Origine des reliefs à Brocéliande - III
Le Paysage breton – Application au Massif de Brocéliande
1 - Les Surfaces d’aplanissement - Les précurseurs
Dès le début du 20e siècle, les géographes ont reconnu à l’ouest, puis au centre du Massif armoricain, la présence de plateaux, qu’ils ont assimilés à des surfaces d’aplanissement, déformées après leur façonnage. Les documents topographiques permettent aujourd’hui de confirmer la forme de relief observée par ces auteurs.
2 - Les Surfaces d’aplanissement – L’interprétation actuelle
En reprenant les hypothèses de travail utilisées par les géographes tels que Emmanuel De Martonne et René Musset concernant l’emboitement des surfaces d’aplanissement (Voir Origine des reliefs à Brocéliande - II) et en utilisant les données topographiques numériques « terre-mer », Paul Bessin (2015) a dressé un inventaire exhaustif des surfaces d’aplanissement.
Notre ami Yves Quété nous a quitté le 2 octobre 2020.
Il nous a laissé huit articles (dont celui-ci) en attente de validation par le comité de lecture. Nous avons choisi de les mettre directement en ligne. Ces articles constituent une contribution inestimable au contenu de l’Encyclopédie de Brocéliande.
Outre la rédaction d’articles, Yves a organisé pendant cinq ans, de 2015 à 2019, trente-cinq sorties géologiques sur l’ensemble du massif de Brocéliande et sa périphérie. Son but était de faire découvrir aux encyclopédistes la diversité des formations géologiques de la région et la complexité de cette discipline, à travers des exemples observés sur le terrain.
La synthèse de ces excursions est accessible ici.
1 - Les surfaces d’aplanissement - Les précurseurs
Les géographes 1 ont reconnu dès le début du 20e siècle à l’ouest, puis au centre du Massif armoricain, la présence de plateaux, qu’ils ont assimilés à des surfaces d’aplanissement, déformées après leur façonnage.
– De Martonne (1906)
— DE MARTONNE, Emmanuel, « La pénéplaine et les côtes bretonnes », Ann. Géogr., Vol. 15, 1906, p. 213-236. —
À l’ouest du Massif armoricain, le géographe De Martonne (1906) a dessiné la courbe enveloppe d’une ligne de relief sud-nord en prenant comme marqueur de l’altitude résiduelle de la surface d’aplanissement, la cote topographique des roches les plus résistantes à l’érosion (granite, Grès armoricain, Dalles de Plougastel). L’allure de cette courbe : pentes respectivement dirigées vers le sud puis vers le nord, horizontales au milieu, permettait de penser que cette surface d’aplanissement initialement plane a subi ensuite une déformation (voussure) suivant une courbure large de 100 km et une convexité haute de l’ordre de 100 m (voir Fig. 69b).
Bien que l’auteur n’ait pas précisément localisé le tracé de sa coupe et qu’il n’est pas aisé de retrouver sur les cartes récentes les faciès géologiques tels que dessinés en 1906, les documents topographiques permettent aujourd’hui de confirmer la forme de relief observée par De Martonne.
– L’auteur y voit une pénéplaine, résultant d’un aplanissement opéré durant le Tertiaire, puis déformé (gauchissement de la pénéplaine) ensuite :
Un axe de soulèvement maximum passe par le Finistère de Morlaix à Rosporden, jalonné par les hauteurs les plus sauvages de la Bretagne intérieure »…« Les soulèvements épeirogéniques crétacé et tertiaire raniment l’érosion et déterminent un rajeunissement du relief, suivant que le gauchissement été plus ou moins fort l’ancienne pénéplaine a été plus ou moins respectée mais partout les reliefs sont donnés par les bancs de roches dures quelle que soit la tectonique. La seule trace laissée par les anciens plissements est l’orientation des reliefs.
