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1839-1910

L’abbé Fouré

Des Forges de Paimpont aux rochers sculptés de Rothéneuf

L’abbé Fouré, exerce son premier ministère à la chapelle Saint-Éloi-des-Forges de Paimpont entre 1864 et 1877. Il est recteur à Maxent de 1887 à 1889. Précurseur de l’Art brut, il est l’auteur des rochers sculptés de Rothéneuf (Ille-et-Vilaine).

1839-1863 — Naissance et jeunesse

Adolfe Julien Fouéré est né le 4 septembre 1839 à Saint-Thual (Ille-et-Vilaine) de François Fouéré, cabaretier et de Anne Redoute. —  ALTMAN, Frédéric, La vérité sur l’abbé Fouéré, "l’ermite de Rothéneuf" : Le sculpteur des rochers de Rothéneuf (1839-1910), Nice, éditions A.M., 1985, 128 p. [page 19] —

Copie de l’acte de naissance de l’abbé Fouéré
—  ALTMAN, Frédéric, La vérité sur l’abbé Fouéré, "l’ermite de Rothéneuf" : Le sculpteur des rochers de Rothéneuf (1839-1910), Nice, éditions A.M., 1985, 128 p.
[page 19] —

Il passe son enfance dans cette paroisse. Remarqué par l’abbé Régeard, il est préparé à des études ecclésiastiques.

Son enfance, bercée des souvenirs de la Révolution, s’écoula au milieu des landes paisibles de Saint-Thual : c’est là que naquit dans son âme de paysan, le goût de la solitude et la rêverie. Le recteur de la paroisse, l’abbé Régeard, ayant remarqué sa piété, lui enseigna les premières notions de latin.

Altman, Frédéric (1985) op. cit. p. 23

Adolfe Fouéré fait ses études au petit séminaire de Saint-Méen-le-Grand (Ille-et-Vilaine) puis au grand séminaire de Rennes. Il est ordonné prêtre le 19 décembre 1863, à 24 ans, sous le nom d’Adolphe Fouré.

1864-1877 — L’abbé Fouré à Paimpont

L’abbé Fouré est nommé 4e vicaire de la paroisse de Paimpont en 1864, en charge de la chapelle Saint-Éloi-des-Forges de Paimpont 1. —  ARCHIVES DÉPARTEMENTALES D’ILLE-ET-VILAINE, et LES AMIS DE L’OEUVRE DE L’ABBÉ FOURÉ, Sculpteur d’Histoire(s) : La vie et l’oeuvre de l’Abbé Fouré - Livret d’exposition, Département d’Ille-et-Vilaine, 2023, 23 p., (« Bande dessinée et histoire »). [page 7] —

Chapelle Saint-Eloi des Forges de Paimpont
Carte postale ancienne n°22 édit. Sorel - Rennes - Paimpont (I.-et-V.) La Forêt - L’Ancienne Chapelle

Dès sa première nomination le jeune abbé est projeté dans un contexte très différent du milieu rural dans lequel il a grandi à Saint-Thual. Ses ouailles - les familles ouvrières du hameau des Forges - vivent au rythme des aléas de l’activité métallurgique.

1855-1876 — Apogée et déclin des Forges de Paimpont

Entre 1855 et 1857, les Forges de Paimpont bénéficient de la construction de la ligne de chemin de fer Paris - Rennes, nécessitant une grande quantité de fer en barres. —  CUCARULL, Jérôme, « Les forges de Paimpont (17 - 19e siècles) », Gavroche, Vol. 62 / mars-avril, 1992, p. 15-19, Voir en ligne. —

Mais la construction achevée, ce nouveau mode de transport accroît la concurrence, face à laquelle les Forges ont du mal à résister. En 1860, la signature du traité de libre-échange franco-britannique 2 amplifie les difficultés des Forges de Paimpont à résister à une concurrence désormais internationale.

