1467
La charte des usements et des coutumes de la forêt de Brécilien
Guy XIV rédige une charte novatrice
Les premiers écrits concernant les usages de la forêt de Brécilien datent du 13e siècle.
Le 30 août 1467, le comte Guy XIV de Laval, propriétaire de la forêt, rédige une charte novatrice, intitulée Usemens et coustumes de la forest de Brécelien, et comme anciennement elle a esté troictée et gouvernée qui réglemente les droits et devoirs respectifs des seigneurs et usagers de la forêt.
Pour ouvrir sa forêt au plus grand nombre, Guy XIV adapte le contenu des anciennes ordonnances aux exigences d’une nouvelle administration.
Les forêts bretonnes sous l’Ancien Régime
Il faut attendre l’union du duché à la couronne de France en 1532 pour voir la création en 1534 d’un office réformateur des Eaux et Forêts de Bretagne, puis l’édit royal de juillet 1544 pour assister à une réforme forestière de portée durable. Avant cette date, la Coutume de Bretagne ne réglemente pas les usages forestiers. Elle ne s’applique que par des institutions de droit commun.
« On ne connaissoit, en Bretagne, aucune justice ou juridiction sous la dénomination de justice des Eaux et Forêts, non point même à l’égard du Duc et Roy ; la régie des Eaux et Forêts et connoissances des délits qui s’y commettent, estoit comprise sous celle de la justice ordinaire, qui connaissoit des délits sur le rapport des Grands Veneurs et forestiers que l’on appelle en France « Verdiers » (1 Cf. Arch. d’Ille-et-Vil. Baronnie de Vitré. F. 724. Aveu 1680.). De fait, les litiges forestiers, comme la majeure partie du contentieux domanial, ressortissaient, selon les cas du Conseil Ducal ou des juridictions seigneuriales.
La forêt médiévale est utilisée à la fois pour le pacage 1 des bestiaux, la production de fourrage, de bois d’œuvre et de bois de chauffage. Au 13e siècle, seul le « pasnage » 2 est autorisé à tous les riverains. Les revenus non négligeables qu’il procure restent cependant incertains et limités.
[...] les propriétaires nobles faisaient souvent preuve à son égard d’une certaines indifférence, en abandonnant la perception à des subordonnés et en se contentant, pour leur part, de la portion congrue dont ils faisaient souvent don à quelque communauté. Quant aux autres animaux, qui aux termes des anciennes chartes ne payaient aucune redevance, ils erraient aux « mettes » de la forêt, dans un régime de tolérance plus ou moins obligé. [...]
Les seigneurs ont compris l’intérêt financier d’étendre l’autorisation de faire paître en forêt, contre redevance, d’autres bestiaux que les porcs. Les comptes des forêts bretonnes montrent aussi que les amendes sont une source de revenus non négligeable.
[...] les intéressés allant jusqu’à soutenir que les états de pacage et amendes, consignés par les forestiers, devaient être considérés comme un élément suffisant pour apprécier la valeur intrinsèque des biens partagés.
Repères historiques sur la forêt de Brécilien
À l’époque carolingienne, au 9e siècle, sous le règne des rois Erispoë et Salomon, la forêt appartient au souverain. Elle est propriété ducale à la fin du 10e siècle, puis seigneuriale à partir du 11e ou du 12e siècle. Avant le 13e siècle, nous ne savons pas s’il existe une réglementation propre à la forêt de Brécilien.
Les premières ordonnances qui font état du droit des usagers en forêt de Brécilien sont datées de 1228 3. Elles témoignent d’un véritable statut social reprenant certaines dispositions antérieures qui régissaient la forêt de Brécilien. Michel Duval met au jour aux archives d’Ille-et-Vilaine les titres et aveux de la baronnie de Saint-Malo de Beignon 4. Il y est fait mention des nombreux privilèges dont jouissaient les évêques de Saint-Malo de Beignon sur un quartier de la forêt de Brécilien.