L’inventaire et l’interprétation de ces plateaux va se préciser ensuite, en distinguant plusieurs plateaux emboités (situés à des cotes différentes). Ces plateaux pouvant s’interpréter (selon les doctrines en usage) comme des surfaces emboitées (Musset 1928) et/ou des surfaces décalées par des plans de faille (Meynier 1947)
– Musset (1928), complète l’article de De Martonne (1906), il reconnait trois surfaces parallèles emboitées (De haut en bas : Arrée : 280 m, Sainte Marie du Menez Hom : 200 m, Léon : 110-120 m), qui dessinent un bombement à grand rayon de courbure. — MUSSET, René, « Le relief de la Bretagne occidentale », Annales de Géographie, Vol. 37, 1928, p. 209–223. —
– Meynier A. (1947) envisage le rôle complémentaire de rejeux tectoniques de failles (graben et hémi/demi graben), provoquant des ajustements verticaux et basculements de tronçons de surfaces d’aplanissement. — MEYNIER, A., « Influences tectoniques sur le relief de la Bretagne », Annales de Géographie, Vol. 56, 1947, p. 170–177. —
Cet auteur indique que la mer des faluns (Miocène moyen : 16 à 12 Ma), qui recouvre ces structures, permet de dater les mouvements qui affectent les surfaces d’aplanissement durant le Tertiaire avant le miocène moyen.
2 - Les surfaces d’aplanissement – L’interprétation actuelle
La méthode utilisée par Paul Bessin (2015) rassemble dans un premier l’ensemble des données préexistantes : les cartes géologiques au 1/50 000, les publications (géographie et géologie), ainsi que des observations nouvelles de l’auteur sur le terrain à la recherche d’indices lui permettant de reconnaitre les formations latéritiques passées 2 , caractéristiques des sols alors en place sous les climats chauds et humides qui ont caractérisé le Secondaire et le Tertiaire. — BESSIN, Paul, Évolution géomorphologique du Massif armoricain depuis 200 Ma : approche terre-mer, Mémoires de Géosciences, Rennes 1, 2015, 327 p. —
En reprenant les hypothèses de travail utilisées par les géographes tels que Emmanuel De Martonne et René Musset concernant l’emboitement des surfaces d’aplanissement (schéma de principe Fig. 39. Voir Origine des reliefs à Brocéliande - II) et en utilisant les données topographiques numériques « terre-mer », Paul Bessin a dressé un inventaire exhaustif des surfaces d’aplanissement.
Les points d’altitude du MNT « terre-mer » ont fait l’objet de traitements numériques spécifiques pour souligner les pentes, les formes de pente (courbures), définir des classifications automatiques des formes de relief (Topographic Position Index : positionnement des pentes au sein de la topographie) suivant des rayons de calculs variables (de 500 à 4000 m), et ainsi déboucher sur une reconnaissance automatique des surfaces d’aplanissement.
Ces données numériques, combinées, permettent de placer les contours et limites des différentes surfaces d’aplanissement et d’étudier leur organisation. Les données de datation (voir Fig. 38) des surfaces d’aplanissement sont, elles, issues des cartes géologiques et de la littérature. La localisation des dépôts sédimentaires (ou profils d’altération) datés et leur lien avec les surfaces d’aplanissement est analysés sous SIG. Afin d’étudier et comprendre à l’échelle "réelle" ces surfaces (et leurs relations avec dépôts sédimentaires et altérations) et de lever des incertitudes, des observations terrains ont été effectuées. La cartographie a ainsi été éditée au 1:80000ème, en combinant ces différentes méthodes.
Paul Bessin reconnait ainsi 6 surfaces d’aplanissement étagées, appelées PS1 (la plus ancienne) jusqu’à PS6, (la plus récente). Ces surfaces témoignent de l’histoire du Secondaire et du Tertiaire (Trias, Jurassique, Crétacé, Paléocène, Eocène), du Massif armoricain.
Paul Bessin propose une évolution à long terme du relief du Massif armoricain, depuis le Trias (< 190 Ma) jusqu’au Paléocène (Bartonien 41-38 Ma). Il esquisse une coupe synthétique du Massif armoricain, depuis le Bassin parisien à l’est jusqu’à la mer d’Iroise à l’ouest. Il y indique les principaux épisodes d’exhumation et d’enfouissement du Craton armoricain.
