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Les Continuateurs du Conte du Graal de Chrétien de Troyes

Les continuateurs de Chrétien de Troyes

1190-1240

Le Conte du Graal de Chrétien de Troyes donne naissance à une littérature qui christianise fortement les thèmes arthuriens. À la fin du 12e et dans la première moitié du 13e siècle, les récits en vers sont remplacés par la prose qui devient le moyen littéraire le plus utilisé.

Deux cycles de romans sont écrits à cette époque : Le Petit Cycle de Robert de Boron et Le Cycle du Lancelot-Graal ou Cycle de la Vulgate.

Trois autres romans viennent achever l’histoire du Graal : Perlesvaus et Parzival, tous deux en prose et le troisième, Diu Crône, en vers.

Le roman inachevé de Chrétien de Troyes

À partir de 1170, Chrétien de Troyes, clerc champenois, écrit cinq romans sur le thème arthurien qui vont nourrir la matière de Bretagne. Les quatre premiers sont écrits entre 1170 et 1181, alors qu’il est attaché à la cour de Champagne : Erec et Enide, Cligès, le Chevalier de la Charrette et le Chevalier au Lion. Après 1181, il quitte la cour de Champagne pour celle de Flandre. À la demande de son nouveau mécène, Philippe d’Alsace (1142-1191), comte de Flandre, Chrétien écrit l’histoire de Perceval dont le titre est connu aujourd’hui sous le nom de Conte du Graal ou Perceval ou le Conte du Graal —  CHRÉTIEN DE TROYES, Le Conte du Graal ou le roman de Perceval, Rééd. 2009, Le Livre de Poche, Lettres gothiques, 1181. —. En 1190, il laisse une œuvre inachevée dans laquelle il fait d’un graal, un récipient, le symbole énigmatique d’une quête, celle de Perceval.

Dans le Conte du Graal, Chrétien de Troyes met en scène deux prestigieux chevaliers d’Arthur, Perceval et Gauvain. Perceval doit parvenir à poser les questions pour connaître les secrets du Graal et Gauvain, le neveu du roi Arthur, doit trouver la lance qui saigne et pourquoi elle saigne. Le récit commence avec Perceval, les deux chevaliers faisant connaissance au vers 4414. Les deux protagonistes vivent tour à tour des épreuves différentes qui ne laissent rien augurer du dénouement que Chrétien de Troyes entendait donner au roman. Après plus de neuf mille vers, la rédaction du Conte du Graal s’interrompt brusquement en 1190, année supposée de la mort de Chrétien de Troyes.

Les continuateurs de Chrétien de Troyes

Après cette date et durant la première moitié du 13e siècle, de nombreux « continuateurs », clercs ou chevaliers, souvent anonymes, créent une série de romans, d’abord en vers puis en prose. Ils reprennent le monde arthurien de Chrétien de Troyes pour l’enrichir de nombreux thèmes d’aventures aux multiples développements qui ont pour but de mettre fin à l’énigme du Graal.

— Les œuvres rédigées en vers du Conte du Graal

Entre 1190 et 1240, quatre auteurs identifiés se distinguent par des œuvres manuscrites rédigées en vers à la manière de Chrétien de Troyes. Ils s’évertuent à donner suite au Conte du Graal en reprenant l’histoire les uns après les autres à un endroit précis pour essayer de trouver un aboutissement à l’histoire du Graal. On parle alors de Continuations.

— Le Petit Cycle de Robert de Boron

Au cours de la même période, Robert de Boron écrit deux œuvres en vers : Joseph et Merlin. Elles sont réécrites en prose sans que l’on sache qui est l’auteur de la transcription.

— Le Cycle du Lancelot-Graal ou Cycle de la Vulgate

La première moitié du 13e siècle voit s’installer un grand corpus en prose appelé Lancelot-Graal ou Vulgate dans lequel sont rassemblés et organisés les textes arthuriens. Il s’agit d’un long cycle littéraire de cinq manuscrits écrits entre 1215 et 1235 dans lesquels on trouve les histoires qui vont de l’origine du Graal à la mort d’Arthur et à la fin du monde arthurien.

