du 15e au 20e siècle
Du Telent au Thélin
Hypothèses toponymiques
Les plus anciennes mentions du toponyme datent du 15e siècle et utilisent la graphie « Telent ». La graphie « Tellain » lui succède du 17e siècle au début du 19e siècle avant d’être remplacée par la forme actuelle « Thélin ». Ces toponymes sont utilisés pour désigner trois entités territoriales différentes, un fief, une trève, puis une paroisse. Depuis la fin du 18e siècle, le toponyme désigne aussi le lieu dit autour de la chapelle tréviale puis de l’église paroissiale du Thélin.
Le Telent
1419-1467 — Deux mentions du toponyme
Le toponyme « Telent » a été utilisé au 15e siècle pour désigner le fief du Telent, subdivision de la seigneurie de Plélan dont le siège était au Gué.
On rencontre la première mention de ce toponyme dans un document d’archive daté de 1419, intitulé « comptes au receveur de Brécilien pour Mme de Laval et son fils seigneur de Gâvre et de Montfort 1 pour la forêt de Brécilien et de Montfort et de Lohéac ».
[...] de rentes dues amonseigneur en telent et vieille cour [...].
Le « Telent » est ici associé au toponyme « Vieille cour » qui désigne très certainement « le Gué de Plélan ».
On retrouve le toponyme « Telent » explicitement associé à un fief dans la charte des Usements de Brécilien, datée de 1467.
Les communiers du fief (fieu) de Telent, [...] étant en la paroisse de Plélan [...] 2.
Telent : un nom propre devenu nom de lieu ?
La graphie la plus ancienne du toponyme est donc celle de Telent
. Il est à noter que « Telent » est un patronyme francique 3 qui apparait à huit reprises dans les actes du Cartulaire de Redon, désignant quatre personnes distinctes ayant vécu entre le début du 9e et la fin du 11e siècle 4. — COURSON, Aurélien de, Cartulaire de l’abbaye de Redon en Bretagne [832-1124], Paris, Imprimerie impériale, 1863, Voir en ligne. p. 705 —
Un autre exemple tiré du Cartulaire de Landévennec terra Telent Bastart
n’indique pas un nom de lieu à proprement parler mais une terre désignée par le nom de celui qui l’exploite (Telent le bâtard). — LE MEN, René-François et ERNAULT, Emile, Cartulaire de Landévennec, 2010, Cambridge University Press, 1886, Voir en ligne. p. 597 —
Dans un acte de 1203 tiré du Cartulaire de l’abbaye Sainte-Croix de Quimperlé, apparait « Goeth 5 Telent », c’est-à-dire le ruisseau de Telent, en Plogonnec, non loin de Locronan (Finistère). — MAITRE, Léon Auguste et BERTHOU, Paul de, Cartulaire de l’abbaye Sainte-Croix de Quimperlé, Deuxième édition, revue, corrigée et augmentée, Rennes, Plihon et Hommay, 1904, (« Bibliothèque bretonne armoricaine »), Voir en ligne. p. 146 —
« Telent » pourrait donc à l’origine être un nom propre devenu par la suite le nom d’un territoire.
Le Tellain
Les toponymes « Tellain », « Tellaint » ou « Telain » sont attestés du 15e au début du 19e siècle. Ils sont utilisés pour désigner le même territoire que le fief du Telent, devenu fief du Tellain ou sa survivance au début du 19e siècle, la tenue du Tellain.
Sur la carte de Cassini de 1783, « Tellain » ne semble cependant pas désigner l’ensemble du fief mais un simple lieu-dit associé à la chapelle tréviale Saint-Étienne du Tellain.
1566 — Les thélandais
La croix des Thélandais, située près de la « Fontaine Saint-Fiacre » à la sortie du bourg de Plélan-le-Grand, en direction de Guer, au lieu-dit le « Pont-Garin », porte une inscription traduite en 1843 par M. Ramé pour le dictionnaire d’Ogée-Marteville.
"l’an mil VCCLX et six (1566), un vendredi au matin, Thomas Dannet fist meptre ceste (croix) au Pont-Garin, le VIIII (9ème) jor de juin, pour dire le vray, fut amené du Coldin, par les Thélandais".
