1971-1972
Le bar de la Fourche
Un film réalisé en forêt de Paimpont
Le Bar de la Fourche est un film d’Alain Levent (1934-2008) avec Jacques Brel et Isabelle Huppert, tourné en 1971 en forêt de Paimpont.
Le bar de la Fourche
Le Bar de la Fourche est un film produit par Georges de Beauregard (1920-1984) 1 et réalisé par Alain Levent (1934-2008). Ce film sorti en salle en 1972 est l’unique long métrage de ce cadreur et éminent photographe du cinéma français.— LEVENT, Alain, « Le bar de la fourche », 1972, Voir en ligne. —
Le scénario
Le scénario du Bar de la Fourche est adapté du roman éponyme de Gilbert de Voisins 2.— VOISIN, Gilbert de, Le bar de la fourche, Paris, Paul Ollendorff, 1913. —
L’action du film se déroule au Canada en 1916.
Vincent Van Horst, qui a quitté l’Europe pour retourner dans son pays natal, rencontre Olivier, jeune homme avec lequel il se lie d’amitié. Van Horst l’emmène au Bar de la Fourche, tenu au milieu des bois par Maria, son ancienne maîtresse. Mais la dame, blessée dans son orgueil, refuse de le voir.
Vincent s’éprend alors d’une femme plus jeune, Annie. Mais la jeune femme joue un double jeu. Cherchant à les séduire tour à tour, elle tente de les opposer dans une rivalité dont elle est l’enjeu. Pour arriver à ses fins, elle entend épouser l’un ou l’autre avec l’aide d’un tribunal local sans existence légale. Les deux hommes réussiront-ils à échapper à ce piège ?
Les acteurs
Les rôles principaux du Bar de la Fourche sont joués par Jacques Brel (1929-1978), Pierre-François Pistorio (1957-...), Isabelle Huppert (1953-...) et Rosy Varte (1923-2012).
- Jacques Brel y joue le rôle de Van Horst et Pierre-François Pistorio celui d’Olivier.
- Rosy Varte y tient le rôle de Maria, tenancière du Bar de la Fourche et ancienne maitresse de Van Horst.
- Isabelle Huppert y interprète le rôle d’Annie. Il s’agit du premier film dans lequel elle est créditée sur l’affiche.
Jacques Brel et Le Bar de la Fourche
Lorsque Alain Levent souhaite devenir réalisateur en adaptant le scénario du Bar de la Fourche, il pense immédiatement à Jacques Brel pour interpréter le rôle principal.
Dès le départ, il pense à Brel, à son côté grande gueule. [...] Jacques Brel ressemble, d’assez loin il est vrai, au personnage du trappeur Van Horst que lui propose Alain Levent dans Le Bar de la Fourche.
Mais le tournage se passe mal. Alain Levent se sent dépassé. Au bout de trois jours de tournage, il se dit : "Et si j’arrêtais ?"
Jacques Brel est quant à lui insatisfait de l’adaptation du scénario comme de la qualité de jeu de ses partenaires.
Dès le départ Jacques est mécontent. L’adaptation lui semble ratée, il veut la travailler, mettre sa patte, l’arranger. [...] Les rapports entre une vedette installée et un réalisateur débutant sont en tout cas difficiles.[...] De plus, Brel n’est pas satisfait de ses partenaires, surtout du jeune garçon. La jeune fille, qu’on a guère vue à l’écran, a de la présence.
— « Le type, non. La fille, formidable. »
Il s’agit d’une certaine Isabelle Huppert.
Pour terminer le film, Jacques Brel obtient un supplément de budget auprès du producteur Georges de Beauregard. Malgré les difficultés, le tournage se termine le 1er avril.
Par l’intermédiaire de Marouani, Jacques a obtenu sept cent mille nouveaux francs du producteur Georges de Beauregard, prêt à monter jusqu’à un million.
Jacques Brel est également coauteur - avec François Rauber - de la bande originale du film et l’interprète de son titre principal, La Chanson de Van Horst.— BREL, Jacques, « La Chanson de Van Horst », sans date, Voir en ligne. —
Le tournage en forêt de Paimpont
Le Bar de la Fourche est filmé sur l’estuaire de l’Odet dans le Finistère et en Forêt de Paimpont aux confins de l’Ille-et-Vilaine et du Morbihan.
Quelle sorte de film peut être une fiction, transposée de la Colombie Britannique aux bords du Saint-Laurent, et tournée au cœur de la Bretagne ? Les Rocheuses du Canada sont, là, très loin et les producteurs ont de ces idées ! Après un repérage long et peu concluant dans les paysages français les plus variés, après l’espoir de trouver à Cauterets dans les Pyrénées, un lieu plausible mais qui se révéla techniquement impossible, le film se fit en Bretagne dans la forêt de Paimpont, au bord du lac de Comper.
