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1815-1928

Les comices agricoles du massif forestier de Paimpont

Grandeur et décadence des comices

De 1815 à 1928 les comices agricoles représentent une forme sociale organisée spécifique d’une agriculture à la recherche des conditions de son développement. Ils configurent les bases du changement socio-économique de l’activité agricole de l’entre-deux guerres et en particulier le développement des syndicats agricoles.

Le massif forestier de Paimpont

Le massif forestier est formé, en son centre, par la commune de Paimpont entourée de onze communes, mitoyennes entre elles. Il est composé :

Carte des communes du massif forestier de Paimpont
Alain Bellido

Aujourd’hui, la superficie du massif est de 47 000 hectares dont 9 000 hectares de forêt sur Paimpont, soit 80% du territoire de cette commune.

La démographie du massif

En 1800, le premier recensement de population réalisé en France dénombre 22 241 habitants sur l’ensemble du massif 2. En 1821 la population a baissé de 409 habitants et compte 21 832 habitants. Soixante ans plus tard, en 1881, la démographie du massif atteint son maximum historique en totalisant 23 716 habitants 3. En 1886, dernier recensement avant la baisse de la démographie, les douze communes totalisent 23 626 habitants, dont 79% de paysans-cultivateurs, soit une population éparse de 18 637 âmes. Cette population est répartie dans plus de 900 hameaux de différentes tailles à raison de deux hameaux par km² en moyenne.

Ces hameaux sont la base de la sociabilité de la communauté. Il s’y développe une solidarité mécanique propre à un terroir dans lequel les habitants partagent des systèmes communs de croyances où existe une homogénéité dans leurs pensées, leurs actions, leur éducation et où l’individualité a très peu de place. Cela dessine tout au long du XIXe siècle, jusque dans le premier quart du XXe siècle, une vie sociale repliée sur elle-même. Elle forme, selon la taille des hameaux et leur dispersion, des isolats plus ou moins importants à l’instar des nombreuses clairières dues à la morphologie du massif. —  RISSEL, Alain et LAGMIRI, Souad, La métamorphose des communes du massif forestier de Paimpont, Yellow Concept, 2022. —

L’immobilisme de la paysannerie

Le mur des représentations sociales

Des agronomes, physiocrates de l’Ancien Régime, partisans de la doctrine économique du gouvernement par la nature fondent le principe que toute richesse vient de la terre, que la seule classe productive est celle des agriculteurs et qu’il existe des lois naturelles basées sur la liberté et la propriété privée qu’il suffit de respecter pour maintenir un ordre parfait. —  CNRTL, « La physiocratie », 2013, Voir en ligne. —

En 1853, leur vision du monde paysan est relayée, soixante-quatre ans après la Révolution, par une idéologie de l’abnégation qui puise ses sources dans les préceptes de la religion catholique. Les frères Combes écrivent :

La vie du Paysan, c’est le travail augmentant tous les ans un capital héréditaire ; c’est le travail accompagné d’une sagesse exemplaire, de l’amour bien entendu de la propriété, de l’orgueil de pouvoir se dire : ceci est à moi parce que je l’ai créé, agrandi ou amélioré ; […] travailler veut dire souffrir, d’après l’origine latine. Les Paysans ne l’entendent pas autrement. Pour eux, le travail c’est la fatigue, la sueur, c’est la privation, c’est la renonciation, en un mot, au bien-être continu, cette chimère des désœuvrés, cette trompeuse idole des fainéants.

COMBES, Anarchasis et COMBES, Hyppolite, Les Paysans français considérés sous le rapport historique, économique, agricole, médical et administratif, Paris, Baillière, 1853, 458 p.

La population éparse, celle des cultivateurs et des nobles propriétaires fonciers ont en commun un destin déterminé par le rapport que ces deux catégories entretiennent avec la terre. Les paysans la cultivent pour s’en nourrir. Les autres - les hobereaux 4 - la valorisent comme patrimoine agraire en la faisant travailler par leurs fermiers, puis vont, pour certains d’entre eux passer une partie de l’hiver en ville où ils fréquentent la bourgeoisie locale ; nonobstant qu’au village, ils sont quand même du village. Ils parlent la même langue, connaissent tout de la vie paysanne. Ils partagent les mêmes croyances et les mêmes valeurs que les paysans qu’ils jugent par ailleurs incultes, attachés comme leurs pères à la routine du travail du lopin de terre duquel ils tirent leur pitance.

Lorsqu’il s’adresse aux paysans le notable se fait l’un d’entre eux pour leur dire :

Ne vous inquiétez pas, je sais à qui parler et comment le faire ; [...] vos intérêts ne peuvent être mieux défendus que par moi »

MENDRAS, Henri, Sociétés paysannes, Paris, Armand Colin, 1976, (« Collection U »). [page 106]

et tourné vers son monde, le hobereau tient le discours tout aussi rassurant :

« Les paysans ? Ce sont des gens difficiles et secrets que je connais bien. [...] Je les connais, ils me font confiance et grâce à moi vous n’aurez pas d’ennuis avec eux.

Mendras Henri (1976) op. cit., p.106

Rien d’étonnant à ce que les paysans trouvent légitime le rôle de guide vers le progrès que s’attribuent les notables. Ainsi demeure, à l’orée du 20e siècle, dans la paysannerie l’idéal d’une société hiérarchisée qui n’évolue pas, où les inférieurs reconnaissent naturellement la tutelle des supérieurs en échange des services que ceux-ci rendent aux paysans. —  CHARLE, Christophe, Histoire sociale de la France au XIXe siècle, Paris, Le Seuil, 1991. [page 232] —

Le règne de l’empirisme

Les paysans de l’époque, qu’ils soient dénommés cultivateurs ou laboureurs, se réfèrent exclusivement à la tradition. Elle n’est pas remise en question dans une contrée où le caractère quasi autarcique de l‘économie agricole est la règle. L’immobilisme, à la fois économique et culturel, qui se nourrit de l’empirisme généralisé dans la paysannerie opère dans tous les instants de la vie. Le changement n’est pas encore une option.

Cependant dans l’ensemble de la Bretagne, comme dans les communes du massif, la situation critique de l’agriculture impose aux cultivateurs d’avoir accès aux innovations en matière agricole, ce qui ne va pas sans difficulté comme en témoigne le sous-préfet de Montfort.

[…] il n’existe pas dans mon arrondissement aucun agriculteur qu’il soit propriétaire ou fermier qui, par des améliorations ou des plantations, ait procuré à l’agriculture des développements. L’insouciance des propriétaires riches ne permet pas de faire des essais qui ne peuvent être entrepris que par des personnes qui réunissent à la fortune des connaissances exactes et qui regarderaient l’intérêt public comme le principal mobile de leurs travaux.

COCAUD, Martine, « Les cadres de la rénovation agricole en Ille-et-Vilaine dans la première moitié du XIXe siècle », Revue d’histoire moderne et contemporaine, Vol. 43 / 3, 1996, p. 479-495, Voir en ligne. [page 484]

Toute innovation se confronte à de nombreux obstacles parmi lesquels deux sont incontournables :

  • l’individualisme du cultivateur qui préserve son savoir-faire constitué de la pratique empirique de son métier,
  • le peu d’instruction élémentaire de ces mêmes paysans qui les empêche de s’approprier des méthodes et techniques culturales en pleine évolution dans la seconde moitié du 19e siècle.

