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1931-2014

Guégan, Roger

Témoignage des derniers charbonniers de Paimpont

Le témoignage de Roger Guégan, charbonnier en forêt de Paimpont.

Éléments biographiques

Les parents de Roger, Jacques Guégan (né en 1895) 1 et Marie Le Galliot (née en 1894) 2 sont recensés à Paimpont en 1921 en tant que charbonniers. Reconnus à Camors (Morbihan) pour leurs compétences, ils sont recrutés, en compagnie d’autres camoriens et employés par le négociant Eugène Berson.

En 1920, le père des frères Guégan arrivait en forêt de Paimpont, attiré par une forêt plus grande et plus proche des grands centres, ce qui permettait d’y faire du charbon toute l’année. Tandis qu’à Camors, certains charbonniers devaient aller aux saisons : la moisson en Beauce, l’arrachage des pommes de terre dans le Nord de la France.

Ils ont quatre enfants :

  • Philippe, né le 30 juin 1921 à Paimpont - décédé le 25 décembre 2000 à Plélan-le-Grand
  • Henri, né le 16 décembre 1928 à Paimpont - décédé le 5 juin 2005 à Plélan-le-Grand
  • René, né le 30 mai 1930 à Paimpont - décédé le 25 décembre 1999 à Paimpont
  • Roger, né le 24 juillet 1931 à Paimpont - décédé le 17 avril 2014 à Paimpont
René Guégan dans le film de Jean-Pierre Le Bihan
Jean-Pierre Le Bihan

Jacques apparait comme charbonnier à Paimpont sur les recensements de 1926 et 1931. Absent de celui de 1936, il est à nouveau recensé dans cette commune avec Roger, Philippe et Henri Guégan en 1946. — Larcher, Guy (1986) op. cit. —

Philippe cesse de faire du charbon de bois en 1946. Roger continue l’activité après la mort de son père en 1948, en compagnie de Henri, qui arrête à son tour en 1951. Il est recensé une dernière fois en tant que charbonnier (à Trédéal en Paimpont) en 1954. Il continue jusqu’en 1958 puis devient chauffeur routier.

Les frères Guégan sont à l’origine de l’organisation des fêtes de charbonniers de Telhouët de 1979 à 1987.

Roger Guégan dans le film de Jean-Pierre Le Bihan
Jean-Pierre Le Bihan

Le témoignage de Roger est enregistré le 26 mars 2003 à son domicile situé au « Bout du Haut » au Cannée en Paimpont. Ce collectage, réalisé par Maryline Millet et Laurent Goolaerts est paru en 2007 dans un ouvrage consacré aux derniers charbonniers de Paimpont.—  GLAIS, Pascal, GOOLAERTS, Laurent et CHENU, Frédéric, Charbonniers de Brocéliande : L’art de la fouée, Amis de la Bibliothèque de Paimpont, 2007, 86 p., Voir en ligne. —

Le témoignage de Roger Guégan

— Où êtes-vous né ? D’où votre famille est-elle originaire ?

Mon père était charbonnier, je sais même pas si mes grands parents l’étaient pas aussi. Ma grand-mère était à Camors 3. Elle parlait pas le français beaucoup. Elle parlait que breton.

— Quand avez-vous commencé à travailler ?

On a commencé là-dedans, tous, tous mes frères.
J’ai commencé à la sortie de l’école à 14-15 ans vers 1946. Quand on est venu là, que mon père est mort, c’est vers 1948. Et puis on est restés tout seuls en forêt après, avec ma mère. Ma mère, elle habitait Coganne, à côté de Trudeau. Elle venait à pied ici.

— Comment étiez-vous payés ? Qui était votre patron ?

Avec mon père c’était Berson, après j’étais avec Deron de Beignon, et après j’étais chez Renouard.

Au début on était payés à la corde de bois, à la fin on était payés à la tonne de charbon. Comme ça si y en avait de brûlé on était pas payé, tandis qu’à la corde on perdait rien du tout. C’était pas pareil.

