La Vita de saint Léri - II
Manuscrit Bibliothèque nationale, fr. 22321
Le texte latin du Manuscrit Bibl. nat., fr. 22321 sur saint Léri transcrit et traduit intégralement par Catherine Le Henaff-Rozé.
La Vita Leri
Une copie manuscrite du 18e siècle
La plus ancienne version connue de la Vita Leri provient du Manuscrit Bibl. nat., fr. 22321 datée du 18e siècle. Elle fait partie d’un ensemble de textes collationnés par les bénédictins bretons de la congrégation de Saint-Maur dans les archives des paroisses et des abbayes bretonnes afin de constituer la matière d’une histoire de Bretagne.— ANONYME, « Recueil d’extraits de divers chartriers de Bretagne : Manuscrit Bibl. nat., fr. 22321 », Rennes, 1601, Voir en ligne. p. 609-612 —
Cette collation à partir du texte original en latin est composée de deux textes placés à la suite l’un de l’autre.
- le premier texte intitulé De Sancto Lauro. Saint Léri est lui même découpé en deux parties. Il développe un miracle posthume de saint Léri, consécutif à l’assassinat du prêtre Vinegrial au 9e siècle (BHL 4797). Ce texte est explicitement décrit par Dom Lobineau comme extrait d’un
bréviaire manuscrit de l’Abbaïe de Montfort qui paroît avoir appartenu à l’Église de S. Leri et qui nous a été communiqué par le P. Alain Le Large, Chanoine Régulier, autrefois Prieur de Montfort en Bretagne.
- le deuxième texte à suivre est constitué d’une série de leçons provenant d’un ouvrage liturgique à usage monastique, extrait d’un manuscrit intitulé
Office de saint Léri confesseur. Leçons
- Officium sancti Lauri confessoris. Lectiones - transmis aux mauristes parle comte de Plélo-Bréhant, seigneur de saint Léry, Mauron, &c
.
On a longtemps pensé que ces deux textes s’inspiraient de la Vita d’origine dont la source aurait été perdue, mais Catherine Le Henaff-Rozé a montré qu’il fallait distinguer la vie du saint proprement dite du récit miraculaire. André-Yves Bourgès, spécialiste de l’hagiographie médiévale bretonne, l’a rejointe sur cette question.— BOURGÈS, André-Yves, « Hagiographie et langue bretonnes : quelques notes sur les apports des Mauristes au Glossarium de Du Cange, note 51. », 2018. —
Le texte latin du Manuscrit Bibl. nat., fr. 22321 a été transcrit et traduit intégralement par Catherine Le Henaff-Rozé.— LE HÉNAFF- ROZÉ, Catherine, La Vie latine de saint Léri. Texte latin, traduction, commentaire, mémoire de maîtrise d’histoire sous la direction de Gw. Le Duc, Université de Haute Bretagne, 1997. [pages 67-95] —
De Sancto Lauro. Saint Leri
I.
§1. (609)
Rappelant les vénérable actions de Saint Léri, prions le Seigneur d’ouvrir notre bouche de façon que, pour la louange de dieu et l’honneur du saint lui-même, nous soyons capables de raconter ou d’écrire, quelque chose qui soit digne d’eux, ce même Seigneur disant par l’intermédiaire du prophète : « Ouvre ta bouche et je l’emplirai. »
§2.
Ce saint dont nous parlons, tout honorable, aimable, désirable qu’il fût aux yeux du très noble Judicaël, de toute l’aristocratie et de tous les paysans et habitants de Poutrecoët, continua pourtant de vivre dans l’humilité, et, de plus en plus enflammé pour les pratiques de la vie céleste, accomplit comme il le désirait l’œuvre de son seigneur et, tant par ses paroles que par ses actions, rendit grandement service à un grand nombre de gens. Et ce qu’il proclama de sa bouche, il l’accomplit en action.
§3.
