-formes marines carbonatées peu profondes, la présence de grands foraminifères y atteste l’existence d’eaux chaudes (≃ 22/23°C).
— FOUCAULT, Alain, Climatologie et paléoclimatologie, Dunod, 2009, 320 p. —
Durant le Tertiaire (Fig. 52 - à gauche) l’évolution de la température des océans 21 montre sur de courtes périodes des « pics » : par exemple le PETM : variation de 6°C de la température de l’eau des océans, sur une durée de quelques centaines de milliers d’années.
– Pour interpréter ces variations très courtes, on peut envisager l’influence d’augmentations des gaz à effet de serre dont la cause reste précisément à définir (ouverture de l’Atlantique avec forte production de laves au niveau des rides médio-océaniques, provoquant une libération brutale de CH4 piégé au fond des océans réchauffés, le Méthane libéré du fond des océans est ensuite oxydé en CO2.).
Le refroidissement qui affecte l’ensemble de la planète au passage Eocène / Oligocène se traduit ensuite, par un rétrécissement de la « Ceinture équatoriale d’eaux littorales chaudes » (voir Fig. 52 - à droite).
Les calottes qui étaient situées en climat tempéré il y a 40 Ma, vont progressivement s’englacer : Les calottes glaciaires apparaissent en Antarctique, il y a 34 Ma 22 à la limite Eocène / Oligocène, puis en Arctique au Pliocène, il y a 5 Ma.
5b3 - La surface « éocène »
Au Paléocène et à l’Eocène (62 – 34 Ma) les deux tiers de la superficie de la France sont émergés ils constituent la « Surface éocène ». Les domaines marins situés en limites nord et sud communiquent respectivement avec la Mer du Nord et le Golfe de Gascogne.
Les altérations intenses de type latéritique affectent les domaines de socle ancien (Massif armoricain et Massif central), comme les terrains sédimentaires calcaires du Secondaire
Les terres émergées du Massif armoricain (voir Fig. 47) forment un plateau surélevé de 100 à 150 m par rapport au niveau marin 23, ce relief est dû à la poussée tectonique pyrénéenne 24 (voir Fig. 47).
Les terres armoricaines sont occupées par des zones marécageuses littorales de type mangrove 25 ou lagune 26 , se poursuivant à l’intérieur par une végétation dense identique à celle des zones tropicales humides actuelles (Ollivier-Pierre, 1980). Du fait du climat (tropical chaud et humide, hydrolysant et agressif), ces paysages vont enregistrer une altération chimique profonde (jusqu’à 30 à 40 m d’épaisseur), de type latéritique.
– Ces profils d’altération profonde affectant le socle hercynien, caractéristiques du tertiaire, seront appelés la « maladie tertiaire » par Yves Milon (1932). — MILON, Yves, « L’extension des formations sidérolithiques éocènes dans le centre de la Bretagne », C.R. Acad. Sci., Vol. 194, 1932, p. 1360-1361. —
Durant la fin de l’Eocène (Lutétien et Bartonien : 48 – 38 Ma) le climat est toujours aussi chaud mais plus sec. Localement il y a présence de saumures, qui témoignent d’environnement lacustre en contexte marin confiné.
Du fait des saisons sèches plus marquées où les précipitations sont plus faibles, il y a arrêt puis destruction des profils latéritiques constitués quand les précipitations chaudes étaient abondantes et continues. Il se met en place sur les surfaces continentales, des transports de kaolinite 27 ainsi des dépôts de silice (silcrètes 28) et de fer. Ces silcrètes 29 (Fig. 53 à droite) qui parsèment aujourd’hui le Massif armoricain, sont les indices de terrain très recherchés pour reconnaître la trace de la « surface éocène ».
– Nicolas Brault (2002) indique
que les latérites et les silcrètes qui recouvrent, en partie, le Massif armoricain ont un âge compris entre la fin du Crétacé et l’Eocène supérieur. Par analogie, sur la partie occidentale du bassin de Paris, les silicifications pédologiques scellent une surface particulière, qualifiée d’éocène, qui apparaît vers 100 m d’altitude.
