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1635

Le moulin à papier de la Ville-Danet

Le moulin à papier de la Ville-Danet en Paimpont, fondé en 1635, était situé sur un bief parallèle au ruisseau du Rostel (ruisseau de Lambrun). Aujourd’hui, le bief d’alimentation a disparu et le moulin est en ruines.

La technique du moulin à papier

Lorsque l’industrie du papier arrive en Bretagne au 15e siècle, elle est basée sur l’utilisation de tissus usagés provenant de l’industrie du chanvre et du lin. Sa fabrication nécessite par ailleurs la consommation d’une eau non calcaire de très bonne qualité afin de donner au papier résistance et souplesse. —  CHASSAIN, Maurice, Moulins de Bretagne, Keltia Graphic, 1993. —

En ce temps là, les "pillotoux" battaient la campagne pour récupérer des chiffons et des vêtements hors d’usage. Ils les échangeaient contre de la vaisselle, des mouchoirs, des serviettes, des bibelots divers. A l’arrivée, on triait ces vieux tissus par catégories et on les débarrassait des corps étrangers : boutons, coutures trop épaisses, agrafes.
La roue à aube du moulin entrainait un cylindre armé de couteaux qui servaient à lacérer les étoffes trempées d’eau. On obtenait une pâte homogène qu’on transvasait dans une cuve aussi remplie d’eau, pour la diluer. Un petit foyer placé en-dessous maintenait le tout à une certaine température. Plus tard, baignaient dans cette pâte des cadres de bois spéciaux au fond desquels étaient tendus des fils de laiton très serrés entre eux. Quand il ressortait ces cadres, l’ouvrier répartissait la pâte en la remuant de droite et de gauche afin de bien l’égaliser. L’eau s’égouttait et une autre personne décollait la feuille de papier pour l’emprisonner entre deux autres feuilles, l’une de laine, l’autre de feutre. Papier et feutre empilés successivement formaient ce qu’on appelait "la porse". Celle-ci, mise sous presse laissait échapper 80/100 litres d’eau ! Ensuite on séparait les feuilles et la pile ne contenant plus que du papier passait à l’étendoir pour le séchage. Quelque temps après on trempait les feuilles dans une solution de colle animale. Cette dernière une fois sèche avait pour but d’empêcher l’encre de diffuser dans le papier.

FICHET, Jean-Claude, L’ermite de Brocéliande - Concoret au 19e siècle, Yellow Concept, 2010.

La fondation des moulins de la Ville-Danet en 1635

Le 30 mai 1635, Mathurin de Rosmadec seigneur de Saint Jouan, baron de Gaël résidant en son château de Comper (Concoret) afféage un canton de terre de six journaux 1 à maistre Estienne Cordier demeurant au village du Vaushamon paroisse de Plesila (aujourdhui Plessalla dans les Côtes d’Armor) dans l’Évêché de Saint-Brieuc.

L’acte d’afféagement indique qu’Estienne Cordier pourra y bâtir deux moulins, l’un à papier, l’autre moulin à foulon.

[..] un quanton de terre sittué au dessous de la forests de Brecillien et audessus du village de vaubossart en concoret a prendre de proche en proche
et au joignant d’une pièce de terre appellée la prise qui fut a deffunct dom Georges Rosselin
en lendroit ou passe le Ruisseau qui dessend
de la ditte forests au dict village du
vaubossart contenant six journaux de
terre dans lestendües desquels six journaux
de terre ledit Cordier preneur poura faire
Bastir deux moulins a eau sur ledit
Ruisseau avec tous ses superfices et autres
choses et ediffices necessaires et accoustumé
Lesquels moulins est lun a faire du
papier et lautre un moullin a fouller draps 2 [...]

Acte d’afféagement des moulins à papier de Vaubossard (1635)

Selon l’accord passé entre Mathurin Rosmadec et Estienne Cordier, la rente annuelle consiste en :

[...] la somme de trante livres tournois
et deux Rames de papier commun bon
et competant a chacun jour et feste de Saint
michel par les annees comme Ils ese hoir ont
a Commancer le premier payement à la
Saint michel mil six cent trante six
et continuer la ditte Rente a perpétuité[...]

Un acte daté du 13 septembre 1644 atteste que Estienne Cordier demeure dans son moulin. Jan et Julien Sebillot notaires demeurant au village de Trébran et de la Noé Reculard en Concoret affirment s’être transportés au moulin à papier et fait entrer aux ditte maison fait feu et fummée beu et mengé clos et ouvert.

Le moulin à papier et la bibliothèque

L’activité du moulin à papier est attestée durant une centaine d’années. Une enquête de 1729 réclamée à l’Intendance de Bretagne par le Contrôleur général du commerce — Enquête de l’Intendance de Bretagne, 1729 ADIV C503 — indique que le moulin à papier de Paimpont a cessé de rouler depuis trente ans. —  DU HALGOUET, Hervé, « Coup d’oeil sur l’industrie rurale du Papier dans la Province de Bretagne », Bulletin de la Société Polymathique du Morbihan, 1939, p. 38-59, Voir en ligne. p. 46 —.