[…] les paysans se souciaient peu alors d’apprendre quoi que ce soit en agriculture ni ailleurs. La vieille routine, pas autre chose. Quelques-uns des vieux cultivateurs passaient par la ferme du professeur quelquefois pour regarder les instruments nouveaux, qu’ils n’avaient jamais vus, et regarder les ouvriers travailler. Mais ils s’en allaient en haussant les épaules, et en disant qu’ils en auraient à donner des leçons à ce professeur [...] Si c’eût été un paysan encore ! […] Allons donc !

Déguinet, Jean-Marie, Mémoires d’un paysan bas-breton in LAGADEC, Yann, « Comice cantonal et acculturation agricole : l’exemple de l’Ille-et-Vilaine au XIXe siècle », Ruralia, Vol. 9, 2001, Voir en ligne. [page 3]

Stagnation des pratiques agricoles

Dans la seconde moitié du 19e siècle la production agricole stagne dans le massif.

La diminution de la population du massif, constatée à partir du recensement de 1896, s’inscrit dans le cadre d’une crise agricole, à l’échelle de la France, provoquée par le mouvement à la baisse des prix agricoles entre 1873 et 1896 ; baisse principalement due au retard technique d’une agriculture française qui ne maintient pas l’équilibre entre mono et polyculture.

Selon les statistiques agricoles de 1872, on observe que les céréales les plus cultivées au sein de l’arrondissement [de Ploërmel] sont le sarrasin, le seigle et le froment. [...] En ce qui concerne les autres cultures, on note la prédominance de la pomme de terre. Les bovins sont les animaux les plus répandus […] À la veille de la suppression de la sous-préfecture [1926], les proportions sont sensiblement les mêmes qu’en 1872.

Rissel Alain, Lagmiri Souad (2022) op. cit., p. 126

Les gros propriétaires du massif forestier disposent de terres d’une superficie supérieure à vingt hectares que cultivent leurs fermiers. Les paysans, quant à eux, exploitent en mode de faire-valoir direct dans 75% des cas, de très nombreuses petites exploitations. En 1892, elles ont une superficie comprise entre 1 et 5 ha pour 53% d’entre elles et entre 5 et 10 ha pour 23 %. Elles sont caractéristiques d’une production vivrière pour la quasi totalité. Elles ne permettent aux membres de la famille paysanne, souvent nombreuse, que de vivre très chichement de leur travail.

Isolement des populations

La position géographique de la forêt de Paimpont vis à vis des communes du massif est, par son étendue, un facteur d’isolement des populations que renforce l’insuffisance de chemins et de routes reliant entre eux les hameaux et les bourgs.

Les paysans empruntaient des chemins au rythme lent de leurs attelages, des bêtes qui transportaient les charges à dos. Ils voyageaient souvent à pied. Leurs déplacements dépassaient rarement la dizaine, voire la vingtaine de kilomètres. Ils se satisfaisaient souvent de voies étroites.

NIÈRES, Claude, « La reconstruction d’une ville au XVIIIe (Rennes 1720-1760) », Annales de Bretagne, Vol. 79 / 2, 1972, p. 493-497, Voir en ligne.

Ces conditions générales de déplacement vont perdurer tout au long du XIXe siècle même au delà de la création du service vicinal instauré par la loi du 21 mai 1836, dite de Thiers-Montalivet. La tâche est immense. Il faut attendre le second Empire pour que le service vicinal apporte une amélioration - d’ailleurs insuffisante - à l’état des chemins ruraux reliant les écarts aux différents bourgs. Un siècle ne suffira pas pour atteindre les objectifs définis par la loi. —  BOSREDON, Ph. de, « Les chemins vicinaux en France », Revue des deux mondes, Vol. 89 / 1, 1870, p. 119-134, Voir en ligne. —

La carence en voies de communication praticables en toutes saisons fait l’objet de nombreux témoignages.

On sait l’importance des voies de communication pour le développement d’un pays. C’est le petit nombre et le mauvais état des routes qui expliquent en grande partie la lenteur des progrès agricoles au commencement du 19e siècle : les grandes voies de communication manquent ; il n’y a que peu de chemins de traverse ; ceux qui existent sont, la plupart du temps, impraticables.

LE NEVANIC, A., « L’agriculture en Ille-et-Vilaine de 1815 à 1870. », Annales de Bretagne, Vol. 25 / 4, 1909, p. 624-629, Voir en ligne. [page 626]

L’agriculture, un avenir en question

Les premiers comices agricoles

Dans ce contexte, les tentatives pour faire évoluer les pratiques agricoles que mènent les autorités préfectorales n’aboutissent pas. Il existe bien en France depuis 1757 des Sociétés d’Agriculture, des Arts et du Commerce, mais leur influence reste confidentielle. Ces sociétés savantes sont l’occasion, pour des notables, des scientifiques et pour les plus érudits en matière d’agriculture et d’agronomie notamment, de partager leurs expériences et de faire progresser les savoirs et les techniques agricoles 5. Ce n’est que cinquante-huit années plus tard que se manifeste publiquement un intérêt pour l’agriculture en Ille-et-Vilaine.

En 1815 Louis de Lorgeril 6 organise dans les allées de son château à Plesder - au nord-ouest de l’Ille-et-Vilaine - une manifestation en l’honneur du Roi et pour l’encouragement de l’agriculture. En 1817, s’inspirant de ce regroupement, le préfet de l’Ille-et-Vilaine tente, sans succès, de créer une société d’agriculture pour promouvoir l’innovation dans les campagnes ; il récidive en 1819 sans plus de résultat. L’émulation entre riches propriétaires n’a que peu d’effets sur l’immense partie des simples exploitants —  LAGADEC, Yann, « L’âge d’or des comices agricoles en Bretagne (vers 1830-vers 1914) », Bécédia, 2020, Voir en ligne. —

Néanmoins ce regroupement sensé encourager l’agriculture préfigure l’organisation de deux comices, l’un à Plesder et l’autre à Tinténiac qui se tiennent en 1821 sous l’égide de Louis de Lorgeril avec les encouragements du ministre. La même année un comice est créé à Ploeuc (Côtes d’Armor).

Le mouvement est lancé. Il faut cependant attendre l’élan que donne, à partir de 1830, la politique volontariste d’Adolphe Thiers, ministre du Commerce et des Travaux publics, en charge de l’Agriculture pour que se développent les comices agricoles. Thiers exige des préfets la mise en place de sociétés d’agriculture 7.

Ainsi entre 1832 et 1835 les sous-préfets sont mis à contribution pour palier la faible implication de l’aristocratie foncière. Ils imposent en Ille-et-Vilaine, dans chaque canton, la création de comités d’agriculture composés entre autres de maires et d’adjoints désignés d’office. Ce dirigisme, va ouvrir, dans la fin des années 1830, la voie à la création de véritables associations prenant pour beaucoup le titre de comices agricoles.

Rissel Alain, Lagmiri Souad (2022) op. cit., p. 100

L’assemblée du comice a lieu, en principe chaque année, au chef-lieu du canton, plus rarement dans une des communes de celui-ci ; la périodicité, en général après la moisson, fluctue selon la disponibilité des organisateurs et l’octroi de subventions de fonctionnement attribuées par les Conseils généraux. La date de l’assemblée est choisie afin de pouvoir attirer un public suffisamment nombreux pour assurer le succès de la manifestation.

L’essor des comices agricoles

En 1845, l’Ille-et-Vilaine compte deux sociétés d’agriculture selon le modèle instauré - sans trop de réussite - par le préfet de ce département en 1819 ; celle de Fougères regroupe 60 membres en 1844 et celle de Rennes n’en compte que 30 après en avoir eu jusqu’à 50.