5b4 - Le forage profond du sud de Rennes
Ce forage carotté profond de 675 m réalisé sur la commune de Bruz dans le Bassin de Rennes (juin-octobre 2010) 30, complète les premières ébauches de paysage dressées sur la côte par Estéoule-Choux et Ollivier-Pierre (voir Fig. 54).
— ESTÉOULE-CHOUX, Jeanine, Contribution à l’étude des argiles du Massif armoricain. Argiles d’altération et argiles sédimentaires tertiaires, Thèse 3e cycle, Rennes, 1967, 307 p. —
— OLLIVIER-PIERRE, Marie-Françoise, GRUAS-CAVAGNETTO, C., ROCHE, E., [et al.], « Eléments de flore de type tropical et variations climatiques au Paléogène de quelques bassins d’Europe nord occidentale », Mémoires et Travaux de l’Institut de Montpellier, Vol. 17, 1987, p. 173–205. —
Le forage montre à sa base :
- du Briovérien (675 à 405 m), sous la forme de siltites et grès altérés sur 120 m,
- recouvert en discordance par des sédiments tertiaires, (405 à 25 m).
Les sédiments tertiaires sont essentiellement représentés par des argiles (épaisseur : 215 m) mises en place depuis l’Eocène moyen jusqu’à l’Oligocène inférieur (41 à 28 Ma).
Ces argiles (issues de l’altération du socle briovérien remaniée) contemporaines de la Mer Oligocène, traduisent un milieu marin confiné, localement ouverts sur la mer.
Les faciès lacustres les plus profonds comportent des argiles finement laminées, ils font place à des argiles hétérogènes et bréchifiées ainsi que des argiles noires indiquant la présence de végétation (bordure du lac) ainsi que des argiles vertes (paléosols hydromorphes). Les argiles claires qui terminent le cycle correspondent à des plaines d’inondation.
Les faciès qui témoignent de la proximité de la mer caractérisent soit des milieux de baie confinée (argiles très noires) ou de vasière (marne avec présence de gastéropodes).
Au-dessus (0 à 25 m) le Miocène moyen (Langhien à Serravalien - 16/12 Ma) en discordance, puis le Pliocène également discordant, (Plaisancien - 2,6 Ma) sont représentés par des sédiments marins (Mer des faluns) puis des sédiments fluviatiles (sables quartzeux).
L’analyse du contenu floristique (étude des pollens) et la nature des argiles échantillonnées sur le forage permettent de définir le contexte paléoclimatique du Bassin Rennais.
La palynologie atteste sur la fin de l’Eocène d’une augmentation significative de Pins […] l’installation d’herbacées diversifiées au début de l’Oligocène signalant la mise en place d’un climat plus aride et plus frais […] L’apparition des cortèges argileux smectique-chlorite avec la limite Eocène Oligocène semble indiquer un signal paléoclimatique, avec un changement vers un climat plus aride, donc une altération moins forte permettant aux minéraux smectiques d’être préservés et moins transformés en Kaolinite.
Le calage stratigraphique des faciès argileux a permis de calculer le taux de subsidence du Bassin Rennais (période Eocène sup. : 51 m / Ma - période Oligocène inf. : 33 m/Ma 31 ).
5b5 - Les transgressions marines – Les Systèmes fluviatiles installés sur le continent
Durant le Tertiaire, la Mer des faluns correspond à la principale invasion marine ayant traversé le craton armoricain. Elle se situe sur la proximité du littoral actuel (Manche et Atlantique) et emprunte le couloir de basse altitude correspondant à la Dépression de Rennes / Nantes. Le Plateau Ouest Armoricain et le Bocage normand restant exondés.
La « Mer des faluns » 32 correspond à une mer peu profonde située en domaine subtidal et animée par de forts courants de marée, les caractéristiques géochimiques (d18O2) des coquilles, indiquent une température moyenne de l’eau de l’ordre de 20°C, soit un contexte climatique sub-tropical.