Le Seigneur lui accorda une telle grâce de faire des miracles que la puissance des prodiges renforçait le Verbe de Dieu qui sortait de sa bouche. De son vivant comme après sa mort, il guérissait les invalides, les boiteux, les aveugles et les épileptiques qui venaient à lui, et à presque tous ceux qui lui demandaient du secours avec foi et humilité il donnait le nécessaire.
§4.
En bref, par la volonté du Seigneur, quand ce saint eut accompli une bonne existence, la faiblesse du corps s’empara de lui, et il mourut en paix [ajouté dans la marge : la veille des Calendes d’octobre] dans le Seigneur au terme d’une bonne vieillesse. Et beaucoup, apprenant et entendant annoncer sa mort, accoururent en hâte, tout en larmes, et suivant l’usage des enterrements, l’ensevelirent avec honneur ; il fut placé et enseveli dans le cercueil qu’il s’était préparé de son vivant et qu’il avait apporté du Broerec dans un chariot attelé, à ce que disent les anciens, à deux jeunes bœufs indomptés, jusqu’au lieu susdit.
§5.
Ce lieu et ses très saintes reliques, pour la louange, la gloire et l’honneur de Dieu et de son saint, sont encore aujourd’hui illustrés et sanctifiés ; chaque jour, par la grâce de Dieu, ses mérites sont attestés par un grand nombre de miracles. Là en effet, comme nous l’avons rapporté plus haut, la cécité recouvre la vue, la paralysie la marche, les oreilles obstruées et sourdes recouvrent l’ouïe. Là beaucoup d’infirmes guérissent. Là son nom est béni dans la paix et la joie. Et si nous avons entendu en vérité beaucoup d’autres détails sur lui nous pensons que ce qui a été écrit ici suffit à la foi des catholiques.
§6.
Mais nous le supplions de prier pour les péchés que nous avons commis afin que par la suite, avec l’aide de la grâce divine, nous obtenions d’être arrachés aux maux qui nous menacent, jusqu’à ce que, réconciliés dans l’indivisible Trinité, nous glorifiions dans l’allégresse notre Seigneur Jésus Christ, qui vit et règne dans les siècles des siècles. Amen.
(Répons avec notes) Bienheureux et toujours vénérable confesseur Léri, intercède pour nous tous auprès de notre Seigneur Jésus Christ pour que grâce à sa miséricorde nous obtenions d’accéder au royaume des cieux.
(Verset) Saint Léri assiste-nous pour que nous obtenions grâce à tes prières d’accéder en grande pompe au royaume des cieux.
II.
§1.
Assurément tout ce que le Christ a fait par l’intermédiaire de son saint, nous devons ne pas le passer sous silence. Et même si dans notre précédent récit nous venons de dire que nous en avions écrit assez, il est cependant un miracle de ce saint dû à ses mérites, que grâce au Seigneur nous avons vu de nos yeux et vérifié nous-mêmes : nous pensons qu’il ne doit pas être tu, de peur qu’en l’enfermant dans la prison de l’oubli, nous n’offensions l’instigateur des miracles ; mais pour la louange et la gloire de Dieu tout puissant, nous le confions à ce stylet, même si c’est de façon incomplète.
§2.
Il y avait un prêtre nommé Vinegrial, notre parent et notre cousin, attaché au service du petit monastère susdit dédié à saint Léri, homme remarquable connu pour son éloquence, versé dans la connaissance des Ecritures, honoré par les hommes ; très nombreux étaient ceux qui lui confiaient leur argent. A l’époque de ces faits, en comptant leur dépôts et son bien propre, il déposa comme il nous l’indiqua lui-même, pour environ soixante sous en pièces d’argent sous les poutres de la chapelle du saint, au-dessus de l’autel, et il ferma à clef la pièce elle-même, dont la porte était solide. Puis, tranquilisé là-dessus, il s’en fut.
§3.