Le 31 décembre 1865, la banque Seillière, gérante des intérêts du duc d’Aumale en forêt de Paimpont, ferme les deux hauts fourneaux, plongeant la région de Paimpont dans la crise.—  DENIS, Michel, « Grandeur et décadence d’une forêt. Paimpont du XVIe au XIXe siècles », Annales de Bretagne, Vol. 64 / 3, 1957, p. 257-273, Voir en ligne. [page 269] —

1865 — Le voyage en Angleterre de l’abbé Fouré

Selon la « petite histoire », l’abbé Fouré se serait rendu en Angleterre en 1865 afin de défendre la cause des ouvriers des Forges de Paimpont - alors en grève - auprès du duc d’Aumale.

En 2013, un article de Libération s’appuyant sur le travail de recherche effectué par l’Association des Amis de l’Oeuvre de l’Abbé Fouré, évoquait le caractère « légendaire » de cet épisode.

En revanche, dans les récentes recherches, rien n’accrédite ou n’infirme une autre légende qui court sur l’abbé : un voyage en Angleterre pour plaider la cause des ouvriers des forges de Paimpont (où il avait aussi été curé) auprès de leurs propriétaires qui envisageaient de les fermer. Mais le personnage vaut bien quelques mystères !

SAUVAGET, Bernadette, « A Rothéneuf, il y a angoisse sous roche », Libération, 17 mai, 2013, Voir en ligne.

En 1907, Eugène Herpin (1860-1942) 3 - historien et journaliste à Côte d’Émeraude sous le nom de plume de « Noguette » 4 - rencontre l’abbé Fouré à Rothéneuf afin de recueillir son témoignage.

À cette époque - nous sommes en 1866 - la forêt de Paimpont appartenait aux princes d’Orléans, et les forges avec leurs hauts fourneaux étaient en pleine prospérité. Un jour, le bruit se répandit que les hauts fourneaux allaient être éteints. Le bon recteur partit aussitôt pour Londres, plaida chaleureusement leur cause auprès du comte de Paris, des ducs d’Aumale et de Chartres, et ne revint dans sa forêt de Brocéliande qu’au bout de six semaines, sans avoir pu, hélas, gagner son procès.

NOGUETTE, « L’ermite de Rothéneuf », Côte d’Emeraude, 13-14 avril, Dinard, 1907, p. 1, Voir en ligne.

En 1919, « Noguette » reprend la matière de cet interview dans une brochure biographique sur l’Ermite de Rothéneuf, sans cependant rien apporter de nouveau à ce qu’il avait écrit douze ans auparavant concernant l’épisode du voyage en Angleterre 5.—  NOGUETTE, La Vie de l’Ermite de Rothéneuf, Saint-Malo, Imprimerie R. Bazin, 1919, 9 p., Voir en ligne. page 3 —.

Il est à noter qu’aucune mention d’une grève aux Forges n’apparait dans ces deux textes. Les recherches menées par nos soins ne nous ont par ailleurs pas permis de trouver trace d’une grève à Paimpont en 1865 ou 1866. Il est fort probable que « l’invention » de cette grève - qui n’exclut pas un mouvement social lié à la fermeture des Forges 6 - soit le fait de Frédéric Altman, premier auteur à la mentionner en 1985.

L’abbé est allé en Angleterre pour défendre auprès des propriétaires des Forges de Paimpont, la cause des ouvriers en grève. Il échoua dans sa tentative pour maintenir l’activité des Forges de Paimpont.

Altman, Frédéric (1985) op. cit. p. 13

En 2021, un article du Télégramme écrit à partir du travail de l’Association des Amis de l’Oeuvre de l’Abbé Fouré évoque à son tour le voyage de l’abbé en Angleterre, insistant sur le caractère social et novateur de la médiation du vicaire de Paimpont.

C’est dans le contexte des célèbres forges à bois que ce catholique social fait entendre sa voix. En 1866, les hauts fourneaux de la capitale du pays de Brocéliande - qui font vivre trois cents personnes - sont sur le point de s’éteindre. En cause ? Les innovations technologiques et l’ouverture commerciale par Napoléon III vers plusieurs pays frontaliers, permettant d’employer une main-d’œuvre à moindre coût. Deux ans après l’abrogation du délit de grève, un mouvement social se déclenche et l’abbé Fouré monte au front. Il ira jusqu’à rencontrer le propriétaire des forges, le duc d’Aumale, en exil en Angleterre après la révolution de 1848. Las, il n’obtiendra rien de lui. Les hauts fourneaux stoppent leur production… Jusqu’en 1870, où la guerre contre la Prusse va pousser l’Empire à rouvrir les forges. Pour l’abbé Fouré, ce combat est fondateur. Quatre ans avant la Commune de Paris, un ecclésiastique engageait une lutte sociale, sous un régime autoritaire et peu en phase avec l’Église, mais qui a su en tirer parti pour éviter les mouvements de protestation. « Louis-Napoléon ne nourrit aucune sympathie pour l’Église, mais y voit un antidote efficace contre l’esprit révolutionnaire », analyse l’historien Michel Guironnet.