– Étape 1 : PS1 à PS3, Ces surfaces les plus anciennes ont été datées à partir de PS3, qui est scellée en Normandie par des dépôts (calcaires marins et sables transgressifs) du Jurassique inférieur.
PS1, PS2, PS3 sont reliées à la production des dépôts fluviatiles du Trias reconnus sur le Bassin parisien. Ces sédiments sont produits par l’érosion de la Chaîne hercynienne, sur les socles périphériques (voir Fig. 45 : Massif armoricain, Massif central, Ardenne).
– Étape 2 : PS4 porte des dépôts marins (plateforme calcaire) datée du Jurassique inférieur à moyen (190 à 170 Ma) : l’auteur envisage ainsi une phase d’enfouissement des 4 premières surfaces d’aplanissement par ces dépôts.
– Étape 3 : PS5 est la surface la plus étendue, elle est reliée à la ligne de rivage actuelle. Elle a connu deux phases d’exhumation reconnues par les altérations latéritiques et silcrètes vues au Crétacé inférieur et au Paléocène. Cette surface a aussi été recouverte par deux épisodes d’enfouissement : les sédiments de la Mer de la Craie au Crétacé supérieur et de la Mer des faluns au Miocène moyen. Cette surface qui correspond à la reprise de plusieurs surfaces de corrosion à différentes périodes (Crétacé inférieur – Paléocène) est désignée sous le terme de surface polygénique.
La plateforme calcaire du Jurassique inférieur est suivie d’une première exhumation durant le Crétacé inférieur (érosion des sédiments carbonatés du Jurassique puis érosion du socle primaire (appelée ici 1ère croissance de la Surface armoricaine PS5) avec dépôt des sédiments silicoclastiques wealdiens (voir Fig. 46) et généralisation sur l’ensemble du Massif armoricain de profils de sol de type kaolinique.
Le Crétacé supérieur correspond à l’enfouissement de PS5 (1ère croissance) par la mer de la craie. Cet enfouissement est suivi d’une seconde exhumation (appelée ici 2nde croissance de la Surface armoricaine PS5) durant un intervalle de temps indéterminé du fait de la variété des sédiments, depuis le Crétacé terminal jusqu’à l’Éocène moyen.)
– L’enfouissement d’une très grande partie, voire de la totalité du Massif armoricain par les dépôts de la craie (Crétacé supérieur) est aujourd’hui argumenté par de nombreux auteurs (voir Fig. 43).
L’érosion de PS5 par réseau hydrographique actuel : Vilaine, Sarthe, fleuves côtiers, individualise des « secteurs dégradés » intitulés (surface « PS5d »).
– Étape 4 : PS6, l’aplanissement le plus récent occupe les plus basses altitudes de la topographie armoricaine.
Cet aplanissement, caractérisé par des profils d’altération bien développés, est scellé par les dépôts de la transgression marine du Bartonien (41 Ma). Il est bien visible dans le « Bassin de Rennes » (voir le Forage Cinergy – Illustration Hors texte n° 2) où il correspond à la couche plane altérée du Briovérien (kaolinite) épaisse de 30 à 40 m.
En résumé :
Après la formation des aplanissements plus anciens PS1 à PS4, le relief armoricain est une première fois enfoui (partiellement ou totalement ?) sous les plate-formes carbonatées du Jurassique moyen (170 – 165 Ma) à la faveur d’une transgression marine. Une première exhumation, contemporaine de l’initiation du rift du golfe de Gascogne (mouvements relatifs des plaques Ibérie-Eurasie), est enregistrée au Crétacé inférieur (145 – 100 Ma), sous des climats chauds et humides contemporains de la formation de PS5 et des profils d’altérations associés, induisant la dissolution et la "disparition" des carbonates jurassiques préalablement déposés sur le Massif armoricain.
Le massif est une seconde fois enfoui (partiellement ou totalement ?) à la faveur de la transgression marine du Crétacé supérieur, sous la plate-forme carbonatée de la Craie. Une seconde exhumation, contemporaine de la convergence Apulie/Ibérie-Eurasie, affecte le massif au Paléocène, toujours sous des climats favorisant l’altération intense et induisant la dissolution des carbonates de la Craie (à l’origine de l’Argile à silex dans le Bassin parisien), la retouche de la surface PS5 (PS5d) et la formation de PS6.
