9e siècle
Naissance d’un monastère à Maxent
Salomon bâtit un monastère pour les moines de Redon
Face aux Vikings qui pillent et détruisent les monastères de la Bretagne et de la Francie occidentale, les moines cherchent des refuges pour protéger les reliques de leurs saints.
En 858, les moines de l’abbaye de Redon demandent au roi Salomon de Bretagne de leur procurer un refuge loin des menaces. Salomon les accueille sur le lieu de sa résidence en Plélan.
Vers 868, les moines du Poitou fuient leur monastère, emportant les reliques de saint Maixent pour rejoindre Plélan où sont déjà installés les moines de Redon.
En 869, le monastère de Plélan prend le nom de monasterium Sancti Maccentii.
En 824, les moines de Plélan restituent les reliques de saint Maixent au monastère du Poitou.
Au 11e siècle, ce lieu de l’ancien monastère de Maixent devient une paroisse qui prend le nom de Maxent.
9e siècle — La Bretagne des rois Erispoë et Salomon
En août 851, la bataille de Jengland-Beslé est remportée par Erispoë, fils de Nominoë 1, sur Charles le Chauve 2, alors roi de Francie occidentale 3. La même année, le traité d’Angers reconnait à la Bretagne le statut de regnum, royaume subordonné à la Francie occidentale.
Erispoë réside dans des domaines royaux qui relèvent du fisc comme Talensac près de Montfort 4. Il séjourne dans les deux grandes abbayes, Redon et Saint-Méen de Gaël. En 857, Erispoë meurt assassiné par son cousin Salomon qui lui succède.
Salomon est fils de Riwallon, comte de Poher et d’une sœur de Nominoë. Il est marié à Wembrit (nommée également Guenwret). Il a trois enfants : Riwallon, Wigon 5 et Prostlon 6.
En 867, de nouvelles victoires sur le roi carolingien Charles le Chauve contraignent ce dernier à négocier le traité de Compiègne avec Salomon qui obtient l’Avranchin 7, le Cotentin et une partie du Maine. Ce traité marque l’apogée du royaume breton. Salomon est officiellement exempt du versement du tribut. Il est reconnu comme un monarque pratiquement indépendant. Il règne pendant dix-sept ans.
Plélan-le-Grand, lieu de résidence de Salomon
Le Cartulaire de Redon (832-1124) atteste une résidence du roi Salomon de Bretagne dans un lieu nommé « plebe lan », dont les limites ne sont pas connues. Il s’agit d’un territoire dont font partie notamment les communes de Plélan-le-Grand, de Maxent et de Treffendel.
La motte féodale située au Gué de Plélan, dite « Motte Salomon » n’est pas sa résidence puisque les recherches actuelles ne montrent pas d’occupation du site au 9e siècle.
Les textes établissent que le souverain breton a un lieu de résidence dans l’actuel bourg de Maxent, situé à cinq kilomètres de Plélan-le-Grand.
La menace viking et la nouvelle abbaye de Redon
En juin 832, Conwoïon, fils d’un noble originaire de Comblessac, fonde avec un petit groupe de prêtres et de moines un monastère sur des terres qui leur sont données par le machtiern 8 Ratuili. Il est construit malgré plusieurs refus de l’empereur Louis le Pieux. Nominoë, le missus de l’empereur, intervient et obtient le soutien de plusieurs évêques bretons pour intercéder auprès de Louis le Pieux. En novembre 834, un diplôme (autorisation officielle) est accordé à l’abbaye par ce dernier. Les moines de Redon suivent la règle bénédictine et adoptent l’observance monastique alors imposée à toutes les abbayes de l’empire. Conwoïon devient son premier abbé.
[...] la réforme monastique que Louis le Pieux et ses conseillers avaient appliquée au début de son règne a été diffusée en Bretagne autour et à partir de Redon.