ANONYME, « L’abbé Fouré, sculpteur de falaise », Le Télégramme, 27 janvier, Brest, 2021, Voir en ligne.

En 2023, le travail conjoint de recherches, menées par les Archives Départementales d’Ille-et-Vilaine et l’association des Amis de l’Œuvre de l’Abbé Fouré aux Archives du musée Condé du château de Chantilly, permet de prouver l’existence de ce voyage en Angleterre 7.

Sensible aux conséquences qu’un arrêt de l’activité pourrait avoir pour des familles entières, l’abbé fouré et Joseph Eveillard - 1er vicaire - partent outre-Manche pour plaider la cause ouvrière en mai 1865. Encouragés par l’archevêque de Rennes, ils sont recommandés auprès de l’évêque de Southwark, un proche de la famille d’Orléans. Malgré une entrevue avec Édouard Bocher, secrétaire du duc, les forges sont mises à l’arrêt en décembre 1865.

Les Amis de l’Œuvre de l’Abbé Fouré (2023) op. cit. p. 7

L’abbé Fouré est nommé premier vicaire de la paroisse de Paimpont à la fin de l’année 1870. Il quitte Paimpont pour Guipry en 1877. — Les Amis de l’Œuvre de l’Abbé Fouré (2023) op. cit. p. 7 —

1887-1889 — Le recteur de Maxent

Après Paimpont, l’abbé Fouré est nommé vicaire dans deux paroisses d’Ille-et-Vilaine, Guipry (1877-1881), puis Forges-la-Forêt (1881-1887).

Il revient dans la région de Brocéliande en juillet 1887 en tant que recteur de Maxent, avec mission de reconstruire l’église. L’affaire est urgente, l’ancienne abbaye du 9e siècle, partiellement reconstruite au 17e, menace ruine.

Le nouveau recteur est à l’origine du projet d’église romano-byzantine 8 à plan centré dont Arthur Regnault lui propose très vite un premier plan, daté du 8 octobre 1887, et un projet finalisé en septembre 1888. Préalablement, l’architecte a pu montrer à l’abbé une réalisation comparable à Corps-Nuds (Ille-et-Vilaine) dont le clocher à bulbe était en voie d’achèvement (1881-1890). Après le départ précipité de l’abbé en février 1889, son successeur, l’abbé Brizou, conduit le chantier, remanié à moindre coût - la construction de la sacristie et du clocher sera différée - jusqu’à son terme (1893 et 1896) —  ANDRIEUX, Jean-Yves, Arthur Regnault, architecte (1839-1932) : La quintessence de l’art sacré, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2011. —.

Projet d Arthur Regnault pour l’église de Maxent daté de 1888

Il serait intéressant de savoir pourquoi le célèbre auteur des rochers sculptés de Rothéneuf fut dessaisi de sa tâche, malheureusement le livre de paroisse pour cette époque est égaré. […] On peut supposer que l’ombrageux recteur se montra trop proche des fermiers face aux tout puissants et très catholiques châtelains de Poulpiquet du Halgouët, incontournables donateurs (il eut également des soucis avec le châtelain de Saint-Thual, son village natal).

BLOT, Roger, « Eglise Saint-Maixent de Maxent (1) », Église en Ille-et-Vilaine, 2019, p. 28-30, Voir en ligne.

Des recherches menées aux Archives Départementales d’Ille-et-Vilaine ont permis de mettre au jour des querelles internes à l’origine de son départ précipité de Maxent.— Les Amis de l’Œuvre de l’Abbé Fouré (2023) op. cit. p. 9 —

L’abbé Fouré est l’auteur présumé d’une tête de chevalier casqué en pierre (15 kg) grossièrement sculptée, longtemps restée dans la cour de l’ancien presbytère de Maxent 9.