L’enquête sur l’agriculture de 1836 avait déjà remarqué que […] dans les dernières années de la Restauration […] des améliorations ont été tentées chez les éleveurs de bestiaux, quelques grandes exploitations ont donné l’exemple de nouvelles cultures, le laboureur voisin des villes, devenu plus riche, a orienté ses efforts vers une production de fourrage source de profits. Mais les points éloignés des centres de vie restent en dehors du mouvement et sous l’empire d’une routine effrayante.

En 1848, il y a déjà 38 comices cantonaux en Ille-et-Vilaine, 16 dans le Morbihan soit au total 49% des 111 comices recensés dans les cinq départements bretons. L’on en dénombre 30 dans les Côtes d’Armor, 17 dans le Finistère et 10 dans la Loire Atlantique 8.

Il y a cinq comices agricoles cantonaux dans lesquels se trouvent une ou plusieurs communes du massif. Il s’agit des cantons de Saint-Méen-le-Grand et de Plélan-le-Grand en Ille-et-Vilaine, de ceux de Ploërmel, de Mauron et de Guer dans le Morbihan.— Rissel Alain, Lagmiri Souad (2022) op. cit., p. 102 —

Au début du second Empire, Charles Chevalier de la Teillais, professeur d’agriculture en Ille-et-Vilaine imagine une stratégie pour encourager l’agriculture. Connaissant le caractère méfiant des cultivateurs, il propose de les réunir au cours de véritables fêtes de l’agriculture afin qu’entre voisins ils échangent leurs idées et observations ainsi que les éventuels essais faits par chacun dans leur ferme. Puisque, selon Charles Chevalier de la Teillais, le comice agricole du canton a un rôle de diffusion des pratiques entre cultivateurs, on ne doit pas lésiner sur les moyens nécessaires à la mobilisation de la population agricole. Quel que soit l’endroit, la réunion annuelle du comice est l’occasion de concours où sont récompensées les innovations du moment. Certains sont assortis de prix octroyés aux agriculteurs méritants. À chaque comice il faut, dit-il, [...] un banquet agricole de clôture au cours duquel les lauréats des différents concours puissent siéger à côté des notables.

À partir de la loi du 20 mars 1851 instaurant dans son article premier, qu’il sera établi dans chaque arrondissement un ou plusieurs comices agricoles, ceux-ci se multiplient en France. L’article 2 stipule qu’ont le droit de faire partie du comice, [...] les propriétaires, fermiers, colons et leurs enfants, âgés de vingt et un ans, domiciliés ou ayant leurs propriétés dans la circonscription du comice. Les comices pourront, en outre, admettre, par des délibérations spéciales, prises à la majorité des deux tiers des votants, les personnes qui ne remplissent pas les conditions prescrites, jusqu’à concurrence du dixième du nombre de leurs membres. Le règlement constitutif de chaque comice devra être soumis à l’approbation du préfet 9.

Le principe électif est la base de l’organisation des chambres consultatives départementales. Il vaut pour les sociétés et les comices agricoles constituant pour l’agriculture les éléments du corps électoral qui fonctionnera sans efforts, sans secousses, et dont les opérations n’agiteront pas le pays. [...] L’organisation adoptée laisse aux comices, comme elle donne aux chambres d’agriculture, leurs attributions distinctes. Elles se complètent l’une l’autre [...] 10.

Dans le massif forestier de Paimpont les comices représentent au milieu des années cinquante l’espoir d’une amélioration de l’agriculture comme le laissent entendre les propos de P. Bellamy en 1856.

Le canton de Plélan a un comice bien organisé ; les principaux propriétaires du canton en font partie et concourent, tant par leurs cotisations que par leurs encouragements qu’ils distribuent, à la réussite de l’institution. Les progrès agricoles s’effectuent lentement dans ce canton mais il faut espérer que l’influence du comice sera assez grande pour faire améliorer les terres et les espèces animales du pays.

P. Bellamy in Rissel Alain, Lagmiri Souad (2022) op. cit., p. 104
Affiche du Comice agricole du canton de Plélan de 1869

Si la cohésion sociale de la communauté rurale se renforce grâce, entre autres, à l’aspect festif des rencontres lors des assemblées, un tel essor des comices en une trentaine d’années, pose aux départements bretons des questions quant à leur organisation matérielle et aux buts qu’ils poursuivent. Au fur et à mesure du nombre grandissant de comices, les prix octroyés à chaque concours grèvent le budget des organisateurs et celui des Conseils généraux qui les subventionnent. Qu’en est-il de la sélection et de l’élevage du bétail, de l’amélioration de la qualité des sols et des techniques culturales, etc. ?

En 1867, Désiré Gagnon, Conseiller honoraire à la cour impériale - après avoir adressé au préfet d’Ille-et-Vilaine ses observations concernant les questions que celui-ci lui posait relativement aux progrès de l’agriculture dans le département - déclare sur un ton dubitatif :

Avant de terminer mes observations qui n’embrassent peut-être pas l’ensemble des questions posées par M. le Préfet en ce qui concerne l’espèce bovine, je me permets de faire remarquer qu’on ne devrait pas trop multiplier les concours et les fêtes agricoles qui n’attirent pas seulement les cultivateurs sérieux mais une foule de curieux, de paresseux toujours disposés à abandonner leurs travaux pour leurs plaisirs et pour dépenser dans les cabarets de l’argent que les besoins de leurs familles réclameraient. Ces réunions favorisent aussi le libertinage de la jeunesse en lui donnant l’occasion de s’y livrer. Si les concours et les distributions de primes dans chaque canton n’avaient lieu que tous les deux ans on leur imprimerait, par ce laps de temps, une plus grande solennité et on serait plus à même de constater les progrès au double point de vue de la culture des terres et de l’élevage du bétail de toute espèce.

GAGNON, Désiré, Observations sur diverses séries de questions présentées par M. Féart préfet d’Ille-et-Vilaine à MM les présidents de comices et associations agricoles le 15 mai 1860, Rennes, Mémoire Imprimerie Ch. Catel et Cie, 1860.

Le Conseiller d’État Victor Hyppolyte de Lavenay, souligne dans le compte-rendu de l’enquête agricole de 1866 que vers Saint-Méen, Concoret, Paimpont et Plélan, le sol s’appauvrit et se couvre de landes. Ce qu’espérait Bellamy, onze ans plus tôt, du rôle des comices cantonaux de cette zone ne s’est pas vraiment produit.

La difficulté pour atteindre les buts très généraux énoncés dans la loi du 20 mars 1851 réside principalement dans la composition des comités organisateurs des comices. En effet pour mettre en œuvre le comice cantonal, se côtoient au comité d’organisation, le maire du chef-lieu nommé d’office par le sous-préfet, des notables locaux, de riches propriétaires et des cultivateurs.

Il est clair que cette proximité physique, établie sur la nécessité de faire progresser l’agriculture en favorisant les échanges, se fonde sur des intérêts différents selon les participants ; d’autant que s’opposent au sein des comices, sans qu’elles se formulent vraiment, des façons de penser basées sur des référents culturels quasiment inconciliables. D’un côté les tenants du progrès, de l’autre ceux de la tradition ; le tout imbriqué dans des liens de subordination économique plus ou moins formels qui interfèrent dans la coopération entre la plupart des membres du comité.

