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6e - 11e siècle

La fondation de l’abbaye de saint Méen

De Saint-Jean de Gaël à Saint-Méen-le-Grand

L’abbaye Saint-Jean construite sur les bords du Meu à Gaël serait l’œuvre de saint Méen (†617). Cette fondation est associée à celle de Judicaël († v. 637-639 ?), roi de Domnonée armoricaine.

L’abbaye de Gaël est détruite à deux reprises aux 9e et 10e siècles. Elle est reconstruite à Saint-Méen (le-Grand) dans la première moitié du 11e siècle.

La péninsule armoricaine au début de son histoire

Avant la conquête romaine, les tribus gauloises d’Armorique : Riedones, Namnètes, Coriosolites, Vénètes et Osismes occupent le territoire de la péninsule. Sous le Haut et le Bas-Empire romain allant de 27 av. J.-C. à la chute de l’empire d’Occident en 476, ces tribus constituent les civitates. —   —

Carte des peuples gaulois en Armorique
bretagneweb.com

Chaque tribu ou civitas est subdivisée en « pays » : pagi en latin, pou en breton. Le territoire de Gaël fait partie d’un vaste ensemble dont le nom breton est « Pou tro coët » (Pays au-delà des bois), dénomination synonyme de Porhoët.

[...] [Pou tro coët et Porhoët] s’appliquèrent d’abord à l’ancienne civitas des Curiosolites, devenue comté à l’époque carolingienne.

GUILLOTEL, Hubert, « De la vicomté de Rennes à la vicomté de Porhoët (fin du Xe-milieu du XIIe siècle) », in Actes du congrès de Josselin, T. LXXIII, Rennes, S.H.A.B Société d’Histoire et d’Archéologie de Bretagne, 1995, p. 5-23. [page 7]

Au cours des 6e et 7e siècles, des moines de Bretagne insulaire viennent en Armorique pour y fonder des monastères de type celtique qui suivent la règle « scotique » de saint Colomban 1, moine irlandais fondateur entre autres des abbayes de Luxeuil 2 et de Bobbio 3 en 590 et 613.

Au début du 7e siècle, Malo, moine de l’île de Bretagne s’installe sur un îlot 4 en face d’Alet 5. Il fonde des abbayes-évêchés de type celtique dans la cité d’Alet, sur les îles ou les lieux voisins.

Fondation du monastère de Gaël

L’origine de la fondation du monastère de Gaël garde une part d’obscurité.

Le territoire de Gaël, situé dans la civitas des Coriosolites, fait partie du pays de Porhoët, au sud de la cité d’Alet. La Vita Mevenni (Vie de saint Méen), écrite au 11e siècle, attribue à ce saint la fondation d’un monastère à Gaël, implantée sur les bords de la rivière du Meu, fin 6e début 7e siècle.

Son implantation est mentionnée dans deux écrits du 11e siècle : le premier est une « Vie de saint Méen » (Vita Mevenni), le second, plus récent est l’Histoire du saint roi Judicaël 6.

Saint Méen et saint Judicaël à l’origine de l’abbaye de Gaël ?

Selon l’historien Pierre Le Baud (†1505), ces deux textes seraient l’œuvre d’un même auteur, Ingomar, moine gratifié du titre grammaticus (maître de l’école monastique) dans une charte de l’abbaye de Marmoutier.

7e siècle — Méen (Meven) fonde un monastère à Gaël

Méen 7 est un moine breton du Pays de Galles qui débarque en Domnonée armoricaine au 6e siècle. Il se rend à Dol (aujourd’hui Dol-de-Bretagne, Ille-et-Vilaine) auprès de Samson (†565), un parent dont il est le disciple 8. Samson recommande à Méen pour édifier « sa basilique », de se rendre auprès de Weroc ou Waroc (†547), qui règne sur le Vannetais 9. Il traverse un pagus placatus qui était Transylva. Il est intéressant de noter ici la description ajoutée par l’historien Dom Lobineau, sur le périple du saint qui traverse une grande forêt : celle du Pou tro coët ou Porhoët (Pays au-delà des bois)

[...] qui divisée en différents cantons, fait aujourd’hui [en 1725] les forêts particulières de Painpont, de Brecilien, de la Hardouinaie, de Montcontour, et de la Nouée, s’étendait alors depuis Gaël jusqu’à Corlay, et partageait la Bretagne en deux portions, dont l’une se nommait le "païs de deçà", et l’autre le "païs de delà" la forêt.