Cette croix est placée à la limite entre le fief du Tellain et le fief du bourg de Plélan.
1687-1824 — le Telain
Dans l’aveu de 1687, la graphie utilisée est « Telain ».
[...] estre hommes et subjects du seigneur de Plélan, et de luy tenir prochement en sa terre et seigneurie de Plélan une tenue d’héritages nommée le fief du Telain, contenant environ 2,500 journaux de terre.
Cette graphie est utilisée pendant toute la fin de l’Ancien régime et jusqu’au début du 19e siècle pour désigner le fief.
Une première variante avec doublement du "l" ainsi qu’un "t" en final, « Tellaint », est mentionnée par Guillotin de Corson comme provenant d’un acte de 1695. — GUILLOTIN DE CORSON, abbé Amédée, Pouillé historique de l’archevêché de Rennes, Vol. 6, Rennes, Fougeray éditeur, 1896, Voir en ligne. p. 367 —
Une seconde variante avec doublement du "l" et suppression du "t", donnant la graphie « Tellain » apparait sur la carte de Cassini, datée de 1783 pour la région de Brocéliande ainsi que sur un acte de 1824.
Julien Lefeuvre, René Daniel et Augustin Allaire, propriétaire et marchand au Gué reconnaissent avoir reçu de Me Pierre pascal Vallée, notaire, 2252 francs comme procurateurs de la tenue du Tellain, prix de la vente d’arbres qu’il rapporta par acte du 21 avril dernier.
1783 — un lieu-dit
La plus ancienne mention du toponyme pour désigner un lieu-dit apparait sur la carte de Cassini de 1783. Le Tellain y est situé en lieu et place de l’actuel village du Thélin. Il semble ne plus désigner l’ensemble du fief mais marquer l’emplacement de la chapelle tréviale Saint-Étienne du Tellain, attestée depuis 1620.
Le Thélin
La graphie « Thélin » apparait au début du 19e siècle.
1806 — La communauté du Thelen
Une mention de la graphie « Thelen » apparait dans un acte du tribunal de Montfort-sur-Meu de 1806.
AUGRAIN Jean-Baptiste. Greffier de la municipalité. PLELAN. Les audiences des 6 et 13 février 1806 concluent à tarder à faire droit jusqu’à ce que la question de la propriété du chêne abattu dans la chênais du Bodo et revendiqué par la communauté du Thelen soit tranchée au civil.
La communauté du Thelen
désigne ici l’ensemble des propriétaires indivis de l’ancien fief du Tellain regroupés en Société. La disparition de cette Société vers 1844 marque la fin de cette utilisation.
1823 — la chapelle du Thélin
Le cadastre de 1823 utilise la graphie « Thélin » pour désigner la chapelle située à proximité de la Bégasserie. Cette utilisation est dans la continuité de celle de la carte de Cassini de 1783, avec toutefois une graphie différente.
1847 — la paroisse du Thélin
La paroisse du Thélin est créée en 1847. Le territoire de la paroisse est plus petit que celui du fief du Tellain. Il reprend vraisemblablement celui de la trève de Tellain. La paroisse comprend les villages de la Haute Haye, la Basse Haye, Perquis, Lisle Guihard, la Touche, la Pirotière, la Grée, l’Éclardais, la Bulais, les Choux Rotis, le Breil du Cocq.
La construction de l’église Saint-Étienne du Thélin à partir de 1853, puis l’édification d’habitations à proximité aboutissent à la formation du lieu-dit du Thélin. Depuis le rattachement de la paroisse du Thélin à celle de Plélan dans les années 1980, le toponyme désigne le village qui s’est constitué autour de l’église Saint-Étienne.
Trois hypothèses toponymiques
Les hypothèses celtomanes
Baron du Taya, érudit local de la première moitié du 19esiècle, est le premier auteur à s’intéresser à l’histoire du Thélin. En 1841, il émet deux hypothèses étymologiques erronées relevant de la celtomanie 6.