La Mer des faluns sera la dernière invasion marine ayant traversé le craton armoricain à la hauteur de la dépression rennaise.
« La Maison des Faluns » : un outil de vulgarisation
En 2014, la communauté de communes d’Évran (22) crée, avec l’appui notamment de la Région et du Conseil général des Côtes-d’Armor, une Maison des Faluns 33 qui permet de faire découvrir à un large public le patrimoine géologique original de cette région, en particulier l’observatoire géologique de la carrière de la Perchais, à Tréfumel.
[...] le projet muséographique d’un Centre d’interprétation des Faluns à Tréfumel, dans l’ancienne ferme de Carmeroc totalement repensée, devrait aboutir durant l’année 2012. La scénographie et la médiation promettent d’être à la hauteur, plongeant le visiteur dans la mer chaude qui barrait la partie orientale de la Bretagne il y a 15 millions d’années. L’environnement sous-marin y sera reconstitué avec la mise en place de vrais fossiles associés à des reconstitutions des espèces vivantes. La géologie locale, la faune et la flore terrestres, l’exploitation de la roche par l’homme ainsi que l’imaginaire ne seront pas oubliés.
Au Miocène :
L’environnement terrestre est plus difficile à cerner, les éléments de reconstitution étant moins nombreux. On peut imaginer une végétation de conifères (cyprès ; pins, séquoias), de palmiers, de lauriers, suffisamment clairsemés pour que puissent se déplacer les grands mammifères (Dinothères, Mastodontes), les équidés, peut être les premiers Hipparions, des Rhinocéros, des cervidés. Dans les zones plus marécageuses se déplaçaient les Crocodiliens et certaines Tortues.
À la fin du Miocène et au cours du Pliocène les apports sédimentaires se réduiront à des épandages sableux à fragments calcaires (faluns « redoniens ») puis à fragments siliceux (sables rouges), déposés à proximité de la côte dans les estuaires.
Le faciès falun « redonien » représente des milieux détritiques calcaires ouverts sur la mer, le faciès « sables rouges » d’origine continentale, est relié à des systèmes fluviatiles.
Le faciès redonien a été défini en 1900 sur la commune de Rennes sur le gite d’Apigné. Francis Stepanoff a proposé en 2003 que la sablière du Tertre (commune du Rheu) en fin d’exploitation, puisse être conservée en maintenant un « petit front d’exploitation de deux mètres de haut » ouvert au public. — STEPANOFF, Francis, « Projet de renaissance d’un stratotype : le Redonien », Actes des 3ème journées nationales du Patrimoine géologique, Brest 27-28 septembre 2002, Mémoire de la Société Géologique, 2003, p. 71-74. —
Le front d’exploitation permettait d’observer une coupe synthétique du Redonien constitué d’un conglomérat de base, de lentilles de fragments coquilliers (les faluns) fossilifères, et des sables et graviers. Le Redonien a été daté à sa base à 7 Ma et pour la partie fossilifère entre 6.3 et 5.3 Ma.
Le Redonien était intercalé à sa base en discordance entre des faciès carbonatés déposés par la mer des Faluns (Miocène moyen : 16 – 14 Ma) et au sommet sous les « sables rouges » pliocènes (discordants) datés à 5 Ma.
Ce projet n’a pu se réaliser : maitrise foncière ? Contrôle de la sécurité et entretien du site ?
Aujourd’hui sur la zone d’extension des « sables rouges » et de la « Mer des Faluns », il n’existe plus de points d’observation du Redonien.
Concernant les sables rouges :
Le paysage, très différent de l’actuel, était constitué d’épandages sableux associés à des cônes alluviaux ou à des plaines alluviales à chenaux en tresse, directement ennoyées par des nombreux estuaires. Ces faciès sont préservés à la faveur du remplissage de paléovallées faiblement incisées (10 à 20 m de profondeur pour des largeurs pouvant atteindre 700 m), formant un véritable réseau de vallées d’âge probable Serravalien supérieur/ Tortonien basal (12-10 Ma).