LOBINEAU, Dom Guy-Alexis, Les vies des saints de Bretagne et des personnes d’une éminente piété qui ont vécu dans la même province, avec une addition à l’Histoire de Bretagne, Rennes, La Compagnie des imprimeurs-libraires, 1725, Voir en ligne. p. 139

Méen cherche un hébergement pour la nuit. Il fait alors la rencontre de Caduon sur le territoire de Gaël. C’est un homme très pieux à qui la Légende donne le titre de Comte, qui lui propose l’hospitalité. Les deux hommes passent une grande partie de la nuit à échanger. Le lendemain matin, Caduon voyant Méen partir, lui fait officiellement don de sa terre nommée Transfosa sur le bord du Meu. Méen lui dit qu’il satisfera sa demande si son maitre y consent. Après s’être rendu chez Waroc, il revient auprès de Caduon.

Au retour il passa chez le Comte Caduon, qui lui fit dès-lors une donation de tous les meilleurs fonds qu’il possédait des deux côtés de la rivière de Meu.

Lobineau, Dom Gui-Alexis (1725) op. cit., p. 139

Selon le récit d’Ingomar, Méen construit avec ses moines de petits bâtiments (cellules) et une église dédiée à saint Jean-Baptiste 10 avant d’édifier un monastère plus important, majus monasterium construxit.

Une date de fondation apparait dans la chronologie des évènements rapportés dans le Chronicon Brittanicum En ces jours de l’an 600, Saint-Méen édifia son monastère.

DC. Hiis diebus construxit S. Mevennus suum cœnobium.

MORICE, Dom Pierre-Hyacinthe, Mémoires pour servir de preuves à l’histoire ecclésiastique et civile de Bretagne, Vol. 1, Paris, Charles Osmont, 1742, Voir en ligne. col. 3

La Vita rapporte que Judicaël vient auprès de Méen pour prendre conseil et mener sa carrière de prince avant de se faire moine en son monastère,

La Vita Mevenni ne se réduit pas à ce seul épisode de la fondation de l’abbaye. En outre, il est abusif de laisser croire que les faits rapportés sont rigoureusement historiques.

L’historienne Armelle Le Huërou cherche à définir les intentions de l’auteur de la Vie de saint Méen. Elle doute de la date de parution du texte et estime qu’il relève de l’invention.

[...] l’hagiographe n’avait à sa disposition aucune uita [vita] antérieure ni, semble-t-il, aucun autre type de documents sur lequel s’appuyer. Il est d’ailleurs malaisé, à sa seule lecture, d’établir où, à quel moment, pour quelle(s) raison(s) et pour quel(s) public(s) la Vie de Méen, dont manifestement on ignore alors tout, a été composée. Si l’on a renoncé à y voir un texte antérieur au Xe siècle et qu’on admet le plus souvent, à la suite de Bernard Merdrignac, qu’elle a été écrite dans le courant du XIe siècle, peut-être à la faveur de la restauration de Saint-Méen et à destination de cette communauté monastique, il semble qu’on ne puisse exclure formellement que cette Vita, dont les plus anciens témoins datent du XIVe siècle, soit plus tardive et vise un auditoire plus large que les seuls moines de Saint-Méen.

LE HUËROU, Armelle, « De quand date la Vita S. Meuenni (BHL 5944) ? Quelques nouveaux éléments sur sa transmission et sa genèse », in Mélanges offerts au professeur Bernard Merdrignac,, Jean-Christophe Cassard, Pierre-Yves Lambert, Jean-Michel Picard et Bertrand Yeurc’h, Landévennec, Centre International de Recherche et de Documentation sur le Monachisme Celtique, 2013, (« Britannia Monastica »), p. 53-74, Voir en ligne.

Armelle Le Huërou souligne que le récit de l’auteur ressemble à plusieurs autres Vitae. Elle considère que cette Vita a été rédigée dans un but pédagogique pour célébrer les offices du saint et des récits exemplaires pour édifier et instruire ses auditeurs.

[...] l’hagiographe semble signifier clairement l’absence d’ambition historique et historiographique de son texte. Le remploi, assez inadapté, de uitae [Vitæ] d’évêques (Julien, Samson, Martin, Nicolas) pourrait confirmer cette hypothèse, car même en ne retenant que la qualité de fondateurs et abbés des trois premiers, rien dans le texte n’indique une quelconque volonté d’exalter la mémoire de Méen comme abbé ou fondateur d’un sanctuaire particulier.

7e siècle — Judicaël, roi de Domnonée, se fait moine à l’abbaye de Gaël

Un autre récit, l’Histoire du roy sainct Judicael vient parachever la Vita Mevenni. Elle est rapportée par l’historien Pierre Le Baud (1505) dans la seconde moitié du 15e siècle. Le Baud en attribue la paternité à Ingomar dans le premier quart du 11e siècle.

Ces précisions sont fournies par l’Histoire du roy sainct Judicael. En effet, bienfaiteur du monastère de Saint-Jean de Gaël fondé par saint Méen [Judicaël] aurait fini ses jours sous l’habit monastique [...] On attribue souvent la rédaction de celle-ci à Ingomar, moine de l’abbaye de Saint-Méen, après la restauration de cet établissement, en 1024.