Tête en granit sculptée du presbytère de Maxent par l’abbé Fouré
Henri Doranlo

Il quitte cette paroisse en février 1889 puis occupe la charge de recteur de Langouët (Ille-et-Vilaine) de 1889 à 1893.

1889-1893 — le recteur de Langouët

L’abbé Fouré arrive à Langouët (Ille-et-Vilaine) en 1889 avec une dureté d’oreille 10. En 1893, il est victime d’un accident vasculaire qui accentue sa surdité. Il est alors contraint par le diocèse - malgré une pétition de ses paroissiens voulant le conserver - d’abandonner son ministère.

La légende voulait qu’il soit sourd et muet, ce qui aurait justifié qu’il arrête son ministère. En fait, à Langoët, sa dernière paroisse, il avait eu des démêlés avec des familles puissantes et l’ancien prêtre à propos d’une donation et une polémique autour de l’école du village. En pleine guerre scolaire et laïque, il avait été démis discrètement de ses fonctions.

SAUVAGET, Bernadette, « A Rothéneuf, il y a angoisse sous roche », Libération, 17 mai, 2013, Voir en ligne.
Lettres de l’archevéché de Rennes à Frédéric Altman
—  ALTMAN, Frédéric, La vérité sur l’abbé Fouéré, "l’ermite de Rothéneuf" : Le sculpteur des rochers de Rothéneuf (1839-1910), Nice, éditions A.M., 1985, 128 p.
[page 22] —

1893-1910 — Le sculpteur de Rothéneuf

En 1893, Adolphe Fouré, démis de ses fonctions de recteur de Langouët, part s’installer à Rothéneuf (Ille-et-Vilaine) 11 en tant que prêtre habitué 12.

C’est le hasard qui en 1893, m’a fait choisir Rothéneuf 13, j’écrivis au recteur que je connaissais. Il me loua un petit logement, après ma démission de recteur et ne voulant pas rester inactif, je me mis sculpteur de roches...

L’abbé Fouéré in Noguette (1907) op. cit.

Entre 1894 et 1907, il réalise près de trois cents sculptures, parsemées sur la pointe de la Haye, à Rothéneuf qui l’inscrivent avec l’un des ses contemporains, le facteur Cheval 14, comme l’un des pionniers de l’Art Brut.

Carte postale de l’abbé Fouéré devant ses rochers sculptés

Brocéliande dans l’œuvre de l’abbé Fouré

Les quinze années passées aux Forges de Paimpont ont, semble-t-il, particulièrement marqué l’abbé Fouré. En 1907, alors installé à Rothéneuf, il se confie à « Noguette », venu l’interroger.

Grand pêcheur autant que grand chasseur, notre ermite semble avoir conservé un souvenir particulièrement cher de son séjour à Paimpont. Et dans son œil profond, il a encore, je crois, la vision des chevreuils qui tombèrent sous les coups de fusil de sa bonne rouillasse.

NOGUETTE, « L’ermite de Rothéneuf », Côte d’Emeraude, 13-14 avril, Dinard, 1907, p. 1, Voir en ligne.

Selon le même « Noguette », son séjour en Brocéliande aurait fortement influé sur la vocation et l’inspiration artistique de l’abbé.

De cette période de sa vie, il conserva un inaltérable souvenir. Grand pêcheur, ainsi qu’intrépide chasseur, épris de la vie contemplative, il aimait sa chère paroisse dont le clocher se mire dans l’étang sur lequel glissent, dans les robes du brouillard, les "mystérieuses dames blanches". Il aimait s’égarer dans les mystères de cette forêt de Brocéliande où les légendes, dit le folkloriste, sont nombreuses autant que les feuillages. Ce fut dans le domaine de Merlin l’enchanteur, de la fée Viviane et du Val sans Retour, dans ce paradis breton des fées, des chevaliers de la table ronde, du roi Arthur... que le futur sculpteur de Rothéneuf trouva sa tournure d’esprit et d’inspiration des œuvres futures.