Mais on était pas si bêtes que ça nous non plus [rires]. Les sacs auraient peut être pas pesé le même poids à la corde qu’autrement. On mettait davantage de sable. On savait à peu près combien une corde de bois donnait. On s’arrangeait. Et pis quand y venaient le peser comme ça, quand y avait cent sacs dans un tas, ben quelquefois on les pesait et pis on les mettait en pile les uns sur les autres. Quelquefois on passait trois fois le même sac [rires]. Y étaient tellement mélangés qu’on avait le coup à deux. On le repassait derrière, pas aussitôt, on en passait plusieurs avant pour ramener celui-là un peu. Comme y étaient tous debout, pour pas qu’ils voient, on laissait tomber celui-là et on en foutait un petit à côté pour le cacher. Faut dire, on était exploités…

On voulait pas être perdants non plus. On savait à peu près combien qu’y a dans une corde de bois : deux cent-cinquante kilos de charbon à peu près. Mais des fois fallait pas trop dépasser, parce qu’avec nos ruses on aurait dépassé le poids de la corde aussi.

On gagnait huit cents francs de la corde [en réalité il s’agit sans doute de la meule] à l’époque, en cinquante-trois. On gagnait plus que les bûcherons. Mais fallait bosser. Celui qui travaillait, il était pas malheureux, à condition de travailler.

— Où avez-vous travaillé ?

On se déplaçait beaucoup sur Paimpont. Pas loin de Métairie-Neuve, dans le bas de la côte de Beauvais, au Brûlis de Telhouët, au Hiry, aux Glyorels.

— En quoi consistait le travail ? Quelles étaient les différentes étapes ?

Faire la fouée c’est pas tellement dur. Quand tu as vu deux, trois fois tu sais comment faire. C’est plutôt pour la diriger la fouée. Faut savoir comment que le feu va dedans quand la fouée est allumée. On met le feu dans le fond. Ça commence par la tête à cuire. Par le haut. Faut savoir avec des trous amener le feu.
Quand c’est blanc c’est que ça cuit pas comme y faut, quand c’est bleu, c’est comme le gaz, c’est que ça brûle bien.

Pour faire une fouée faut en mettre des sacs de charbon de bois, je sais pas combien. Sept sacs à peu près pour faire partir. On les gardait d’une fouée sur l’autre. Le milieu de la fouée était tout menu, de la braisette qu’on appelle.

On faisait des trous tout autour, à un mètre et on remplissait tout le temps par en haut, jusqu’à temps qu’elle prenait plus de charbon. Si le feu prenait dans le bas et montait, la cheminée se cassait tout le temps, alors on remplissait jusqu’à temps qu’elle en voulait plus. Et puis quand elle était ben pleine, on faisait des trous autour. Ça durait une journée ou deux comme ça. Après on regardait la fumée si c’était blanc ou bleu. Quand c’était blanc on redoublait les trous de l’autre côté parce que ça tirait plus. Le vent poussait le feu, il l’attirait de son côté. C’était un coup à prendre.

On avait des abris, des hayons on appelait ça : trois mètres de haut sur deux mètres cinquante de large. C’était fait avec des genêts. La nuit quand y faisait du vent tout était emporté.

On faisait à peu près douze-quinze cordes par semaine. Une fois j’ai fait une vingt-trois cordes. Cinquante cordes par mois. Quand y en a une qu’était en train de cuire, hop on en faisait une autre. On mettait le charbon dans des sacs, des grands sacs en toile. On appelait ça des sacs à café.

Quand on avait une fouée en place, on en faisait une autre. Quand la fouée marchait bien, on la mettait le lundi, pour le samedi elle était étouffée. Une fois qu’elle était étouffée, on avait plus de risques beaucoup, elle pouvait rester cinq jours comme ça.