L’Histoire du roy sainct Judicael reprend quelques fragments du dossier hagiographique de saint Judicaël (BHL 4503) qui reste à ce jour en grande partie inédit 11. Nous n’entrons pas dans la complexité des fragments du dossier littéraire. Notre but est de montrer la présence de Judicaël auprès de saint Méen et le rôle qu’il joue dans l’origine de l’abbaye de Gaël.

André-Yves Bourgès, spécialiste de l’hagiographie médiévale, montre qu’il existe des parties considérées comme historiques écrites par Ingomar et d’autres ajoutées par un autre auteur pour enjoliver le récit. Pierre Le Baud ne fait pas cette distinction.

Cependant, l’identification proposée par Le Baud a occulté l’existence de deux ouvrages distincts : le premier consistait dans l’histoire proprement dite de saint Judicaël, écrite au moment de la restauration de l’abbaye, dans le premier quart du XIe siècle ; rien ne s’oppose à ce que l’auteur de cet ouvrage fût effectivement le grammaticus Ingomar [...] L’autre ouvrage contenait un récit de nature « mythologique » de la conception du futur saint Judicaël : son auteur s’est bien sûr largement inspiré du texte d’Ingomar, sa principale source ; mais il l’a enrichi d’une dimension merveilleuse qui manquait à l’œuvre de son prédécesseur. [...] en tout état de cause, il ne peut être sorti de la même plume et nous pensons que cet ouvrage doit être attribué au même écrivain qui a donné la vita de saint Méen et celle de saint Léri.

BOURGÈS, André-Yves, « Le dossier littéraire des saints Judicaël, Méen et Léri. », in Corona Monastica. Mélanges offert au père Marc Simon., Presse Universitaire de Rennes, 2004, (« Britannia Monastica »), p. 83-92, Voir en ligne.

Selon l’Histoire du roy sainct Judicael, Judaël, roi de Domnonée, après une nuit passée avec Pritelle 12, fait un rêve dans lequel il voit

[...] une colonne élevée au nombril de la Bretagne (où est-ce ?) ; dont la base était de fer (et ornée d’armes) et le sommet d’or (ornée d’objets liturgiques) [...]

LE DUC, Gwenaël, « Qui était Judicaël ? », in Topoguide FFRandonnée ; Brocéliande à pied, 2011, p. 150-153.

Intrigué, Judaël se rend auprès du barde Taliesin pour comprendre et connaitre la clé de ce rêve.

[Le barde] lui révéla que de leur union naîtrait un homme exceptionnel par les armes dans la première partie de sa vie, exceptionnel au service de Dieu pendant la seconde partie.

LE DUC Gwenaël, (2011) op. cit., pp. 151-152

De cette union avec Pritelle naît Judicaël. Enfant, il est élevé par ses grands-parents maternels.

La tradition donne au moins quinze fils à Judaël. Selon la coutume celtique, ceux-ci avaient été « mis en nourriture », c’est-à-dire éduqués par des parents adoptifs qui se les attachaient pour la vie « non seulement par des liens d’affection mais aussi par des obligations légales ».

MERDRIGNAC, Bernard, « Les Voies nouvelles de la Sainteté 605-814 », in Histoire des saints et de la sainteté chrétienne, Vol. IV, Paris, Hachette, 1986.

Avant sa mort, Judaël choisit Judicaël comme successeur parmi ses nombreux fils. Le jeune Judicaël rejoint la cour de son père où il doit faire face à la jalousie de l’épouse légitime de Judaël. Elle se soumet néanmoins au roi et accepte le destin exceptionnel de ce fils. Cependant, des rivalités éclatent concernant cette succession avec Haeloch (Hailocus), un des fils de Judaël. Le jeune Judicaël se réfugie auprès de saint Méen et prend la tonsure en son monastère. Haeloch succède à Judaël et règne sur la Domnonée jusqu’à sa mort vers 610-615. Judicaël quitte alors la bure pour lui succéder.

L’Histoire présente Judicaël comme roi régnant sur la Domnonée armoricaine à l’époque de Dagobert Ier (roi des Francs Mérovingiens de 629 à 639). Considéré pendant un temps comme le souverain de toute l’Armorique, Judicaël doit, à ce titre, combattre les Francs et apparaît comme un redoutable guerrier. Deux victoires l’amènent à conclure vers 630 un traité de paix avec le roi Dagobert Ier. Deux versions s’opposent sur les faits : l’une tirée de la Chronique de Frédégaire 13, indique que le roi breton s’empresse de se rendre auprès de Dagobert à Clichy pour reconnaître ses torts et se soumettre au roi Franc. L’autre, une Vie de saint Eloi composée par saint Ouen, ancien garde des sceaux de Dagobert, rapporte que c’est Eloi, alors trésorier du roi Mérovingien chargé de négocier un accord de paix, à Creil, avec le chef breton. Il n’y est plus question de soumission mais d’un véritable traité de paix et d’alliance.

