1849-1869
La ferme-école de Trécesson
La première ferme-école du Morbihan
Créée en 1849, la ferme-école de Trécesson accueille durant vingt ans une trentaine d’élèves apprentis. Les directeurs de l’établissement œuvrent à la modernisation de l’agriculture.
Le contexte de création de la ferme-école de Trécesson
Au début des années 1830, des écoles d’agriculture naissent en France à l’initiative de pionniers de l’agronomie. Soutenues par l’État, elles ambitionnent de moderniser l’agriculture française et de la placer à hauteur de ses concurrentes européennes. Deux d’entre elles, implantées en Bretagne, ont été une source d’inspiration pour la création de la ferme-école de Trécesson.
L’école agricole de Grand-Jouan
L’École agricole de Grand-Jouan (Loire-Inférieure, aujourd’hui Loire-Atlantique) fondée par Jules Rieffel (1806-1886) 1 en 1830 à proximité de Nozay, devient en 1833, sur intervention du département, la première ferme-école de France. Elle est alors le seul établissement agricole public des cinq départements bretons. Devenue Institut Agricole en 1842, elle est transformée en École Régionale d’Agriculture puis en Établissement d’État en 1848 2. — GOROSTARZU, Mme de, « Biographie de Jules Rieffel (Grand Jouan) », 2018, Voir en ligne. —
L’Institut de Coëtbo
L’Institut de Coëtbo est créé en 1833 sur un domaine de trois cents hectares attenant au château de Coëtbo sur la commune de Guer (Morbihan) 3. L’enseignement y est prodigué gratuitement en échange du travail manuel fourni sur le domaine. Malgré des résultats probants, l’institut périclite au bout de quelques années, faute de soutiens financiers suffisants. — HERVÉ, Louis, Le Mémorial agricole de 1867 ; ou l’Agriculture à Billancourt et au Champ-de-Mars, Paris, Au bureau de la gazette des campagnes, 1867, Voir en ligne.p. 364 —
Le décret du 3 octobre 1848
Le décret du 3 octobre 1848 relatif à l’enseignement professionnel de l’agriculture prévoit la création d’une ferme-école par département.
Créées par des initiatives privées dès 1830, les fermes-écoles représentèrent à partir de 1848 le premier degré de l’enseignement agricole (loi du 3 octobre). L’institution résultait alors d’un partenariat entre exploitants agricoles et l’État. Celui-ci se chargeait des dépenses de l’enseignement : les frais de pension des élèves et les rétributions des enseignants. Les agriculteurs géraient quant à eux les fermes à leurs risques et périls. À la fois entreprise privée et école publique, la ferme-école assurait une double mission. Elle offrait aux cultivateurs un « modèle » d’agriculture locale et constituait une structure d’enseignement agricole gratuite pour les jeunes pauvres. Ces derniers bénéficiaient d’une instruction essentiellement pratique en exécutant les travaux de la ferme. Ils recevaient par ailleurs une prime qui devait correspondre à une rémunération de leur travail.
L’implantation de la première ferme-école du Morbihan est fixée par un arrêté du 7 avril 1849 à Trécesson en Campénéac. Alphonse Bourelle de Sivry (1799-1862) 4, propriétaire du domaine de Trécesson, afferme le château, les métairies et leurs terres à la première colonie agricole
du Morbihan. — GALZAIN, Michel de, Des demeures pas comme les autres en Morbihan, Vannes, Le Morbihan pittoresque et disparu, 1988.
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M. Audrain premier directeur de Trécesson (1849-1855)
Le premier directeur de la ferme-école de Trécesson, M. Audrain devient en 1849 fermier d’un domaine de cent-quarante-et-un hectares répartis en prairies, pâtures, bois, jardins et étangs.
Les premières promotions d’élèves
La première promotion intègre quatorze élèves. Par la suite neuf élèves sont censés être intégrés par promotion annuelle pour une durée d’apprentissage de quatre ans, ce qui en porterait le nombre total à trente-six apprentis. Cependant, de 1849 à 1855, le nombre d’élèves de la ferme-école de Trécesson ne dépasse jamais les vingt-cinq 5.