Dès le début du 9e siècle, les Vikings sont une menace pour l’empire carolingien. La Bretagne n’échappe pas à ce danger. Nantes voit sa population massacrée en 843. Nominoë et Erispoë doivent faire face aux bandes scandinaves qui agissent de façon sporadique. Ils prennent à nouveau Nantes en 853 et s’y installent. Salomon parvient à maintenir une paix relative avec les Vikings qui remontent les estuaires et les fleuves menaçant de s’en prendre aux monastères où se trouvent les principales richesses. La nouvelle abbaye de Redon, située au confluent de l’Oust et de la Vilaine, en fait partie et les moines de Redon envisagent de chercher un lieu sûr où ils pourront mener leur vie monastique.
858 — Salomon crée un « refuge » pour les moines de Redon
Conwoïon supplie Salomon en 857 de lui procurer un établissement de repli. Le souverain breton lui offre un refuge monastique sur sa terre résidentielle.
En février puis en avril 858 les onze douzièmes de la forêt de Brontro, un bien du fisc situé « in pago nuncupante trans silvam », sont donnés à des « moines solitaires qui servent dans le monastère proche », peut-être le noyau de la communauté dite le 17 juin 862 Sanctus Salvatoris in Ploelan, Plélan-le-Grand, c’est-à-dire la « paroisse du monastère » ; les religieux cherchant un lieu plus sûr que Redon, envahi par les Normands en 854, se réfugièrent à côté de l’aula de Salomon.
Les moines de Redon donnent à leur nouveau refuge le nom de Sanctus Salvatoris in Ploelan
(Saint Sauveur de Plélan) 9. Ce refuge monastique est bâti près de l’aula 10 de Salomon. Il s’agit d’une première construction pour les moines de Redon.
[...] nous sommes persuadés que le domaine de Plélan — l’actuel Plélan-le-Grand —, où Salomon fit construire pour les moines de Redon un établissement de refuge en cas de raid scandinave, était un bien du fisc ; n’était-il pas voisin du domaine de Bernéan dont disposait le comte Rorgon lorsqu’il était comte en Poutrocoet [Porhoët] et du massif boisé de Paimpont dont l’ensemble, terrain de chasse et étang, devait bénéficier d’un statut particulier du droit de la forêt que protégeait le ban royal ?
866 — Mort de Wembrit, épouse de Salomon
Un acte du Cartulaire de Redon fait part de la mort en 866 de Wembrit, l’épouse de Salomon. Elle est enterrée dans le monastère de « Saint Sauveur de Plélan ». À cette occasion le souverain fait donation aux moines de Redon d’un ran 11 et de deux villæ.
Salomon avait donné à Saint-Sauveur, à l’abbé Conuuoion 12 et à ses moines, pour l’âme de sa femme Uuenbrit, pendant le temps qu’elle fut malade, une virgada qu’on appelle Raninslouuen, avec ceux qui y demeurent : Uuorhouuen, Riuueten, Alitoc, Maenuueten. Acte fait dans le lieu qu’on appelle Botcatuur (commune de Plélan-le-Grand [35]). Et après que Uuenbrit fut morte, Salomon est venu au monastère Saint-Sauveur à Plélan, et y a donné la villa qu’on appelle Cimbut, et Raniarnedam, avec ceux qui y demeurent, se nommant : Riuur, Roiantuuallon, Menuuallon, Detuuidhael, et la villa de Pirisac (commune de Plélan [35]) [sans doute le lieudit Périsac, commune de Maxent]. Acte fait dans le monastère de Redon, à Plélan (35) 13.
Dans cet acte la construction est nommée monastère et non « refuge » tel que nous l’appelons vu qu’il s’agit là d’un premier bâti. Le mot prieuré semble plus adapté pour désigner le lieu où vit la communauté monastique de Redon, Sanctus Salvatoris in Ploelan « Saint-Sauveur de Plélan ».
Entre 866 et 868 — Les reliques de saint Maixent au monastère Saint-Sauveur de Plélan
Au 9e siècle, l’ensemble de la Francie occidentale est sous la menace viking. Après leur pillage, les envahisseurs normands hivernent et rançonnent le roi, l’Église et la population. Face aux dangers, Charles le Chauve paie pour négocier la paix, au pire il en vient à payer des Vikings pour chasser d’autres Vikings. Les lieux sacrés où se trouvent les richesses sont les premiers visés. Il arrive que les moines n’aient pas à quitter leur monastère lorsqu’ils parviennent à monnayer leur sécurité avec les Vikings. C’est probablement pour éviter ce genre de situation que les moines du monastère de Saint-Maixent du Poitou trouvent refuge en Bretagne pour sauver les reliques de leurs saints.
