aller au contenu

1898

Le Curé de Guer

Un conte publié par Adolphe Orain

Le Curé de Guer est un conte collecté par Adolphe Orain au Loutehel (Ille-et-Vilaine).

Un conte publié par Adolphe Orain

Le Curé de Guer est une histoire courte publiée en 1898 par Adolphe Orain dans le second volume de son anthologie des traditions populaires du pays gallo. —  ORAIN, Adolphe, De la vie à la mort : folklore de l’Ille-et-Vilaine, Vol. 2, Paris, J. Maisonneuve, 1897, Voir en ligne. p. 84-87 —

La mention de son collecteur, absente de l’édition de 1898, figure dans une réédition de 2007, Conté par M. de l..., de Loutehel —  ORAIN, Adolphe, Croyances et superstitions d’Ille-et- Vilaine., 1898, Rennes, La Découvrance, 2007, 55 p. [pages 54-57] —

Il s’agit de M. de la Vigne, avocat à Maure-de-Bretagne, maire de la commune de Loutehel et conseiller général du département d’Ille-et-Vilaine. Adolphe Orain a collecté auprès de lui une version de la légende de la La bête de la Lohière parue en 1888 1. —  ORAIN, Adolphe, « Le monde fantastique en Haute-Bretagne (suite) », Mélusine, Vol. 4, 1888, p. 42, 110-113, Voir en ligne. —

Le texte intégral du Curé de Guer

Il y avait autrefois, à Guer, un saint homme de curé tellement charitable qu’il donnait aux pauvres tout ce qu’il possédait, ne gardant pour lui que juste ce qu’il fallait pour ne pas mourir de faim. C’était au point que le pauvre vieillard n’avait qu’une soutane et encore si misérable, si effiloquée, que ses paroissiens en eurent pitié et résolurent de faire une quête dans la paroisse, pour lui acheter une soutane neuve.

Comme le vénérable pasteur était adoré de ses ouailles, le produit de la quête fut plus que suffisant pour l’emploi qu’on voulait en faire. Les quêteurs voyant cela, glissèrent le surplus dans les poches du vêtement.

Jamais le curé ne s’était vu si riche ; aussi craignait-il d’être volé, et afin de conserver son argent pour soulager des infortunes, il eut l’idée de faire coudre une pièce de vingt sous, sous chacun des boutons de sa soutane.

De cette façon, se disait-il, il me suffira d’enlever un bouton pour faire l’aumône.

Le sacristain, paresseux, ivrogne et mauvais sujet, qui avait vu l’ouvrière coudre les boutons, convoita la soutane, et chercha un moyen de s’en emparer. Ce n’était pas chose aisée, attendu que le prêtre ne la quittait jamais.

Un soir, le curé fut appelé près d’un malade, et comme il devait traverser un bois isolé, le sacristain s’habilla en charbonnier, se noircit la figure et s’en alla attendre le prêtre derrière un buisson.

Lorsqu’il l’aperçut, il s’élança sur lui, le saisit par le bras, et s’écria : « La bourse ou la vie. »

— Vous me prenez sans doute pour un autre ? répondit le curé sans s’émouvoir. Je n’ai rien à moi, mon ami.

— C’est votre soutane que je veux.

« Tiens, tiens, pensa le curé, le sacristain, seul, sait que j’ai de l’argent sous mes boutons, et c’est lui sans doute, qui se cache sous ce déguisement. »

— C’est toi, René Michaud, qui viens m’attendre au coin d’un bois pour me voler ? Malheureux ! je savais que tu ne valais pas cher ; mais, c’est égal, je ne t’aurais jamais cru capable d’un fait pareil.

Le brigand lui arracha sa soutane et, tout en secouant le saint homme, il répétait : « Jurez-moi que vous ne direz à personne qui je suis, ou bien je vous tue sur-le-champ. »

Le curé, voyant que le misérable parlait sérieusement, jura de ne dire son nom à personne, se réservant de le punir comme il le méritait. Or, voici ce qu’il fit :

Le dimanche suivant, au milieu de la grand’messe, à la préface, il chanta :

Connaissez-vous Michaud René,
Qu’a volé la soutane au curé ;
Et son argent qui était dedans ?
Il a fait promettre par serment
De n’en parler à homme vivant,
Aussi je le chante ad Jesum
Christum Dominum nostrum.

— Monsieur le Curé, vous m’aviez juré de n’en pas parler, s’écria le sacristain.

— Je n’en ai parlé à personne, répondit le vieillard ; mais tu ne m’as pas défendu de chanter ta mauvaise action, et tu te dénonces toi-même.

Les paroissiens s’emparèrent du sacristain, et lui auraient fait un mauvais parti sans l’intervention du curé, qui l’obligea toutefois à lui payer sa soutane, et à lui restituer l’argent de ses pauvres.

—  ORAIN, Adolphe, De la vie à la mort : folklore de l’Ille-et-Vilaine, Vol. 2, Paris, J. Maisonneuve, 1897, Voir en ligne. p. 84-87 —


Bibliographie

ORAIN, Adolphe, « Le monde fantastique en Haute-Bretagne (suite) », Mélusine, Vol. 4, 1888, p. 42, 110-113, Voir en ligne.

ORAIN, Adolphe, De la vie à la mort : folklore de l’Ille-et-Vilaine, Vol. 2, Paris, J. Maisonneuve, 1897, Voir en ligne.

ORAIN, Adolphe, Croyances et superstitions d’Ille-et- Vilaine., 1898, Rennes, La Découvrance, 2007, 55 p.


↑ 1 • M. de la Vigne a aussi conté Les Fées de Beaumont à Adolphe Orain, histoire localisée sur la commune de Saint-Congard (Morbihan).—  ORAIN, Adolphe, « Le monde fantastique en Haute-Bretagne », Mélusine, Vol. 4, 1888, p. 111-112, Voir en ligne. —