L’organisation de la Ferme-École n’a pas été sans quelques difficultés, à sa naissance. Une institution de cette nature, véritable nouveauté pour un pays qui n’accueille pas volontiers les nouveautés agricoles, devait nécessairement n’être pas comprise immédiatement. Aussi, au début, et même pendant les années qui suivirent, les candidats-apprentis n’affluèrent-ils pas, malgré les avantages qui leur étaient offerts
Un rapport préfectoral de 1853 salue cependant la progression du nombre de demandes d’admissions.
Les 27 places gratuites affectées à cet établissement sont toujours toutes occupées par des jeunes gens appartenant au Morbihan. Les 9 bourses qu’il y avait à accorder en 1852 ont été disputées par 26 candidats. Depuis la création de cette ferme-école le nombre des candidats n’avait pas encore atteint ce chiffre.
Les travaux du directeur
Les autorités louent la qualité du travail effectué par son directeur M. Audrain ainsi que la bonne tenue des comptes de l’établissement.
Nous sommes heureux de pouvoir dire que cet établissement important est dans un état très prospère et que le département doit s’applaudir de le posséder.[...] Les comptes du directeur, M. Audrain, pour l’année expirée au mois d’avril dernier, établissent un boni obtenu sur presque tous les articles de culture ou d’engraissage donnant, en résumé, un bénéfice net de 5500 fr. 42 c., bénéfice énorme, surtout quand on le compare à ceux des années précédentes, puisque 1852 donnait seulement 968 fr. 19 c., et 1851, 485 fr. 56 c. Le succès des différents essais d’irrigation et de drainage et l’introduction de plusieurs races de bestiaux étrangères à notre département, montrent l’état de prospérité auquel est parvenue cette école et l’utilité que le département en retire. [...] Votre commission vous propose, à l’unanimité, d’exprimer votre satisfaction sur la situation actuelle de Trécesson et d’adresser des félicitations au directeur.
De 1849 à 1855, M. Audrain entreprend de moderniser le domaine de Trécesson. Il introduit de nouvelles cultures - le trèfle et le choux - afin de favoriser une meilleure alternance. Il cherche à améliorer le sol par des labours plus profonds. Cependant, son successeur - Jean-Claude Crussard - critique une partie de son travail.
M. Audrain a apporté d’importantes modifications à cet état de choses. [... Il a] malheureusement, constamment opéré sans plan et un peu à l’aventure [...].
La direction de Jean-Claude Crussard (1856-1863)
1856 : les débuts
Jean-Claude Crussard quitte son domaine agricole de l’Ermitage (Sixt-sur-Aff, Ille-et-Vilaine) avec sa femme, ses deux filles, ses chevaux et ses bœufs et prend la direction de la ferme-école en 1856. Il contracte un bail de dix-huit ans à raison de 4000 francs annuels, pour devenir fermier du domaine de Trécesson et rachète le cheptel, le foin, la paille et le fumier au précédent directeur pour 10 000 francs. Dans un rapport de la même année il présente son nouveau domaine.
La partie de la terre de Trécesson consacrée à la Ferme-École se compose de trois anciennes métairies réunies et comprenant ensemble : 40 hectares de terre labourable, dont 2 hectares 50 en jardins, 30 hectares de prés naturels, 55 hectares de lande. Ce n’est pas là bien sûr une exploitation bien importante ; mais, placée au milieu de terres très divisées et dans un département où les fermes les plus étendues ne le sont guère plus qu’elle 6, sauf en de rares exceptions, elle est mieux en position par cela même, d’adopter un système de culture approprié à sa mission.
Le cheptel de Trécesson
Dès son arrivée, Jean-Claude Crussard investit ses économies dans l’acquisition de bétail. Il entreprend aussi d’importants travaux de modernisation des bâtiments, portant ses efforts sur les deux domaines qui lui paraissent primordiaux pour sa ferme : la vacherie et la porcherie.