Le clergé paroissial lui, très souvent d’origine rurale, reste sur la réserve vis-à-vis de la forme associative, dite libre, qui selon les circonstances politiques du moment est sous le contrôle de l’État. N’oublions pas que, même si le côté festif des comices n’est pas l’objet principal du bienfondé de leur action, ceux-ci sont perçus par le clergé comme lieux de perdition car bien souvent les fêtes, fréquentées en grand nombre par la jeunesse des deux sexes, se prolongent tard dans la nuit bien au-delà des feux d’artifice.— Rissel Alain, Lagmiri Souad (2022) op. cit., pp. 104-105 —

L’organisation d’un comice agricole laisse une grande place aux initiatives locales dont les résultats dépendent de la présence ou non de personnes, parfois d’une seule, averties des problèmes à traiter et des ressources à mobiliser pour les résoudre. En 1842, le sous-préfet de Fougères constate dans une lettre au préfet de l’Ille-et-Vilaine :

Tous nos efforts ont eu peu d’influence sur les membres des comités, l’insouciance, le défaut d’intelligence des besoins, le peu de discernement sont toujours ce qui domine dans ces comités […] Il faudrait que le personnel fût soumis à une hiérarchie intelligente [...]. Il faut autant que possible réduire l’influence des comités sur la distribution de primes.

Archives Départementales d’Ille-et-Vilaine, 7 M324

L’on perçoit que les autorités départementales ne conçoivent une rénovation agricole que dirigée par l’administration ou par les propriétaires les plus riches, voire par une intelligente collaboration entre les deux.

Le nombre de comices atteint son apogée en Ille-et-Vilaine en 1854. Cette année là les comices les plus dynamiques sont ceux des cantons de Rennes, de Fougères et du bord de la côte notamment à Plesder ou vivait l’agronome de Lorgeril.

Mais, même dans ces lieux privilégiés la participation paysanne n’est pas une évidence.

Les comices apparaissent surtout comme des centres de sociabilité pour l’élite locale mise sous contrôle de l’administration […] où les fermiers ne sont le plus souvent que des spectateurs [...] 11.

COCAUD, Martine, « Des cadres pour la rénovation agricole : les sociétés d’agriculture en Ille-et-Vilaine de 1857 à 1880 », Actes du colloque ENESAD, Dijon, Educagri, 1999.

La composition des comices pose un problème pour les sous-préfets qui tentent régulièrement d’en modifier l’équilibre pour améliorer leur action.

Au cours de sa session du 30 août 1855, le Conseil général d’Ille-et-Vilaine déclare :

Nous n’en sommes plus à créer des comices dans chaque canton du département, c’est fait. Nous en sommes à en supprimer, pour réorganiser, ceux qui ne semblent pas réussir assez bien.

Archives Départementales d’Ille-et-Vilaine

Il décide cinq ans plus tard, le 21 août 1860 en séance plénière que les comices cantonaux au lieu de se faire tous les deux ans se feront dorénavant tous les quatre ans.

Jusqu’en 1860 les grands propriétaires sont absents. Ils n’ont pas perçu l’intérêt de collaborer à la rénovation de l’agriculture. Ce n’est qu’ensuite, durant la dernière décennie du Second Empire puis surtout sous la République, qu’ils s’infiltrent dans les associations démontrant qu’en Bretagne la République ne sonne pas la fin des notables.

Les comices deviennent alors des lieux politiquement sensibles comme le rappelle le préfet au ministre en 1859, entraînant un contrôle renforcé par le représentant du pouvoir politique.

Je désire présider toutes les manifestations agricoles pour maintenir définitivement ces manifestations sur le terrain de l’Empire.

Archives Départementales d’Ille-et-Vilaine

Entre 1855 et 1857, on relève 9 comices dans les communes du massif 12. Toutes les assemblées de cultivateurs ne se déroulent pas au chef-lieu de canton 13. Les comités organisateurs décentralisent parfois les concours et la fête du comice sur une commune du canton.

Entre 1857 et 1913, on compte près de soixante comices organisés sur les communes du massif. Les chefs-lieux des cantons de Mauron et de Ploërmel sont très actifs. La majorité des fêtes et concours s’y déroulent : 22 à Mauron et 10 à Ploërmel. Les communes de Néant et de Campénéac sont respectivement trois et cinq fois retenues comme sites pour les comices cantonaux de Mauron et de Ploërmel. Sur la même période Plélan-le-Grand décentralise son comice deux fois sur Paimpont. Le comice de Saint-Méen-le-Grand est accueilli deux fois à Muel, une fois à Gaël et une fois sur Saint Malon-sur-Mel. Nous avons compté seulement deux comices au chef-lieu de canton. Guer décentralise une fois son comice sur Beignon.

Charrue à indicateur de J.-C. Crussard
—  CRUSSARD, Jean-Claude, « Charrue à indicateur de J.-C. Crussard (1) », Journal de l’agriculture pratique, Vol. 4 / 4, 1855, p. 292-296, Voir en ligne. —

La vie des comices écho des tensions politiques

Un article de Jean Simoneau dans le journal Le Ploërmelais du 24 décembre 1882 reprend les propos de la presse agricole concernant un projet de modification des statuts des comices agricoles.

On sait, dit la « Gazette agricole », comment le gouvernement s’occupe de l’intérêt de l’agriculture. Nous avons, à ce sujet, assez élevé la voix pour être compris. [...] Jusqu’ici les comices agricoles jouissaient pour la formation de leur bureau, le choix de leurs membres et l’ordre de leurs travaux, d’une assez grande liberté. Le gouvernement n’avait pas cru jusqu’à présent devoir s’immiscer dans leur administration intérieure. Cette attitude libérale a donné d’excellents résultats. Jamais, de l’aveu même des journaux républicains, les comices n’ont cherché à sortir de leurs attributions pour créer des embarras à l’administration et prendre parti dans les luttes électorales. Le gouvernement s’apprête à restreindre la liberté laissée aux comices. Il a rédigé un nouveau modèle de statut auquel devront se soumettre [...] les comices qui à l’avenir solliciteront l’autorisation de se constituer.

SIMONEAU, Jean, « La politique dans les comices agricoles », Le Ploërmelais, 24 décembre, 1882, p. 2, Voir en ligne.

Jean Simoneau dénonce le nouveau modèle de statut qui remet totalement en cause l’organisation des comices agricoles et leur potentielle autonomie politique. Notamment l’article 8 qui stipule :

[que] le préfet du département ou le sous-préfet de l’arrondissement est, de droit, président d’honneur de l’association, que le maire de la ville qui est le siège de la société en est le vice-président d’honneur. [...] Les présidents et vice-présidents d’honneur président les assemblées générales lorsqu’ils réclament ce droit.

Dans les faits, ce projet de nouveaux statuts donne au gouvernement le droit d’imposer le président qu’il souhaite, en dehors même des membres de l’association. — Simoneau, Jean (1883) op. cit., p. 2 —

En 1884, Guer décentralise son comice sur la commune de Beignon. Ce sera la seule fois car cette action conduit à la dissolution du comice de Guer. Celle-ci est prononcée par un arrêté du préfet de Vannes le 22 novembre 1884 aux motifs suivants :

Considérant que notamment lors de la réunion du comice le 30 septembre 1884 à Beignon, son président a prononcé à la distribution des récompenses, un discours qui n’est qu’une vive critique des actes du gouvernement. Qu’au banquet, les paroles inconvenantes du secrétaire du comice vis-à-vis du ministre de l’agriculture ont provoqué des cris séditieux : Vive le roi ! vive les chouans ! suivis d’une manifestation contraire etc. etc.

Archives Départementales du Morbihan

On ne reverra le comice de Guer qu’en 1897.

La suppression du comice, évènement particulier par sa violence symbolique, souligne le resserrement du contrôle du pouvoir central dans le contexte d’une relative instabilité politique des campagnes. Des tensions traversent la société rurale des communes du massif.

