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†1279

Mahaud de Montfort

Dame de Montfort et de Boutavent

Mahaud est l’unique enfant de Guillaume II de Montfort. À la mort de son père, dans la première moitié du 13e siècle, elle hérite de la seigneurie de Montfort (aujourd’hui Montfort-sur-Meu en Bretagne) séparée de celle de Gaël. À sa mort, la seigneurie de Montfort se trouve amputée du tiers de ses biens.

Contexte historique en Bretagne

La duchesse Constance de Bretagne est depuis 1186 veuve du duc de Bretagne Geoffroy Plantagenêt, avec lequel elle a eu deux enfants : Aliénor et Arthur. En 1187, Constance se voit contrainte par le roi d’Angleterre Henri II Plantagenêt d’épouser Ranulf de Chester. En 1199, le mariage est annulé et la duchesse prend un nouvel époux, Guy de Thouars, avec lequel elle a une fille, Alix. Cette dernière est reconnue héritière du duché aux dépens d’Aliénor à la mort du duc Arthur Ier de Bretagne en 1203. Guy de Thouars devient titulaire du duché durant la minorité d’Alix. En 1213, Philippe Auguste, qui entend lier le duché au royaume de France, « arrange » le mariage d’Alix avec le capétien Pierre de Dreux, dit Pierre Mauclerc, lequel doit prêter serment et rendre l’hommage lige au roi. Pierre de Dreux est bailliste du duché jusqu’en 1237. En âge de gouverner, son fils, Jean 1er le Roux dirige le duché de 1237 à 1286. De son mariage avec Blanche de Champagne, il laisse deux fils dont Jean, deuxième du nom, qui lui succède.

Éléments biographiques

Mahaud 1, unique fille de Guillaume II de Montfort et de Nine de Rostrenen, est née dans la première moitié du 13e siècle. Elle hérite de la seigneurie de Montfort à la mort de son père. La seigneurie de Montfort est séparée de celle de Gaël depuis la mort de Geoffroy Ier en 1181. Il est probable que Mahaud en possède l’entièreté comme un acte législatif de 1185 appelé l’Assise du comte Geoffroy le stipule :

Au cas où le seigneur défunt ne laissait pas de fils, la seigneurie passait à la fille ainée qui était chargée de donner à ses sœurs une dot suffisante. […] Pour les filles, il n’y eut pas de difficultés. L’Assise voulait qu’on leur donnât des terres en dot. Elles les reçurent en pleine propriété et non en viager comme leurs frères. Selon la formule consacrée, elle n’étaient pas héritagères mais héritières.

CHÉDEVILLE, André et TONNERRE, Noël-Yves, La Bretagne féodale, XIe-XIIIe siècle, Rennes, Editions Ouest-France, 1987. [pages 129-130]

Mahaud de Montfort meurt en 1279 sans laisser de postérité.

L’héritage difficile de la seigneurie de Montfort

À la mort de son père, Mahaud de Montfort est dite dame de Montfort et de Boutavent. Elle se marie avec le vicomte Josselin de Rohan qui meurt en 1252. Elle épouse ensuite Josselin, seigneur de la Roche Bernard qui a eu plusieurs enfants d’un premier mariage. Son troisième et dernier mari est Alain de Montauban. À chacune de ses unions, Mahaud prend le risque de voir la seigneurie de Montfort tomber dans la famille de son conjoint.

Josselin de Rohan, seigneur de Montfort

Josselin de Rohan est le fils cadet du vicomte Alain III de Rohan († 1195) et de Constance de Rennes-Richmond, dame de Mur-de-Bretagne et de Corlay (Côtes d’Armor). Il est seigneur de Noyal 2 (aujourd’hui Noyal-Pontivy) et devient seigneur de Montfort suite à son mariage avec Mahaud.

Deux actes de donation en témoignent. Le premier, daté de 1235, est un titre provenant de l’abbaye de Bon-Repos. Josselin y ratifie la donation à cette abbaye par son épouse Mahaud (Matildis), de ses dîmes sur la terre dite Kereven Hubert. —  MORICE, Dom Pierre-Hyacinthe, Mémoires pour servir de preuves à l’histoire ecclésiastique et civile de Bretagne, Vol. 1, Paris, Charles Osmont, 1742, Voir en ligne. col. 893 —

Le second acte est un titre provenant de l’abbaye Saint-Melaine de Rennes en 1239. Josselin de Rohan y confirme, avec l’accord de son épouse Mahaud (Matildis), la donation par les anciens seigneurs de Montfort faite au prieuré Saint-Nicolas de Montfort de son usage dans la forêt de Collon (aujourd’hui Coulon). — Morice, Hyacinthe (Dom) (1742) op. cit., col. 913 —

Josselin II de la Roche-Bernard, seigneur de Montfort

Josselin II de la Roche-Bernard devient seigneur de Montfort par son mariage en secondes noces avec Mahaud. À sa mort en 1266, Josselin laisse plusieurs enfants nés d’un premier mariage, dont un fils héritier, Alain II, qui reçoit la tierce partie de la seigneurie de Montfort. Un acte de 1285 explique que Alain II de la Roche-Bernard procède avec l’assentiment de Mahaud à un échange de biens dont nous ignorons la teneur avec Guillaume, le seigneur de Lohéac :

