1752-1836
Blanchard de la Musse Francois-Gabriel-Ursin
L’inventeur du Val sans Retour en forêt de Paimpont
Né à Nantes en décembre 1752, Blanchard de la Musse fait son droit à Rennes, puis est reçu conseiller au Parlement de Bretagne en 1783. Il est l’un des fondateurs de la Société Académique de Nantes. À la fin de sa carrière de juge d’instruction, il se consacre à ses deux passions, la poésie et l’histoire. Il est membre de la Société Polymathique du Morbihan et doyen des Troubadours Bretons.
Il menait à Nantes une vie paisible et retirée quand la mort de son épouse le jeta dans un douloureux isolement. L’année suivante, en 1822 il voulut, pour se distraire, revoir la ville de Rennes, où il n’était pas allé depuis longtemps. Il y trouva d’anciens amis qui le déterminèrent à rester près d’eux ; il habita successivement la petite ville de Montfort-sur-Meu et Rennes, où il a terminé sa carrière en mars 1836, a l’âge de quatre-vingt quatre ans.
La rencontre avec J.C.D. Poignand
Il rencontre Jean Côme Damien Poignand, juge à Montfort et « antiquaire » dont il devient l’ami.
[...] j’ai invité un antiquaire, qui depuis sa jeunesse explore Montfort et ses environs, à surveiller, à diriger mon travail. Je ne puis que me louer de son empressement à me procurer, sur les lieux, tous les renseignements nécessaires pour remplir mon but. Nous nous sommes peu quitté depuis dix mois […]
Aidé de Poignand, Blanchard de la Musse arpente la région de Monfort à la recherche de traces de la Bretagne des origines. Ces recherches paraîtront en 1824, dans un article de la revue Le Lycée Armoricain intitulé Aperçu de la ville de Montfort-sur-le-Meu, vulgairement appelée Montfort-la-Cane. — Blanchard de la Musse François-Gabriel-Ursin (1824) op. cit., p. 301-313, (Voir en ligne) —
L’invention du Val sans Retour en forêt de Paimpont
Dans ce texte qui décrit les « antiquités » de la région, on peut lire la première mention d’une localisation d’un Val sans Retour en Forêt de Paimpont : La ville de Montfort est à l’extrémité de cette fameuse forêt de Brécilien dont il est parlé dans les romans
. L’auteur s’étonne […] en explorant ce terrain aujourd’hui, d’y retrouver aussi parfaitement l’explication de tout ce joli épisode allégorique
et reprend la découverte archéologique
faite en 1820 par Poignand, concernant les tombeaux de Merlin et Viviane. Il y ajoute aussi ses propres découvertes.
La petite rivière affluente dans cet endroit se nommait Mell-aon, rivière du Mell, c’est-à-dire du Gymnaste. Elle est rendue célèbre dans le chant 9e du poème de la Table Ronde, sous le nom allégorique du vieux Meliadus, qu’il faut suivre le long du Val-sans-Retour, jusque vers sa source dans la forêt de Brécilien, pour trouver les deux tombeaux de Merlin et de son épouse Viviane, […] laquelle va se perdre dans le lac du Pont des Géans, aujourd’hui étang du Pont Domjan, d’où l’on arrive, comme Lancelot, par une forêt très épaisse, au très beau pavillon qu’habitait la fée Morgain, sœur du roi Artur, c’est-à-dire au château de Compere […]
En 1826, dans Le Lycée Armoricain, M. F. Rever demande quelques éclaircissements sur cet article et sur la méthode qui lui a permis de situer le Val sans Retour en forêt de Paimpont.
Je ne manquerais pas non plus d’en prendre sur la forme et les dimensions des deux monuments accrédités dans le pays sous la curieuse dénomination de tombeaux de Merlin et de sa femme Viviane, de m’informer si la réputation qu’ils ont acquise a quelques fondements, soit en d’autres monuments, soit en des écrits ; s’il passent pour de véritables sarcophages ou de simples cénotaphes élevés à la mémoire des héros du roman de Monmouth ; si l’on y a fait des fouilles.
Voici la réponse de Blanchard.
Par rapport aux éclaircissements que vous demandez sur les deux tombeaux de Merlin et de son épouse Viviane, je me bornerai à répondre que leur existence et leur situation sont très précisément indiquées dans l’Arthuriade connue sous le nom de roman de la table ronde ; car ce prétendu roman n’est rien autre chose qu’une véritable histoire écrite en style d’Epopée comme la Henriade de Voltaire, et la Franciade de M. Viennet ; mais on nous l’a donnée, travestie plutôt que traduite sur l’original celtique, faute d’en avoir bien entendu les diverses allégories. Une notion exacte des localités, jointes à l’intelligence de la langue celtique, fournissent la clef de presque toutes les allusions de cet antique poème national, et ne permettent pas de douter qu’il n’ait été vraiment composé dans les environs de notre forêt de Brécilien, à l’époque où le druidisme y luttait contre l’introduction du Christianisme. Au surplus, les deux tombeaux dont il s’agit n’étaient que de simples dolmens, tels que tous ceux qu’à décrits M. l’Abbé Mahé, dans l’intéressant ouvrage qu’il vient de faire imprimer à Vannes, sur les Antiquités du Morbihan ; ils ont été abattus depuis les trente ans derniers, et leurs matériaux restent encore presque tous amoncelés sur le lieu : si l’on fouillait dessous, l’on n’y trouverait que ce qui a été trouvé ailleurs dans des fouilles pareilles : il en est assez d’exemples cités dans l’ouvrage de M. l’Abbé Mahé, et je crois n’avoir rien de mieux à faire que de vous y renvoyer à cet égard.