Elles prennent corps entre, d’une part, des édiles locaux opposés aux choix du gouvernement concernant notamment les lois de 1881 et de 1882 relatives à l’instruction publique et d’autre part, des représentants de l’État chargés sur le terrain de faire appliquer l’ordre républicain de la Troisième République. Ces tensions sont particulièrement perceptibles au sein des comices agricoles qui, étant des formes organisées de relations sociales, deviennent des lieux d’expression d’opinions participant à la structuration de la communauté rurale de la fin du 19e et début du 20e siècle.

Dans Le Ploërmelais du 1er août 1886, le comte Prosper de l’Estourbeillon, candidat du canton de Guer aux élections du conseil général, met en évidence dans sa profession de foi le triptyque sur lequel s’appuient beaucoup de discours du moment à savoir : l’enseignement religieux, l’agriculture déclinante et le comice agricole comme moment de convivialité.

Si vous me faites l’honneur de m’accorder vos suffrages je saurai me rappeler que représentant des populations éminemment chrétiennes mes votes devront toujours soutenir l’enseignement religieux. […] L’agriculture subit une crise terrible. Je veux des droits sagement protecteurs sur les céréales et les bestiaux étrangers je veux que nos soldats soient nourris avec les blés de la France […]. Je demanderai le rétablissement du Comice agricole du canton de Guer, si malheureusement supprimé depuis trois ans où nous étions si joyeux de nous trouver tous réunis dans une grande fête de famille.

L’ESTOURBILLON, Prosper de, « Aux électeurs du canton de Guer », Le Ploërmelais, 1er août, 1886, p. 1, Voir en ligne.

La République n’a pas bonne presse comme en témoigne un autre article intitulé Un peu de pudeur, signé Un Mauronnais. Il commente un article paru le 24 janvier 1886, dans le journal de Ploërmel. L’auteur anonyme s’insurge contre le discours du sous-préfet le jour de l’enterrement de Joseph Guillotin, maire républicain de Mauron de 1878 à 1886. Le ton est donné.

Nous vivons il est vrai sous un régime où rien ne doit plus nous étonner. Il y a cependant des limites à tout ; même en République. Qu’un Sous-Préfet profite d’un enterrement d’un fonctionnaire pour exalter les bienfaits de son gouvernement, pour prôner l’instruction laïque autrement dit l’École sans Dieu, c’est assez l’habitude ; tout leur est bon.[…] La même voix avait bien affirmé le 13 octobre devant les purs du comice agricole du même canton (et à leur applaudissements renouvelés) que la République avait conquis la Tunisie, le Tonkin et Madagascar en sacrifiant environ trois milles hommes.[…] De qui se moque-t-on ici ? Pour qui prend-on les habitants de Mauron ?

UN MAURONNAIS, « Un peu de pudeur ! », Le Ploërmelais, 31 janvier, 1886, p. 1, Voir en ligne.

Toutes les occasions sont bonnes pour que s’excitent les passions au sein de la population des communes du massif. Il en va ainsi de la rivalité entre la Société Agricole de Plélan-le-Grand et le Comité d’organisation du comice du canton. Elle se traduit au sein du Conseil général par le refus - à 16 voix contre 14 - d’accorder 60 Francs de subvention au Comité d’organisation du comice du canton afin d’attribuer cette somme à la Société Agricole de Plélan-le-Grand.

La conséquence de ce vote fait qu’en 1900, ces deux associations vont organiser à quatre jours d’intervalle leur propre manifestation. Une confusion naît de ce cafouillage dans lequel l’Ouest-Éclair a bien du mal à s’y retrouver. En fait, les comptes-rendus de presse nomment comices les deux assemblées. Le premier - celui organisé par la Société Agricole de Plélan-le-Grand est au dire du sénateur Garreau - maire de Vitré, moins républicain que le second puisqu’en terminant son allocution il critique Plélan qui s’obstine à nommer une municipalité réactionnaire et fait l’éloge de Paimpont qui a donné la majorité aux républicains. Ce qui ne manque pas de faire réagir l’Ouest-Éclair dans son édition du dimanche 30 septembre 1900 dans un article non signé reprenant, lui aussi, le triptyque cité plus haut.

Monsieur Garreau […] a beaucoup parlé des progrès réalisés en ces derniers temps et a vanté avec raison les bienfaits de l’instruction donnée à tous les enfants du peuple. Comment n’a-t-il pas pensé que cette instruction a développé les esprits jusqu’au fond des campagnes et que le paysan naïf d’il y a vingt ans a fait place à l’homme des champs connaissant les hommes et les choses et sachant les apprécier. Pourquoi alors aller raconter à l’auditoire que la présence d’un représentant du gouvernement est la preuve de la grande place que le pays de Plélan occupe dans la nation. C’est de la bouffonnerie. […] Où M. Garreau n’a vraiment pas été heureux, c’est lorsqu’il a dit aux cultivateurs que l’agriculture ne procurait pas toujours la fortune ; mais au moins une modeste aisance […]. Que notre sénateur parcoure donc nos campagnes ; il verra partout les ventes de matériels de ferme, les cessations de cultures et surtout de pauvres vieillards réduits à la mendicité. […] La ruine de l’agriculture n’est plus à discuter ; la faute en incombe à nos parlementaires. […] Notre sénateur s’est très complaisamment étendu sur les bienfaits de l’instruction. Le gouvernement de la République fait œuvre méritoire en déclarant l’instruction obligatoire ; il a fait mauvaise besogne en la rendant uniquement laïque. […] alors qu’il exclut de toutes les fonctions publiques tous ceux qui ne sortent pas d’une école de l’État.

LAGRÉE, Michel, « L’Ouest-Éclair et l’agriculture (1899-1914) : l’ordre éternel des champs ? », in L’Ouest-Éclair : Naissance et essor d’un grand quotidien régional, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2000, p. 149-156, Voir en ligne.

Perspectives pour l’agriculture : des frémissements

En 1891, un projet de comices d’arrondissement, proposé par deux conseillers généraux d’Ille-et-Vilaine, est refusé par la quasi-totalité des 55 associations agricoles du département. Elles souhaitent garder l’organisation des comices au niveau cantonal.

Il y a déjà les concours régionaux et départementaux pour les gros cultivateurs, qu’on leur donne encore des concours d’arrondissement si on veut, mais qu’on laisse aux petits laboureurs les concours cantonaux.

Les grands comices proposés pourraient être suivis par quelques grands agriculteurs pourvus d’animaux spécialement destinés aux concours [...] La place de ces riches cultivateurs est dans les concours régionaux.

Archives Départementales d’Ille-et-Vilaine, 7M297

Défendant l’idée de comices cantonaux et non d’arrondissement, le président de celui du Sel-de-Bretagne (Ille-et-Vilaine) écrit en 1891, en évoquant nos petits cultivateurs.

[…] la moindre somme leur fait plaisir, parce qu’ils sont très sensibles à l’honneur de recevoir cette prime en présence de leurs parents, de leurs amis, de leurs connaissances. Assurément ils ne voudraient pas aller plus loin pour recevoir le double de cette prime qui leur serait distribuée en présence de personnes étrangères.

Archives Départementales d’Ille-et-Vilaine, 7M297

À l’évidence deux mondes agricoles se côtoient, étrangers l’un à l’autre. Il y a l’agriculture traditionnelle, conservatrice qui est celle de la masse des paysans et l’agriculture des concours, celle qui se réclame du progrès, de la science et des livres. C’est celle des élites sociales et culturelles que l’on rencontre dans quelques communes du massif développant des initiatives de tous ordres, à l’instar de Louis de Lorgeril, que le cultivateur de base certes plus instruit à l’orée du 19e siècle, ne peut cependant pas toujours suivre.

