1896
Controverse autour du monument du docteur Guérin
Des Ploërmelais choqués par un nu
En 1896, la statue du monument dédié au docteur Alphonse Guérin fait scandale.
Un bronze controversé
Cette histoire, rapportée par Joseph Boulé, a fait les honneurs de la presse à la fin du 19e siècle.
La réussite d’une souscription permet de construire, sur la Place d’Armes de Ploërmel, un monument à la mémoire du docteur Guérin. Le sculpteur breton Georges Bareau réalise les bronzes portés par le monument conçu par l’architecte Pierre Dumesnil 1. Son dévoilement lors de son inauguration, le 13 septembre 1896, fait apparaitre le buste d’Alphonse surmontant une allégorie de la Gloire s’appuyant à la colonne, tenant d’une main la palme du savoir et de l’autre les lauriers de la reconnaissance.

Carte postale réalisée avant la destruction du monument par les Allemands pendant la guerre 39-45 pour en récupérer le bronze. Le bas-relief et l’allégorie de la Gloire furent fondus. Les Allemands respectèrent cependant le buste qui a été placé à l’hôpital Alphonse Guérin de Ploërmel.
Brouhaha dans la foule, la Gloire est nue. En matière d’art, les références de la plupart des Ploërmelais sont limitées à l’art religieux. On s’agite, on crie : Elle n’est pas pouillée (vêtue), c’est un scandale
. D’autres, meilleurs connaisseurs des formes de la nature, pour avoir fréquenté les comices agricoles, sont plus tolérants et trouvent qu’elle respire tout simplement « la bonne santé ».

L’intérêt artistique de l’œuvre est largement évacué. Seules les « considérations morales » tiennent à cœur les Ploërmelais. La Gloire va cristalliser, pendant des années, les passions politiques de l’époque opposant Républicains et Légitimistes, les tenants de la laïcité à ceux prônant l’enseignement confessionnel. Ainsi, bien que fin lettré et distingué poète, le Marquis de Bellevüe, auteur de l’Histoire de Ploërmel et de sa sénéchaussée, s’enflamme :
Un monument qui ne fait honneur ni au sculpteur qui l’a exécuté ni à la municipalité qui l’a payé. Non ! Le Docteur Guérin, si peu idéaliste qu’il fût, aurait protesté contre cette saleté, moulée en bronze, qui est pour sa mémoire non une gloire mais un outrage.
Aujourd’hui, la municipalité de Ploërmel est confrontée à une contestation d’une immense statue de Jean-Paul II érigée sur le territoire public pour être surmontée d’une croix.
Joseph Boulé, 2017