Venons-en au fait : brûlés par l’aiguillon de l’envie, deux de ses disciples et parents, qu’il avait nourris avec lui dans sa maison en leur assurant le manger et le boire, volèrent ces pièces une nuit dans la chambre fermée à clef et en un seul et même crime ils en commirent beaucoup : à savoir un crime contre le Seigneur qu’ils offensèrent par leur mensonge ; un crime contre le saint dans l’église duquel ils s’emparèrent de cette somme ; un crime contre leur maître qui les avait nourris par amour, et dont ils dérobèrent le trésor ; un crime contre ceux qui, confiants, avaient apporté leurs richesses, pour qu’il les cache dans la maison du saint ; un crime contre leurs propres âmes qu’ils souillèrent en se rendant coupables de vol, de mensonge, de trahison, de perfidie et de sacrilège ; de nombreux crimes contre des hommes simples qui en calomniaient d’autres en disant : « Ce n’est pas untel mais untel qui a volé cette fortune » ; et des crimes contre les innocents qui étaient calomniés à propos du vol.
Répons et verset.
§4.
Aux méfaits énumérés ci-dessus ils en ajoutèrent encore un autre : dressant une embuscade, ces deux malfaiteurs, homicides, parricides même, et sacrilèges, le perpétrèrent contre ce prêtre qui s’en venait en toute confiance depuis la porte de l’église pour rentrer chez lui ; l’enlevant de son cheval, à la tombée de la nuit, il l’égorgèrent avec une cerpe aiguisée.
§5.
Le frère du prêtre, pleurant et gémissant, nous l’annonça avant minuit, ayant avec lui seulement son compagnon, alors que nous dormions dans la trève de l’église du plou susdit. Nous nous levâmes aussitôt et, affligés, nous nous mîmes en route, avec les clercs et nos disciples qui étaient presque trente-trois.
§6.
Lorsque nous parvînmes au monastère de saint Léri, considérant ce lieu comme méprisable à cause des homicides et même des parricides, nous ne l’adorâmes pas dans le lieu qui lui est consacré, mais nous le regardâmes avec mépris, disant au gardien : « Eteins la lumière qui brille dans la chapelle du petit vieux sourd, et dépose à terre les nappes, les corporaux et les autres linges de l’autel, les livres, les croix et les candélabres, et tous ses ornements, afin que, de même que cette nuit nous sommes en deuil à cause de notre ami, de même son église reste jusqu’au matin nue et privée des honneurs des hommes. » Et il fut fait comme nous venons de le dire.
§7.
Au lever du jour, courant ça et là dans l’état d’esprit où nous étions, nous entrâmes tout en pleurs dans la demeure sacrée dont les ornements avaient été posés à terre, et nous ne les relevâmes pas, tant que l’office des morts n’eut pas été achevé. Mais tous, inondant le sol de larmes, nous nous prosternons devant le tombeau du saint, nous réclamons les criminels à saint Léri en tant que gardien, et nous mêlons nos prières aux reproches, disant :
§8.
« Pourquoi, saint Léri, as-tu permis qu’un tel prêtre soit tué par des méchants ? Pourquoi n’as-tu pas brisé le cœur des sacrilèges en les frappant d’épouvante, pour qu’ils ne tuent pas ton prêtre ? Pourquoi n’as-tu pas fait en sorte de les dénoncer à l’aide de signes manifestes quand ils l’ont tué ? Pourquoi enfin ne nous montres-tu pas où chercher ces homicides que nous ne connaissons pas ? Nous te tiendrons assurément comme responsable à leur place en tant que gardien si tu ne nous les trouve pas. Remets-les nous vite, nous n’en voulons pas d’autres pour l’instant, et nous ne les chercherons pas ailleurs. Qu’ils nous soient remis ici, pour que nous exercions notre colère contre eux. Toi, saint Léri, tu sais et tu vois en ce moment où et qui ils sont, toi à qui tout est ouvert dans la lumière du Christ. »
§9.
En bref, nous ne mesurâmes ni nos prières, tandis que nos yeux pleuraient, ni nos reproches. Puis nous relevant, nous mîmes Vinegrial en terre, non sans gémir, en l’ensevelissant comme l’enseigne le rite romain.
§10.