NOGUETTE, La Vie de l’Ermite de Rothéneuf, Saint-Malo, Imprimerie R. Bazin, 1919, 9 p., Voir en ligne. page 2

Les lieux communs de « Noguette » concernant l’influence de Brocéliande sur le cheminement artistique de l’abbé Fouré ne résistent pas à l’examen de ses œuvres. Dans les faits, aucun des rochers sculptés de Rothéneuf ne fait explicitement référence à la forêt légendaire. Seules trois œuvres aujourd’hui disparues peuvent prétendre être liées au séjour de l’abbé aux Forges de Paimpont.—  LES AMIS DE L’OEUVRE DE L’ABBÉ FOURÉ, « L’abbé Fouré et ses sources d’inspirations », 2022, Voir en ligne. —

« L’isolé »

Selon Frédéric Altman, un des rochers sculptés par l’abbé Fouré à l’écart des autres rochers - et pour cette raison appelé « L’isolé » - est injustement dénommé « Jean IV duc de Bretagne » 15. Il représenterait Judicaël, roi de Domnonée du 7e siècle honoré comme étant le fondateur de l’abbaye Notre-Dame de Paimpont. — Altman, Frédéric (1985) op. cit. p. 113-114 —

Carte postale de "L’ermite dans son coin préféré"
Carte postale ancienne éditions Guérin (St-Malo) : 4464 Rothéneuf - L’ermite dans son coin préféré

Des recherches menées par l’Association des Amis de l’Oeuvre de l’Abbé Fouré permettent d’écarter cette hypothèse. L’étude d’une carte postale ancienne représentant cette sculpture montre que l’abbé avait lui même écrit le nom du duc de Bretagne sur le blason qu’il avait sculpté sur un rocher attenant.

Identification de l’inscription de l’abbé Fouré sur la sculpture de Jean duc de Bretagne dit "l’isolé"
—  JOUNEAU, Joëlle, L’ermite de Rothéneuf, Scala, 2013, 63 p. —
Association des Amis de l’Oeuvre de l’Abbé Fouré

« La Fée Viviane »

Un personnage d’une mosaïque faite sur un fond de baril, autrefois exposée dans la « Grande Galerie » du salon, représentait la « Fée Viviane ». Cette œuvre aujourd’hui disparue n’aurait, là encore, que peu de rapport avec la forêt de Paimpont. Le guide du musée de 1919 indique qu’il s’agit de la Fée Viviane de Saint-Coulomb. Tout au plus peut-on imaginer que l’abbé a trouvé des ressemblances entre une femme de ce village voisin de Rothéneuf et la légende de la Fée Viviane de Brocéliande. —  NOGUETTE, Guide du musée de l’ermite de Rothéneuf, Saint-Malo, Imprimerie R. Bazin, 1919, 18 p., Voir en ligne. page 9 —

« Merlin l’enchanteur, le jeteur de sort »

La sculpture intitulée « Merlin l’enchanteur » était - du vivant de l’abbé - exposée dans son salon, en compagnie d’autres œuvres de la « Galerie mystique ».

Merlin l’enchanteur, le jeteur de sort
Qui est en train de fasciner et d’hypnotiser Victorine du Lupin. Les visiteurs sont frappés de certaine ressemblance de l’Enchanteur Merlin avec un grand personnage qui a joué un rôle important pendant la grande guerre. C’est à se demander si l’Ermite, en faisant son dragon volant, signe précurseur des aéroplanes, et Merlin l’Enchanteur, n’avait pas voulu prédire la grande guerre et son dénouement. Victorine serait alors la nation battue, hypnotisée, en un mot, qui lui aurait jetée le sort.

NOGUETTE, Guide du musée de l’ermite de Rothéneuf, Saint-Malo, Imprimerie R. Bazin, 1919, 18 p., Voir en ligne. page 7
Carte postale de la "Galerie mystique" de l’abbé Fouré
Carte postale ancienne : Rothéneuf - Musée de l’Ermite - Galerie Mystique

Au centre de la carte postale, « Saint Mamert », l’un des six guérisseurs bretons. Sur sa droite, Rose et Lucus puis « Merlin l’enchanteur » et « Victorine Lupin », surmontés d’un « dragon volant ».— Altman, Frédéric (1985) op. cit. p. 48 —

« Un pèlerinage ouvrier en 1889 »

Une sculpture sur bois, aujourd’hui disparue, apparait comme un dernier clin d’œil de l’abbé aux ouvriers de Forges de Paimpont 16. L’œuvre intitulée « Un pèlerinage ouvrier en 1889 » 17 met en scène un ouvrier métallurgiste. Cette statue dont aucune carte postale ancienne ne semble avoir gardé la mémoire, était elle aussi exposée dans le salon de l’abbé.