La vacherie
En 1856, le cheptel comprend trois taureaux, neuf taurillons, sept génisses, onze bœufs et trente-sept vaches dont sept provenant de la liquidation Audrain.
La vacherie, l’une des plus belles du pays et des mieux organisées
, a été installée dans une grange réaménagée - une assez forte dépense
- aux frais de Jean-Claude Crussard.
La pièce qu’elle occupe, d’une longueur de 33 mètres sur 6m 66 de largeur et 4 de hauteur, fraîchement crépie et blanchie à la chaux [...] est garnie dans son centre, sur toute sa longueur, de deux rangs parallèles de crèches, séparés par un couloir, pour la distribution des aliments. Chacune de ces crèches, qui sont au nombre de quarante, est en quelque sorte isolée de sa voisine, ce qui facilite une plus égale répartition de la nourriture.
La vacherie est tenue par deux apprentis de première année, chargés de distribuer la nourriture, entretenir la propreté, garder les animaux au pâturage. La traite du lait est exclusivement confiée à deux femmes âgées. L’ensemble est dirigé par une des filles de Jean-Claude Crussard qui contrôle en outre la fabrication du beurre.
La porcherie
La porcherie est une construction neuve réalisée à proximité des étables.
Cet établissement, formé sur l’emplacement de vieilles ruines, consiste en une cour rectangulaire de 24 mètres de long et 20 de large, sur deux côtés de laquelle se trouvent mes loges à porcs. [...] La façade extérieure de ce bâtiment est en maçonnerie, et celle donnant dans la cour est en bois peint. Une couverture en ardoises, sur voliges et à deux versants, règne sur toute sa longueur. Chaque loge est soigneusement dallée, avec une inclinaison suffisante pour faciliter l’écoulement des urines non absorbées par la litière dans un canal souterrain qui les dirige dans la fosse à purin.
Cette porcherie est confiée à un valet spécial secondé par un élève de première année. L’élevage commence en 1856 avec deux truies et deux verrats. Au 31 décembre, il se compose de vingt-six têtes.
La basse-cour
La basse-cour comprend cent-dix volailles, tant en gallinacés qu’en palmipèdes. Elle intègre des canards cochinchinois 7 provenant du château de Loyat. L’élevage est dirigé par les filles du directeur. — CRUSSARD, Jean-Claude (1857). op. cit., p. 28 —
Le cheptel en 1859
En 1859, un visiteur de passage à Trécesson 8 nous renseigne sur l’organisation de la ferme-école.
Il y a cinq hectares de topinambours et la même étendue en ajoncs. Ces dix hectares lui rendent le plus grand service pour la nourriture d’hiver de son bétail, qui dévore avec avidité les ajoncs simplement passés au hache-paille de M. Bodin de Rennes, ainsi que les topinambours qui conviennent aussi bien aux chevaux qu’à tous les autres animaux de basse-cour. Il a défriché une partie de ses landes et pourra en défricher encore une dizaine d’hectares, le reste couvrant des côtes rocheuses ; celles-ci lui procurent beaucoup de litière. Il compte planter les parties de ces coteaux qui ne peuvent être cultivées, en cytises dont il projette de couper tous les ans les repousses, car son bétail en est très friand : je pense que ce taillis périrait si on ne lui laissait au moins une année pour se remettre d’avoir été coupé près de terre l’année précédente. [...] M. Crussard tient une comptabilité très régulière et bien détaillée. Son bétail est de race bretonne, mais il vient d’acheter chez le comte du Buat un taureau Durham destiné à l’améliorer. Son troupeau de bêtes à laine est croisé Southdown. Sa porcherie est très commode, mais elle n’a pas de petites cours pour chaque toit. M. Crussard avait d’abord eu des cochons craonnais, ensuite il croisa des truies craonnaises par des New-leicester. Il a trouvé ces derniers tellement supérieurs aux précédents, qu’il n’élève plus que des porcs anglais. Ses enclos ont été agrandis par lui, de manière à n’en pas avoir de moins de quatre hectares.