Le Cartulaire de l’abbaye Saint-Sauveur de Redon, mentionne ces évènements, et précise la provenance des reliques 14 de saint Maixent 15 au monastère de Saint-Sauveur de Plélan où sont réfugiés les moines de Redon.
Concernant l’arrivée des reliques, Dom Plaine, bénédictin et historien breton, rapporte les propos de Salomon, cité dans le Cartulaire, affirmant que les reliques de saint Maixent sont arrivées à Saint-Sauveur de Plélan à deux périodes différentes.
[...] Une première fois, en effet, nous dit-il [Salomon], on nous rapporta du Poitou le riche évangéliaire et le sacramentaire de saint Maixent avec le texte de la vie du même Saint, écrite en prose et en vers, ainsi que le livre de la vie du martyr saint Léger... Mais plus tard ce fut bien autre chose, nous fûmes mis en possession du corps même de saint Maixent, et toute l’Aquitaine fut en deuil à l’occasion d’une pareille perte, la Bretagne en retour en tressaillit d’allégresse.
Origine du monastère et des reliques de saint Maixent du Poitou
On sait peu de choses sur saint Maixent hormis les légendaires miracles qui lui sont attribués en dehors de sa Vita primitive. Ce que l’on connait du personnage nous est rapporté par Grégoire de Tours (538-594) 16. L’historien Godefroid Kurth précise que le texte d’origine est perdu. De la biographie de saint Maixent il ne reste
[que] deux recensions plus modernes. La première se trouve dans Mabillon (Acta Sanctorum O. S. B., t. I), la seconde dans les Bollandistes (Acta Sanctorum, t. V de juin). Cette dernière contient des indices de postériorité qui ne permettent pas de la faire remonter au-delà du commencement du septième siècle. L’autre n’est guère plus ancienne, car elle a en commun avec la précédente l’amplification légendaire qui introduit Clovis lui-même dans l’épisode du soldat pillard, et le fait tomber aux genoux du saint.
Grégoire de Tours est le seul biographe de Clovis. Il fait mention de Maixent lors d’un passage de son Histoire des Francs où Clovis (†511) bataille à Vouillé contre le roi wisigoth Alaric. Il écrit que Maixent sauve son monastère face aux soldats de Clovis grâce à un miracle. Grégoire de Tours dit reprendre ce qui est rapporté dans la Vita du saint. Son nom est repris dans la Vita de saint Léger, autre grand saint du 7e siècle qui a Maixent pour maitre.
L’abbaye de Saint-Maixent [...] était construite autour de la cellule de saint Maxence, un saint contemporain de Clovis. Grégoire de Tours raconte que les guerriers de Clovis, lorsqu’ils étaient allés combattre le roi wisigoth Alaric en 507, avaient, à la suite d’un miracle, épargné cette abbaye.
Les reliques de saint Maixent et de saint Léger au monastère de Saint-Maixent en Poitou
Lors de la bataille de Vouillé (près de Poitiers) en 507, saint Maixent accomplit un miracle, selon les dires de Grégoire de Tours 17. Vers 682, le monastère de Saint-Maixent reçoit les reliques d’un abbé successeur de Maixent, saint Léger, devenu évêque d’Autun (†678 ou 679). Le moine Ursin, deuxième biographe de saint Léger, raconte que les reliques de ce saint sont apportées d’Artois jusqu’en Aquitaine. Les moines de Saint-Maixent installent le corps dans un tombeau au centre du monastère. En 855-865, lors des attaques vikings ravageant le Poitou, l’abbaye de Saint-Maixent conservent les reliques de saint Maixent et de saint Léger.
Pérégrination des reliques de saint Maixent jusqu’en Bretagne
Les moines de Saint-Maixent quittent leur monastère, emportant avec eux les reliques des deux saints associées dans l’exode. Dans un premier temps, les moines se réfugient en Auvergne, à Ebreuil 18.