Le Massif armoricain ne subira ultérieurement, que des transgressions limitées au cours du Cénozoïque (dépôt des sables rouges) et des mouvements verticaux de faible amplitude (< 300 m) dont la quantification (vis à vis de l’encaissement des rivières) est en cours.
2a - Le réseau hydrographique du Massif armoricain
Exemple : le profil longitudinal de la Vilaine, les terrasses associées – Historique des systèmes fluviatiles depuis le Miocène
2a1 - La Vilaine : Profil longitudinal / terrasses associées - Modèle de fonctionnement des terrasses (origines climatiques)
La reconstitution du profil longitudinal de la Vilaine marqué par l’incision du socle rocheux, caractérise un profil concave, qui débouche en mer à la cote bathymétrique de 50 m, située au-dessus de celle des plus bas niveaux marins (cote bathymétrique 120 m), enregistrée il y a 18 000 ans lors du dernier « maximum glaciaire » 3 .
– En mer, la vallée de la Vilaine est comblée par des vases déposées en couches érosives successives, qui surmontent 1 à 2 m de sables et galets. L’analyse palynologique de ces vases traduit deux phases de comblement (8 à 6 ka et 3 à 2 ka) comprises dans l’interglaciaire en cours (holocène).
— MENIER, David, Morphologie et remplissage des vallées fossiles sud-armoricaines : Apport de la stratigraphie sismique. Minéralogie, Thèse Université, Rennes 1, 2003. —
En 2001, Proust et al. valident dans le cadre d’une étude sismique réflexion des sédiments préservés dans la baie de la Vilaine entre la côte et l’isobathe 50 m, la mise en place de sédiments progradants 4 , suivant deux séquences superposées de dépôt :
- A la base des dépôts fluviatiles en tresse,
- Au-dessus des dépôts fluviatiles méandriformes estuariens puis marins ouverts.
— PROUST, Jean-Noël, MENIER, David, GUILLOCHEAU, François, [et al.], « Les vallées fossiles de la baie de la Vilaine : nature et évolution du prisme sédimentaire côtier du Pléistocène armoricain », Bulletin de la Société Géologique de France, Vol. 172 / 6, 2001, p. 737-749. —
Ces deux dépôts fluviatiles correspondent à des rivières d’énergies différentes et directions d’écoulement différentes : en bas SE-NW, en haut NE-SW (conforme au drainage actuel).
Cette modification de direction des courants est reliée à l’activité tectonique (séismes) de la faille CSA, qui induit au cours du Pléistocène moyen à supérieur (0,78 à 0,13 Ma) un basculement vers le Sud du Massif armoricain (voir Fig. 82 à droite).
– A terre, la vallée de la Vilaine est caractérisée par la mise en place de terrasses alluviales emboitées ou étagées. La terrasse la plus haute qui est la plus ancienne (Fw) a été datée grâce à la présence d’objets lithiques datés du Cromérien de 700 à 500 ka. — JUMEL, G., JUMEL, A. et MONNIER, J. –L., « Le gisement paléolithique inférieur de Saint-Malo-de-Phily (Ille-et-Vilaine) : une confirmation géologique et archéologique », Revue archéologique de l’ouest, Vol. 7, 1990, p. 5-8. —
– Cela permet de dater la mise en place du réseau hydrographique de la Vilaine à partir de 700 ka.
En croisant les connaissances du Quaternaire, relatives aux données climatiques et les faciès sédimentaires reconnus dans les terrasses, S. Bonnet (1998) propose un modèle fonctionnel « vallées/terrasses », suivant trois stades.
— BONNET, Stéphane, Tectonique et dynamique du relief : le socle armoricain au Pléistocène, Thèse de doctorat en Sciences de la Matière. Géosciences, Rennes I, 1998, 352 p. —
Ce modèle se développe suivant 3 stades :
Stade 1 - Les coulées de débris visibles à la base des terrasses sont dues à des processus de solifluxion qui se sont mis en place au début de la fonte des pergélisols. Dans le cadre des épisodes glaciaires, ce processus peut intervenir à différentes échelles : saisonnières, en petits mouvements individuels de versant, ou lors de la fonte majeure du pergélisol en début d’interglaciaire.