Drainage et irrigation
Les travaux de drainage et d’irrigation menés depuis 1856 ont produit les améliorations escomptées. Jean-Claude Crussard utilise pour l’un et l’autre les ressources naturelles à sa disposition en l’occurrence les carrières de schiste pourpre situées à proximité du château.
Les terres de cette propriété sont bonnes, mais ont beaucoup à souffrir de l’humidité et d’énormes haies, dont les grands arbres et les énormes têtards, augmentent beaucoup les mauvais effets. [...] M. Crussard a une vingtaine d’hectares de prés qu’il a déjà drainés et irrigués en grande partie, et il est occupé à achever cette grande amélioration. [...] Comme il dispose de pierres plates de nature schisteuse, il s’en sert en place de tuyaux qu’il ne trouve pas à sa portée.
De ce système d’irrigation, nous n’avons retrouvé en 2016 que deux dalles déposées au bord d’un fossé de drainage.
Les terres situées en aval de l’étang de Trécesson sont irriguées par celui-ci.
À Trécesson, siège de la Ferme-Ecole que j’ai dirigée, le château est entouré de larges fossés alimentés par des sources et principalement par un petit ruisseau dont les eaux sont retenues dans un réservoir faisant suite aux fossés. Ces eaux servent à l’irrigation d’une prairie de 21 hectares dont le produit a plus que doublé depuis qu’elle est arrosée et drainée.
Les landes et la valorisation des terres
La litière
La mise en valeur des landes pour favoriser l’amendement des terres cultivables est une préoccupation majeure de Jean-Claude Crussard. À son arrivée, il fait un usage traditionnel de la lande comme litière avant d’en améliorer l’utilisation. En complément, il propose par la suite de planter une partie des landes en cytises des Alpes 9. Il expérimente à Trécesson ces plantations qu’il juge susceptibles de régénérer à elles seules l‘agriculture dans ces contrées.
En 1857, il adresse à l’Académie d’Agriculture de France un mémoire intitulé Communication sur l’utilité des landes employées comme litière. — ACADÉMIE D’AGRICULTURE DE FRANCE, et PAYEN, M., Bulletin des séances de la Société Impériale et Centrale d’Agriculture - Compte rendu mensuel, Paris, Librairie Mme Veuve Bouchard-Huzard, 1857, Voir en ligne. 1856 —
Les autres engrais
Jean-Claude Crussard utilise aussi des engrais commerciaux, comme le noir animal 10 sur l’utilisation duquel il a écrit un mémoire en 1854. — CRUSSARD, Jean-Claude, « Action chimique du noir animal », Journal de l’agriculture pratique, Vol. 4 / 1, 1854, p. 401-406, Voir en ligne. — Il se procure aussi du guano, des vieux chiffons, ainsi que de la chaux en quantité qu’il fait amener par le canal de Nantes à Brest, à partir du port du Roc-Saint-André (Morbihan), pour deux francs l’hectolitre. — CRUSSARD, Jean-Claude (1857) op. cit., p. 44 —
Les cultures
Les céréales
Outre la culture du froment, du seigle, de l’avoine, et du sarrasin, Jean-Claude Crussard introduit de l’orge et surtout du méteil 11 dont il souhaite faire la principale substance alimentaire de l’école.