Jugeant son devoir accompli, Judicaël décide de reprendre la vie monastique. Son jeune frère, Josse 14 refuse de lui succéder. Ce renoncement n’empêche pas Judicaël de se retirer dans le monastère de Gaël régi par saint Méen, sans que l’on sache à qui revient la royauté. C’est là qu’il finit ses jours en odeur de sainteté († v. 637-639 ?). Notons que cette retraite du roi sanctifié à l’abbaye de Gaël n’est pas historiquement assurée.

L’Église carolingienne prend le contrôle de l’hagiographie

Après le règne de Judicaël († v. 637-639 ?), l’Histoire reste muette durant environ un siècle. Il faut attendre le milieu du 8e siècle pour qu’apparaisse une pression constante du royaume franc sur la Bretagne. Les Carolingiens créent la « Marche de Bretagne » : une zone tampon, un territoire militaire placé sous l’autorité d’un préfet, qui englobe les comtés de Rennes, Nantes et Vannes. L’installation d’une famille étrangère à la tête de la Marche montre bien l’intention de Charlemagne d’intégrer cette zone à l’empire. Cette situation amène partiellement la Bretagne sous le joug du pouvoir carolingien sans qu’elle ne soit jamais intégrée complètement au sein de l’empire.

Une des réformes de l’Église entreprises par Charlemagne va à l’encontre des dévotions pratiquées en Bretagne. Elle est due à la méfiance du pouvoir carolingien vis-à-vis des cultes rendus aux saints d’origine celtique non reconnus par l’Église romaine. Ce changement met en cause le fondement de l’histoire religieuse auquel se rattachent les Bretons.

Cette attitude de fermeté de la part de l’Église carolingienne à l’encontre des « superstitions » explique aussi sa méfiance vis-à-vis des dévotions spontanées envers des saints non-contrôlés alors que durant les siècles précédents, on procédait, presque au moment de leur décès, à l’« élévation » des restes des abbés ou des évêques réputés. Charlemagne ordonne que « les saints ne soient pas honorés sans l’approbation de l’épiscopat. »

MERDRIGNAC, Bernard, La vie religieuse en France au Moyen Age, Ophrys, Gap, 1994, (« Synthèse & Histoire »). [page 52]

Les monastères de Bretagne qui suivent la règle « scotique » (de saint Colomban) se voient imposer à partir de 818, par Louis le Pieux, la règle « bénédictine » (réformée par Benoît d’Aniane). Au 9e siècle, ces changements conduisent à la réécriture des Vitae des principaux saints de Bretagne. Elle se poursuivra jusqu’au 13e siècle lors de la reconstruction des abbayes suite aux invasions normandes.

En effet, aux VIe- VIIIe siècles, en Bretagne comme dans le reste de l’Occident, chaque monastère élabore sa propre règle en s’inspirant de documents antérieurs analogues. Chaque monastère compose son propre code, chaque établissement opère sa propre compilation.
A mesure que la législation carolingienne se précise, l’hostilité ou du moins l’incompréhension du clergé franc à l’égard des coutumes celtiques en usage en Armorique s’accentue.

HAMON, Mélanie, Vies de saints bretons et règles monastiques, Hor Yezh, 1998, (« Collection hagiographique bretonne »). [page 30]

Hélocar, premier évêque d’Alet et de Porhoët

Après la mort de Judicaël, le monastère de Gaël du 7e siècle garde le silence sur son fonctionnement et sur ses abbés. Il faut attendre la date de 799, mentionnée dans le Chronicon Brittanicum pour qu’un évêque du nom d’Hélocar, mis en place par Charlemagne (742-814), soit cité à la fois évêque d’Alet et abbé du monastère de Gaël.

Charlemagne octroya à Dieu et à saint Judicaël l’église de Gaël avec toute la paroisse, par la main de Helocar, évêque d’Alet 15

MORICE, Dom Pierre-Hyacinthe (1742) op. cit., col. 3

Que s’est-il passé durant ce temps pour que ce territoire soit pris en main par les Carolingiens ? Helocar devient évêque d’un territoire s’étendant du pagus Aletis (pays d’Alet) jusqu’au Porhoët où est situé le monastère de Gaël. Lui-même se qualifiait d’episcopus in Aleta civitate ou d’episcopus in Poutrocoet, c’est-à-dire évêque d’Alet et de Porhoët. —  KEATS-ROHAN, Katharine, « Raoul Anglicus et Raoul de Gaël : un réexamen des données anglaises et bretonnes », in Montfort-sur-Meu et son pays. Histoire et patrimoine., Rennes, S.H.A.B Société d’Histoire et d’Archéologie de Bretagne, 2016, p. 33-63. [page 42] —

Ce haut personnage à la solde de l’empereur carolingien jouit d’une immunité obtenue du vivant de l’empereur pour ces deux églises.