Au cours du congrès provincial de Saint-Brieuc organisé en juin 1896, la Société des Agriculteurs de France (SAF), cherche à propager une doctrine d’action sociale libérale. Elle sera, dès 1919, en opposition frontale avec la Société Nationale d’Encouragement à l’Agriculture (SNEA) fondée par les républicains qui prônent l’accès à la terre pour tous, la création de coopératives, de mutuelles et de caisses de crédit 14.

Il est fait état d’au moins 60 comices - comités d’organisation et sociétés agricoles - dans les cinq départements bretons. Il y en avait un demi-siècle auparavant près de deux fois plus. Néanmoins les comices ont mis en avant de nouvelles possibilités pour le développement de l’agriculture française. De 1837 à 1879, ils popularisent - par le biais des concours de labourage - l’araire dite charrue sans avant-train, construite, par la fabrique annexée à l’École d’agriculture des Trois Croix de Rennes ainsi qu’un nouveau pressoir sorti de l’atelier de construction de machines agricoles des frères Poulain de Paimpont, spécialistes dans la fabrication du matériel de cidrerie. — Rissel Alain, Lagmiri Souad (2022) op. cit., pp. 113-115  —

En-tête de facture de l’entreprise E. Poulain & Cie
Guy Larcher

Un début de développement du commerce d’instruments agricoles coïncide, en 1854, avec la période d’expansion des comices agricoles en Bretagne. Dans le dernier quart du 19e siècle l’idée d’un machinisme appliqué à l’agriculture se propage timidement auprès des laboureurs.

En même temps qu’une certaine mécanisation s’impose, à bas bruit, auprès des gros propriétaires, une fabrication industrielle se développe contre laquelle les frères Poulain et la fabrique des Trois Croix ne peuvent lutter longtemps ; les industries de l’est de la France et les importations d’acier en provenance de l’Angleterre vont avoir raison en 1884 des Forges de Paimpont techniquement impuissantes pour faire face à cette concurrence.

Un billet d’humeur, non signé, dans le quotidien l’Ouest-Éclair, en date du 25 octobre 1907, ironise avec amertume sur la saison des comices agricoles qui s’achève dans les différents cantons de l’arrondissement de Ploërmel.

Les palmarès ont été publiés dans les journaux accompagnés d’éloges abondants pour les cultivateurs récompensés, encore plus abondants pour les organisateurs. Ceux-ci ordinairement, toujours même, de gros propriétaires vont rentrer chez eux et ne vont plus s’occuper d’agriculture pendant un an. L’année prochaine ils reparaîtront, à la même date sourire aux lèvres, distribuant forces poignées de main et ce sera tout.

ANONYME, « Ploërmel - L’agriculture », L’Ouest-Eclair, 25 octobre, 1907, p. 4, Voir en ligne.

Le 20 octobre 1911, Rennes perd sa place de capitale agricole de l’ouest et ne peut plus de ce fait organiser les grands concours agricoles nationaux, ce qui a pour conséquences une chute des ressources servant à promouvoir l’agriculture.

La même année les fêtes et comices sont supprimés en Ille-et-Vilaine pour cause de fièvre aphteuse. Le conseil général ne vote, cette année-là, aucune subvention aux associations agricoles organisatrices de comices .

Les progrès de l’agriculture à l’échelle des communes du massif, s’ils existent, ne sont pas encore visibles. En revanche la présentation de matériels innovants qui se fait par le biais des comices cantonaux, est avant tout l’occasion, par les fêtes qui s’y déroulent, d’exprimer la convivialité des gens de la terre. Ces assemblées sont le miroir de l’existence d’une vague communauté rurale à laquelle les paysans se sentent appartenir. Dire que les différents concours, prétexte à la distribution de nombreux prix, ont fait changer les pratiques ancestrales serait exagéré. Tout au plus, pour la majorité c’est-à-dire les petits cultivateurs, cela a pu éveiller chez eux une curiosité passagère insuffisante pour modifier leurs pratiques. Mais les comices ont contribué à faire exister une vie sociale typique qui a longtemps résisté au temps.

Rissel Alain, Lagmiri Souad (2022) op. cit., p 116.

La décadence des comices agricoles dans le massif

Compte tenu de l’épidémie de fièvre aphteuse qui sévit en Ille-et-Vilaine en 1920, ce n’est qu’en 1921, trois ans après la Grande Guerre, que reprennent, dans ce département les concours cantonaux des comices. Parmi ceux organisés dans les cantons de Rennes sud-ouest, seul celui de Montfort est cité. Des comices réapparaissent dans le Morbihan où à cette époque on en dénombre encore 34 sur l’ensemble du département, regroupant environ 3 000 membres.

Mais le bon temps des comices est révolu. Les cinq années de guerre ont bouleversé les repères, une partie des codes ancestraux auxquels les cultivateurs se sont tant référés a disparu. Nombre d’entre eux semblent impuissants à faire évoluer leurs conditions. De plus, autour d’eux aucun sentiment de solidarité ne se manifeste. Comme ils n’ont pas le sens de l’association pour se défendre, beaucoup se résignent. L’abbé Geffriaud, chroniqueur au journal l’Ouest-Éclair critique la dérive des comices 15.

L’abbé Geffriaud qui signe ses articles dans l’Ouest-Éclair du pseudonyme Jean Grindorge ou Graindorge, suit attentivement tout ce qui touche à la vie agricole du début des années vingt jusqu’en 1934. Il s’intéresse notamment à l’épopée des comices agricoles et à l’avènement des syndicats agricoles. Fin observateur du monde agricole, il perçoit les paysans de la fin des années vingt comme désabusés :

[...] presque fatalistes, ils espèrent la réhabilitation dans leurs droits, tout comme après l’intempérie ils attendent le soleil qui répare le dommage causé à leurs récoltes.

GRINDORGE, Jean, « Les doctrines agraires », L’Ouest-Eclair, 1er février, 1921, p. 2, Voir en ligne.

Sept ans ont suffi pour que le monde change et que l’engouement pour les comices vacille. Les communes du massif vivent leurs dernières assemblées cantonales. L’Ouest-Éclair mentionne un comice à Ploërmel le 26 septembre 1923 et une grande fête agricole le même jour à Mauron avec défilé de chars. Petit à petit les comices d’antan se muent en manifestations dans lesquelles le monde paysan a du mal a se retrouver.

Les comices agricoles ont peut-être rendu autrefois quelques services à l’agriculture. Je dis peut-être, et je n’en suis pas en effet très certain. […] Ils n’ont pas su à temps renouveler leurs programmes par trop désuets et c’est ce qui explique l’indifférence dont ils sont l’objet. […] ils n’ont toujours rien changé à la conception d’après laquelle ils se sont constitués. [...] puisque le cultivateur n’a plus que du dédain pour leurs prix, puisqu’on ne peut plus l’attirer pour montrer les résultats de son travail, on tâche de l’entraîner par l’appât de la curiosité et des attractions. Y a-t-on pas vu l’an dernier un comice agricole, je dis bien un comice agricole, organiser un raid hippique, c’est-à-dire un amusement sportif et bourgeois, qu’il dotait de 200 francs comme premier prix, alors qu’il n’accordait [au concours de labourage] que 100 francs comme premier prix. Vraiment de qui se moque-t-on ?