Les autres continuateurs

Au cours de la même période, d’autres continuateurs de Chrétien de Troyes écrivent également une suite à l’histoire du Graal. Ces œuvres sont isolées et ne constituent ni un ensemble ni un cycle.

Perlesvaus

Le Perlesvaus pour Perceval est le nom couramment donné à un autre roman, d’auteur anonyme 1. Cette suite au Conte du Graal de Chrétien de Troyes comprend plus de 10 000 lignes. Il semble lui aussi dater des années 1200-1210. Pour certains, il serait le premier roman arthurien en prose. —  KELLY, Thomas E., Le Haut livre du Graal : Perlesvaus, Genève, Droz, 1974. —

L’action se déroule en Grande-Bretagne. Le Perlesvaus donne une version finie de l’histoire de Perceval.

Perlesvaus présente un indéniable archaïsme dans la cruauté de certaines scènes de vengeance, de cannibalisme et de décapitation, dans le désordre de son action romanesque et dans l’indigence de ses explications théologiques.

AURELL, Martin, La légende du roi Arthur, Paris, Édition Perrin, 2007. [page 384]

Joseph d’Arimathie et Nicodème sont dans ce roman les ancêtres de Perceval qui est le neveu du Roi Pêcheur. Au cours d’un banquet donné par le roi Arthur, surviennent trois demoiselles qui laissent au roi le bouclier de Joseph d’Arimathie, destiné au chevalier qui conquerra le Graal. L’une d’elles explique que leur maître, le Roi Pêcheur est resté infirme puisque Perceval n’a su l’interroger. Arthur et trois de ses chevaliers, Gauvain, Lancelot et Perceval, vont poursuivre la quête du Graal. D’incroyables rebondissements prolongent le récit inachevé de Chrétien de Troyes. Perceval est le seul à reconquérir le droit de retourner au château du Roi Pêcheur où il voit réapparaitre les reliques sacrées du Graal. À la fin du roman, un bateau à la croix vermeille vient chercher Perceval. Il embarque avec un groupe de prêtres afin de pouvoir célébrer la messe. Dans ce bateau se trouvent les corps de Joseph d’Arimathie, de Nicodème et de deux femmes et plus jamais on ne l’a revu 2. — Aurell Martin (2007). op. cit., pp. 388-392 —

Parzival, de Wolfram von Eschenbach

C’est vers 1204-1212 que débute la rédaction en prose du Parzival. Son auteur, Wolfram von Eschenbach, poète allemand, est un chevalier de Bavière peu fortuné. Le roman comprend plus de 25 000 vers et rencontre un succès considérable comme en témoignent les quatre-vingt six manuscrits présents à ce jour. —  VON ESCHENBACH, Wolfram et MOHR, Wolfgang, Parzival, Göppingen, A. Kümmerle, 1977. —

Le Parzival est une réécriture du Conte du Graal. Si le roman suit la trame et l’action que décrit Chrétien, il s’en éloigne aussi pour faire preuve d’originalité. Wolfram ajoute de nombreux éléments et modifie les aventures à sa guise. Il ne comprend visiblement pas ce qu’est le graal de Chrétien. Son imagination l’amène à en faire une pierre merveilleuse nommée lapsit exillis déposée sur terre par une cohorte d’anges. Cette pierre aux vertus exceptionnelles procure la jeunesse et fournit des nourritures les plus exquises. Elle a la particularité de choisir les noms des chevaliers qui doivent assurer sa garde. Les noms s’inscrivent à sa surface et disparaissent sitôt lus 3.