Le temps commandait aussi, l’été ça cuisait beaucoup plus vite que l’hiver. Quand la terre était mouillée, c’est moins étanche, faut faire moins de trous. Ça dépend le bois qu’on a : quand c’est du bois assez vert y a de l’eau dedans et quand il est sec y en a pas.

On avait du mal des fois pour éteindre la fouée avec des barriques d’eau. On les faisait souvent monter avec les chevaux, des barriques en fer. Ou bien de petits tonneaux de cinquante litres dans la brouette. La fouée, ça dépend comment elle était éteinte, parce que ça s’allume facilement longtemps après.
Quand y a des sacs côte à côte, quand ça prend dans un…

Pour la refroidir c’était dur : on montait dessus. C’était rouge comme de la braise. On enlevait toute la terre qu’était dessus pour la remettre après, fallait que la terre soit propre, fallait pas qu’y ait une pierre. Fallait toute la ranger et pis bien la nettoyer et la remettre dessus jusqu’à temps que l’air ne passe plus.

Y a des fois quand on monte sur une fouée, on s’enfonçait dedans. Mais on avait le coup, on était habitués. On avait toujours une pelle qu’avait un grand pied qui faisait bien deux mètres. On la tenait toujours en travers quand on montait dessus. Mais ça brûle pas, ça chauffe la fumée, la nuit y sortait des trous, des flammes.

Quand on faisait du charbon on avait des mauvais morceaux aussi : tout était pas cuit. On appelait ça des « fumards ». On en donnait, on s’en servait aussi. on en mettait des « fumards » quand y avait un endroit qui brûlait plus vite que l’autre. On remplissait de ça pour que tout partait ensemble.

Y en a qui faisaient du meilleur charbon les uns que les autres. Renouard y faisait du beau charbon, y laissait cuire plus longtemps. Mais nous ça nous intéressait pas, c’est le nombre de tonnes qui nous intéressait. Quand tu fais ta fouée plus longtemps, y a du fumard aussi.

— Quels étaient les rapports avec le patron ?

Un coup j’étais parti à Saint-Malon avec Kaël Lefeuvre et puis j’avais tiré du charbon le matin : une fouée de douze. Kaël était venu me chercher pour aller à Saint-Malon. On avait bien cinquante ou soixante sacs de pleins. On avait une quatre chevaux à l’époque. Quand on est arrivé, le charbon était brûlé. Le patron avait payé le bois, normal. Et pis moi je l’avais brûlé. Il a pas voulu que je le rembourse.

Ça dépend le patron. Berson y nous aurait fait payer lui. Pas Renouard. Y savait ce que c’est de faire du charbon. Parce que Berson l’avait pas fait lui. Y savait les risques qui avait, c’était son métier.

— Comment cela s’est-il passé pendant la guerre ? Et les fours à braisettes ?

Dans l’époque on faisait du charbon, c’était pendant la guerre ou après la guerre un peu : parce que pendant la guerre y avait les gazogènes. Les moteurs marchaient au charbon, les moissonneuses-batteuses. Y faisaient des petits sacs de deux kilos. Y vendaient ça chez les tailleurs. Y avait des fers à repasser au charbon à l’époque.
C’était de la braisette qu’y faisaient dans leurs fours, c’était pas pareil. Ça servait pour les gazos et après c’est venu pour les barbecues.

Çà servait aussi à Couëron [Loire-Atlantique]. Y avait une usine de cuivre 4. Y faisaient venir ça par camions complets.

Mon frère a fait du four à braisettes avec du fagot. C’était pas du gros bois, que des branches. Y faut avoir le four aussi, un couvercle qu’y rabattait dessus avec un gros bout de bois pour l’empêcher de bouger. Y faisait ça dans la journée, c’était pour les gazos. Y en a beaucoup qu’ont fait ça. Il allait dans les fermes, à la journée pour faire marcher les machines agricoles au gazo.