[...] Charlemagne lui avait précédemment consenti et lui concéda en outre le privilège de l’immunité : les officiers publics carolingiens perdent le droit d’y pénétrer pour exercer son autorité. Saint-Méen relèvera dorénavant de l’empereur seul.

CASSARD, Jean-Christophe, Les Bretons de Nominoë, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2002, (« Histoire »). [page 26]

Le Porhoët est très étendu, sans issue maritime, une vaste région qui avait échappé à la division primitive en pagi. Il semble être intégré à l’évêché de Dol dont saint Samson (†565) est évêque-abbé fondateur au milieu du 6e siècle 16. Doté d’un monastère à Gaël établi depuis le 7e siècle, le Porhoët devient un enjeu territorial pour les Carolingiens qui veulent l’intégrer au diocèse d’Alet.

811 — L’abbaye de Gaël est pillée et brûlée

En 811, de graves troubles éclatent à l’encontre des églises d’Alet (Saint-Malo) et de Méen et Judicaël à Gaël. Ils font suite à l’installation d’Hélocar comme évêque au sein des deux églises. Cette insurrection des Bretons est mentionnée dans les annales franques.

On trouve plusieurs mentions annalistiques à l’année 811 faisant état de l’envoi par Charlemagne d’une armée pour punir la perfidie des Bretons. Que cette insurrection ait été dirigée contre les églises de saint Méen et saint Judicaël [à Gaël] et de saint Malo [à Alet] témoigne qu’il s’agit d’une affaire ayant des implications religieuses.

TANGUY, Bernard, « De l’origine des évêchés bretons », in Les débuts de l’organisation religieuse de la Bretagne Armoricaine. De l’origine des évêchés bretons., Landévennec, Centre International de Recherche et de Documentation sur le Monachisme Celtique (C.I.R.Do.Mo.C.), 1994, (« Britannia Monastica »), p. 5-33. [page 18]

Les troupes de Charlemagne viennent réprimer la révolte. Les deux églises sont pillées et brûlées. Ces troubles apparaissent à une période où la nouvelle circonscription diocésaine d’Alet est en concurrence avec l’évêché de Dol. Dès lors, le Porhoët devient un enjeu territorial. Il est probable que l’église de saint Méen et saint Judicaël à Gaël soit une émanation doloise si l’on se reporte à la Vita de saint Méen qui le présente comme disciple de saint Samson, fondateur et évêque de Dol. Le diocèse d’Alet apparaît comme une création carolingienne. La nomination de Rorgon, gendre de Charlemagne en qualité de comte de Porhoët, siégeant à Brennowen (Bernéan, lieu-dit situé dans l’actuel camp militaire de Coëtquidan, sur la commune de Campénéac) témoigne de l’intérêt pour les Carolingiens d’intégrer le Porhoët au diocèse d’Alet.

Cette division tournera au profit d’Alet et prendra fin avec la nomination de l’évêque Ratvili en 866.

816 — L’abbaye de Gaël est reconstruite

Helocar se rend à Aix-la-Chapelle au palais de Louis le Pieux, fils et successeur de Charlemagne pour que l’empereur lui renouvelle le diplôme d’immunité. Il lui remet une lettre de Charlemagne où il est écrit

[...] qu’au temps de la rébellion contre l’église de saint Méen et de saint Judicaël, qui est située dans le lieu qu’on appelle Gaël, et aussi dans un autre lieu dans l’île qui est appelée Malo, les ennemis se livrant à des dévastations et à des incendies, non seulement le trésor de l’église et les objets sacrés pour accomplir les offices ecclésiastiques furent détruits, mais encore les chartes [...], par lesquelles les églises précitées avaient été enrichies, avaient été brûlées et réduites en cendres [...] 17

TANGUY, Bernard (1994) op. cit. p. 18

Cet acte daté de 794 montre qu’à la fin du 8e siècle, l’église de Gaël est déjà baptisée des noms de saint Méen et de saint Judicaël, bien avant les Vitae des deux saints qui auraient été écrites par Ingomar au 11e siècle.

Le 26 mars 816, Louis le Pieux renouvelle le diplôme d’immunité à Helocar pour son abbaye de Gaël, aussitôt reconstruite au même endroit, sur les bords du Meu.

10e siècle — L’abbaye de Gaël est désertée et détruite

Durant la première moitié du 10e siècle, les Vikings remontent les estuaires et s’en prennent aux richesses des cathédrales et des monastères de Bretagne. Les scriptoria 18 sont pillés et brûlés. Les abbés et leurs moines prennent la fuite en Francie occidentale 19, emportant avec eux les reliques et les nombreux manuscrits. Toutes ces richesses sorties de Bretagne ne sont jamais revenues.