— CRUSSARD, Jean-Claude (1857) op. cit., p. 61 —
Les racines
Les pommes de terre, les rutabagas et les carottes étaient déjà cultivées par son prédécesseur. En 1857, il réalise un essai infructueux de betterave. Il introduit par ailleurs la culture du topinambour dans le Morbihan. — CRUSSARD, Jean-Claude (1857) op. cit., p. 65 —
Les fourrages
Jean-Claude Crussard favorise la culture du trèfle à Trécesson afin de fertiliser le sol. Il l’utilise également comme fourrage associé au chou. C’est cependant l’ajonc cultivé qui retient toute son attention. — CRUSSARD, Jean-Claude (1857) op. cit., p. 72 —
Prix et récompenses
Jean-Claude Crussard obtient de nombreux prix et médailles en tant que directeur de la ferme-école, parmi lesquels :
- En 1857, une médaille de bronze des produits agricoles au concours régional du Mans pour son beurre ainsi qu’un quatrième prix pour une vache bretonne. — BARRAL, Jean-Augustin, Journal d’agriculture pratique, Vol. 8, Paris, Librairie agricole de la maison rustique, 1857, Voir en ligne. pp. 20-21 —
- En 1859, une médaille d’or pour les produits agricoles et matières utiles à l’agriculture au concours régional de Nantes. — BARRAL, Jean-Augustin, Journal d’agriculture pratique, Vol. 10, Paris, Librairie agricole de la maison rustique, 1859, Voir en ligne. p. 519 —
- En 1860, une médaille d’or au concours régional d’agriculture de Vannes.
M. Crussard, directeur de la ferme-école de Trécesson, président du comice agricole de Ploërmel, membre de la chambre consultative de la Société d’agriculture de cet arrondissement, secrétaire de la commission cantonale de statistique, correspondant de la Société impériale et centrale d’agriculture de France et de la Société départementale de Rennes, a envoyé une Statistique agricole du canton de Ploermel (Morbihan) en manuscrit. M. Crussard ne s’est pas borné à donner les résultats de la statistique administrative, il les a comparés entre eux et contrôlés les uns par les autres. Il discute le prix de revient de toutes les cultures, celui du fumier, les revenus obtenus des animaux, etc., et en tire des inductions importantes pour l’avenir de l’agriculture dans ce canton, un des plus pauvres et des moins productifs de France. La Société, sur la proposition de la section d’économie et de législation agricoles, décerne à M. Crussard une médaille d’or à l’effigie d’Olivier de Serres 12.
Le bail contracté en 1856, pour dix-huit ans, par Jean-Claude Crussard auprès de Alphonse Bourelle de Sivry, est interrompu en 1863, peu après la mort de ce dernier.
La vie d’un élève de Trécesson sous la direction de Jean-Claude Crussard
Les promotions de la ferme-école de Trécesson comptent neuf élèves entrant au mois d’avril de chaque année. Les candidats proviennent de la paysannerie morbihannaise bretonnante ou gallèse. En 1856 l’école compte trente-trois élèves.
Les cours théoriques présentent, à Trécesson, plus de difficultés que dans les autres parties de la France, par le manque, chez le plus grand nombre des apprentis, d’une instruction primaire suffisante. Plusieurs même arrivent ici ignorant jusqu’à la langue française. Il faut bien les recevoir en cet état puisque c’est, en quelque sorte, l’état normal de la partie assez étendue du département qui appartient à la Basse-Bretagne ; et, chose remarquable, ce sont presque toujours eux qui progressent le plus vite. C’est donc pour le plus grand nombre une éducation complète à faire ; et c’est là une tâche infiniment pénible, pour laquelle heureusement je suis bien secondé par mes agents.
Les apprentis ne sortent jamais de l’établissement sans une permission spéciale. Il ne leur est accordé de récréations que le dimanche, après les offices. Ces récréations ont toujours lieu sous les yeux des chefs et consistent en jeux traditionnels. La messe est donnée à la chapelle du château de Trécesson par un aumônier spécial rétribué par l’État.
Si les apprentis disposent d’un peu de temps en semaine, ils le passent à leurs jardins respectifs situés sur les talus des douves qui environnent le château. La majeure partie du temps est consacrée au travail manuel à la ferme. Le reste est consacré à l’étude, aux repas et au sommeil. — CRUSSARD, Jean-Claude (1857) op. cit., p. 97 —
Le travail à la ferme
Le travail manuel représente en moyenne neuf heures par jour, excepté à l’époque de fenaison et de moisson où les journées sont complètes.