[...] Pendant deux siècles, les moines de Saint-Maixent furent les gardiens des reliques de saint Léger. Mais, au milieu du IXe siècle, les Normands ayant menacé l’abbaye, les moines emportèrent les reliques à Ebreuil, près de Grannat. Le péril passé, ils revinrent en Poitou mais repartirent bientôt pour la Bretagne, dans le palais du roi Salomon à Plélan-le-Grand en 869.
Une partie des moines obtient du roi d’Aquitaine la fondation d’une abbaye placée sous le patronage de saint Léger et s’établit définitivement à Ebreuil. Vers 868, la situation s’étant améliorée, l’autre partie des moines retourne dans leur monastère en Poitou avec les reliques de saint Maixent.
[...] L’amélioration qui se manifesta dans la situation à partir de 868 permit aux moines restants d’envisager leur retour en Poitou, avec le corps de saint Maixent, amputé de quelques parcelles au bénéfice de la nouvelle fondation, mais aussi avec une portion des reliques de saint Léger. Il n’est pas sûr qu’ils arrivèrent jamais à Saint-Maixent. C’est un fait que les reliques de Maixent se trouvent dès avant le 17 avril 869 en Bretagne, en possession du duc Salomon.
On ne sait pas pour quelle raison les reliques parties d’Ebreuil se sont retrouvées à Plélan. Seul le Cartulaire de Redon nous apprend que les moines de Saint-Maixent ont apporté le corps du saint auprès du souverain breton, qui plus est, avec l’accord des moines de Redon. Reste la Vita de Conwoïon, écrite tardivement au 12e siècle et inspirée des Gestes des saints de Redon de Ratuili 19, où l’on fait la part belle à la prise de possession des reliques de saint Maixent.
[...] Chassée par les raids scandinaves, une partie de la communauté des moines de Saint-Maixent (Deux-Sèvres) fuit son abbaye entre juillet 866 et le début de l’année 868 pour se réfugier à Plélan-le-Grand (Ille-et-Vilaine), lieu de repli des Bénédictins de Saint-Sauveur de Redon 20. Les fugitifs sont accompagnés des reliques de Maixent et d’au moins une partie de leur bibliothèque.
868 — Mort de Conwoïon et fondation d’un nouveau monastère
Conwoïon, fondateur de l’abbaye Saint-Sauveur de Redon meurt le 5 janvier 868. Salomon crée un nouveau monastère auquel il veut donner son nom. Il confie à l’abbé Ritcand, successeur de Conwoïon, la construction d’un grand monastère, refuge pour les moines et les reliques.
[...] En raison des attaques normandes, Salomon, princeps de Bretagne, a conféré à l’abbé Ritcand et ses moines sa cour de Plélan-le-Grand et un autre lieu, et a ordonné d’y construire un grand monastère comme refuge pour ces moines. Ce monastère construit en l’honneur du saint Sauveur, où sont inhumés l’abbé Conuuoion et l’épouse de Salomon Guenuuret et où sera enterré le corps du princeps, portera le nom de monastère de Salomon [...] 21.
Circonstances dans lesquelles les reliques de saint Maixent sont parvenues à Plélan
Les témoignages rapportés n’expliquent ni les circonstances ni l’intérêt qui ont amené les moines du Poitou à venir avec les reliques de leur saint à Plélan.
Philippe Guigon, auteur des fouilles archéologiques menées sur le site de l’église de Maxent en 1991-1992, ne croit pas à cette version. Il note que le plan du monastère d’époque carolingienne correspond à celui d’une église de pèlerinage. Il en déduit que la destination initiale de l’église était d’abriter les reliques de saint Maixent
— GUIGON, Philippe, « Maxent. Ancienne église paroissiale. Rapport de fouille programmée », Maxent, SRA, 1991, Voir en ligne. —
Philippe Guigon ne cache pas que la relique fut l’objet d’un pieux larcin
de la part des Bretons. — Giot, Pierre-Roland, Guigon, Philippe et Merdrignac, Bernard (2003) op. cit., p. 148 —
Le vol des reliques monastiques est une pratique courante entre le 9e et le 11e siècle. Pour une abbaye, la présence des reliques apporte du prestige, elle est à l’origine de pèlerinages et devient une source d’enrichissement. Salomon a pu être tenté de posséder des reliques d’un saint prestigieux. S’il s’agit d’un vol commis par les Bretons, il est compréhensible qu’il n’en soit pas fait état dans le Cartulaire de l’abbaye de Redon mais il est surprenant que les documents poitevins n’en fassent pas mention.