Puis, cela étant fait, nous nous prosternons nous-mêmes face contre terre, les bras étendus sur le sol en forme de croix, à l’intérieur de l’église du saint, après midi, là oùle prêtre avait été enseveli, et nous priâmes et nous demandâmes en pleurant du fond de notre coeur, avec la foule des gens qui l’aimaient, que, si possible, le Seigneur Jésus Christ manifeste et exerce son pouvoir par l’intermédiaire de saint Léri à propos des auteurs du crime récent, qui étaient encore inconnus de nous. Et nous relevant, nous chantâmes le verset d’une voix pleurante mais haute, dressant la tête vers le ciel, tournant le visage pour prier et étendant les bras en croix autour de nous, debout et disant d’un seul cœur : « Regarde seigneur du haut de ton saint siège et pense à nous. Approche ton oreille, Dieu, notre Père, et écoute. Ouvre tes yeux et vois notre trouble. » Ensuite nous prononçons quelques prières d’un ton suppliant, tous ceux qui se trouvaient là avec nous disant après chaque prière : « Amen, ainsi soit-il. »
§11.
Puis, comme, désespérant presque, chacun d’entre nous commençait à regagner sa demeure, le Seigneur, grâce aux mérites de saint Léri, intervint, et certains d’entre nous, particulièrement observateurs, virent des traces de sang non lavé, et quelques gouttes de sang non lavées, sur les vêtements des sacrilèges dont nous parlions qui avaient tué notre ami. Aussitôt, nous examinâmes ce sang avec stupéfaction. Et alors, comme c’est l’habitude chez les accusés qui mentent, les assassins se mirent à trembler et devenus tout tremblants ils changèrent de couleur défaillant presque, de telle sorte que leur crime se dénonçait de lui-même, en notre présence à tous, ils révélèrent de bout en bout avec des paroles frénétiques, non sans motif, comment et de quelle manière ils avaient perpétré leur crime.
§12.
Quant à nous, rendant grâces à Dieu et à saint Léri pour cette révélation et nous réjouissant de cette confession, nous accueillons la joie après la tristesse, la consolation après la douleur, et à la place de notre ami nous tenons les assassins, à la place d’un prêtre des voleurs. Nous détachons nos mains de la croix des larmes, et nous les étendons sur la croix de la joie, et après l’afflication nous chantâmes d’une voix éclatante l’hymne au Seigneur : « Nous Te louons Seigneur, nous Te célébrons, » et ainsi de suite jusqu’à la fin. Et toute la foule, hommes et femmes, qui auparavant pleurait avec nous, disait pendant ce temps à la vue de ce miracle : « Nous Te louons Seigneur, nous T’adorons, nous Te glorifions, Seigneur ; nous Te rendons grâces parce qu’il n’y a pas d’autre dieu que Toi, qui fais des miracles la-haut dans le ciel et sur terre ici-bas, qui a manifesté ce pouvoir par l’intermédiaire de saint Léri ; nous l’avons injurié et tenu en grand mépris, maintenant grâce à Toi nous le vénérons. »
§13.
Cela fait, suite à un juste jugement de Dieu, ces malfaiteurs, ces voleurs, ces envieux, ces perfides, ces menteurs, ces homicides, ces sacrilèges, ces parricides, détenus sous la main de la justice, après avoir d’abord eu les mains coupées comme ils le méritaient, furent pendus à deux gibets avec un écriteau placé au-dessous d’eux, comme c’est le châtiment habituel des voleurs.
§14.
Ce miracle extraordinaire devint célèbre dans tout le pays des Bretons. Je l’ai raconté pour la gloire de Dieu tout-puissant et l’honneur de son saint. Mais j’ai omis beaucoup de détails bien connus par souci de brièveté. Portez-vous bien dans le Christ, vous qui honorez saint Léri. Amen.
Extrait d’un livre manuscrit de Montfort qui semble avoir appartenu à la paroisse de Saint-Léri.
Don que nous a fait le R. P. Le Large.
Officium sancti Lauri confessoris. Lectiones. Office de saint Léri confesseur. Leçons.
Transcription d’un manuscrit du seigneur de Plélo, maître temporel de la paroisse de Léri.
1.