Durant la dernière glaciation (Wechselienne / Würm : 125 ka à 11 ka) le pergélisol (épaisseur : 100 à plusieurs centaines de m) est présent en continu sur le territoire du Massif armoricain qui borde alors la calotte glaciaire. Ce pergélisol contient un volume important d’eau gelée qui fissure le substrat. Au dégel ces volumes d’eau liquide entraînent les débris de socle fissuré, initiant sur les versants de la vallée des mouvements de solifluxion (coulée de débris).
Il a été défini par modélisation, que ces coulées pouvaient s’initier sur de faibles pentes (1,5 %) à des vitesses de l’ordre de 1 à 2 cm/an.
Stade 2 - Parallèlement à la déstabilisation des versants, l’augmentation des précipitations (qui caractérise la fin des périodes glaciaires), les apports d’eau liés à la fonte du pergélisol et la masse des débris soliflués forment un système de rivière en tresses qui alimente la vallée en dépôts successifs d’alluvions grossières. Ce stade correspond à une période de montée du niveau de base de la rivière, avec dépôt de sédiments abondants et plutôt grossiers.
Stade 3 - La diminution des apports de la rivière en tresse limite la charge solide de la rivière, augmentant alors son débit et la vitesse du flot. La rivière incise les dépôts en place (terrasses emboitées) et/ou le substrat rocheux (terrasses étagées). Ce stade correspond à une période de baisse du niveau de base de la rivière, avec incision de terrasses.
– Aujourd’hui le remplissage sédimentaire de la Vilaine est très différent puisque la rivière correspond à un système anastomosé à faible énergie, caractérisé par une charge sédimentaire fine essentiellement limono-argileuse.
2a2 - Le Massif armoricain - Historique des systèmes fluviatiles depuis le Miocène (suite aux dépôts des Sables rouges).
— BRAULT, Nicolas, BOURQUIN, S., GUILLOCHEAU, François, [et al.], « Mio-Pliocene to Pleistocene paleotopographic evolution of Britanny (France) from a sequence stratigraphic analysis : relative influence of tectonics and climate », Sedimentary Geology, Vol. 163, 2004, p. 175–210. —
Le paysage actuel du Massif armoricain correspond à un réseau de vallées superposé et sécant en direction sur les paléo-vallées du « Mio-Pliocène ».
L’encaissement des vallées actuelles (60 à 100 m pour des maxima de 150 m) a entrainé, du fait de la surélévation du continent et de la reprise de l’érosion, l’inversion du relief 5 tel qu’il était modelé il y a 11 Ma (voir Fig. 84).
Concernant la fabrique du paysage actuel Bonnet S. (1998) propose la chronologie suivante — BONNET, Stéphane, Tectonique et dynamique du relief : le socle armoricain au Pléistocène, Thèse de doctorat en Sciences de la Matière. Géosciences, Rennes I, 1998, 352 p. —
– Au Mio-Pliocène les paléo-vallées (trait discontinu jaune) sont creusées au Tortonien (11 Ma : Miocène final) et se remplissent jusqu’au Reuvérien (3 Ma). Ce remplissage correspond à la mise en place des sables rouges pliocènes.
– Au sommet de la topographie actuelle scellant les paléo-vallées du « Mio-Pliocène » et leur remplissage, une formation détritique (trait discontinu bleu) recouvre à la fois le socle hors paléo-vallées et les dépôts mio-pliocènes. L’âge de ces dépôts n’est pas connu.
Cette formation est constituée de galets à cimentation secondaire, il s’agit de dépôts de conglomérats à galets de quartz, cimentés ou non par des oxydes de fer et de la silice. Ils sont situés à des altitudes voisinant systématiquement 185 m. Leur origine est encore méconnue, mais elle a donné lieu à de nombreux débats, il est fort probable :
- que ces dépôts remanient des galets, représentant d’anciens sédiments, datant éventuellement de l’Éocène inférieur, voire antérieurement,
- que les conglomérats, cimentés par des oxydes de fer et localement de la silice, correspondent à des alluvions résiduelles plus récentes (associées à une nappe phréatique à niveau fluctuant).