Nous n’avons plus le procès-verbal de la translation de ce saint corps du Poitou en Bretagne : mais elle eut lieu sans nul doute sous le règne de Salomon et probablement avant le mois de juin 866. On croit qu’elle fut le prix et le fruit de deux expéditions successives qui conduisirent les Bretons en 858
et 861 jusques au cœur du Poitou et mirent entre leurs mains un butin considérable. [...]
Lors des différentes expéditions rapportées, notamment celle de l’année 862 contre le comte d’Anjou Robert le Fort, les Bretons auraient pu « détourner » les moines de Saint-Maixent, avec les reliques qu’ils transportaient, en direction de la Bretagne. Toutefois rien ne permet de l’affirmer.
Les reliques de saint Maixent sont officiellement déposées au monastère de « Saint-Sauveur de Plélan » avant le 17 avril 869.
Suite au traité de Compiègne (867), le roi Charles le Chauve donne à Salomon le titre de roi. 22
Le 29 août 868, le nouveau roi souscrit un diplôme en faveur de l’abbaye de Redon avec son nouveau titre « Seing de Salomon roi de Bretagne ».
17 avril 869 — Faste et grandeur de Salomon pour un grand monastère
Le corps de saint Maixent repose dans le monastère où sont inhumés Wembrit et l’abbé Conwoïon. Le 17 avril 869, Salomon de Bretagne fait une donation fastueuse constituée de nombreux et précieux objets d’art et de culte
à l’abbé Ritcand, successeur de Conwoïon, et à ses moines.
[...] un calice d’or d’un travail superbe, décoré de trois cent treize gemmes et pesant un peu plus de dix livres ; une patène d’or ornée de cent quarante-cinq gemmes, d’un poids de sept livres et demie ; un manuscrit des Evangiles avec un étui fait merveilleusement avec de l’or pesant huit livres et paré de cent vingts gemmes ; une grande croix d’or d’une exécution remarquable de vingt-trois livres et décorée de trois cent soixante-dix gemmes ; un reliquaire d’ivoire superbement gravé et, ce qui est plus précieux que le reste, plein de reliques ; une précieuse chape parsemée d’or à l’extérieur, donnée à Salomon par le roi Charles le Chauve ; un voile d’une grandeur admirable pour recouvrir le corps de saint Maixent ; l’évangéliaire et le sacramentaire de ce même saint reliés d’ivoire le premier de Paros, le second des Indes ; un autel paré d’or et d’argent ; une croix d’un côté en argent et de l’autre ornée d’une représentation du Sauveur recouverte d’or et de gemmes, deux vêtements sacerdotaux, de la pourpre précieuse et trois cloches d’une grandeur remarquable 23.
Dès lors, aux actes mentionnant Sanctus Salvatoris vient s’ajouter le nouveau nom de monasterium Sancti Maccentii.
Cette donation somptueuse pose question aux historiens, d’autant plus que les fouilles archéologiques entreprises en 1991-1992 révèlent que l’église de Maxent semble avoir été de conception et de réalisation médiocres, en comparaison avec les autres édifices de cette période carolingienne 24.
Un autre fait témoigne de cette volonté du souverain breton de se hisser à la hauteur des grands rois. Dans une lettre écrite en 871 au pape Hadrien II, Salomon fait cadeau de sa statue d’or grandeur nature avec un mulet, une couronne d’or ornée de neuf pierres précieuses, etc. — Cartulaire de l’abbaye de Redon, Aurélien de COURSON (1812) op. cit., p. 67-68 (Voir en ligne) — La comparaison avec la célèbre représentation équestre de Charlemagne montre que le roi breton cherche à être l’égal du roi franc conformément à une tradition héritée de l’Empire romain.