La découverte du site de l’étang de Comper par le réalisateur Alain Levent permet finalement la réalisation du film
J’étais sur le point d’abandonner quand nous avons aperçu une série d’étangs, avec derrière, de magnifiques sapins : nous pouvions faire le film.
Les décors de la forêt de Paimpont
Les décors naturels du massif forestier de Paimpont, censés évoquer le Canada, occupent une place importante dans la photographie du Bar de la Fourche.
- Le film commence par une vue panoramique sur le Val sans Retour glissant sur l’arrivée de Van Horst en charrette dans les landes de Gautro.
- Après avoir perdu leur attelage, Van Horst et Olivier cheminent à travers bois et sont filmés en surplomb du Miroir aux Fées.
- Van Horst passe sur la digue de l’étang du Pas-du Houx en voiture.
- Des décors du film - dont le bar de la Fourche - sont construits au bord de l’étang de Comper.
Les décors du saloon, posés au pied de l’étang du château et dans lesquels jouaient les gamins de Comper, comme la beauté généreuse de Jacques Brel, sont autant d’images fortes désormais imprégnées à l’histoire de ce lieu, et qui donneront un jour peut-être naissance à une légende populaire.
- Les environs de Comper - notamment le chêne d’Artus - servent de décor à plusieurs scènes.
Une météo pluvieuse
Le tournage du film est rendu compliqué par une météo bretonne particulièrement pluvieuse en ce début d’année 1971.
Il pleut, sans arrêt. Quand il vient à Paris, Jacques se plaint. A Jacqueline Thiédot, monteuse :
— « Ça se présente mal. »
Dans les décors naturels, les pluies provoquent des inondations qui ne sont pas prévues par le scénario :
— « On tourne avec des bottes d’égoutiers », plaisante Jacques.
L’équipe de tournage
Le tournage du Bar de la Fourche dure sept semaines, de début février au jour du poisson d’avril.
— Nichol, Anthony (2022) op. cit. p. 118 —
Durant cette période, l’équipe circule entre les lieux de tournage et ceux d’hébergements. Alain Levent établit le camp de base dans le château de Comper
situé sur la commune de Concoret.— Glot, Claudine (2021) op. cit. p. 217 —
L’équipe est hébergée dans deux hôtels de la région. Les techniciens s’installent à l’hôtel-restaurant des Forges de Paimpont, les acteurs et le réalisateur à la Table-Ronde à Néant-sur-Yvel.
L’équipe logeait à l’auberge de la Table-Ronde, à Néant-sur-Yvel, où officiait Francis Morice, alors maire du village : « Nous avons banqueté comme des Gaulois ! Un séjour mémorable ! »
Des habitants de la région sont sollicités pour la figuration. Parmi eux, citons Michel Beaudoin— DANO, Maëva, « Mauron : Michel a tourné avec Jacques Brel », Le Ploërmelais, 15/10, 2023, Voir en ligne. — et de nombreux Montfortais qui se sont rendus au château de Comper pour jouer des rôles de figurants.
— BLANCHARD, Maurice, PERRICHOT, Marcel et PICCAND, Jean, Les cinémas racontent en Ille-et-Vilaine, Indépendant, 2002, 387 p.
[page 278] —
Régulièrement, l’équipe de tournage se rend au cinéma de La Cane de Montfort.
L’équipe de tournage [...] venait visionner deux à trois fois par semaine les rushes tournés dans la journée.
La sortie du film à la Cane de Montfort
Le Bar de la Fourche sort en avant première au cinéma de La Cane de Montfort.
La sortie de ce fim dont nous eûmes l’exclusivité, fut l’occasion de rencontrer entre autres Jacques Brel, bien sûr, mais aussi Rosy Varte et Isabelle Huppert, novice dans le métier. Beaucoup de bénévoles avaient même interrompu leurs vacances pour vivre l’événement. Plusieurs séances avaient été programmées à partir du mercredi. L’ambiance étaient extraordinaire. Le dimanche, alors que trois séances étaient déjà prévues, une séance supplémentaire a du être ajoutée à 23h pour la plus grande satisfaction du public. René Nogues, alors projectionniste, monté en cabine à 14h30, n’en ressortit qu’à une heure du matin. En toute hâte, il devait se rendre à la gare pour expédier le film devant parvenir le jour même dans les studios parisiens.
Selon Olivier Todd, Le Bar de la Fourche reste aussi poétique que pluvieux.
Malgré les difficultés rencontrées, les résultats ne sont pas désastreux
, le film obtient cent mille entrées
comptabilisées en salle pour l’année 1972.— Todd, Jacques (1984) op. cit. p. 256257 —