[…] C’est donc dans les titres et aveux de la Baronnie de St Malo de Beignon (aux Archives d’Ille-et-Vilaine, séries G 69-70) qu’il nous faut rechercher les plus anciens textes des Usements aujourd’hui connus. C’est là que nous l’y avons découvert, ainsi qu’une fort intéressante charte de 1228, antérieure par conséquent de deux siècles à la rédaction des Usements, et où sont définis dans leur primeur les droits forts étendus dont jouissait jadis le seigneur Évêque sur les immenses domaines de la famille de Lohéac.
Michel Duval révèle également l’existence d’une charte aujourd’hui disparue dont nous avons témoignage en 1264 5 grâce à un Titre de Saint-Jacques de Montfort qui reconnait des droits à l’abbé de Saint-Jacques aux quartiers de Trémelin et de Coulon 6. — MORICE, Dom Pierre-Hyacinthe, Mémoires pour servir de preuves à l’histoire ecclésiastique et civile de Bretagne, Vol. 1, Paris, Charles Osmont, 1742, Voir en ligne.pp. 990-991. Traduction in Duval, Michel (1954) op. cit. p. 11 —
Une ordonnance de 1282 est également citée dans un livre de Noël du Fail, Conseiller du roi au parlement de Rennes en 1571. Un des « arrêts d’audience » daté du 17 août 1574 met en cause un usager de Concoret, Georges Vivian, qui se voit accusé par les officiers de la forêt d’avoir coupé trois charmiers qu’il aurait mis dans sa charrette. L’usager nie les avoir coupés et conteste le jugement. Pour sa défense, il s’appuie rétrospectivement sur une réglementation accordant aux usagers de Concoret des droits en forêt qui remontent à 1282, un privilège confirmé en 1491 par le seigneur de Laval 7 — DU FAIL, Noël, Mémoires des plus notables et solemnels arrêts du Parlement de Bretagne. chap. 365, t. I, Paris, Chez Jean Vatar, 1579, Voir en ligne.p. 321 —
Vers 1264-1267, suite au mariage de Mahaud de Montfort avec Josselin de la Roche-Bernard, la forêt de Brécilien est alors partagée entre les seigneuries de Lohéac et de Gaël-Montfort. Les ordonnances du 13e siècle, montrent que la forêt comprend : les quartiers de « Coulon », « Brécilien » et « Trémelin » propriétés des Gaël-Montfort et celui de « Lohéac », propriété des seigneurs éponymes.
D’ailleurs il est intéressant de relever que pendant fort longtemps, ces usages s’exercèrent séparément dans des secteurs distincts de la forêt.
En 1353, le mariage de Raoul VII de Gaël-Montfort et d’Isabeau de Lohéac, dame héritière de Lohéac et de Plélan-le-Grand, unifie les deux domaines forestiers sous le seul nom de Brécilien.
En 1419, à la mort de son grand-père Raoul VIII de Gaël-Montfort, Guy XIV de Laval hérite de la forêt de Brécilien 8.
En 1467, Guy XIV de Laval entend tirer meilleur profit de sa grande forêt unifiée en ouvrant son espace forestier à un plus grand nombre d’usagers.
Au milieu du 17e siècle, l’installation de la métallurgie fait suite à la vente de la forêt de Brécilien par Henri III de la Trémoille ; cette situation pose des problèmes aux habitants qui, considérant leurs usages comme droits inaliénables, continuent d’utiliser les ressources de la forêt. En conséquence, une série de procès s’engage entre les propriétaires de la forêt et les habitants, qui durera jusqu’au 19e siècle.
À partir de 1790, croyant naïvement que la Révolution donnera raison à leurs revendications, les usagers se saisissent de cette opportunité et s’organisent pour restaurer leurs droits, mais sans succès.
En 1857, lors d’un procès opposant les communes de Concoret et de Paimpont aux habitants de Haligan (village proche du bourg de Concoret), l’acte de 1228 est revendiqué comme preuve de leurs droits de propriété des landes de Barenton et de Lambrun.
[...] Que les droits leur avaient été concédés par un acte de 1228, confirmé par un autre acte de 1491, qui sont l’un et l’autre analysés dans cette transaction.