— Chédeville André ; Guillotel Hubert (1984) op. cit., p. 340-341 — Il n’est donc pas surprenant que Salomon ait l’ambition de donner son nom au nouveau monastère de Plélan.
[...] Ce monastère construit en l’honneur du saint Sauveur, où sont inhumés l’abbé Conuuoion et l’épouse de Salomon Guenuuret et où sera enterré le corps du princeps, portera le nom de monastère de Salomon 25.
Le choix de Salomon pour saint Maixent
Ces témoignages montrent le goût affiché du souverain breton pour la magnificence. Dans ce cas, il est intéressant de se pencher sur son choix des reliques de Maixent. Salomon est dépeint par les historiens comme un prestigieux chef de guerre et un fin stratège dans les alliances. Les traités d’Entrammes 26 en 864 et de Compiègne en 867 témoignent que c’est lui qui mène le jeu face à Charles le Chauve. C’est un roi sûr de sa force, arrogant, un tantinet méprisant même pour un souverain qui n’ose pas l’affronter en face
. — CASSARD, Jean-Christophe, Les Bretons de Nominoë, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2002, (« Histoire »).
[pages 78-81] — Tout indique que Salomon est suffisamment calculateur pour imposer le choix du saint qui va servir à sa grandeur et à celle de son monastère. Sous son règne, la Bretagne apparaît comme une terre d"asile, préservée des Vikings.
Salomon aurait fait le choix calculé d’obtenir les reliques de Maixent pour son monastère. En effet, Maixent est un saint ayant vécu au contact de Clovis, célébré par Grégoire de Tours dans son ouvrage L’Histoire des Francs. Grégoire valorise le miracle accompli par Maixent.
Les reliques de Maixent susciteront des pèlerinages et un prestige posthume pour Salomon lorsque son corps reposera auprès du saint homme dans le monastère qui porterait son nom.
Juin 874 — La fin tragique du roi Salomon
Salomon meurt assassiné en 874. Les Annales de Saint-Bertin racontent comment le souverain breton est livré à ses meurtriers francs par une conjuration regroupant des Bretons dont les principaux sont Pascweten son gendre et Gurvant. — ANONYME, Annales de Saint-Bertin - Annales de Metz (869-893), Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer, Philippe Remacle et al., 1824, (« Mémoires relatifs à l’histoire de France (Guizot) »), Voir en ligne. [Année 874] —
Le souverain est inhumé dans son monastère où reposent Wembrit, Conwoïon et saint Maixent. Ce lieu saint devient un lieu de sépulture pour la haute aristocratie bretonne du 9e siècle. Le Cartulaire de Redon donne le nom d’un prince territorial, le machtiern Deurhoiarn qui est enseveli dans le vestibule de l’église en 876. Lui et son épouse Roiantken en avaient fait la demande à Liosic, abbé successeur de Ritcand 27.
Un acte instrumenté à Maxent le 1er août 875 par les moines de Redon nous apprend que Gurvant vient pour prier au monastère de Saint-Sauveur situé en Plélan où git le corps de Salomon
. Cet acte confirme que le roi breton est enterré près de Wembrit son épouse et que le monastère ne porte pas le nom de Salomon, comme l’aurait voulu le souverain.
Mais les actes postérieurs désignent toujours le monastère comme Saint-Sauveur ou Saint-Maixent, l’autel principal portant ce double vocable dès le 1er août 875, lorsqu’après l’assassinat de Salomon [...] le 28 juin 874, son corps fut ramené en ce lieu.
Sous le règne de Salomon, Pascweten et Gurvant, puissants comtes vassaux, bénéficient des avantages royaux. Pascweten est comte dans le Vannetais et Gurvant est comte d’un territoire non déterminé dans le Rennais. À la mort de Salomon, Pascweten et Gurvant s’affrontent pour la succession.
[...] les Bretons se déchirent dans une guerre civile longue et confuse. Deux prétendants, deux partis s’affrontent et l’un d’eux commet l’irréparable : en cherchant à se renforcer à tout prix, il ouvre grande la porte au péril majeur : les vikings.