GRINDORGE, Jean, « La politique et l’agriculture », L’Ouest-Eclair, 27 septembre, 1925, p. 2, Voir en ligne.

La frustration des cultivateurs moteur du changement

Mais les cultivateurs ont besoin de se voir, de s’entendre du fait même que leur vie ordinaire est plus isolée. Ils ont des intérêts communs à défendre qu’ils découvrent par nécessité en fréquentant les comices qui dans la réalité ne sont pas des assemblées de cultivateurs organisées dans le but d’étudier les intérêts agricoles ; d’où une frustration de plus en plus vive chez les paysans des années vingt. Bien sûr on rencontre dans ces rassemblements des cultivateurs :

[...] mais aussi beaucoup de gens qui ne le sont pas. On s’imaginerait assez facilement, puisqu’il s’agit d’agriculture, que ce sont les cultivateurs qui invitent les autres, qui les reçoivent, qui leurs expliquent le mécanisme de leur travaux et sont appelés à apprécier la valeur des produits exposés. Or, pas du tout. Ce sont les autres qui invitent les cultivateurs, qui les accueillent avec de gracieux sourires et de chaleureuses poignées de mains. Ce sont les autres qui se chargent, en face des cultivateurs, d’apprécier les qualités de produits agricoles, qui osent enseigner à des cultivateurs la manière de cultiver, et qui, finalement, leur donnent des prix comme à des enfants sans ce qu’ils en savent, c’est-à-dire, souvent pas très long. Et immédiatement ils se lancent dans un sujet qui leur est beaucoup plus familier, la politique et le bourrage de crâne. [...] Voici un siècle bientôt que les comices existent et voici un siècle qu’ils nous servent les mêmes boniments. Comme l’on comprend que toutes ces formules semblent creuses à des cultivateurs qui ont voyagé et qui ont fait la guerre.

GRINDORGE, Jean, « Les comices et congrès agricoles », L’Ouest-Eclair, 1er septembre, 1928, p. 7, Voir en ligne.

Cette diatribe lancée par Jean Grindorge est le signe avant-coureur de la disparition annoncée des comices.

Les comices agricoles ont connu leur beau temps sous l’Empire, voici 60 ou 70 ans. Ils sont parvenus jusqu’à nous sans s’être-crus obligés de se renouveler [...]. Ils ont été organisés et continuent d’être organisés par des hommes, dont je suis loin de suspecter les intentions, mais qui n’appartiennent pas au monde agricole, qui s’imaginent connaître l’agriculture mieux que les cultivateurs et qui convoquaient les campagnards pour leur donner leurs encouragements en l’agrémentant d’une petite récompense comme on fait à des enfants. On profitait d’ailleurs et l’on profite encore de l’occasion pour endoctriner les assistants et les lauréats qui le plus souvent sont choisis parmi les purs de la bonne doctrine politique, réactionnaire ou avancée suivant les cas.

GRINDORGE, Jean, « Les comices et congrès agricoles », L’Ouest-Eclair, 1er septembre, 1928, p. 7, Voir en ligne.

Ces manifestations vieillottes, de plus en plus en décalage avec les préoccupations des agriculteurs du début des années trente, amènent les paysans à s’en écarter pour envisager la mise en place d’une organisation professionnelle des cultivateurs.

Mais ce qu’il y a de mieux ou de pire, c’est que les mêmes personnages prétendent accaparer les syndicats agricoles eux-mêmes afin de les faire servir à leur fortune politique et à leurs intérêts de classe.
Or [...] les cultivateurs mettent dans leurs syndicats une confiance que depuis longtemps ils ont retirée aux comices.

GRINDORGE, Jean, « Les comices et congrès agricoles », L’Ouest-Eclair, 1er septembre, 1928, p. 7, Voir en ligne.

Les débuts du syndicalisme agricole : la prise de pouvoir des cultivateurs

Ce qui n’était avant la guerre que l’embryon d’une organisation professionnelle prend son essor avec l’application à l’agriculture de la loi Waldeck-Rousseau de 1884 autorisant les syndicats en France. Des syndicats agricoles locaux se sont déjà créés avant-guerre. Depuis ils s’en créent de nombreux dans les communes rurales signifiant que les cultivateurs du Morbihan et de l’Ille-et-Vilaine ne comptent pas être dessaisis de l’organisation de leur profession.

L’expérience des comices d’antan les a rendus méfiants vis-à-vis des politiciens qui venaient, sans vergogne discourir sur des sujets que les paysans estimaient trop souvent sans rapport avec leur condition de cultivateurs parce que principalement à visée électorale. Dans le courant des années trente le discours des cultivateurs change. Ils sont décidés a prendre eux-mêmes en main la direction de leurs associations.

[…] dans nos syndicats, dans nos mutuelles, nos coopératives, nos associations agricoles de toutes sortes nous ne voulons pas de politique et surtout pas de cette politique-là. Autrefois, dites-vous, on vous applaudissait quand, dans les comices agricoles, vous parliez de cette façon-là. Il se peut bien. Mais depuis, il y a eu la guerre. Vous ne vous en êtes peut-être pas beaucoup aperçu. […] Nous autres, nous y avons vu pas mal de choses, et nous en avons retenu quelques-unes. Nous en avons en particulier appris et retenu ceci : c’est que nous ne serons forts et respectés dans la nation que si nous savons nous organiser fortement, entre professionnels et paysans, en dehors de toutes considérations d’opinion et de partis, pour la défense de nos intérêts.

GRINDORGE, Jean, « La politique et l’agriculture », L’Ouest-Eclair, 27 septembre, 1925, p. 2, Voir en ligne.

Les orientations sont claires. Elles promettent aux cultivateurs-cultivant, en relation avec les autres professions de l’agriculture, un avenir certain débarrassé des querelles politiques.

Mais déjà quatre ans plutôt Jean Grindorge souligne qu’une conception exclusivement utilitariste des syndicats agricoles présente un risque pour l’avenir de la paysannerie. Certes par la mise en place d’organismes commerciaux, de mutuelles diverses, de caisses de crédit, etc. ils rendent plus facile aux cultivateurs adhérents l’exercice de leur profession. Cette structuration de l’organisation de l’activité agricole sous la forme d’un service rendu au plus près des paysans ne change rien à leur mentalité, bien au contraire ; les syndicats ont tout intérêt, pour asseoir leur développement, à ce qu’un certain conservatisme continue à structurer la paysannerie.

La surprise des responsables syndicaux n’est pas feinte quand émergent au milieu des champs des idées qu’on ne pensait pas possibles dans les campagnes. Dans ces années difficiles, à peine trois ans après la guerre, il se dit que la Confédération Générale du Travail (CGT) a pris pied dans les campagnes malgré une doctrine générale difficilement adaptable à un milieu agricole proche de l’Église. La CGT remporte néanmoins de réels succès en prenant au sérieux les revendications exprimées par des ouvriers agricoles du sud de la France. — Rissel Alain, Lagmiri Souad (2022) op. cit., p. 148  —

Des idées, un programme, c’est ce qu’ont trop souvent oublié de mettre en leur bagage les syndicats agricoles. Ils ont pensé qu’il suffisait de procurer aux cultivateurs des avantages matériels. [...] Il leur faut une doctrine et si les syndicats agricoles se déclarent impuissants à la leur fournir il est bien à craindre hélas qu’ils n’aillent la chercher ailleurs.

GRINDORGE, Jean, « Les comices et concours agricoles », L’Ouest-Eclair, 22 avril, 1923, p. 2, Voir en ligne.