La marmite, y mettait deux ou trois cordes de bois là-dedans. C’était une meule comme nous, en ferraille à la place de la terre. Le charbon était pas le même, il était plus cuit. Y était obligé de ramener tout le bois au même endroit. C’était de la ferraille par panneaux, des cercles.

— Quand avez-vous arrêté ?

Ma fille Raymonde est née à Roche-Plate chez les parents de ma femme. Elle était fille de garde forestier des Forges. Après elle est venue avec nous en forêt jusqu’à 4 ans. Et pis après on avait une baraque en forêt nous aussi, et pis on avait loué une petite maison et c’est quand le fils est né qu’on a laissé la forêt. On a laissé parce qu’y avait pus rien non plus. C’était dur.

Quant on va sur Saint-Malon, à côté du château d’eau, la première barrière – c’est là que j’ai arrêté.

J’ai été faire mon service militaire en cinquante trois. J’en ai fait encore un peu après et j’ai arrêté.

On a arrêté parce qu’y avait plus de patron. Fallait trouver où l’envoyer le charbon. Mon père c’était bien, mais faire soi-même, acheter son bois, faire comme y faisait le gars à la fin, Renouard. À la fin y n’avait plus d’ouvrier, ou des ouvriers qu’y prenait comme ça. Y travaillait pour lui et puis y vendait. Il achetait une coupe complète, trois cents, quatre cents cordes et ça y était. Il avait un petit camion pour le charbon.

— Qu’avez-vous fait après ?

J’ai été routier après. Après mes frangins, y en a deux qui sont partis à la SNCF et l’autre il était charpentier-couvreur. Quand j’ai pris les camions, ça a changé.

— Avez-vous monté d’autres fouées après ?

La dernière on l’a faite à Beauvais. C’était pour faire du fer. Y voulait du charbon pour les petits fours à minerai de fer en glaise. Je sais pas si y ont réussi à en faire.

Oh ça se vendait bien le charbon. Si on avait trouvé on aurait fait des sous avec nos fouées.

Deux fêtes que ça faisait. Le premier dimanche on construisait la fouée. Ça durait huit jours. On sortait le charbon et on faisait une autre fête.
On sortait à peu près deux ou trois tonnes de charbon. Ça faisait cinquante francs le sac de vingt-cinq kilos. Ça nous rapportait.

J’étais content de refaire des fouées comme à Telhouët, ressentir le charbon. On était sur le journal tous les jours avec Larcher.

La dernière que j’ai faite c’était avec Larcher. Y sait ce que c’est le charbon, il a vu ce soir là. On avait une petite fouée de six-sept cordes à Beauvais. Et puis dans la nuit, il appelle, y dit que la fouée était tout enfumée. Nous v’la partis là-bas. C’est que la fouée était fumée et qui y avait du gaz dedans. La fouée tournait sur elle même. Le bois se couchait. On coupait des plisses avec les phares d’autos pour boucher les trous mais ça repoussait. J’ai dit à René, on la laisse bruler, c’est pas possible. Et tout d’un coup j’ai pensé : j’vais déboucher la cheminée. Je monte dessus et ça a tout dégagé. Ça arrivait souvent à l’été. Larcher a dit que c’était pas de la rigolade. Mais elle était mal faite la fouée, c’est des étudiants qui l’avaient montée.

— Où habitiez-vous ?

On avait une baraque en forêt plus une maison. Mais à l’époque c’était pas des baraques, c’était les murs en terre.

On en avait monté une à Telhouët pour faire voir comment c’était. On appelait ça une loge. C’était une cahute en genêt et terre avec des plisses qu’on coupait.

Nous, le père, on avait une baraque en bois, qu’était par panneaux, qui se déplaçait avec des boulons. On prenait un charpentier nous souvent. Pour que c’était monté dans la journée : Beaudoin. La couverture, c’est des tôles et c’était fini. Y avait toute sortes de cabanes, mais nous elle avait une fenêtre, des panneaux larges comme ça avec des boulons, peut-être une dizaine.