Pérégrination du retour des reliques de saint Maixent
Juin 924 — Les moines de Redon restituent le saint à son abbaye du Poitou
En 919, les Annales rédigées par le chanoine Flodoard 28 racontent que les Normands ravagent, écrasent et ruinent toute la Bretagne
. À cette époque, les moines de Saint-Sauveur de Plélan sont toujours en possession du corps de saint Maixent. Ces menaces conduisent le vicomte Aimeric Ier de Thouars (†936) à réclamer les reliques de Maixent. Il désigne un prêtre nommé Tutgualus, pour se rendre en Bretagne auprès de Moroc, le doyen de la communauté des moines de Plélan. Tutgualus demande et obtient des moines le retour des reliques de Maixent dans le Poitou. Aimeric Ier promettant de nombreux bénéfices, les moines se mirent en chemin pour le Poitou.
[...] [Ils] transportèrent saint Maxent jusqu’à la Loire. Ensuite, alors qu’ils campaient, ils apprirent que les Normands dévastaient la région de Poitiers. Ils se rendirent alors à l’église de Candé (49), près de la rivière du Beuvron et l’achetèrent pour 60 sous. Les moines de Saint-Maxent restèrent là avec leurs reliques. Mais devant les attaques normandes, ils décidèrent de déplacer à nouveau le corps de cet homme dans le pagus d’Auxerre (89), avec l’aide du comte Richard [le Justicier] qui était alors vivant. Ce dernier, avec l’évêque et les hommes les plus nobles de la région, décida de donner au saint homme plusieurs bénéfices et biens du fisc. Les moines, craignant en acceptant ces donations de revenir sur leur engagement premier vis-à-vis de Tutgalus et d’Aimeric, envoyèrent alors à Poitiers les moines Mesetus (doyen) et Joseph (prêtre) auprès d’Aimeric. Ce dernier les écouta et promit de venir et il emmena avec lui à Poitiers son frère, leur abbé. Arrivèrent alors, devant le comte Ebles [Manzer], le vicomte, son frère, les moines, Richard (archidiacre de Saint-Pierre) et le doyen de Saint-Pierre, Mainard, et ils discutèrent du corps de saint Maxent. A la fin, les moines firent la promesse sous serment, avec leur avoué, de porter à Poitiers le corps du saint homme avec sa tête (mais sans ses mâchoires), ainsi que sa Vie et un missel. Aimeric et leur abbé promirent aux moines de leur donner cette année 100 muids de pain et de vin, un moulin et de diviser équitablement la terre culte et inculte. Les moines resteront les gardiens éternels du corps de Maxent, grâce aux garanties données par Ebles. Le comte les envoya à l’église de Sainte-Marie 29.
La notice du Cartulaire de Redon rapportant ce récit est datée de juin 924.
Le monastère devient prieuré
De la « Plebe lan » à la paroisse de Maxent
Dom Plaine se demande, faute de documents, ce qu’est devenu le monastère de saint Maixent après le départ des reliques pour le Poitou en 920. La vie monastique de Saint-Sauveur de Plélan s’en trouve réduite.
Les moines regagnèrent l’abbaye de Redon sans doute dans les années 940, et il ne subsista plus à Maxent qu’un prieuré, mais ce jusqu’à la Révolution.
Les historiens apportent quelques précisions sur la naissance, autour du prieuré, de la paroisse de Maxent qui pourrait remonter au 11e siècle.
[...] Maxent qui s’émancipa de Plélan bien avant 1122 puisqu’à cette date Plélan était passé sous le contrôle des moines de saint Melaine de Rennes, alors que le desservant de Maxent restait à la nomination des moines de Redon [...] la constitution du réseau paroissial a donc été très progressive puisque Maxent, Mernel et Saint-Séglin ont pu être érigées dans le courant du XIe siècle, [...]
Quant au nom de Maxent, il est lié à l’implantation du monastère de saint Maixent qui prend naissance à cet endroit. Pierre Porcher, recteur et prieur de l’église entre 1593 et 1631 certifie que le prieuré Sancti Maccentii aurait donné son nom à la paroisse sous la forme Macent en 1330.