Des nouveaux droits d’usage adaptés à la forêt
La forêt de Brécilien est unifiée en 1353, suite au mariage de Raoul VII de Gaël-Montfort et de Isabeau de Lohéac. Raoul VIII, seigneur de Gaël, de Montfort, de Lohéac et de la Roche-Bernard, meurt en 1419. Son petit-fils, Guy XIV de Laval, alors âgé de 13 ans, est héritier présomptif de Montfort et de la forêt de Brécilien. Guy XIV n’en dispose qu’à la mort de sa mère, Anne de Laval, le 28 janvier 1466.
C’est l’année suivante, le 30 août 1467, que Guy XIV de Laval rédige une charte intitulée Les usemens et coustumes de la forest de Brécelien, et comme anciennement elle a esté troictée et gouvernée. Il s’agit d’un manuscrit rédigé au château de Comper, par ordre du comte de Laval pour obvier à plusieurs abus et dommages qui se faisoient.
Nous en avons connaissance par une transcription d’une copie de ce texte, réalisée sans doute au 17e siècle et publiée en 1863 par Aurélien de Courson à la suite des Prolégomènes du Cartulaire de l’abbaye Saint-Sauveur de Redon 9. — COURSON, Aurélien de, « En suivent les usemens et coustumes de la forest de Brécelien, et comme anciennement elle a esté troictée et gouvernée », in Cartulaire de l’Abbaye de Redon en Bretagne [832-1124], Paris, Imprimerie impériale, 1863, p. CCCLXXII, Voir en ligne. —
La charte de 1467 assemble les ordonnances propres à chaque quartier de forêt dans un seul et même texte.
L’usement de la forêt de Brécilien se compose de deux parties : l’ancienne coutume, véritable statut social, rédigé au XIIIe siècle, probablement vers 1285, relatant un état des choses bien antérieur, et la nouvelle coutume ou ordonnance, rendue le 30 août 1467, par le comte de Laval, constatant l’existence de la première et réglant certains détails d’exécution […]
Guy XIV de Laval est propriétaire d’une forêt dont la gestion n’a pas été renouvelée depuis le 13e siècle.
Guy XIV met à jour les anciennes ordonnances basées sur une gestion féodale de la forêt et en rédige de nouvelles pour réglementer les droits et devoirs des usagers de l’ensemble de sa forêt, mais ne touche pas aux privilèges héréditaires dont jouissaient les vassaux des seigneurs de Gaël-Montfort et de Lohéac depuis le 13e siècle, sans pour autant en octroyer de nouveaux.
[…] Ce n’est plus sur la qualité des intéressés ni sur la situation de leurs biens que l’on se fonde pour déterminer l’étendue de leurs droits. Le nouveau modus vivendi dont les Usements de Brécilien donnent l’exemple le plus parfait, ne fait qu’enregistrer un compromis d’intérêts. Déjà moderne dans sa conception, il se superpose à la mosaïque des anciennes concessions sans d’ailleurs effacer leurs caractères propres. Toutefois, le régime se généralisant, les privilèges primitifs font figure d’exceptions gênantes, que l’on vise à réduire et à normaliser. Par contrecoup, on détermine avec soin les usagers et leurs droits. Ainsi, la forêt n’est plus ce monde fermé réservé à la jouissance exclusive du seigneur et de ses hommes, elle s’ouvre à tous ceux qui acceptent de payer un droit d’entrée proportionnel au nombre des bêtes entretenues ou à la quantité des produits retirés.
Réformer la gestion de la forêt de Brécilien
Guy XIV entend désormais créer un mode de gestion de la forêt de Brécilien qui lui procure des revenus plus substantiels. Pour atteindre ce but, il lui faut :
- Mettre en place un cadre juridique et administratif unique pour sa forêt. Il rédige en une seule réglementation l’ensemble des usages de Brécilien, pour compléter la Coutume de Bretagne.
- Ouvrir l’usage forestier au plus grand nombre.