On vivait pas dedans nous beaucoup. Nous on a vécu dedans quand on était mariés, mais autrement c’était mon père et mes frères, c’est tout. Ma mère était dans une maison tout le temps.

Nous on était trois ans sans bouger de place. Mettons qu’ils abattent une coupe, tout un grand carré, et on suivait comme ça.

On habitait dans la loge à côté de Roche-Plate.

On tâchait de se mettre où y avait de l’eau, un peu au centre, où c’était facile à aborder.

Renouard, y vivait complètement en forêt lui. Y faisait des loges en terre, des pièces, plein de pièces comme ça. Y restait beaucoup dans le même endroit. Y restait plusieurs années dans le même endroit. Après il a pris une petite ferme pour lui et sa femme. Y étaient six ou sept gosses. Pour se rapprocher, aller à l’école, il avait loué à Plélan, l’ancien Moulin de la Rosière au Gué.

— Quels était les rapports entre charbonniers ? Avec les sabotiers ? Bûcherons ? Gardes forestiers ?

Y avait du monde en forêt à l’époque.

Les bûcherons étaient devant, on suivait derrière. On parlait pas avec eux. Y étaient payés à la corde et nous on cuisait à la corde derrière, c’est tout.
Y s’en foutaient. On cuisait du charbon derrière. Y étaient payés pour faire les cordes et nous pour le charbon, c’est tout.
Y avait beaucoup de camoriens. Et les baraques étaient beaucoup réunies dans le même coin. Les bûcherons de Camors y vivaient en forêt, dans leurs cabanes, y n’avaient pas de maisons. Y avait les Pichons. Y avait une partie qui faisaient du charbon, les autres étaient bûcherons. Tout le monde connaissait pas comment faire le charbon mais tout le monde savait abattre le bois.
Y avait le père du facteur, Perrin. Jean Lèvesque, Albert Tiéneau à Beauvais.
Gaston Perrin il était bûcheron et y sortait notre charbon avec ses bœufs. Il habite Plélan.

Tous les bûcherons qu’y venaient de Camors y étaient sous la botte à Berson. Y étaient payés par Berson. Lui, il achetait le bois, la coupe complète. Y donnait tant pour cette coupe là.

Y étaient obligés de faire presque deux cordes par jour avec la hache et la scie. Y arrivaient le matin, y faisait pas jour. Y faisaient du feu. Comme abri, y faisaient un carré de bois avec des genêts piqués dedans.

Y en a qui faisaient des jardins. Les bûcherons qu’étaient à la Croix-Jalu là bas, y faisaient du jardinage, sur les places des fouées.

Les bûcherons, c’est pas comme nous, y pouvaient avoir leur baraque ici, y pouvaient aller bûcher à Beauvais. Y avaient pas besoin de se lever la nuit eux. Les vrais bûcherons que je parle c’est ceux qu’étaient camoriens, qui vivaient en forêt. Parce que ceux de par ici, ils vivaient chez eux, ils avaient des vaches.
Je sais pas ce qu’ils faisaient l’été, parce qu’ils faisaient de l’écorce aussi, y avait du chêne à écorce.

On faisait parfois un peu le bûcheron. L’hiver quand y avait pas trop de bois d’abattu. On était obligé de le faire, mais pas beaucoup.

J’ai connu des sabotiers à Camors. J’ai été les voir de temps en temps, mais j’étais jeune. Y avait un sabotier à Paimpont, au fond de Beauvais. La Goutte qui l’appelait. Y faisait ça chez lui.

Les vanniers y venaient prendre les produits en forêt, mais y faisaient ça chez eux. Bossard, il avait des chiens, il emmenait ça avec des chiens à la foire de Ploërmel. Y avait trois chiens. Le soir il avait arrosé les balais et c’est les chiens qui ramenaient tout. Et pis quelquefois y ramenaient le bonhomme. Il avait du taper un petit peu dans ce qu’il avait gagné sans doute. Et pis des fois, les chiens foutaient la charrette en l’air. Et le bonhomme aussi. Les chiens restaient couchés là et pis personne pouvait aborder tant qui n’était pas « douché ». Trois chiens. Il avait un grand bâton comme ça et ça filait, avec des roues de vélo.

