1878-1928
Niel Marthe
Une pionnière de l’aviation
Marthe Niel, de son véritable nom Marie-Ange Denieul, est une pionnière de l’aviation originaire de Paimpont.
Marthe Niel, de son véritable nom Marie-Ange Denieul, est née le 29 décembre 1878 au Cannée, hameau de la commune de Paimpont 1. Son père, Joachim Denieul, est laboureur et sa mère, Marie-Joseph Saget, ménagère.
Ses débuts dans l’aviation
Marthe Niel épouse Pierre Firmin Fontalbat, marchand de vin, le 9 mai 1900 à Paris. Elle exerce alors la profession de cuisinière. Le couple divorce le 4 février 1904 2.
Elle est admise en avril 1910 à l’école de pilotage de Mourmelon-le-Grand (Marne), fondée par le constructeur Paul Koechlin 3. — MARCK, Bernard, Elles ont conquis le ciel : 100 femmes qui ont fait l’histoire de l’aviation et de l’espace, Arthaud, 2009. [page 27] —
Le 9 juin [1910], Marcel Hanriot vole de Bétheny à Mourmelon [environ 40 km] sur le monoplan type VI. Il devance Marthe Niel, une femme, partie sur un biplan Voisin, plus lent.
Les meetings aériens de 1910
Marthe Niel participe à plusieurs meetings aériens, spectacles très en vogue à l’époque. Son premier meeting a lieu en juillet 1910. Il s’agit de la deuxième grande semaine d’aviation de la Champagne, qui comprend une Coupe des Dames où sont inscrites trois femmes pilotes.
Mercredi 6 juillet 1910.
Le public attend avec impatience la Coupe des Dames. Très suivie par la presse, cette Coupe met en concurrence la Française Élise Deroche sur Voisin à moteur ENV, la Belge Hélène Dutrieu sur un biplan Farman à moteur Gnome et Marthe Niel, trente ans, une débutante qui a appris à piloter à Mourmelon sur un monoplan Koechlin.
Les industriels ont beaucoup investi dans ce meeting, dans le but de déclencher des commandes de la part de l’armée française. Cela explique pourquoi Marthe Niel, comme plusieurs autres pilotes, présente deux aéroplanes. — HARTMANN, Gérard, « Les moteurs d’aviation Panhard & Levassor », 2015, Voir en ligne. p. 15 —
Elle se produit ensuite aux meetings aériens de Bruxelles et Dijon.
- À Bruxelles, du 23 juillet au 4 août 1910
Marthe Niel concourt à la Quinzaine d’aviation de Bruxelles qui a lieu à l’aérodrome de Stockel. Douze aviateurs, à la tête d’une flotte de vingt-trois appareils, sont en compétition. Au cours de ce meeting, une autre aviatrice, Madame Caya de Castella, saute en parachute et s’écrase au sol.
- À Dijon, du 22 au 25 septembre 1910
Victor Rigal et René Simon ayant abandonné, ils ne reste en compétition que : Renaux, Martinet, Barrier, Hanriot, Mouthiers et Marthe Niel qui est la seule aviatrice à concourir. Le dimanche 25 septembre, Marthe Niel, qui atterrit hors du terrain dans un champ de luzerne, prend l’incident avec sourire et désinvolture. Très acclamée, elle obtient un prix spécial.
Dimanche 25 septembre. Madame Marthe Niel devait partir depuis deux jours en biplan. Son mari, très inquiet pour elle, s’oppose à son départ disant que le vent est trop fort. Enfin, madame Marthe Niel se décide à tenter un départ, le premier depuis trois jours ; elle s’élève à quatre mètres et atterrit quelques secondes après, sans que ce départ puisse être compté pour une envolée. Tous ces jours derniers, son mari s’était opposé à ce qu’elle partît en raison du vent.
Il y aura bien sûr aussi une aviatrice, sportive aguerrie dans le domaine de l’automobile et du vélo, Madame Marthe Niel qui participait à son premier meeting aérien. Très acclamée, elle méritera bien son prix spécial .
Le brevet de pilote n° 226
Marthe Niel obtient le brevet de pilote n° 226 de l’Aéroclub de France le 19 décembre 1910 à Mourmelon, sur un Koechlin de type C à moteur Labor (l’avion le plus rapide de son époque, volant à plus de 100 km/h). Elle est la seconde femme aviatrice brevetée en France, juste après Élise Deroche 4. En février 1911, elle teste à Mourmelon un monoplan Koechlin type C, ce qui fait d’elle la première femme pilote d’essai de l’histoire de l’aviation. — MARCK, Bernard, Elles ont conquis le ciel : 100 femmes qui ont fait l’histoire de l’aviation et de l’espace, Arthaud, 2009. [page 27] —
L’année 1911 est consacrée à de nombreux meetings aériens :
- À Périgueux, du 22 au 24 avril 1911
Elle concourt en compagnie de trois autres aviateurs, Labouchère, Fischer et Mallard.