La reconstitution paléogéographique du Miocène sup. / Pliocène est basée sur les affleurements de Sables rouges et la description des différents faciès fluviomarins associés.
Les faciès les plus énergiques des sables rouges (rivières en tresse) ainsi que le sens des courants (situés de part et d’autre de failles) permettent de penser qu’au Miocène terminal, la composante verticale de rejeux de failles réactivées, a provoqué au niveau du socle aplani (voir citation Guillocheau et al. 2003 - p 35), des mouvements de bascule qui ont forcé localement le sens des écoulements fluviatiles. — GUILLOCHEAU, François, BRAULT, Nicolas, THOMAS, Éric, [et al.], « Histoire géologique du Massif Armoricain depuis 140 Ma (Crétacé-Actuel) », Association des Géologues du Bassin de Paris, Vol. 40 / 1, 2003, p. 13-28. —
À cette époque (7 Ma) la ligne de séparation des eaux localisée sur le tracé de la Faille Quessoy Nort-sur-Erdre, était à une position bien différente de l’emplacement occupé actuellement (voir Fig. 19).
5c - Durant le Quaternaire
Le Quaternaire qui débute il y a 2,6 Ma est caractérisé par 6 périodes de glaciation matérialisant des variations climatiques rapides (fréquence 500 Ka) séparées par des épisodes interglaciaires.
Les deux chronologies (Fig. 61 à gauche) sont parfaitement corrélées. La chronologie Alpine, caractérise les glaciations de chaines de montagne, illustrées par le volume des glaciers d’altitude ainsi que les fluctuations des dépôts des moraines reconnues sur leur vallée. La chronologie nordique est reliée à l’extension de la calotte glaciaire (inlandsis) arctique.
Les glaciations immobilisent dans les calottes glaciaires des volumes d’eau qui se traduisent par des baisses du niveau marin : régressions marines dites baisses eustatiques. À l’opposé les périodes interglaciaires sont marquées par des remontées du niveau marin.
La fonte de la dernière calotte glaciaire, au nord de l’Europe se traduit aussi par des soulèvements localisés de la croûte terrestre.
La spécificité du Quaternaire (Fig. 63) tient aux hautes fréquences et fortes amplitudes des variations du niveau marin.
Cette fréquence (1,5 à 10 Ka) permet de penser que ces variations sont guidées par les paramètres orbitaux de la Terre, qui modifient pour des périodes variant de 10 à 100 Ka, les quantités d’énergie reçues par l’atmosphère.
Il s’agit de l’excentricité de l’orbite terrestre 34 plus ou moins elliptique (400 à 100 Ka), de l’obliquité 35 de l’axe terrestre (40 Ka) et de la précession des équinoxes 36 (26 Ka).
L’Holocène, qui correspond à l’interglaciaire actuel, est marqué par un brutal (14,5 à 11 Ka) refroidissement (le Dryas récent). À la sortie de ce refroidissement la température du Groenland s’est élevée de 18°C en quelques dizaines d’années.
Ce changement de température a été relié aux fontes localisées de la calotte Laurentide (qui recouvrait l’Amérique du nord), provoquant des changements de circulation des courants océaniques locaux. Ces fontes ont aussi provoqué des changements de salinité des eaux, du fait des décharges d’eaux douces glaciaires dans l’océan.
Cet épisode froid et plus aride entrainera en Europe du Nord le développement de la steppe/toundra.
Au dernier minimum du niveau eustatique (-120 m il y a 18 Ka), la plate-forme de la Manche et la marge sud-armoricaine sont émergées. Les côtes sont déplacées vers l’Atlantique, à plus de soixante-dix kilomètres pour les côtes sud-armoricaines, mais restent sur le plateau continental (cité par D. Menier, 2003).