- Remédier aux abus qui ont cours dans sa forêt. Il rédige de nouvelles ordonnances, plus répressives, pour mettre fin à certaines pratiques qui se font à ses dépens.
- Étendre la renommée de sa forêt à l’ensemble du duché de Bretagne. Il ennoblit sa forêt de Brécilien en la décorant de merveilles. Il promeut les privilèges forestiers accordés aux mansionniers vivant sur sa seigneurie.
La généralisation de l’inscription payante
Avant 1467, on connait seulement les droits de certaines communautés d’usagers riveraines de la forêt qui relèvent des anciennes ordonnances, par exemple les communiers du Thélin, les habitants de Concoret, de Haligan, etc. En revanche on ignore les droits des habitants des clairières de la forêt : Telhouët, Le Cannée, Coganne, etc.
Dans les nouvelles ordonnances de 1467, nous n’avons pas de renseignements sur les nouveaux droits des usagers concernant l’ouverture de la forêt aux bestiaux. Les considérations générales des Usements ne nous permettent pas de connaitre le partage de l’espace forestier entre les anciens et les nouveaux usagers.
Toute personne qui veut introduire son bétail en panage ou à l’herbage de la forêt, doit le faire inscrire deux fois l’an par les officiers de la forêt […] Il est dû pour chaque tête de bétail, cheval ou jument, bœuf ou vache, trois sous par an […] Les porcs doivent être inscrits deux fois l’an. Les porcs trouvés en forêt sans être préalablement inscrits, peuvent être saisis et confisqués […]
Le bétail de toute espèce, bœufs, vaches, chevaux, juments, porcs, brebis et chèvres, qui est trouvé en pâturage dans la forêt et qui n’est inscrit à aucun des termes et payements dont il est parlé au chapitre des inscriptions, est acquis et confisqué au profit de Monseigneur pour en disposer à son gré, lorsqu’il est pris par trois forestiers ou deux forestiers et un témoin digne de foi 10.
Ces extraits des anciennes ordonnances montrent que la forêt était déjà ouverte à tous types d’animaux, sans qu’on en connaisse les conditions. D’après Michel Duval, les inscriptions payantes existent avant le 14e siècle, au moins pour les porcs, et se généralisent au cours du siècle suivant.
Tout porte à croire, en effet, que primitivement les bestes autres que les porcs ne payaient aucun cens. Ce n’est qu’au XIVe et surtout au XVe siècle qu’on assiste, avec la généralisation du contrôle seigneurial, à l’extension à tous les ruminants sinon toujours de la marque, du moins de l’inscription.
Cinquante ans avant la rédaction des Usements, un document de 1419 intitulé Compte des receptes de la Forest de Brecelian et de la chastellenie de Plélan... témoigne du nombre des bestiaux inscrits en forêt 11.
— 1406 bêtes mises au pasturage pour le pasnage et paccage du bétail.
— 573 têtes de bétail pour le « pasnage et pâturage des bêtes appartenant aux Usagers de Concoret ».
— Le pacage des chèvres
— Le pacage des porcs au nombre de 1497. — L’ESTOURBEILLON, marquis Régis de, Les revenus de la forêt de Brocéliande aux XVe et XVIe siècles, Vannes, Imprimerie Galles, 1894, Voir en ligne. —
Cette liste montre qu’au début du 15e siècle, tous les animaux étaient déjà admis en forêt. Elle s’accompagne du montant de l’inscription (produit).
Augmentation des revenus liés au bétail
Au 15e siècle, de grands défrichements provoquent une augmentation du nombre de tenures et avec elles, une multiplication des troupeaux.
[...] D’ailleurs, tant que les friches demeurèrent considérables, le cheptel errant d’ailleurs restreint ne menaça pas dangereusement la forêt. Aussi bien, des dispositions prohibitives étaient-elles édictées contre la divagation des animaux. En outre le « pasnage » qui s’exerçait sur une grande échelle dans des secteurs souvent réservés, faisait l’objet d’une organisation juridique et financière. Quand, à la suite des grands défrichements, le nombre des tenures se multiplia, et, avec lui, l’effectif des troupeaux, le problème devint plus aigu.