Un croquis de 1929 3 nous donne des précisions sur l’organisation du moulin à papier.

Deux ruisseaux se jettent actuellement dans l’Étang des Petits Prés. Autrefois, le ruisseau qui vient de la cote 166 était seul à s’y jeter. L’autre ruisseau qui fait angle droit pour s’y rendre aujourd’hui coulait en ligne droite par une canalisation [ou bief] qui l’amenait jusqu’à la « Prée Trojan » en fournissant l’eau nécessaire à trois moulins qui s’échelonnaient sur cette canalisation (Les deux derniers moulins étaient fort rapprochés).

Légende du croquis de 1929

Le même document indique qu’à quelques mètres de « l’Étang des Petits Prés » se trouvait le bâtiment, nommé « la bibliothèque », où l’on stockait le papier fabriqué.

Croquis de situation du moulin à papier (1929)

Le moulin à papier aux 18e et 19e siècles

Le moulin à papier reste une maison d’habitation attestée jusqu’au milieu du 19e siècle. L’abbé Guillotin fait mention à trois reprises de passages de troupes armées au moulin à papier. —  GUILLOTIN, abbé Pierre-Paul et ROPARTZ, Sigismond, Le registre de Concoret. Mémoires d’un prêtre réfractaire pendant la Terreur, Publié pour la première fois sur le manuscrit de l’abbé Guillotin, Saint-Brieuc, L. Prud’homme, éditeur, 1853, Voir en ligne. pp. 19-34-41 —

Au recensement de 1821, le moulin à papier ainsi que les terres qui en dépendent (le Pré du Moulin à papier, le Grand champ, l’Étang du Moulin à papier, le pâtis aux Cieux) appartiennent à Paul de Genouillac, châtelain du Rox en Concoret.

Le moulin à papier de la Ville-Danet (cadastre de 1823)

Le moulin est habité par Joseph Chollet né en 1794 à Iffendic (Ille-et-Vilaine), son épouse Mathurine Jumel née en 1793 à Paimpont et leur fille Henriette née le 28 fructidor de l’an X (1802). Joseph Chollet apparait comme tanneur sur l’acte de naissance de sa fille et comme meunier sur un acte de succession de 1838. Il décède au moulin à papier le 5 février 1830. —  TIGIER, Hervé, Des Forges de Paimpont à la Ville Danet : Les Forges, le Gué, le bourg, Trudeau et Trédéal, la Ville Danet et Gaillarde, Auto-édition, Paimpont, 2012. —

Un petit moulin à papier près de la Ville Danet est encore mentionné en 1853. —  OGÉE, Jean-Baptiste, Dictionnaire historique et géographique de la province de Bretagne, dédié à la nation bretonne : M-Z, Vol. 2, Réédition par A. Marteville et P. Varin, 1853, Rennes, Deniel, succ. Molliex Libraire-Editeur, 1780, Voir en ligne. p. 258 —

Localisation des moulins (relevé GPS)
Fond Geoportail IGN

Bibliographie

CHASSAIN, Maurice, Moulins de Bretagne, Keltia Graphic, 1993.

DU HALGOUET, Hervé, « Coup d’oeil sur l’industrie rurale du Papier dans la Province de Bretagne », Bulletin de la Société Polymathique du Morbihan, 1939, p. 38-59, Voir en ligne.

FICHET, Jean-Claude, L’ermite de Brocéliande - Concoret au 19e siècle, Yellow Concept, 2010.

GUILLOTIN, abbé Pierre-Paul et ROPARTZ, Sigismond, Le registre de Concoret. Mémoires d’un prêtre réfractaire pendant la Terreur, Publié pour la première fois sur le manuscrit de l’abbé Guillotin, Saint-Brieuc, L. Prud’homme, éditeur, 1853, Voir en ligne.

OGÉE, Jean-Baptiste, Dictionnaire historique et géographique de la province de Bretagne, dédié à la nation bretonne : M-Z, Vol. 2, Réédition par A. Marteville et P. Varin, 1853, Rennes, Deniel, succ. Molliex Libraire-Editeur, 1780, Voir en ligne.

TIGIER, Hervé, Des Forges de Paimpont à la Ville Danet : Les Forges, le Gué, le bourg, Trudeau et Trédéal, la Ville Danet et Gaillarde, Auto-édition, Paimpont, 2012.


↑ 1 • Le journal est une ancienne unité de mesure de surface, utilisée jusqu’à la Révolution. Définie comme la surface labourée en un jour avec une traction animale, elle varie suivant les régions. En Bretagne sa valeur approximative est d’un demi-hectare.

↑ 2 • transcription des cinq pages de l’archive reprise dans sa forme originale par Patricia Gaudé et Didier Rousvoal du Centre Généalogique du Finistère.

↑ 3 • Le croquis à l’échelle 1/10 000, daté de 1929 a été réalisé d’après trois sources :

  • des photographies prises par avion par le sergent Lamplaire du 31e de Tours en automne 1929.
  • la carte d’État-major au 1/20 000.
  • les observations prises sur le terrain.