1819-1886
Piéderrière abbé Julien
Un érudit natif de Mauron
L’abbé Julien Piéderrère, né à Mauron en 1819, est un érudit dont les deux principales passions sont l’histoire et l’archéologie. Il est l’auteur d’une trentaine d’articles publiés dans des sociétés savantes bretonnes. Ses connaissances sur l’histoire de Brocéliande lui ont valu d’être sollicité par de nombreux auteurs du 19e siècle comme Félix Bellamy, Sigismond Ropartz ou Louis Rosenzweig. Il est aussi l’auteur d’une biographie d’Anne-Toussainte de Volvire.
Éléments biographiques
Sa famille
Son père Julien Joachim Piéderrière, né vers 1780 1, est cultivateur à « La Touche-ès-Bouviers » puis à « Mauny » en Mauron (Morbihan). Il épouse Marie Reine Gaspais 2, le lundi 23 janvier 1809 à Mauron. Ce couple a cinq enfants :
- Reine Mathurine (1813-1892) 3
- Joseph (1815-1889) 4
- Julien Marie né le 12 mai 1819 au village de « la Touche-ès-Bouviers » en Mauron.
- Marie Anne (1825-1889) 5
- Anne Marie (1826-1883) 6
La famille de Julien-Marie Piéderrière habite le village de « la Touche-ès-Bouviers », agréablement situé au-dessus de Mauron. Il est caractérisé par une densité remarquable de gens instruits, gros marchands, hommes de loi. Ils y habitent ou y ont une ferme faisant fonction de maison de campagne pour échapper au confinement du bourg.
Parmi ses collatéraux, les prêtres sont très nombreux. Pendant la Révolution, la plupart des collatéraux de ses parents et leurs amis sont des prêtres non-jureurs (réfractaires). Parmi les cousins de ses parents, on trouve même l’abbé Roblaire, le plus actif des prêtres non-jureurs de la région, véritable bête noire des républicains.
L’abbé Piéderrière nous apprend que ses parents ont eux-même souvent caché l’abbé Guillotin durant la Révolution 7.— PIÉDERRIÈRE, abbé Julien et BELLAMY, Félix, « Appendice : deux letrres de M. Piéderrière », in La forêt de Bréchéliant, la fontaine de Berenton, quelques lieux d’alentour, les principaux personnages qui s’y rapportent, Vol. 2, Rennes, J. Plihon & L. Hervé, 1896, p. 755-759, Voir en ligne. —
Au cours du 19e siècle, plusieurs de ses cousins ont été missionnaires et entretenaient une correspondance avec les membres de leur famille restés au pays. Tout cela ouvrait les esprits bien au-delà de l’horizon mauronnais.
Du côté de sa mère, l’abbé appartient à un monde de cultivateurs aisés et parfois riches, soucieux de s’instruire et possédant des bibliothèques. Certains, exploitant une trentaine d’hectares - surface 6 à 7 fois plus grande qu’une ferme moyenne - vivaient « bourgeoisement ».
Du côté de son père, l’abbé appartient à une famille de laboureurs moins aisés et moins instruits. D’une manière générale, sa famille vivait dans une ambiance donnant du prix à la réflexion et à la curiosité intellectuelle.
La découverte de Brocéliande
Enfant, Julien Piéderrière aperçoit la forêt de Brocéliande de sa maison paternelle. Il la découvre au cours d’excursions avec des amis de son âge.
Né à environ trois kilomètres au nord et en face de Brocéliande, j’ai pu, surtout dans ma jeunesse, voir, entendre et examiner Barenton. Enfant, j’allais souvent avec des camarades de mon âge voir la merveilleuse fontaine.
C’est aussi sa famille qui l’initie à l’histoire locale, comme ce parent qui lui transmet les contes et légendes de Ponthus.
J’étais allé un jour avec un vieux parent bon conteur voir les ruines de Ponthus. Il me dit que les moines qui avaient habité là, avaient inventé des choses singulières : les livres des sorciers de Concoret, l’eau de Gaël contre la rage, et que par ailleurs ils faisaient le diable, et que le diable les avaient emportés.