Il rapproche « Thélin » du mot celtique « Telen » qui a donné « Telenn », la harpe en breton. La variante « Telland » qu’il détache du mot « Telandays », écrite sur la croix éponyme du 16e siècle, lui inspire une autre étymologie.
S’il en résulte que Telland est le mot ancien, on pourrait l’expliquer ainsi : pays de la Colline ou du Tumulus (V. Dict de Bullet, v° Tel.
Quant au Marquis de Bellevüe, il écrit que le Thélin était le siège d’une école druidique 7.
[...] pour fuir la tyrannie romaine, les druides avaient dû se réfugier dans les halliers de Brocéliande, où ils avaient leurs écoles à Barenton et au Thélin [...]
Une hypothèse de la forme primitive en « Tre »
Le préfixe « Tré » a été utilisé dans des régions de Bretagne où l’on parlait la langue romane. Il désigne à l’origine des implantations de communautés de Bretons en Armorique attestées à partir du 9e siècle. Jean-François Duval soupçonne une forme du nom antérieure en Tré-
.
Le territoire des plou et paroisses primitives semble souvent constitué du regroupement de sites au nom en tré. Abondant dans la toponymie bretonne, le suffixe s’applique à une petite agglomération, un hameau accompagné de son terroir qui peut comprendre un millier d’hectares, voire exceptionnellement plus [...] M. Planiol en fait une subdivision entre le plou et la villa, encore que le cartulaire de Redon puisse confondre les deux. [...] Ces hameaux peuvent se doter d’une chapelle, voire d’un cimetière.
Jean-François Duval constate un grand nombre de hameaux en « tre » sur la paroisse initiale de Plélan.
Si l’on considère l’actuelle commune de Plélan, on s’aperçoit que le bourg est ceinturé par plusieurs villages dont l’origine bretonne semble évidente : ainsi au nord le village de Trézon, puis en descendant par l’ouest, ceux de Trégu, Trélo, et enfin, celui, plus délicat du Thélin (connu comme Tellent au XVème siècle) 8.
Poussant plus loin l’analyse, Jean-François Duval reprend l’hypothèse de Noël-Yves Tonnerre selon lequel les frairies sont vraisemblablement les héritières des « tre », premiers regroupements bretons du haut Moyen Âge.
N-Y Tonnerre a étudié ce phénomène, « entre la paroisse et les habitations paysannes [...] structure intermédiaire, profondément originale : la frairie [...] Ces frairies semblent apparaître assez tôt puisqu’on les rencontre dès le IXème siècle. Cette « institution reflète une réalité beaucoup plus ancienne liée à un éclatement du peuplement et à l’influence bretonne ». Peut-on rapprocher de cette « institution » le Thélin dont on soupçonne une forme du nom antérieure en Tré-. L’auteur précise en effet que Tré- cesse peu à peu de désigner un hameau et s’applique alors « à une circonscription appelée aussi tribus en latin ; c’est la future “frérie” dans laquelle furent levées les dîmes puis le fouage, avant de se perpétuer dans bien des cas sous forme de sections cadastrales ».
Cependant, même si cette hypothèse est séduisante, Jean-François Duval n’explique pas pourquoi, contrairement aux autres toponymes de la région de Plélan, le « tre » initial serait devenu « tel » par altération du « r » en « l ». L’absence de finage 9 autour de la chapelle tréviale ne vient pas appuyer cette hypothèse.
Hypothèse de l’orme : Till
Plusieurs toponymes de la région de Brocéliande offrent des similitudes avec le Thélin. C’est notamment, selon Jean-Marie Plonéis, le cas du Telhaie et du Telhiant en Guer. Or, selon ce dernier, ces deux derniers toponymes proviennent des variantes de « Till ».
Till (= tilleuls, du latin tilia) qui désigne aussi les ormes, surtout dans le nord et l’est du domaine bretonnant, et cela dès le moyen breton (le Catholicon, 1464, traduit till-enn par « ourme » seulement), est assez courant dans nos noms de hameaux ; mais l’ambiguïté sémantique ne permet pas toujours de trancher 10.