La Manche est parcourue par les prolongements des rivières à terre (Seine, Somme, Tamise, Rhin, etc.) rassemblées par le « Fleuve Manche » (Gilles Lericolais, 2007).
La morphologie très complexe de ce fleuve qui a laissé peu d’empreinte, s’explique par la « Fosse centrale (voir aussi Fig. 19) qui en tant que grand lac recueillait les eaux vives des débâcles, les privait de l’essentiel de leur énergie et donc de leur pouvoir érosif ». L’auteur évoque aussi une forte houle issue de l’Océan atlantique capable d’éroder les incisions du plateau à partie de 60 m de profondeur.
Il y a 2,6 Ma, une sorte de gigantesque marée revenant tous les 40 k puis tous les 100 k, s’est enclenchée. Elle a libéré périodiquement la Manche des eaux marines, mais l’a soumise au ravinement fluviatile, et à celui des vagues et des marées à chaque retour de l’Atlantique.
Suite au Dryas récent, les conditions climatiques (plus chaudes et plus humides) permettront le remplacement de la steppe et la toundra par de la forêt clairsemée (bouleaux et pins).
Sur le plan climatique, les phases glaciaires sont sèches, les pluies étant abondantes en début de phase inter glaciaire.
Les reconstitutions climatiques du dernier cycle glaciaire (Eemien + Weischsélien) effectuées […] à partir des données de palynologie en milieux lacustres dans l’est de la France montre durant l’épisode glaciaire des chutes progressives de la température moyenne et de la quantité de précipitations annuelles à partir de 130 000 ans, ces chutes culminant il y a 18 000 ans.
Sur le plan tectonique, au quaternaire (période < le Massif armoricain se caractérise par des surrections localisées dont la composante verticale maximale reste inférieure à 100 m.
Au Pliocène / transition avec le Quaternaire, la profondeur maximale des talwegs mesurées à différents endroits du Massif armoricain indique que celui-ci est caractérisé par des soulèvements différentiels accommodés le long des failles visibles à terre (QNE – CSA) et en mer (ENA – ESA).
Le Plateau Ouest Armoricain limité à l’est par la Faille de Quessoy Nort-sur-Erdre, correspond à la tendance à la plus haute surrection différentielle (70 – 90 m).
La valeur de surrection mesurée au 20e siècle pour cette région (1 mm/an) caractériserait une durée totale d’incision (+90m) proche de 100 k.
Les teneurs en gaz à effet de serre extrait des carottes de glace en Antarctique montrent des alternances régulières entre phases froides (0°C) et phases plus froides (-10°C). Les périodes les moins froides sont corrélées avec des pics de CO2 (300 ppm) et CH4 (700 ppm). Ces teneurs sont inférieures aux valeurs mesurées actuellement : CO2 (380 ppm) et CH4 (1800 ppm).
Aux temps historiques (< 2 Ka) on relève 2 anomalies climatiques :
Le Petit âge glaciaire, signalé par des avancées des glaciers dans les Alpes suisses entre 1350 et 1850, ces avancées étant séparées par des périodes de retrait (fonte). Un nouvel inventaire effectué en 2000 montre qu’entre 1973 et 2000, près de 20 % de la surface englacée des Alpes suisses a disparu, la fonte étant plus sévère pour les glaciers de petite taille.
L’optimum climatique médiéval est difficile à caler précisément du fait de l’imprécision des références utilisables à l’époque. Emmanuel Leroy Ladurie 37 précise :
Je veux me borner ci-après à une constatation essentiellement séculaire : il y a bien en tout état de cause au XIIIe siècle, « en Europe occidentale », une longue série d’étés secs, vraisemblablement chauds, qui se montrent dans l’ensemble plutôt favorables aux agriculteurs, et par voie de conséquence, aux consommateurs. ». Il ajoute « le petit optimum médiéval a pu connaitre par moment … des températures moyennes égales à 0.5° en plus de celle du petit âge glaciaire qui va s’ensuivre.