Guy XIV entend répondre à cette augmentation du cheptel en ouvrant l’inscription à un plus grand nombre d’usagers. Il généralise l’« assens », ou montant de l’inscription 12, qui est le seul moyen de contrôle. Désormais l’inscription à la forêt devient obligatoire, non seulement pour tous les animaux, mais aussi pour y cueillir du genêt ou de l’ajonc. Il faut ajouter à la collecte de la redevance la vente des bois et fourrages.
Il [l’« assens »] était alors un véritable fermage, correspondant à la valeur réelle des produits recueillis. Il était payé par tête de bétail lors de l’enrôlement, puis à dates fixes au cours de l’année, et, à l’exception du revenu du pasnage souvent incertain, il procurait au seigneur un revenu fixe fort appréciable.
Dès lors, Guy XIV de Laval tire profit de cette augmentation du bétail.
[...] Loin d’écarter de la forêt les bêtes errantes, on va les retenir pour le plus grand profit du seigneur et des forestiers. Il défend ses intérêts contre la concurrence des tenanciers voisins, contre les fragmentations parcellaires qui s’opèrent sur les terres roturières. Rien ne doit s’opposer à la marche des troupeaux vers la forêt seigneuriale. Sur les états forestiers de l’époque, les redevances pacagères figurent au même titre et sur le même plan que le produit de l’exploitation de la forêt proprement dite, et, au milieu du XVIIe siècle seulement, la vente des coupes dépassera le produit des concessions en jouissance. Pendant longtemps, les ressources procurées par le « pasnage », le pacage et les menus produits, avaient occupé une place prépondérante. Elles servaient de base, avec le montant des amendes et des confiscations, pour estimer la valeur d’une forêt et les émoluments des forestiers.
Nécessité de gérer les abus et les litiges
— Dans les anciennes ordonnances, la charte des Usements montre l’existence d’abus par les forestiers chargés d’appliquer la législation du bétail.
Si les forestiers aperçoivent des bêtes en pâtures près des limites de la forêt, s’ils les voient se diriger vraisemblablement vers la forêt et ses limites, et si sachant qu’elles ne sont point inscrites, ils les attendent et séjournent longtemps pour voir si elles se rendront en forêt ou si ils les y attirent par fraude, la saisie est de nulle valeur. On l’appelle saisie attendue ou comme forcée et on peut déférer le serment aux forestiers, si le saisi s’en plaint 13.
— Un problème inverse est évoqué par Guy XIV dans les nouvelles ordonnances. Il a trait aux abus de personnes laissant leurs terres décloses en lisière de forêt, dans le but de retenir les animaux se rendant au pâturage de la forêt.
Il est venu à la connaissance de Monseigneur et à celle des gens de justice que plusieurs personnes laissent ouverts et sans clôture leurs héritages situés au dehors de la forêt, mais contiguës à ces forêts, prennent dans ces héritages les bestiaux qui vont au pâturage de la forêt, les y retiennent et ont la prétention d’en percevoir une amende, ce qui fait que le gens cessent d’inscrire leurs bêtes à la forêt. Il est ordonné au procureur et aux officiers de Monseigneur de faire assigner ceux ou celles qui feront, à l’avenir ces retenues de bestiaux dans leurs héritages ainsi ouverts et déclos, et de les faire cesser d’agir ainsi 14.
Une charte qui sert les intérêts du comte de Laval
Les dix-neuf nouvelles ordonnances, ajoutées par Guy XIV, portent sur des mesures administratives dont le but est de mettre fin aux abus qui se commettent journellement dans sa forêt. Elles visent notamment les officiers de la forêt dont la convoitise et les méthodes malhonnêtes portent préjudice au comte de Laval. Dorénavant, les officiers sont tenus de rendre compte de leur gestion.