Le travail de mes apprentis n’est porté dans mes comptes qu’au taux de 5 c. par heure pour chacun. C’est tout ce qu’il vaut comparativement à celui des journaliers ordinaires qui, dans ce canton, sont rétribués sur le pied de 75 c. pour une journée de 11 heures pleines, et qui certainement produisent plus et mieux, proportionnellement, que de très jeunes gens, la plupart inexpérimentés.
L’enseignement
Les jeunes apprentis agriculteurs de la ferme-école reçoivent un enseignement prodigué par des agents rémunérés par L’État. Le programme suivi est celui donné par les instructions ministérielles.
L’enseignement professé ici comprend la lecture, l’écriture, l’arithmétique, les premiers éléments de géométrie appliqués à l’arpentage, au cubage, au nivellement ; la comptabilité agricole. Puis, viennent des cours spéciaux : d’horticulture et d’arboriculture, faits par le chef-jardinier ; d’hygiène, d’anatomie et de médecine pour les animaux, par un bon vétérinaire de l’arrondissement ; de théorie agricole, par le directeur. Mais l’enseignement principal, celui qui occupe le plus les maîtres et les apprentis, c’est la pratique de l’agriculture.
Jean Cormerais (1863-1869)
Jean Cormerais 13 est le dernier directeur de l’établissement agricole. Sous sa direction, chaque promotion comprend trente-six élèves bénéficiant d’un enseignement d’une durée de quatre ans. — BELLEVÜE, Xavier de, « Château de Trécesson, histoire, seigneurs, légendes », Revue Morbihannaise, Vol. 17, 1913, p. 5-32. —
Entre 1863 et 1867, il présente les travaux de la ferme-école à des concours agricoles régionaux et nationaux pour lesquels il obtient des récompenses.
- un deuxième prix en 1864 pour les verrats de toutes races au concours de Korn-er-Houët (Colpo, Morbihan) — BARRAL, Jean-Augustin, Journal d’agriculture pratique, Vol. 28, Paris, Librairie agricole de la maison rustique, 1864, Voir en ligne. p. 200 —
- un troisième prix en 1866 pour les petites races de
bœufs de 4 ans et au dessous
au concours général tenu à Poissy (Yvelines) — LONDET, Louis-André et BOUCHARD, Louis, Annales de l’agriculture francoise, Vol. 27, Paris, Librairie Mme Veuve Bouchard-Huzard, 1866, Voir en ligne. p. 217 — - un troisième prix en 1867 pour des bœufs de race bretonne au concours d’animaux de boucherie de Lyon — BARRAL, Jean-Augustin, Journal d’agriculture pratique, Vol. 31, Paris, Librairie agricole de la maison rustique, 1867, Voir en ligne. p.561 —
- un premier prix en 1867 pour ses bœufs de race bretonne au concours régional d’animaux de boucherie de Nantes. — BARRAL, Jean-Augustin, Journal de l’agriculture, Paris, 1868, Voir en ligne. p. 216 —
- une médaille d’or grand module décernée au concours régional de 1867 pour ses travaux spéciaux sur les cultures fourragères 14.
- une médaille d’or hors concours en 1868 à Saint-Brieuc — ANONYME, Annuaire des Côtes du Nord, Vol. 18, Saint-Brieuc, Prud’homme, 1868, Voir en ligne. pp. 73-74 —
1869 - La fin de la ferme-école de Trécesson
L’enseignement agricole à Trécesson cesse en 1869. La ferme-école du Morbihan est transférée à Grand-Resto près de Pontivy (56).
On ne voit pas très bien qu’elles circonstances, locales probablement, amenèrent le transfert de Trécesson vingt ans plus tard exactement (arrêté du 20 novembre 1869) au Grand Resto, vieux manoir dont les terres chevauchaient Pontivy et Malguénac.