Huit ou dix mille ouvriers français de tous corps de métiers ont été en pèlerinage à Rome. Le pape leur a donné ou ils ont acheté une maquette représentant le Pape, cette maquette a été remise à l’Ermite qui l’a entourée de sculptures. Mais ce qui fait la curiosité de ce tableau c’est que l’Ermite y a symbolisé la profession de l’ouvrier, en y mettant un tire-point et une clef, pour faire remarquer que l’ouvrier qui avait fait le pèlerinage était un ouvrier du fer.

NOGUETTE, Guide du musée de l’ermite de Rothéneuf, Saint-Malo, Imprimerie R. Bazin, 1919, 18 p., Voir en ligne. page 9

Bibliographie

ALTMAN, Frédéric, La vérité sur l’abbé Fouéré, "l’ermite de Rothéneuf" : Le sculpteur des rochers de Rothéneuf (1839-1910), Nice, éditions A.M., 1985, 128 p.

ANDRIEUX, Jean-Yves, Arthur Regnault, architecte (1839-1932) : La quintessence de l’art sacré, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2011.

ANONYME, « L’abbé Fouré, sculpteur de falaise », Le Télégramme, 27 janvier, Brest, 2021, Voir en ligne.

BLOT, Roger, « Eglise Saint-Maixent de Maxent (1) », Église en Ille-et-Vilaine, 2019, p. 28-30, Voir en ligne.

BREBION, H., La légende des rochers sculptés de Rothéneuf, 1955.

BOIVIN, Louis, « A travers la Bretagne », Revue de Bretagne, de Vendée et d’Anjou, XLIII, 1910, p. 321-323, Voir en ligne.

CHAURIS, Louis, « Les rochers de Rothéneuf : approches lithologiques », Bulletin et Mémoires de la Société Archéologique et Historique d’Ille-et-Vilaine, CXXV, 2021.

JOUNEAU, Joëlle, L’ermite de Rothéneuf, Scala, 2013, 63 p.

LES AMIS DE L’OEUVRE DE L’ABBÉ FOURÉ, « L’abbé Fouré et ses sources d’inspirations », 2022, Voir en ligne.

ARCHIVES DÉPARTEMENTALES D’ILLE-ET-VILAINE, et LES AMIS DE L’OEUVRE DE L’ABBÉ FOURÉ, Sculpteur d’Histoire(s) : La vie et l’oeuvre de l’Abbé Fouré - Livret d’exposition, Département d’Ille-et-Vilaine, 2023, 23 p., (« Bande dessinée et histoire »).

LESEIGNEUR, Quentin, Les violences dans les grèves en Ille-et-Vilaine de 1819 à 1914 : modalités d’actions ouvrières et attitude étatique, Thése de Master - UFR Sciences sociales - UR2, Université de Rennes 2, 2013, 254 p., Voir en ligne.

NOGUETTE, « L’ermite de Rothéneuf », Côte d’Emeraude, 13-14 avril, Dinard, 1907, p. 1, Voir en ligne.

NOGUETTE, Guide du musée de l’ermite de Rothéneuf, Saint-Malo, Imprimerie R. Bazin, 1919, 18 p., Voir en ligne.

NOGUETTE, La Vie de l’Ermite de Rothéneuf, Saint-Malo, Imprimerie R. Bazin, 1919, 9 p., Voir en ligne.

SAUVAGET, Bernadette, « A Rothéneuf, il y a angoisse sous roche », Libération, 17 mai, 2013, Voir en ligne.


↑ 1 • La chapelle Saint-Éloi-des-Forges de Paimpont est desservie jusqu’en 1877, année de construction de la chapelle neuve et du départ de l’abbé Fouré pour Guipry (Ille-et-Vilaine). Après 1877, la chapelle Saint-Éloi est appelée « l’Ancienne chapelle ».