[…] Attaqués par les Vikings, les moines de Saint-Méen furent l’une des nombreuses communautés de Bretagne qui prirent la fuite vers des régions plus sûres [...] Ils trouvèrent refuge à Saint-Jouin-des-Marnes, dans le Poitou.

KEATS-ROHAN, Katharine, « Raoul Anglicus et Raoul de Gaël : un réexamen des données anglaises et bretonnes », in Montfort-sur-Meu et son pays. Histoire et patrimoine., Rennes, S.H.A.B Société d’Histoire et d’Archéologie de Bretagne, 2016, p. 33-63. [pages 42-43]

Au cours des 10e et 11e siècles, le pouvoir carolingien s’effrite, suite aux mésententes entre les familles et à l’incapacité de gérer les conséquences des invasions vikings. Ce déclin de l’Empire carolingien conduit à des bouleversements politiques, y compris en Bretagne. D’immenses domaines de l’Empire carolingien déclinant deviennent rapidement des « bienfaits héréditaires » au profit de l’aristocratie dont les comtes sont les grands bénéficiaires.

11e siècle — L’abbaye de Gaël est reconstruite à Saint-Méen-le-Grand

La reconstruction des abbayes bretonnes s’opère alors que d’importants changements conduisent à la naissance des seigneuries. Une redistribution des terres provoque deux révoltes mentionnées dans la Vita S. Gildasii (Vie de saint Gildas) : une révolte paysanne en 1008, puis une révolte de nobles en 1024 20.

Le Chronicon Britannicum donne la date de 1024 pour le début de la reconstruction de l’abbaye de Gaël. — MORICE, Dom Pierre-Hyacinthe (1742) op. cit., col. 4 (Voir en ligne) — Hubert Guillotel souligne une concordance entre les deux textes à propos de la date de 1024.

[...] la restauration de l’abbaye de Saint-Méen doit être placée au même moment puisque décidée en plein cœur de la révolte. Mais cette date de 1024 ne vaut que pour la première partie de la notice [l’acte] qui rapporte les préliminaires du rétablissement de l’abbaye et une première donation pour assurer le succès du projet.

GUILLOTEL, Hubert, GUIGON, Philippe, HENRY, Cyprien, [et al.], Les actes des ducs de Bretagne (944-1148), Société d’histoire et d’archéologie de Bretagne, Presses Universitaires de Rennes, 2014. [pages 219]

Ce projet de restauration est à l’initiative de la duchesse Havoise et de ses fils, Alain III, duc de Bretagne (1008-1040) et Eudes, comte de Penthièvre.

[...] l’abbé Hinweten 21 […] était chargé par la duchesse Havoise (†1034), au nom de ses fils, Alain III et Eudes, de refonder l’ancien monastère où Judicaël aurait fini ses jours aux côtés de saint Méen à Saint-Jean de Gaël qui avait été ruiné lors des invasions normandes.

MERDRIGNAC, Bernard, D’une Bretagne à l’autre. Les migrations bretonnes entre histoire et légendes., Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2012, (« Histoire »). [page 235]

L’abbé Hinweten reconstruit le monastère, anciennement à Gaël, quelques kilomètres plus au nord, actuellement dans le bourg de Saint-Méen-le-Grand.

L’abbaye de Saint-Méen bénéficie d’une seconde donation entre 1024 et la mort de la duchesse Havoise, le 21 février 1034. Sur l’acte de donation, Havoise apparait avec ses fils, Alain III et son frère Eudes.

[Satisfaits, ils] donnèrent tout Saint-Onen-la-Chapelle, tout Trémorel, tout le minihi 22 de Quédillac avec toute la terre d’Illifaut, la terre de Crouais, le tout libre de rente, de cens ou de revendication, en outre toute l’église de Gaël avec la totalité du cimetière et le cens de Gaël, et comment le même jour le comte Alain donna des retenues forestières qu’il possédait dans la paroisse de Gaël : Chéruel, la forêt de Recant, la forêt de la Haie proche du cimetière, la forêt de Trévancarel et cinq sous du cens sur la terre de Rouaud le voyer.

Guillotel, Hubert, (2014) op. cit. p. 218

Le grammaticus Ingomar dédie à Hinweten, l’Histoire du roy sainct Judicael entre 1024 et 1034 23.

Les dates de retour des reliques des saints Méen et Judicaël sont sujettes à caution.