Les énergies nécessaires au changement s’orientent alors vers d’autres combats. Beaucoup d’agriculteurs des communes du massif, quarante ans plus tard, n’en sortiront pas vainqueurs.


Bibliographie

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MENDRAS, Henri, Sociétés paysannes, Paris, Armand Colin, 1976, (« Collection U »).

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RISSEL, Alain et LAGMIRI, Souad, La métamorphose des communes du massif forestier de Paimpont, Yellow Concept, 2022.

TOCQUEVILLE, Alexis de, L’Ancien Régime et la Révolution, Gallimard, 1967, (« Idées »).

Articles de journaux

SIMONEAU, Jean, « La politique dans les comices agricoles », Le Ploërmelais, 24 décembre, 1882, p. 2, Voir en ligne.

L’ESTOURBILLON, Prosper de, « Aux électeurs du canton de Guer », Le Ploërmelais, 1er août, 1886, p. 1, Voir en ligne.

UN MAURONNAIS, « Un peu de pudeur ! », Le Ploërmelais, 31 janvier, 1886, p. 1, Voir en ligne.

ANONYME, « Ploërmel - L’agriculture », L’Ouest-Eclair, 25 octobre, 1907, p. 4, Voir en ligne.

GRINDORGE, Jean, « Les doctrines agraires », L’Ouest-Eclair, 1er février, 1921, p. 2, Voir en ligne.

GRINDORGE, Jean, « Les comices et concours agricoles », L’Ouest-Eclair, 22 avril, 1923, p. 2, Voir en ligne.

GRINDORGE, Jean, « La politique et l’agriculture », L’Ouest-Eclair, 27 septembre, 1925, p. 2, Voir en ligne.

GRINDORGE, Jean, « Les comices et congrès agricoles », L’Ouest-Eclair, 1er septembre, 1928, p. 7, Voir en ligne.


↑ 1 • La commune de Saint-Léry (1,58 km²) (Morbihan) est une enclave sur le territoire de Mauron. Elle n’a pas de limite communale partagée avec celle de Paimpont, ni aucune mitoyenneté avec les autres collectivités, elle n’est pas, de ce fait, considérée dans cet article comme commune du massif.

Quant à la commune d’Iffendic (Ille-et-Vilaine), majoritairement tournée vers Montfort-sur-Meu, elle ne partage sa limite avec Paimpont que sur une petite portion située à l’extrémité sud de son espace communal. De façon à ne pas biaiser l’analyse des données nous avons considéré Iffendic dans cet article comme n’étant pas une commune du massif forestier de Paimpont.

↑ 2 • Auparavant, en 1793, un premier décompte de la population tient lieu de recensement sans que l’on sache sur quelle durée il s’est opéré, ni quelle méthode a été utilisée pour le comptage et le report des données recueillies. L’absence de standardisation du recensement de 1793 l’écarte de la prise en compte des données recueillies.

↑ 3 • La démographie du massif se maintient au dessus de 23 600 habitants jusqu’au recensement de 1896 dans lequel la population totale descend à 23 497 habitants. À partir de 1896, elle baisse constamment - malgré quelques sursauts inter-censitaires - jusqu’en 1990. Elle remonte alors timidement jusqu’au recensement de 2017 au cours duquel - avec 18 167 habitants - elle n’atteint pas encore son niveau de 1936, soit 18 506 habitants. Il faut attendre 2021 pour que la population totale des communes du massif dépasse, de 109 unités la démographie de 1936.

↑ 4 • 

Souvent obéré et toujours besogneux, [...] le gentilhomme résidant sur ses terres vivait d’ordinaire fort chichement dans son château, ne songeant qu’à y amasser l’argent qu’il allait dépenser l’hiver à la ville. Le peuple, qui d’un mot va souvent droit à l’idée, avait donné à ce petit gentilhomme le nom du moins gros des oiseaux de proie : il l’avait nommé hobereau.

TOCQUEVILLE, Alexis de, L’Ancien Régime et la Révolution, Gallimard, 1967, (« Idées »). [page 207]

↑ 5 • Aucune mention n’est faite de l’impact des sociétés d’Agriculture dans le secteur géographique du massif forestier de Paimpont.

↑ 6 • Louis François Marie de Lorgeril (1778-1842) est un ingénieur agronome et un homme politique français. Maire de Plesder (Ille-et-Vilaine) de 1808 à 1821 puis maire de Rennes de 1821 à 1830, il est élu député en 1828. Il refuse de prêter serment à Louis-Philippe et démissionne de la députation et de la mairie le 16 mai 1830. Il se consacre alors pleinement à l’agriculture et organise de nombreux comices dans la région de Saint-Malo. À Tinténiac (Ille-et-Vilaine) commune proche de Plesder, où il possède une exploitation agricole, il tente de développer des innovations agronomiques et organise la culture de la pomme de terre et des fourrages artificiels en Bretagne. Il adapte les procédés de fabrication du cidre. Il est également connu pour avoir vulgarisé l’usage des machines agricoles.

↑ 7 • Le terme de comice agricole désigne à la fois la rencontre en assemblée des cultivateurs d’un canton mais aussi, parfois le nom de l’association constituée pour organiser ce rassemblement.

↑ 8 • À cette époque la Bretagne compte cinq départements. Les Côtes du Nord (aujourd’hui Côtes d’Armor), le Finistère, l’Ille-et-Vilaine, la Loire Inférieure (aujourd’hui Loire Atlantique) et le Morbihan.

↑ 9 • La loi du 20 mars 1851 tend à assurer aux intérêts agricoles une représentation analogue à celle dont jouissent le commerce et l’industrie ; elle a pour origine les vœux émanés des comices, du congrès central et du conseil d’agriculture, ainsi que de plusieurs conseils généraux dans le sein desquels la question d’une organisation de l’agriculture est à l’ordre du jour depuis quelques années.

↑ 10 • L’Assemblée n’a pas pu « arrêter » davantage devant la crainte de créer des institutions rivales des conseils généraux de département. L’élément électoral n’est pas le même, et, d’ailleurs, les conseils généraux votant le budget départemental ont une prérogative qui exclut toute rivalité.

↑ 11 • En 1853, le comice de Bain-de-Bretagne (Ille-et-Vilaine) comporte 53 membres et ne compte que 2 agriculteurs pour 17 propriétaires, 6 maires, 7 fonctionnaires, 2 députés et une vingtaine de professions libérales et de commerçants.

↑ 12 • Les plus anciens comices agricoles des communes du massif forestier de Paimpont sont ceux des cantons de Saint-Méen-le-Grand (1855) et de Ploërmel (1857). Ce dernier est fondé par Jean-Claude Crussard, directeur de la Ferme-école de Trécesson de 1856 à 1863.

↑ 13 • Nous n’avons pas le détail de l’éventuelle répartition des comices sur les communes de ces cantons.

↑ 14 • La Société des Agriculteurs de France est créée en 1867. Très organisée, elle est parraine des syndicats agricoles locaux dont les premiers sont apparus dès la fin du 19e siècle. Ces derniers se constituent, sous sa houlette, en Unions Régionales puis, deux ans plus tard, en une Union Centrale des Syndicats Agricoles de France (UCSAF) que la SAF dirige. Au début du 20e siècle, cette Union Centrale compte 57 syndicats agricoles pour un total de près de 315 000 inscrits, soit la moitié de tous les adhérents aux différents syndicats agricoles français.

↑ 15 • Au journal l’Ouest-Éclair, l’abbé Geffriaud est un authentique vulgarisateur ayant acquis une réelle compétence en chimie agricole, c’est également un apôtre de la coopération et du syndicalisme agricoles.