↑ 3 • Eugène Herpin (1860-1942) est un historien de la région de Saint-Malo. Il écrit des articles dans le journal malouin Le Salut à partir de 1886 puis devient rédacteur en chef du journal Côte d’Émeraude. En 1900, il cofonde la Société d’histoire et d’archéologie de l’arrondissement de Saint-Malo qu’il préside à trois reprises (1902-1903, 1908-1909 et 1922-1923). En 1890, il baptise la région du nom de Côte d’Émeraude : La teinte de la mer, la verdure des arbres qui s’y reflètent, toute cette étrange symphonie de verts différents, m’a fait appeler notre côte la Côte d’Émeraude. Il est principalement connu pour être l’auteur de nombreux ouvrages historiques et touristiques sur Saint-Malo et sa région.

↑ 4 • Eugène Herpin à utilisé le pseudonyme de « Noguette », nom emprunté à la cloche installée dans le clocher de la cathédrale de Saint-Malo en 1804. Cette cloche tire son nom du latin nox quieta qui signifie nuit tranquille.

↑ 5 • L’extrait de la biographie de 1919 de l’abbé Fouré par Noguette est une reformulation de l’article de Côte d’Émeraude de 1907.

Lorsque l’abbé Fouéré était recteur de Paimpont, les forges aujourd’hui endormies étaient en pleine activité. Elles étaient la richesse, l’animation et la gloire de la paroisse. Dans le cours de l’année 1866, le bruit se répandit, dans le bourg, qu’elles allaient être fermées. Les princes d’Orléans, le comte de Paris, les ducs d’Aumale et de Chartres étaient alors les propriétaires, tant de la forêt de Paimpont que des hauts fourneaux. Le bon recteur partit pour l’Angleterre, auprès des forges, il plaida avec toute son âme, la cause des paroissiens et de leurs hauts-fourneaux. Il perdit son procès ; la décision était irrévocable. Le cœur désolé, il revint au bout de six semaines auprès de ses ouailles. Peu de temps après, il fut nommé recteur de Guipry.

NOGUETTE, La Vie de l’Ermite de Rothéneuf, Saint-Malo, Imprimerie R. Bazin, 1919, 9 p., Voir en ligne. page 3

↑ 6 • Les difficultés économiques des Forges de Paimpont interviennent dans le contexte social de la France des années 1860, marqué par une accélération de l’industrialisation qui conduit à l’émergence d’une classe ouvrière nombreuse et malmenée. Napoléon III cherche à se concilier cette nouvelle force politique et dans les années 1860, multiplie les gestes de rapprochement. Alors que les grèves et coalitions sont interdites en France depuis 1791 - loi Le Chapelier du 14 juin 1791 - des grèves illégales éclatent dans les années 1862-64. En réaction à ces mouvements, la loi du 25 mai 1864 supprime le délit de coalition tout en maintenant la grève dans d’étroites limites. L’« atteinte au libre exercice de l’industrie et du travail » peut être poursuivie, mais, dans la pratique, le pouvoir pousse les patrons à céder aux revendications ouvrières, ce qui entraîne une multiplication des grèves dans les années qui suivent.

↑ 7 • Dans une lettre datée de mai 1865, l’abbé Fouré et l’abbé Eveillard - 1er vicaire de Paimpont - demandent à son Altesse Royale Monseigneur le Duc d’Aumale de le rencontrer en personne à propos de la fermeture des Forges de Paimpont. —  EVEILLARD, Joseph et FOURÉ, Adolphe, « Lettre de Joseph Eveillard et Adolphe Fouré à son Altesse Royale Monseigneur le Duc d’Aumale », Mai, 1865. —

↑ 8 • L’architecte Arthur Regnault importe en Bretagne un style romano-byzantin de son invention qu’il pratique pour la première fois à Maxent.

↑ 9 • L’attribution de cette sculpture à l’abbé Fouré est due à l’Association des Amis de l’Oeuvre de l’Abbé Fouré.