  • Pour saint Méen, le Chronicon Brittanicum mentionne la date de 1074 — MORICE, Dom Pierre-Hyacinthe (1742) op. cit., col. 4 (Voir en ligne) —
  • Pour saint Judicaël, Albert Le Grand mentionne celle de 1130 —  LE GRAND, Albert, Les vies des saints de la Bretagne-Armorique par Fr. Albert Le Grand, 1837 - Annotée par Miorcec de Kerdanet, Daniel-Louis, Brest-Paris, Anner, 1637, Voir en ligne. p. 823 —

Bibliographie

BOURGÈS, André-Yves, « Le dossier littéraire des saints Judicaël, Méen et Léri. », in Corona Monastica. Mélanges offert au père Marc Simon., Presse Universitaire de Rennes, 2004, (« Britannia Monastica »), p. 83-92, Voir en ligne.

BRAND’HONNEUR, Michel, « La motte et le clocher : l’affrontement des symboles ? », Vol. 43, 2000, (« Cahiers de civilisation médiévale »), Voir en ligne.

CASSARD, Jean-Christophe, Les Bretons de Nominoë, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2002, (« Histoire »).

GIOT, Pierre-Roland, GUIGON, Philippe et MERDRIGNAC, Bernard, Les premiers bretons d’Armorique, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2003.

GUILLOTEL, Hubert, « De la vicomté de Rennes à la vicomté de Porhoët (fin du Xe-milieu du XIIe siècle) », in Actes du congrès de Josselin, T. LXXIII, Rennes, S.H.A.B Société d’Histoire et d’Archéologie de Bretagne, 1995, p. 5-23.

GUILLOTEL, Hubert, GUIGON, Philippe, HENRY, Cyprien, [et al.], Les actes des ducs de Bretagne (944-1148), Société d’histoire et d’archéologie de Bretagne, Presses Universitaires de Rennes, 2014.

HAMON, Mélanie, Vies de saints bretons et règles monastiques, Hor Yezh, 1998, (« Collection hagiographique bretonne »).

KEATS-ROHAN, Katharine, « Raoul Anglicus et Raoul de Gaël : un réexamen des données anglaises et bretonnes », in Montfort-sur-Meu et son pays. Histoire et patrimoine., Rennes, S.H.A.B Société d’Histoire et d’Archéologie de Bretagne, 2016, p. 33-63.

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↑ 1 • Plusieurs règles sont attribuées à Colomban de Luxeuil, toutes destinées à organiser et conduire la vie des moines des monastères. Saint Colomban a mis par écrit les principes sévères du monachisme irlandais à destination des monastères gaulois. Les œuvres qu’il a laissées, connues sous le nom de « règles » sont en fait des textes très différents par leur nature et leur destination.

↑ 2 • aujourd’hui Luxeuil-les-Bains en Haute-Saône

↑ 3 • commune d’Italie

↑ 4 • Cézembre

↑ 5 • aujourd’hui Saint-Servan, Ille-et-Vilaine

↑ 6 • Il ne s’agit pas de la « Vie de saint Judicaël » (Vita Judicaelis) qui reste encore inédite dans son intégralité

↑ 7 • Appelé aussi selon les auteurs, Conaidus Meuennus, Meuennus ou encore Conaidus.

↑ 8 • Saint Samson (490-565) est le seul saint breton dont la plus ancienne Vita écrite remonte au début du 7e siècle. Ordonné évêque en février 521, sans siège, il fonde de nombreux « évêchés celtiques » en Domnonée, dont celui de Dol de Bretagne où il est reconnu évêque.

↑ 9 • Le Vannetais, dont le chef Weroc ou Waroc a donné son nom au territoire le Bro Erec « Pays de Waroc », apparait au milieu du 9e siècle dans des actes du Cartulaire de Redon.

↑ 10 • Dans les textes concernant les saints, nous adoptons la convention suivante : le s de « saint » est en minuscule quand il désigne le personnage (saint Méen) ; le S est en majuscule et tiret quand il désigne un édifice (abbaye Saint-Méen) ou un lieu (commune de Saint-Méen).

La dénomination de l’abbaye fondée par saint Méen se transforme au cours de l’histoire. À l’origine elle est dédiée à saint Jean-Baptiste et édifiée à Gaël. C’est pourquoi on la nomme « abbaye Saint-Jean de Gaël ». Elle prend le nom officiel, dans les textes carolingiens, « d’église de saint Méen et de saint Judicaël ». Au 11e siècle, l’église est reconstruite sous l’appellation « abbaye ou monastère Saint-Méen » dans un lieu qui donnera naissance à la paroisse puis à la commune de « Saint-Méen-le-Grand » (Ille-et-Vilaine).

