1960
Anne, la petite fée aux roses
Un conte d’Henri Thébault
Anne, la petite fée aux roses
est un conte dans lequel Henri Thébault imagine un épisode inédit de la jeunesse d’Anne Toussainte de Volvire, châtelaine du Bois de la Roche.
Un conte d’Henri Thébault
Anne, la petite fée aux roses
est un conte écrit par Henri Thébault durant l’hiver 1960. Il est publié pour la première fois la même année dans un recueil de contes illustré par Robert Guichard. — THÉBAULT, Henri, Contes Folkloriques de France - Bretagne, Vol. 1, Angoulême, Rachelier, 1960, Voir en ligne.
[pages 25-30] —
Dix ans plus tard, Henri Thébault, alors maire de Mauron et conseiller général du Morbihan, le fait paraitre dans un supplément au bulletin municipal de Mauron. — THÉBAULT, Henri, « Contes & légendes de Brocéliande & du Porhoët », 30 jours en Brocéliande, Supplément juillet-août, 1971, Voir en ligne. —
Le récit intégral d’Anne, la petite fée aux roses
Néant !...
Quel nom pour un village !...
Et pourtant, il existe bien et il n’a nullement l’intention de s’abimer dans les eaux de l’Yvel ou de se volatiliser dans les vents de Brocéliande.
Il est vrai que dans la langue bretonne, ce mot veut dire « ciel ».
C’est bien une histoire du Ciel qui s’y déroula il y a fort longtemps.
Dans un château aux tours crénelées, le château du Bois de la Roche, vivait un méchant homme et une délicieuse petite fille. Le méchant homme s’appelait Messire de Volvire. Et sa fille, Anne.
Cette année là sévit une grande sécheresse. les innombrables pauvres furent plus pauvres encore. Nombreux furent ceux qui moururent de faim. Chaque jour sonnait le glas des trépassés.
— « Encore un se lamentait-on, qui n’aura plus jamais faim ! »
Devant cette misère, Messire de Volvire demeurait insensible. Ses greniers débordaient de blé. Dans son cellier, peu de barriques résonnaient. Quant à son or, il remplissait sept grands coffres. De quoi nourrir les bretons durant une année entière.
Mais malheur à l’affamé qui venait implorer la pitié du châtelain du Bois de la Roche !... Il était roué de coups et jeté dans les douves où, souvent, il terminait sa misérable existence.
Mais près de la haine germait l’amour.
Près du péché fleurissait la vertu.
Près du monstre s’épanouissait une délicieuse enfant.
Anne avait alors 14 ans. Ses cheveux blonds comme les blés de l’Armorique, ses yeux bleus comme les eaux de la « petite mer », son teint frais et rose comme la bruyère de la lande, plongeait tout le brave monde dans le ravissement.
— « Qu’elle est belle, notre petite maitresse et qu’elle est bonne !... »
Anne, en effet, ne pouvait voir pleurer sans pleurer, souffrir sans souffrir... Son cœur était profond comme ses yeux.
Hélas, Messire de Volvire ne pouvait tolérer que sa fille ne fût à son image. On dit qu’il la fouetta jusqu’au sang, un jour qu’il la vit sourire à une bergère de son âge. Peut-être l’eût-il égorgé un soir de la triste année si...
Et c’est ici que le Ciel vint visiter la terre. Anne entendit des bruits dans la cour d’honneur, c’était les valets qui chassaient une femme et ses deux enfants :
— « Pas de manants dans ces lieux ! » hurlaient-ils.
— « Que se passe-t-il ? » interrogea rudement Messire de Volvire.
Anne de répondre :
— « Mais père, ce sont les valets qui se chamaillent. »
— « Sale vermine, rugit de Volvire, vous aurez du fouet à mon départ pour la chasse ! »
Et il chaussa ses bottes.
Mais Anne avait disparu.
Dans la cuisine, elle remplissait son tablier de miches odorantes sous le regard débonnaire du maitre queux.
— « Maitresse, si votre père vous voyait ! »
— « Je le sais, mon bon Bertrand. Il me tuerait... Mais je ne puis les laisser partir ainsi... »
Et Anne se précipita dans la cour.
Il était temps. La lourde porte se refermait sur la femme et sur ses enfants.
A la vue de la petite fée de Brocéliande, les valets cessèrent de crier et les malheureux d’implorer.
Anne s’avançait, évangélique et souriante.
Des mains décharnées se tendirent, les miches furent reçues avec la même ferveur que la sainte hostie.
C’est alors qu’apparut, le faucon au poing, Messire de Volvire.
Il avait tout vu.
Sa colère allait se déchainer. Elle serait démentielle.
Mais tout à coup, il se mit à sourire. Dans les mains de la femme et de ses enfants, dans le tablier de sa fille il ne voyait plus que des roses. Oui, des roses.
Par ce beau soir d’automne, il retrouva son cœur d’homme et Anne la liberté de faire le bien au grand soleil de Dieu.
Un conte inspiré par la jeunesse d’Anne de Volvire
Le conte d’Henri Thébault s’inspire librement de la jeunesse d’Anne Toussainte de Volvire (1653-1694), la Sainte de Néant, sur laquelle la biographie de l’abbé Piéderrière révèle peu de choses.— PIÉDERRIÈRE, abbé Julien, Vie d’Anne Toussainte de Volvire dite la Sainte de Néant, 1899, Vannes, Lafolye, 1871, 40 p., Voir en ligne. —
Charles, le père d’Anne y est notamment décrit comme un père attentionné, au tempérament très éloigné de celui du conte d’Henri Thébault.
Tout au plus Henri Thébault emprunte-t-il au biographe une partie de sa description du tableau du Bois de la Roche représentant la jeune Anne, alors âgée de 17 ans.
Son front, pur et élevé, est ceint d’une tresse de cheveux blonds retenue par un peigne perlé. Ses yeux bleus, limpides et vifs, brillent sur un figure rose et fraîche. Un collier de perles resplendit autour du cou, tandis que des bracelets précieux parent les avant-bras. La robe, à forme décolletée, de couleur bleu-cendré, relevée par des nœuds autour du corsage, est garnie de riches fleurs. De la main droite, Anne tient une magnifique guirlande, qui vient, à gauche, se perdre dans des ombres. En face, est une table splendidement garnie, sur laquelle repose une riche corbeille. On croirait que ce tableau ressemble à un délicieux parterre, au milieu duquel resplendit une intelligente et gracieuse figure, que le monde caresse, et qui paraît prête à se donner à lui.