La carrière ecclésiastique
Julien Piéderrière est ordonné prêtre à Vannes, le 23 décembre 1843 et nommé vicaire à Noyal-Muzillac (Morbihan) en 1844, puis recteur à Saint-Léry (Morbihan) en 1863, et ensuite à Saint Gravé, près de Rochefort-en-Terre (Morbihan) en 1864. Il y rencontre l’abbé Marot, précurseur de l’archéologie en Bretagne, avec lequel il entretiendra des relations érudites. Il devient curé-doyen de La Trinité-Porhouët, le 17 juin 1868 et chanoine honoraire, le 3 mai 1880. Il y restera jusqu’à sa mort en 1886, à l’âge de 67 ans.
Un membre de sociétés savantes
L’abbé Julien Piéderrière a publié la majeure partie de ses recherches historiques dans trois revues savantes bretonnes, les Bulletins et Mémoires de la Société Polymathique du Morbihan, la Revue de Bretagne et de Vendée et les Bulletins archéologiques de l’Association Bretonne.
La Société Polymathique du Morbihan
L’abbé Piéderrière est admis en 1853 en tant que correspondant de la Société Archéologique du Morbihan. En 1857, il en devient membre titulaire. Cette société fusionne avec la Société Polymathique du Morbihan en 1860. — Moisan, André (2011) op. cit., p. 90 — L’abbé y a publié sept articles entre 1857 et 1872 (Voir bibliographie).
L’abbé qui est collectionneur d’antiquités a fait par ailleurs de nombreuses donations de ses trouvailles à la Société Archéologique du Morbihan. Précurseur de l’archéologie, il fouille en 1859 la Butte de Coëtbihan en Questembert avec l’aval de la société vannetaise. La même année, il participe avec Louis Galles aux fouilles d’une construction gallo-romaine à l’Elveno en Noyal-Muzillac. En 1861, il dépose à la Société Polymathique le plan d’un camp romain situé à Péaule. Il fait don au musée archéologique de la Polymathique de trois objets trouvés sur la commune de Mauron : un fragment de vénus anadyomène 8 trouvé à Mauny en Mauron, un fer de lance trouvé à Brambily ainsi qu’un moule de faux monnayeur représentant Louis XIV. — LE MENÉ, Joseph-Marie, Catalogue du Musée archéologique [de la Société polymathique du Morbihan], Vannes, Imp. Galles, 1881, 72 p., Voir en ligne. pp. 45, 6, 64 —
Il continue son activité archéologique et offre ses nombreuses trouvailles jusqu’en 1877.
L’abbé remet aussi à la Société Polymathique du Morbihan des documents à valeur historique qu’il a glanés au cours de ses recherches. La Société Polymathique conserve une partie de ses recherches, une trentaine de ses manuscrits, dont quelques-uns seulement ont été publiés. — Moisan, André (2011) op. cit., p. 92 —
La Revue de Bretagne et de Vendée
L’abbé Piéderrière est membre de la Revue de Bretagne et de Vendée dès sa fondation en 1859. De 1859 à 1877, il publie onze articles (Voir bibliographie).
L’Association Bretonne
L’abbé Piéderrière adhère en 1863 à l’Association Bretonne, à la demande de l’imprimeur Vannetais Louis Galles. — Moisan, André (2011) op. cit., p. 90 — Il y publie deux articles en 1873 et 1876 (Voir bibliographie).
Julien Piéderrière et Brocéliande
Bien que l’abbé Piéderrière ait peu publié sur la région de Brocéliande, il n’en demeure pas moins un érudit auquel de nombreux historiens s’adressent pour connaitre son avis sur des points précis d’histoire locale 9.
Louis Rozenweig
Louis Rosenzweig, qui fut secrétaire de la Société Archéologique du Morbihan se dit un des anciens disciples en archéologie
de l’abbé Piéderrière (1880). Dans une lettre datée de 1861, il remercie l’abbé Piéderrière pour des renseignements sur le pays de Mauron, et sur certaines de ses légendes qu’il ignorait. — Moisan, André (2011) op. cit., p. 90 —
En 1863, dans son inventaire des sites archéologiques du Morbihan, il cite à de nombreuses reprises les contributions de l’abbé Piéderrière, notamment pour ses découvertes archéologiques à Billiers, Damgan, Péaule, Noyal-Muzillac, Marzan et Questembert. Sur la paroisse de Mauron, il crédite l’abbé de la découverte d’une pièce de monnaie romaine et d’une autre d’époque carolingienne.
Ep. romaine. Pièce d’argent trouvée au bourg, dans le jardin du sieur Hervot, qui est semé de briques romaines ; on y distingue une tête de cheval, avec la légende : Silanus (note de M. l’abbé Piéderrière, aux arch. de la Soc).[...] Monnaie carolingienne donnée au Musée par M. Piéderrière.