↑ 11 • D’autres fragments du dossier hagiographique de saint Judicaël

[...] figurent dans le Chronicon Briocense ainsi que dans la seconde version, composée entre 1498 et 1505, de l’ouvrage de Pierre Le Baud, qui attribue la paternité de ces différents textes à un auteur du premier quart du XIe siècle, Ingomar ; également dans un manuscrit copié vers 1525 et désigné sous le nom d’obituaire de l’abbaye Saint-Méen. Dom Morice a donné des extraits de ce dernier manuscrit ; dom Plaine a adjoint à son édition de la vita de saint Méen, un passage tiré de celle de saint Judicaël et A. de la Borderie a également utilisé cette vita dont il fait quelques citations dans le premier tome de son Histoire de Bretagne. R. Fawtier a consacré au dossier hagiographique de saint Judicaël, dont il a édité un long fragment, un article bien trop polémique pour être définitif ; enfin, le regretté L. Fleuriot, en reprenant la question, n’est malheureusement pas parvenu, malgré ses grandes qualités d’historien des origines bretonnes, à dépassionner le débat. Fort commodément, G. Pain a récemment actualisé la notice consacrée à saint Judicaël dans le Mémento de F. Duine.

BOURGÈS, André-Yves, « Le dossier littéraire des saints Judicaël, Méen et Léri. », in Corona Monastica. Mélanges offert au père Marc Simon., Presse Universitaire de Rennes, 2004, (« Britannia Monastica »), p. 83-92, Voir en ligne.

↑ 12 • Pritelle est la fille du comte Ausoc’h de Tréflez, chez qui Judaël a dîné un soir de chasse. Voir

LE BAUD, Pierre, Histoire de Bretagne avec les chroniques des maisons de Vitré et de Laval, Paris, Chez Gervais Alliot, 1638, Voir en ligne. p. 80

↑ 13 • Nom donné à une compilation de documents écrits à la période mérovingienne au 7e siècle.

↑ 14 • Josse (ou Judoc) deviendra un saint évangélisateur de la Picardie.

↑ 15 • DCCXCIX. Carolus Magnus concessit Deo & S. Judichaëlo Ecclefiam de Guadel cum tota plebe per manum Helocari Episcopi Aletensis.

↑ 16 • Son évêché est attesté vers 816. Salocon est le premier évêque connu de Dol, cité en 848.

↑ 17 • Texte original —  MORICE, Dom Pierre-Hyacinthe, Mémoires pour servir de preuves à l’histoire ecclésiastique et civile de Bretagne, Vol. 1, Paris, Charles Osmont, 1742, Voir en ligne. col. 225-226  —

↑ 18 • Le mot scriptorium (au pluriel, des scriptoria ou des scriptoriums) est un mot latin dérivé du verbe scribere qui signifie « écrire ». Ce nom désigne l’atelier dans lequel les moines copistes réalisaient des livres copiés manuellement, avant l’introduction de l’imprimerie en Occident.

↑ 19 • La Francie occidentale est le royaume que reçut le carolingien Charles le Chauve lors du partage de Verdun, en 843. Il s’agit des anciennes régions de Neustrie et d’Aquitaine, avec la partie ouest de l’Austrasie et le nord de la Bourgogne, autrement dit, la France des quatre fleuves (le Rhône, la Saône, la Meuse et l’Escaut). Cette partie apparaît vite comme la seule Francie, puisqu’au 10e siècle, la Francie orientale devient Germanie puis l’Empire (germanique).

↑ 20 • 

La vie de saint Gildas est, quant à elle, plus précise. Un moine de Fleury, Félix, est appelé par Geoffroy Ier en 1008 dans le but de restaurer l’abbaye de Saint-Gildas. […]Mais, après seize ans de travail, c’est-à-dire en 1024, Félix dut rejoindre son monastère d’origine car il ne pouvait plus vivre en paix au milieu des tumultes qui sévissaient alors dans la région. Il s’agit tout d’abord d’une insurrection de paysans — rustici — contre leurs domini — c’est-à-dire les moines. D’après la Vita, Alain III, s’étant joint aux nobles, attaqua les groupes de paysans et ceux-ci, allant au combat sans chef et sans prudence, furent massacrés ou poursuivis et dispersés. Ensuite, un noble se révolta contre le comte Alain III, mais il fut également défait. […] Félix se vit conférer la dignité abbatiale et, après conseil du duc Alain III, des évêques et de nobles, il choisit de se fixer à Saint-Gildas pour achever son entreprise.

BRAND’HONNEUR, Michel, « La motte et le clocher : l’affrontement des symboles ? », Vol. 43, 2000, (« Cahiers de civilisation médiévale »), Voir en ligne. [Pages 14-15]

↑ 21 • abbé de l’abbaye de Landoac (aujourd’hui Saint-Jacut-de-la-Mer en Côtes d’Armor)

↑ 22 • Minihi est un mot breton qui dérive du latin monachia . Étymologiquement, il désigne un « territoire monastique ».

↑ 23 • La reconstruction d’un monastère dans un nouveau lieu impose en général une écriture ou une réécriture de la Vita du saint fondateur, que l’on associe à ses reliques.