[…] Et après la mort du dit Josselin noble homme Guillaume Seigneur de Loheac eut fait échange avec Monsieur Alain de la Roche fils et hoir du dit Josselin avec l’assentiment et avec la volonté de la dite Dame des dites choses données au dit Monsieur Josselin et à ses hoirs, […]

Morice, Pierre-Hyacinthe (1742) op. cit., col. 1074

C’est tout ce que l’on sait de l’échange de la moitié des biens de l’héritage de Montfort appartenant à Alain II de la Roche-Bernard avec Guillaume de Lohéac. Cet échange de biens n’a rien de surprenant car les deux chevaliers en cause se connaissent bien. Hermine, l’unique enfant de Guillaume de Lohéac est promise à Eudes, le fils ainé d’Alain II. Leur union a lieu en 1279.

Alain de Montauban, seigneur de Montfort

Guillaume de Lohéac va à son tour donner la moitié des biens qu’il a reçus de Alain II de la Roche-Bernard à Alain de Montauban :

[…] et après le dit Guillaume, sieur de Loheac, eut donné à Monsieur Alain de Montauban la moitié des dites choses échangées avec le dit Monsieur Alain de la Roche ; comme il est dit, exceptées dix livres de rente, lesquelles le dit Seigneur de Loheac devait prendre & avoir en la dite moitié donnée au dit Alain de Montauban.

Morice, Hyacinthe (Dom) (1742) op. cit., col. 1074

Alain est le fils d’Olivier II, seigneur de Montauban et de Jeanne, fille du vicomte Eudes III de Porhoët. Étant le frère puîné d’Olivier III qui succède à Olivier II, il n’est donc pas seigneur de Montauban. La date de son mariage avec Mahaud de Montfort n’est pas connue.

Raoul V de Montfort et de Gaël récupère une part de la donation

Raoul V, fils aîné de Eudes de Gaël et de Pétronille Paynel est le seul héritier pour les deux seigneuries de Montfort et de Gaël. Il conteste, en tant qu’héritier de la branche aînée, la part d’héritage acquise par Alain de Montauban (la moitié du tiers de l’héritage de Mahaud). En 1285, les deux hommes paraissent devant un arbitrage à la cour de Ploërmel, laquelle ordonne que

[…] ledit Raoul quitte et délaisse à toujours au dit Alain de Montauban et à ses héritiers tout ce qu’il tenait en la paroisse de la Chapelle S. Ouën [aujourd’hui Onen] par la raison de la dite donation, qui lui fut faite du dit Seigneur de Lohéac. Et le dit Alain laisse au dit Raoul le Château de Boutavant qu’il tenait à raison de la dite donation, et ainsi il ne pourrait plus rien demander en la terre de Montfort. Ce fut fait et passé par notre dite Cour de Ploërmel le Lundi après l’Ascension de notre Seigneur l’an de grâce 1285. Pris sur une copie de du Paz.

La fin du procès nous apprend que la chapelle Saint-Onen 3 et le château de Boutavent faisaient partie de la moitié des « choses échangées ». Raoul V va mettre fin à la séparation des deux seigneuries. Il sera désormais seigneur de Montfort et de Gaël.


Bibliographie

CHÉDEVILLE, André et TONNERRE, Noël-Yves, La Bretagne féodale, XIe-XIIIe siècle, Rennes, Editions Ouest-France, 1987.

MORICE, Dom Pierre-Hyacinthe, Mémoires pour servir de preuves à l’histoire ecclésiastique et civile de Bretagne, Vol. 1, Paris, Charles Osmont, 1742, Voir en ligne.


↑ 1 • Son nom est aussi écrit Mahaut ou Mathilde

↑ 2 • Josselin devient le gestionnaire de la fortune des Rohan à la mort du vicomte Alain V en 1232. Son frère ainé, Geoffroy Ier de Rohan meurt en 1221 et son cadet Olivier Ier en 1226. Le fils de Geoffroy Ier, Alain V, meurt en 1232, laissant des enfants mineurs.

↑ 3 • Tout porte à croire qu’il s’agit de Ouen comme il est écrit dans l’acte. Sans doute une confusion entre le n et le u a fait que Ouen est devenu Onen. Ouen, archevêque de Rouen, était référendaire (officier dépositaire du sceau) de Dagobert au 7e siècle, tout comme Eloi, évêque de Noyon, qui était monétaire du roi mérovingien avec lequel Judicaël de Domnonée armoricaine négocia un traité de paix. Les paroisses de Saint Onen et de Montauban étaient voisines. Elles vont devenir deux communes distinctes : Saint-Onen-la-Chapelle et Montauban. Notons qu’Éloi était un ami très proche de saint Ouen et de Judicaël et qu’avant de devenir Montauban de Bretagne, la paroisse portait le nom de Saint-Eloi.