Lorsqu’en 1865 il projette de se rendre à la Fontaine de Barenton, il s’adresse à l’abbé Piéderrière afin qu’il lui fournisse renseignements et itinéraire. — Moisan, André (2011) op. cit., p. 90 —
Félix Bellamy
M. l’abbé Piéderrière, né dans le pays de Mauron, antiquaire érudit et consciencieux, qui fut recteur de la paroisse de Saint-Léry, près de Mauron en 1863, a consigné dans un registre manuscrit des documents et des souvenirs intéressants concernant la contrée de Mauron.
Félix Bellamy publie ses premières recherches sur la Fontaine de Barenton en 1868. Dans cet article, il fait part de la correspondance active qu’il eut avec l’abbé Piéderrière à cette occasion. Il le cite tout d’abord pour sa contribution à l’histoire d’Éon de l’Étoile.
C’est à M. Piéderrière que je dois la communication de ce curieux passage, qui jette la lumière sur plusieurs points historiques, et notamment sur Éon de l’Étoile, dont le caractère semble avoir été travesti par la plupart des écrivains.
Felix Bellamy le cite aussi à propos de ses écrits sur le « Serein », vent merveilleux qui soufflerait à la fontaine à la tombée de la nuit.
M. l’abbé Piéderrière m’a renseigné sur un phénomène de météorologie locale assez singulier, et qui par cela même a pu contribuer au merveilleux de la fontaine ; c’est le phénomène connu dans le pays sous le nom de Serein. « C’est un vent froid et fort qui naît presque tous les soirs, à Baranton, par les grandes sécheresses et les grandes chaleurs. A la nuit tombante, au milieu d’un calme parfait, vous entendez subitement, parfois tout près de vous, un bruit étrange : vous croiriez que des chevaux arrivent trottant sur une terre dure et résonnante ; ce sont les sauts et les bonds d’un vent qui s’élève, saute et court, qu’on nomme le serein. Ce vent n’ira guère plus loin que le bas de la lande, et le matin il se taira aussi brusquement qu’il s’est élevé le soir. Le serein ne s’écarte jamais guère d’une demi-lieue de la forêt ; alors les moulins à vent de la Chapelle et du Maret font force farine sur le bord de la lande, quand tout autre moulin n’a aucune brise. »
Bellamy, qui le considérait comme un archéologue estimé
, fait à nouveau appel aux connaissances de l’abbé pour La Forêt de Bréchéliant parue en 1896. Il y publie Deux lettres de M. Piéderrière, datées de 1868, en appendice. — PIÉDERRIÈRE, abbé Julien et BELLAMY, Félix, « Appendice : deux letrres de M. Piéderrière », in La forêt de Bréchéliant, la fontaine de Berenton, quelques lieux d’alentour, les principaux personnages qui s’y rapportent, Vol. 2, Rennes, J. Plihon & L. Hervé, 1896, p. 755-759, Voir en ligne. —
M. l’abbé Piéderrière [...] me fit l’honneur de m’écrire dans les premiers mois de l’année 1868 deux lettres pour me renseigner au sujet de Barenton. Je les reproduis ici intégralement, du consentement de leur auteur, parce que, parmi les archives de la Fontaine, elles en sont une des pièces les plus intéressantes. M. Piéderrière était un archéologue estimé, ses connaissances étaient grandes et sa compétence bien reconnue en tout ce qui concerne la contrée de Barenton, Saint-Léry, Gaël, Mauron, etc.
Bellamy utilise d’autres documents donnés par l’abbé. Certaines lettres échangées entre 1864 et 1868 concernent Éon de l’Étoile et le couvent du Moinet. — Bellamy, Félix (1896) op. cit., p. 283 —
Il mentionne aussi un registre
dans lequel l’abbé s’étend sur la localisation de la bataille de Mauron qu’il situe proche du château de Brambilly. L’abbé justifie ses dires par des témoignages de vieillards du pays et par des documents trouvés en compagnie de Louis Rosenzweig dans les archives de la Maison du Boyer en Mauron, et du château du Ferron. — Bellamy, Félix (1896) op. cit., p. 187 —
Guillotin de Corson
La correspondance de l’abbé Piéderrière montre aussi l’intérêt de l’abbé Guillotin de Corson, auteur du Pouillé historique de l’archevêché de Rennes, pour ses connaissances sur la région de Brocéliande. Ce dernier l’interroge sur l’existence du monastère de Bellenton ainsi que sur les seigneuries de Lohéac et de Brécilien. En 1874, il recherche en vain dans les librairies de Rennes un mémoire que Piéderrière aurait publié sur Barenton et ses environs. — Moisan André (2011) op. cit., p. 89 —
Sigismond Ropartz
Sigismond Ropartz connaissait et estimait les travaux historiques de l’abbé Piéderrière. Il le sollicite en 1862 et 1870 pour enrichir ses propres recherches et les publier dans la Revue de Bretagne et de Vendée. — Moisan, André (2011) op. cit., p. 89 —
En 1861, il mentionne dans un article de cette revue la plus ancienne version de la légende chrétienne de sainte Onenne, tirée d’une transcription d’un manuscrit du 18e siècle effectuée par l’abbé Piéderrière.