Surnommée la femme oiseau, elle provoque l’engouement du public et devient l’héroïne de la manifestation. Son monoplan est qualifié par les journalistes de l’époque comme "gracieux, semblant un énorme papillon élargissant ses ailes d’or autour de son corselet." [...] "serrée dans un manteau de laine blanche coiffée d’un polo rouge" elle suivra l’évolution de son propre appareil, monté par Frantz 5, son tout jeune mécanicien de dix-sept ans dont le brevet n’a guère que trois mois. Enfin, à son tour, elle fait frémir la foule en frôlant la cime des arbres qui bordent la route de Bordeaux et pique du nez à l’atterrissage. Il y a heureusement plus de peur que de mal, "la béquille correspondant aux roues de patins est cassée et les bouts des deux ailes de l’hélice sont éraflés" 6
- À Gaillac (Tarn), du 20 au 22 mai 1911
Le Comité des fêtes générales de Gaillac organisait une formidable manifestation aérienne, avec la participation de trois aviateurs : messieurs Frantz, Labouchere et Prevost (détenteur en 1913 du record de vitesse à 200 km/h), ainsi que d’une aviatrice : Madame Niel. La première journée, le 22 mai 1911 sous un orage violent, 3000 personnes attendent, bravant une pluie diluvienne, l’envol des aviateurs. Mais, le terrain détrempé et les mauvaises conditions créent de "légers incidents" : appareils enlisés, décollages ratés, hélice cassée. Jusqu’au 26 mai, ces pionniers de l’aviation tiendront en haleine une foule toujours plus nombreuse, car, en plus des 3500 spectateurs payants, tous les champs des alentours sont pris d’assaut par les resquilleurs.
Marthe Niel est grièvement blessée au cours de ce meeting.
[...] l’aviatrice madame Niel, a fait une chute en aéroplane. Elle a été grièvement blessée à la tête, mais ses blessures ne mettent pas ses jours en danger.
- À Tulle (Corrèze), du 29 au 31 juillet 1911
Marthe Niel vole sur monoplan Koechlin. Elle est accompagnée de son mécanicien Joseph Frantz qui est également pilote et de Jean Daillens sur Biplan Sommer de 70 hp (horsepower ou chevaux vapeur).
Quand arrive le tour de Marthe Niel, son mécanicien Joseph Frantz n’arrive pas à lancer le moteur. Il faut renoncer au grand désespoir de l’aviatrice qui éclate en sanglots et un journaliste de conclure : "son instrument n’est pas au point, on aurait dû s’en assurer en avance." [...]
Le lendemain 31 juillet, c’est au tour de son mécanicien Joseph Frantz d’essuyer un échec.
[...] Comme la veille, madame Niel fond en larmes et le même journaliste enfonce le clou... "Elle pleure ? Rien ne sert de pleurer il faut réparer à temps." Le soir un grand repas réunit tous les participants au Grand Hôtel Notre-Dame, quai de Lyon. Au cours de la soirée, l’infortunée aviatrice sera à nouveau envahie par le chagrin, heureusement, monsieur Leprince, aéronaute et galant homme fera renaitre son sourire en citant des vers de Victor Hugo. Tout à sa tâche de la réconforter, il oubliera d’aller prendre le train qui devait le ramener vers Paris 7.
- À Ussel, le 7 août 1911
Elle vole en compagnie de Joseph Frantz et Lucien Bossoutrot sur un aéroplane Farman.
Ainsi que le « Réveil » l’avait annoncé, madame Niel arrivait dans nos murs samedi dernier. Son appareil volant fut transporté vers le Mazeix, où aussitôt arrivèrent de nombreux curieux pour assister au montage du grand oiseau. […] Lundi matin, les aviateurs mirent au point leurs appareils et le soir, vers six heures, au milieu d’une affluence énorme le monoplan reprenait son envolée, passait comme la veille au-dessus de la ville et allait atterrir dans un champ non loin de son départ. Un quart d’heure après, il repartait pour une seconde randonnée aérienne, évoluait toujours avec aisance et enfin, allait atterrir au même point que précédemment. […] Il nous a été donné d’assister à l’une des plus grandes manifestations du génie humain !
Fin de la carrière de pilote de Marthe Niel
En 1911, le constructeur d’avions Paul Koechlin cesse ses activités. Cette vente semble marquer la fin de la carrière de pilote de Marthe Niel.
En aout 1914, Paul Koechlin s’engage comme volontaire dans la guerre, comme conducteur au 13e régiment d’Infanterie à Apremont, près de Verdun. Il obtient une permission pour se marier avec Marthe Niel le 18 novembre 1915 à Paimpont. En mai 1916, il est envoyé dans la Somme et meurt trois mois plus tard, le 17 aout 1916.
Marthe Niel se remarie le 2 août 1919 avec Rémond Clerc 8. Elle décède le 18 novembre 1928 à Rennes des suites d’une intervention chirurgicale.
Le 26 mai 1929, sa maison et ses biens sont vendus aux enchères au Pont-du-Secret, à Paimpont. — ANONYME, « Vente mobilière après décès », L’Ouest-Éclair, 19 mai, 1929, p. 5, Voir en ligne. p. 5 —