Les forestiers ont jadis joui des saisies et confiscations de porcs en temps d’herbage et des brebis et chèvres en tout temps ; or, ces forestiers recevant de ce chef une partie de leur salaire, en retirant grand profit et commettant, à cette occasion, plusieurs fraudes et abus, tant au préjudice de Monseigneur que des propriétaires de ces bestiaux, il est ordonné qu’à l’avenir, le bétail de cette nature, qui sera trouvé sans inscription, soit saisi par les forestiers et soumis à la confiscation sans qu’il puisse être sauvé ou garanti par une reconnaissance de propriété qui en serait faite par les forestiers. Il est bien entendu que Monseigneur veut que les forestiers qui feront les saisies et rapports exercent leurs droits sur ce qui sera confisqué et en jouissent comme des autres confiscations 15.
Pour éviter les abus, Guy XIV maintient et encadre les privilèges issus de l’ancienne coutume de la forêt de Brécilien.
[...] Le seigneur n’a plus aucune raison d’user à l’égard des nouveaux venus des habitudes de tolérance qu’il avait longtemps pratiquées, par nécessité, dans les limites de son domaine. Fort des armes que lui confère la coutume, il entend les utiliser pour obliger les propriétaires des bêtes errantes à les inscrire moyennant finances aux rôles de la forêt. Il se sent d’autant plus capable d’imposer ses volontés qu’il dispose d’une administration bien organisée et directement intéressée à sa politique [...]
Le comte de Laval fait preuve d’une grande originalité dans la gestion de sa forêt de Brécilien. Le texte des Usements de 1467 se veut bienveillant pour accueillir le plus grand nombre d’usagers, à commencer par les riverains primitivement étrangers à la seigneurie. Aux anciens usagers viennent s’ajouter les habitants proches ou lointains de la forêt. Ainsi, la charte institue la possibilité d’exploiter les ressources de la forêt sans nécessairement y résider.
[…] Quand on se reporte à la carte de la région, on est frappé des distances parfois considérables qui séparent de la forêt les localités dont le nom des habitants figure sur les rôles de pacages seigneuriaux.
Droits et privilèges des habitants de la forêt de Brécilien
Le chapitre des Usements intitulé Des droits et privilèges de la forêt et de ses habitants est le dernier de l’ancienne partie des ordonnances. Y sont présentés les avantages et privilèges à vivre sur le territoire de la forêt de Brécilien.
Ces droits concernent les habitants de la forêt et de la paroisse de Paimpont, ainsi que la justice qui s’y exerce.
- Il est fait état des privilèges dont jouissent les habitants de la forêt en comparaison avec ceux du duché de Bretagne :
Dans cette forêt il y a beaucoup de mansionniers 16 et d’habitants, comme il a été précédemment indiqué. Ces gens, quel que soit le commerce, le travail ou le métier qu’ils exercent, ne sont assujettis ni contribuables dans cette forêt à aucun subside et à aucune prestation quelconque. Ils sont de temps immémorial en possession de franchise 17 dans toute l’étendue de la forêt, soit d’impôts, apatissage 18, fouage, aide, guet, besche, soit de redevances ou services quelconques qu’on peut imposer sur les autres sujets et gens domiciliés au pays et duché de Bretagne 19.
- Il est également fait état des avantages des habitants de la paroisse de Paimpont. Si le coût est identique à celui des autres paroisses pour l’administration des sacrements, il n’en est pas de même pour les autres redevances. Contrairement aux autres recteurs (curés), celui de Paimpont ne doit percevoir qu’une somme fixe, payée chaque année par chaque ménage. En cas de décès d’un habitant, le recteur ne peut exiger également qu’une somme fixe pour tout droit de sépulture et de neuvaine.
- Pour la justice, le ton se veut rassurant. Toutes les affaires judiciaires sont possibles ; qu’elles soient criminelles ou civiles, elles sont du ressort des juges de la cour de Brécilien. Les appels des jugements sont du ressort du conseil du comte de Laval et sont réglés sur place. Un délit criminel est justiciable par la cour de Rennes si elle est saisie avant la juridiction de la forêt ; il y a cependant possibilité d’obtenir le renvoi devant la cour de Brécilien.