– La topographie actuelle est marquée par un réseau hydrographique en incision qui s’est positionné sans tenir compte du réseau antérieur « Mio-pliocène ». Cette incision s’accompagne, pour les vallées des rivières les plus larges, de la formation de terrasses étagées et/ou emboitées.
Dans le cas de la Vilaine, la notice géologique de la Feuille de Janzé (1994) décrit trois terrasses superposées : Fw (haute terrasse), Fx (moyenne terrasse) et Fy (basse terrasse), située au-dessus des alluvions actuelles (Fz), ces terrasses ont été calées dans le cadre des trois dernières glaciations (Mindel, Riss, Wurm).
– Fw. Haute terrasse. Galets, graviers, argiles silteuses rouges du Cromérien (860 à 475 ka / 30 à 42 m).
Un système alluvial ancien est installé dans le bassin de Rennes vers la cote NGF +30 m et à +42 m NGF à Saint-Malo-de-Phily […] qu’une industrie lithique en place a permis de dater du Cromérien (Monnier et al., 1981).
En ce point, la terrasse repose sur des sables pliocènes [...] Les alluvions rubéfiées sont composées de cailloux et galets mêlés à du sable brun ou jaune.
– Fx. Moyenne terrasse. Alluvions rouges, formation de base à blocs remaniés datés du Riss (Saalien – 370 à 130 ka / 20 à 25 m).
La terrasse Fx ne se distingue de la terrasse Fy, que par la couleur plus ou moins rouge de ses alluvions, due à l’altération des argiles (chlorite) et à la mobilisation des hydroxydes de fer dans les sols, durant l’interglaciaire Riss-Würm (130 à125 ka). La nature pétrographique des éléments grossiers de cette terrasse est la même que celle des alluvions Fy …
L’altitude absolue de cette terrasse se situe vers + 20-25 m NGF sur tout le cours de la Vilaine depuis Chavagne jusqu’à Pléchâtel...
– Fy. Basse terrasse. Alluvions grises du Würm (Weischsélien 15.5 à 11.4 ka / 10 à 20 m). Une reprise de l’érosion marque la fin de l’interglaciaire Riss-Würm … cette érosion creuse une nouvelle terrasse qui s’étale dans le bassin de Rennes le long de la Vilaine et de ses affluents le Meu et la Seiche, en amont de Pont-Réan.
La largeur du bassin et son faible relief ont favorisé la divagation des chenaux qui ont développé un système de rivière anastomosée (Jigorel, 1978) : les alluvions sablo-graveleuses grises sont formées d’un enchevêtrement de lentilles de granularités très différentes. Elles surmontent les alluvions rouges (Fx) dans le val de Vilaine.
L’altitude absolue actuelle de la terrasse Fy se situe vers +17+20 m NGF dans le val de Vilaine … et vers +10+20 m NGF dans les méandres de la région de Bourg-des-Comptes.
La nature pétrographique des composants de la fraction graveleuse traduit le substrat traversé : en amont de Pont-Réan on trouve du quartz filonien, des quartzites, des grès et des schistes issus du Briovérien ; en aval, la fraction grossière se charge de fragments de siltites rouges (Dalle pourprée), de schistes ardoisiers et de quartzites de l’Arénig (Grès armoricain).
– Fz. Alluvions actuelles. Limons de débordement, chenaux et alluvions récentes holocènes, tourbes.
À partir de la fin de la période Atlantique (8 à 4.7 ka), toute l’étendue du lit majeur actuel est recouverte en période de crue par des limons de débordement pouvant atteindre 1,50 m à plus de 3 […] Dans le bassin de Rennes, la largeur du lit majeur de la Vilaine et de ses affluents le Meu et la Seiche, favorise le déplacement permanent des chenaux lors des grandes crues. Le remplissage de ces chenaux anastomosés est composé d’une alternance de sables grossiers gris, de limons bleus et de sables et graviers à stratifications obliques qui ravinent les alluvions grises de la basse terrasse (Fy).