Au nom du Christ, frères qui luttez pour le Seigneur dans la sainte mère l’Eglise. A tous les frères vivant pour dieu dans le monastère de saint Léri et à tous les chrétiens des saintes églises de Dieu, il donne son salut, souhaite une bonne paix ; il prie pour qu’ils mènent une vie saine et s’efforce d’obtenir pour eux les récompenses de la béatitude éternelle. Mais j’implore la majesté suprême du Tout-puissant pour accomplir et mener à bien l’œuvre que j’ai entreprise de telle manière que je n’offense pas la vérité des lumières du Père, que je ne paraisse en aucun point mentir sur la charité des bons fils de ce saint, et que je n’ose pas insinuer ce qui est douteux ; je préfère en effet me taire que dire des choses fausses. Gloire à Dieu tout-puissant et à son fils unique et au Saint-Esprit qui dans la trinité parfaite et l’unité de la majesté sont adorés, honorés, et par les saints loués et glorifiés sans fin. Quel mortel en effet peut louer et magnifier Dieu aussi parfaitement et dignement qu’il le doit, parce que rien n’est possédé sur la terre que ce qui a été apporté par Dieu, qui prend soin de tout et pas seulement de hommes, mais de tout ce qui peut les aider, et s’occupe autant des âmes des hommes que des corps, etc.
2.
Il nous faut certes, très chers frères, vénérer la solennelle proclamation de ce jour, pour ne pas écraser dans le pressoir de la prison du silence saint Léri, soldat du Christ qui s’est illustré à notre époque par ses nombreux miracles, mais pour confier plutôt à un médiocre stylet autant que lui-même nous a donné, lui qui est le bienfaiteur de toutes les créatures et qui a ouvert la bouche des muets, même si nous savons peu de choses, parce qu’il est est prouvé que sa vie et ses actions au cours de cette vie mortelle ont été perdues par la négligence de ceux qui en avaient la garde, ou bien on ne peut douter qu’il n’y a peut-être pas eu d’écrit à cause de la paresse du scribe. Aussi que tout ce qu’aura pu trouver par la suite quiconque craint et aime Dieu soit jugé digne de contribuer avec moi à l’élaboration d’un petit ouvrage commémoratif, pour que la louange de Dieu se trouve amplifiée à travers son saint, de façon que l’on trouve en nous des participants à la charité et à l’œuvre de notre Seigneur Jésus Christ à qui revient l’honneur, etc.
3.
Nous devons rendre de multiples grâces au Seigneur tout-puissant et le louer avec zèle, lui qui, se manifestant comme le père et le guide de toutes les créatures, a envoyé sur la terre son fils unique notre Seigneur Jésus Christ, pour instruire et racheter tous les peuples, Jésus qui pour le salut de l’humanité a daigné naître de la Vierge Marie, qui, après avoir choisi douze apôtres, envoya encore soixante douze disciples, puis accorda qu’après eux d’autres hommes, leurs successeurs, doués de la vertu de Dieu et emplis du même esprit, se trouvent dans toutes les parties du monde. Parmi eux, il donna comme guide aux populations situées à l’Ouest, Léri, paré de miracles et de vertus. Celui-ci, pour ne pas perdre les revenus de sa propre moisson pendant qu’il recherchait ceux d’une autre, abandonnant sa terre, ses parents et ses nombreuses possessions, accomplit la volonté de Dieu : sous la conduite du Seigneur, après beaucoup d’épreuves au service de Dieu, il atteignit le Poutrecoët pour le bien de beaucoup, plus célèbre par son action et plus grand par sa vertu que par son rang, noble certes par sa naissance mais plus noble par sa foi, illustre à cause de sa dignité de saint, remarquable par la grâce des bienfaits divins, courageux dans le danger, patient dans l’adversité, doux par humilité, soucieux de charité, d’une patience à toute épreuve, résistant et solide, berger hors de pair, particulièrement généreux, méritant la gloire pendant sa vie, empressé à exercer la justice, prompt à pardonner, obéissant facilement, il méprise ce siècle pour accéder au royaume éternel, il foula aux pieds les louanges terrestres et entra dans la cour de la maison du Christ, qui vit et règne etc. Réjouissez-vous, très chers frères dans le Seigneur, qui vous êtes réunis pour la fête de saint Léri confesseur du Christ et notre protecteur, soyez pleins d’une joie spirituelle et louez ensemble, en un mouvement venu du fond du cœur, la clémence de Dieu qui a daigné nous faire parvenir à la connaissance de son nom. Ce saint en effet a œuvré pour le salut d’un grand nombre, aussi est-il destiné à recueillir les récompenses d’un très grand nombre au jour du jugement. Demandons-nous quelles bonnes actions nous emportons avec nous etc.