Diu Crône d’Heinrich von dem Türlin

La Couronne est le titre français de ce roman écrit vers 1230 —  TÜRLIN, Heinrich von dem et BUSCHINGER, Danielle, La Couronne, Paris, H. Champion, 2010. —. Heinrich von dem Türlin est probablement né en Autriche. Son roman écrit en Allemand comprend 30 041 vers. Il met en scène le Graal en pratiquant ouvertement la parodie. L’amour courtois et la chevalerie sont abordés sous l’angle de la satire. Heinrich von dem Türlin reprend certaines des dernières vicissitudes de la matière de Bretagne. Arthur et Gauvain sont les héros 4.

Entre retour à la mythologie païenne et satire profane de la quête du Graal, son oeuvre détonne dans le panorama de la matière de Bretagne au début du XIIIe siècle.

Aurell Martin (2007). op. cit., p. 398

À la même période que le Perlesvaus et le Parzival, parait le Joseph et le Merlin en vers de Robert de Boron. À ces deux romans vient s’ajouter le Perceval. Tous trois vont constituer le Petit cycle de Robert de Boron.


Bibliographie

KELLY, Thomas E., Le Haut livre du Graal : Perlesvaus, Genève, Droz, 1974.

VON ESCHENBACH, Wolfram et MOHR, Wolfgang, Parzival, Göppingen, A. Kümmerle, 1977.

TÜRLIN, Heinrich von dem et BUSCHINGER, Danielle, La Couronne, Paris, H. Champion, 2010.

AURELL, Martin, La légende du roi Arthur, Paris, Édition Perrin, 2007.

CHRÉTIEN DE TROYES, Le Conte du Graal ou le roman de Perceval, Rééd. 2009, Le Livre de Poche, Lettres gothiques, 1181.


↑ 1 • Le titre employé dans le prologue est Haut livre du Graal

↑ 2 • Les principaux lieux et personnages rencontrés au cours des aventures sont : Joseph d’Arimathie, Nicodème, Josephé, Guenièvre, Arthur, la chapelle de Blancheforêt, Cahus Forêt Aventureuse, Calixte, la chapelle de Saint-Augustin, un ermite, le Chevalier Noir, Carduel, Gauvain, le château de Camelot, l’épée de la décollation de saint-Jean-Baptiste, le château du Graal, un géant, le roi Gurgalan, l’Ancienne Loi, la Nouvelle Loi, château du Roi-Pêcheur, le Château Mortel, Pellès, Lohot, Keu, Logrin, la chapelle de l’île d’Avalon, Lancelot, Roi Pêcheur, Perceval, le château du Graal, Eden, Joie, Château des âmes, le Graal, Tintagel, Brian des Iles, Madaglan, Claudas, Oriande, le château des Quatre Cornes, l’ermite noir, Blanche Tour, Brudan, le bateau à la croix vermeille.

↑ 3 • Les principaux lieux et personnages rencontrés au cours des aventures sont : Gamuret d’Anjou, le baruc païen de Baldac, Bélacâne, Herzloïde, Pays de Galles, Feirefiz, Perceval, Chevalier Vermeil,Gornemant, Condwiramour, château de Munsalvaesche, Anfortas, le Roi Pêcheur, une lance ensanglantée, Repanse de Joie, le Graal, Titurel, Orilus, Arthur, une demoiselle hideuse, Ascalon, Antikonie, Gauvain, Orgueilleuse, le duc de Gowerzin, le lit merveilleux, le roi Klingsor, Gramoflanz, Joflanze, le château du Graal, Feirefiz, l’épée de Perceval, château du Graal, Kardeis, Loherangrin, la princesse de Brabant, le Prêtre Jean, Munsalvaesche, Jérusalem.

↑ 4 • Les principaux lieux et personnages rencontrés au cours des aventures sont : Arthur, Gauvain, un nain, Guenièvre, Amurfina, Gasœin, Sgoidamur, chaînes de merveilles, Perceval, château du Graal, un anneau de Fortune, l’échiquier magique, procession du Graal, Lancelot, Calogrenant.