Les gardes, y venaient cuber le bois pour les bûcherons, pas pour nous. C’est mon patron qu’achetait le bois. Lui il savait ce qu’il avait acheté. Il venait avec le garde cuber le bois. On avait pas de contact avec le garde. Si, si on leur baisait un lièvre… (rires). Ou à part quand y avait le feu dans les fouées quelquefois. Ça arrivait. C’est tout. Mais sur le bois y avaient plus rien à voir, c’était vendu.

— Où trouviez-vous l’eau ?

Pour trouver de l’eau, c’était les ruisseaux, comme l’Aff, on trouvait des fontaines, c’est pas facile à trouver des sources. On prenait que de l’eau courante nous.

— Aviez-vous des animaux domestiques ?

Nous aussi on avait des chevaux pour sortir le charbon. On faisait pas beaucoup ça, c’est quand celui qui faisait ça était malade. Les chevaux couchaient avec nous. Quand j’étais tout seul, il était là comme copain.

— Que mangiez-vous ?

Des fois on allait loin, à Beauvais. Y avait des dépôts de pain, et de la viande, y avait un café, une épicerie, ça ravitaillait tout le secteur.

— Chassiez-vous ?
On avait pas le droit de chasser, on avait le droit de braconner, c’était tout ! C’était pas terrible avec les gardes.

— Ramassiez-vous des champignons, des plantes ?
On ramassait des champignons aussi, des cèpes, des « lucelles » [myrtilles], du muguet, du tilleul ou des plantes comme ça c’est tout. Y a peut être des plantes pour ça mais faut les connaître.

— Et la boisson ?

On buvait du cidre, dans les fermes, une barrique. Une « cahute » en terre, de la fougère dessus.

— Quand quelqu’un était malade, comment le soignait-on ?

On se faisait des entorses avec les brouettes. Le dos, j’ai été opéré du dos déjà. Quand on roulait les cordes de bois. Mon frangin qu’était costaud, une corde de bois en six brouettes.

— Aviez-vous des loisirs ?

On pouvait arrêter quinze jours si on voulait. Le dimanche pas beaucoup, fallait surveiller la fouée. On partait en vacances aussi. Une fois on est partis pendant quinze jours.

Des fois y nous interdisaient d’en faire en été à cause des feux de forêt.


Bibliographie

GLAIS, Pascal, GOOLAERTS, Laurent et CHENU, Frédéric, Charbonniers de Brocéliande : L’art de la fouée, Amis de la Bibliothèque de Paimpont, 2007, 86 p., Voir en ligne.

LARCHER, Guy, « Les charbonniers à Paimpont : contribution à l’histoire d’une commune », Le Châtenay - Journal de l’Association des Amis du Moulin du Châtenay, 1986, p. 64.

C.M., « Aujourd’hui fête des charbonniers à Paimpont : quand ils allaient au charbon en forêt de Brocéliande », Ouest-France, 1979.


↑ 1 • Jacques Guégan est né le 17 septembre 1895 à Quimperlé

↑ 2 • Marie Le Galliot est née le 6 juillet 1894 à Camors

↑ 3 • Camors (Morbihan) se trouve à 65 km de Paimpont. La forêt domaniale de Camors est située à l’ouest de la localité.

↑ 4 • Cette usine a été construite en 1861 au bord de la Loire à Couëron, pour traiter le minerai de plomb et laminer le laiton et le cuivre. Elle appartenait à la Société des fonderies et laminoirs de Couëron qui a cessé son activité en décembre 1988 dans le cadre de l’entreprise Tréfimétaux, après avoir connu plusieurs raisons sociales.