4.
C’est pourquoi il faut de bon cœur fréquenter dévotement les lieux illustrés par les saints, rechercher leurs actions et suivre leurs exemples. Aussi ne donnons-nous pas intégralement à lire les exemples et les actes de saint Léri, que nous avons pu voir d’après ce qu’en ont dit les anciens grâce à la munificence de Dieu. En effet si tout lecteur avisé remarque ce qui est accompli presque chaque jour au voisinage du saint corps et de ses reliques, il verra là un nombre incalculable de malades ramenés à la santé par le Seigneur grâce aux mérites du saint et à leur foi, d’aveugles rendus à la vue, de muets ayant recouvré la parole, de sourds gratifiés de l’ouïe, et même beaucoup de moribonds ramenés à la vie, d’être en proie aux démons ou aux fièvres délivrés. Or aucun sage n’ignore que le Seigneur fait tout cela grâce aux prières du saint. Et même si nous croyons que ses mérites et ses prières agissent dans la région toute entière, nous ne devons pas douter que le plou dans lequel il a particulièrement travaillé pour le Seigneur, où son corps a trouvé le repos, ne soit protégé par ses prières et illustré par sa présence etc.
Manquent la 5eme lecture et le début de la 6eme.
6.
… lui donna pour le culte divin, à titre définitif pour l’amour du Christ, l’ermitage qu’avait édifié saint Elocau au bord du Doueff et que, désirant en construire un autre en vue de soigner les âmes pour Dieu, ce saint, poussé par Bili, chapelain de Moronoe, épouse du chef dont nous venons de parler, avait abandonné avec tout son mobilier. Là, menant une vie régulière, Léri édifia une cellule qui a gardé son nom, et Dieu y est adoré encore aujourd’hui. Sachez et observez, très chers frères, qu’il n’a pas perdu ses parents et son bien sur sa propre terre, celui qui a trouvé Judicaël sur une terre étrangère ; ce dernier était illustre pour son pouvoir séculier, noble par son observation de la religion chrétienne, distinguant les grands qui l’entouraient par des dignités, élevant ses serviteurs par des honneurs, construisant d’assez nombreux monastères en l’honneur de Dieu, et faisant à ceux qui y honoraient Dieu des dons plus nombreux encore, vendant en une heureuse transaction des biens terrestres et périssables, achetant les biens célestes et éternels, consolateur des pauvres, soutien des voyageurs, défenseur des veuves, tuteur des mineurs, père des orphelins, si bien que l’on peut dire de lui on ne peut plus justement : j’ai été un œil pour l’aveugle, un pied pour le boiteux, un père pour l’orphelin. Considérons, frères : celui qui a choisi d’être misérable parmi les hommes, règne maintenant glorieusement parmi les anges, grâce à celui qui est à l’honneur etc.
7.
Rappelant les vénérables actions de saint Léri etc. comme ci-dessus.
Répons pour glorifier : en ce jour, saint Léri, par la voie de l’Orient, tout droit, à la vue de ses disciples, est monté au ciel. En ce jour, les mains levées, au milieu d’une prière, il a exhalé son dernier souffle. En ce jour, il a été reçu en triomphe par les anges.
Au sujet de saint Léri abbé et de Blinlivet évêque de Vannes, voir ce qu’a raconté Morvan, septième évêque depuis Blinlivet, recueil des bénédictins, siècle 5, page 134.