M. l’abbé Piéderrière, avec une obligeance parfaite, m’a communiqué une légende de sainte Onenne rédigée par lui d’après un manuscrit du XVIIIe siècle, époque où l’hagiographie florissait peu. Il y a joint quelques notes, également inédites sur saint Utel.
L’abbé a remis ces notes inédites sur les légendes de sainte Onenne de Tréhorenteuc et de saint Utel de Mauron (13 pages) aux archives de la Société Polymathique du Morbihan où elles sont toujours précieusement conservées ( MS 261).— PIÉDERRIÈRE, abbé Julien, « Légendes de sainte Onenne et de saint Utel recueillies d’après la tradition populaire. », 1860, 13 p., Voir en ligne. —
Dans les commentaires qui concluent la légende de sainte Onenne, l’abbé remet en cause une partie de l’argumentation de Sigismond Ropartz concernant l’emplacement du château de Branbili en Mauron.
Je respecte sincèrement le talent et la science de M. Ropartz, je le remercie de ses grandes bontés à mon égard ; cependant, ici il me semble qu’on pourrait avoir une opinion contraire à la sienne et mettre le château en question aussi bien à Branbili qu’à Mauron. Il ne s’agit du reste que d’une distance de quelques centaines de pas, ce qui ne vaut pas la peine de se mettre en désaccord, si désaccord il y a.
L’abbé Piéderrière s’est aussi intéressé au Registre de l’abbé Guillotin. Il a compulsé le manuscrit original et l’a annoté, indiquant notamment que Sigismond Ropartz l’avait partiellement publié. — MOISAN, André, « Un document exceptionnel, le Registre de Concoret de l’abbé Guillotin », Bulletin et mémoires de la Société polymathique du Morbihan, Vol. 138, 2012, p. 187-211. [ page 189] —
Le Comte d’Andigné et Arthur du Bois de la Villerabel
En 1870, le Comte d’Andigné demande à l’abbé Piéderrière des renseignements sur le château de Comper assiégé par l’un de ses ancêtres en 1595, ainsi que sur sa famille.
En 1874, Arthur du Bois de la Villerabel (1839-1891), secrétaire de la Société Archéologique des Côtes-du-Nord, demande des renseignements à l’abbé sur la famille du Bois-Jagu, originaire du pays de Mauron. — Moisan, André (2011) op. cit., p. 89 —
Anne Toussainte de Volvire
L’abbé Piéderrière est l’auteur d’une biographie d’Anne-Toussainte de Volvire (1653-1694) née au Bois-de-la-Roche et enterrée à Néant/Yvel (Morbihan). La publication paraît en 1871 dans la Revue de Bretagne et de Vendée . — PIÉDERRIÈRE, abbé Julien, « Anne-Toussainte de Volvire, dite la Sainte de Néant », Revue de Bretagne et de Vendée, Vol. 29, 1871, p. 249-266, 335-354, Voir en ligne. —. L’abbé l’édite simultanément à Nantes, chez Forest et Grimaud imprimeur. La biographie est l’objet d’une réédition en 1899. — PIÉDERRIÈRE, abbé Julien, Vie d’Anne Toussainte de Volvire dite la Sainte de Néant, 1899, Vannes, Lafolye, 1871, 40 p., Voir en ligne. —
On n’a jamais écrit jusqu’ici qu’un tout petit abrégé de la vie de Melle de Volvire, publié sous différentes formes. Nous avons fait de longues et minutieuses recherches et nous livrons un nouveau travail au public. Nous l’aurions voulu plus complet encore ; on nous pardonnera notre impuissance.