↑ 10 • D’après le registre du conseil municipal de Langouët, 1894, cité dans l’article Wikipédia consacré à l’abbé Fouré.

↑ 11 • Rothéneuf est un quartier au nord-est de la ville de Saint-Malo et une ancienne paroisse d’Ille-et-Vilaine

↑ 12 • Un prêtre habitué est un ecclésiastique vivant dans une paroisse sans responsabilités précises.

↑ 13 • Louis Chauris, géologue, ancien directeur de recherches au CNRS, estime que l’abbé Fouré aurait choisi le site de Rothéneuf en raison des propriétés physiques et mécaniques des rochers, suffisamment homogènes pour pouvoir être façonnés, tirant parti du dénivelé irrégulier de la façade rocheuse.

Les rochers de Rothéneuf constituent un des faciès du vaste complexe migmatitique de Saint-Malo. Cette dénomination se doit d’être explicitée. Lors de la genèse des chaînes de montagne, les gneiss, sous l’augmentation de la pression et de la température, commencent à fondre de manière différentielle : certaines parties évoquent encore le gneiss initial, d’autres un granite de néoformation, l’ensemble formant des « migmatites » - en grec, μιγμα, « migma », c’est le « mélange ». Seuls les faciès les plus évolués, dits d’anatexie (« fusion » en grec) sont assez homogènes pour pouvoir être façonnés.

Et c’est justement cette variété des migmatites du dôme de Saint-Malo qui a attiré l’attention d’un artiste original, l’abbé Adolphe Julien Fouéré, dit Fouré, qui, à la suite d’un accident vasculo-cérébral, était devenu, dit-on, sourd et muet. Malgré, et plutôt par suite de ce handicap, le prêtre s’est mis, pendant une quinzaine d’années, des environs de 1894 à ceux de 1907, à sculpter les rochers de Rothéneuf, descendant en pente irrégulière, mais assez douce, vers la partie haute de l’estran.

Il en est résulté une prolifération, mieux, une exubérance de formes stylisées fascinantes, le plus fréquemment des hommes (saint Budoc, Jacques Cartier), mais aussi armoiries et animaux : un veau allongé, un dragon couvert d’écailles, s’étirant…

En fait, la singularité du site de Rothéneuf est manifeste à deux points de vue complémentaires : sculptures restées en place en bas-relief et non façonnées, sauf exception, à partir de blocs arrachés dressés ; transformations anthropiques du littoral, induisant une géomorphologie surprenante. Si le minéral règne ici sans conteste, il est toutefois tempéré par une discrète touche de lichens grisâtres.

CHAURIS, Louis, « Les rochers de Rothéneuf : approches lithologiques », Bulletin et Mémoires de la Société Archéologique et Historique d’Ille-et-Vilaine, CXXV, 2021. [page 42]

↑ 14 • Joseph Ferdinand Cheval (1836-1924), pionnier de l’Art brut plus connu sous le nom du facteur Cheval, a édifié durant 33 années un monument qu’il a nommé « Palais idéal ».

↑ 15 • Selon Frédéric Altman, l’absence de tampon de l’abbé Fouré Seule collection approuvée par l’ermite sur une carte postale ancienne intitulée « Jean, duc de Bretagne », constituerait une preuve qu’il s’agit de Judicaël.— Altman, Frédéric (1985) op. cit. p. 113-114 —

Carte postale de "Jean IV duc de Bretagne" dit "l’isolé"
Carte postale ancienne n° 1888 - Rothéneuf - Rochers sculptés - Jean duc de Bretagne

↑ 16 • Les hauts fourneaux sont définitivement éteints à Paimpont en 1884. Un atelier de fonte de seconde fusion est néanmoins maintenu. L’abbé Fouré entretient-t-il encore à cette époque des liens avec certains des ouvriers qu’il a connus dans sa première paroisse ?

↑ 17 • En 1877, le pape Léon XIII émet le désir de rencontrer les ouvriers français. Il est exaucé douze années plus tard. À partir du 22 octobre 1889 et durant six semaines, 20 000 ouvriers rencontrent le pape. PIERFITTE, Abbé, Trois jours à Rome : notes d’un pélerin lorrain, Epinal, Imprimerie V. Colot, 1890, 10 p., Voir en ligne.