1882
Busnel Théophile-Jean-Marie
Un dessinateur breton en forêt de Paimpont
Cinq gravures de Théophile Busnel (1843-1918) inspirées par des légendes et traditions de la forêt de Paimpont illustrent un ouvrage d’Adolphe Orain publié en 1882.
Éléments biographiques
Théophile-Jean-Marie Busnel est un graveur et illustrateur né à Pontorson (Manche) en 1843. Il fait carrière aux Chemins de fer de l’Ouest en tant que dessinateur et termine au grade de chef du service de la voie vers 1900. Son fils, Théophile Hyacinthe Busnel (1882-1904), mort prématurément de la tuberculose, est un précurseur de la bande dessinée dans la presse francophone du Québec. Théophile-Jean-Marie Busnel meurt à Saint-Servan (Ille-et-Vilaine) le 12 septembre 1918. Il est enterré à Saint-Briac-sur-Mer.
L’œuvre de Théophile Busnel
Théophile Busnel est l’auteur de centaines de dessins, gravures et tableaux inspirés par la Bretagne. Ses talents artistiques, reconnus en son temps, s’épanouissent aussi bien dans le réalisme de ses séries de gravures sur Rennes, les environs de Brest ou les campagnes bretonnes que dans le domaine de l’illustration des contes et traditions populaires. Son œuvre, marquée par sa sensibilité à l’identité bretonne, s’inscrit dans la fidélité au Mouvement Breton et à la défense du catholicisme.
Ce qui distingue en effet M. Busnel de ses devanciers, c’est la précision du détail architectural qui révèle la profession de dessinateur attaché à une compagnie de travaux publics ; — l’exactitude absolue du costume local, qui indique le touriste consciencieux dont l’œil saisit les moindres nuances d’attitude ; — et surtout ce sentiment général de composition qui n’appartient qu’à un Breton fortement pénétré de la poésie de sa race.
Durant la deuxième moitié du 19e siècle, il illustre de nombreux ouvrages. Le romancier Paul Féval 1, le poète Auguste Brizeux, les collecteurs de contes François-Marie Luzel, Émile Souvestre ou Adolphe Orain, l’historien Arthur de La Borderie, ou l’archéologue Paul Bézier font appel à ses talents.
Son œuvre, en cours de reconnaissance et d’identification, est présente dans les collections des grands musées bretons, comme le Musée de Bretagne à Rennes ou le Musée départemental breton à Quimper.
Théophile Jean-Marie Busnel et Brocéliande
Au début des années 1880, Adolphe Orain fait appel à six artistes pour illustrer son nouvel ouvrage consacré au patrimoine matériel et immatériel des communes d’Ille-et-Vilaine 2 : Tancrède Abraham (1836-1895), Albert Philippon, Édouard Vaumort (1823-1886), Henri Arondel (1827-1900), Henri Saintin (1846-1899) et Théophile Busnel à qui il confie notamment les illustrations de la région de Paimpont.
Sa palette de dessinateur, aussi à l’aise dans le registre réaliste que dans celui de l’imaginaire, a tout pour satisfaire l’éclectisme folklorique du nouveau projet d’Adolphe Orain, mêlant patrimoine architectural, contes, croyances et traditions populaires. Théophile Busnel collabore à cette occasion avec l’atelier de gravures de Ph. Fernique.
Cinq de ces gravures, inspirées par des légendes et traditions de la forêt de Paimpont, mettent en scène le patrimoine des communes de Paimpont et Monterfil. — ORAIN, Adolphe, Géographie pittoresque du département d’Ille-et-Vilaine - Histoire et Curiosités des 357 communes - Personnages célèbres, Littérateurs, Poètes, Artistes, etc. - Agriculture, Commerce, Industrie.., Rennes, Imprimerie Alph. le Roy fils, 1882. —
La gravure du Tombeau de Merlin
L’illustration du Tombeau de Merlin — Orain, Adolphe (1882) op. cit., p. 441 — est une libre interprétation par Théophile Busnel d’une gravure de Héliodore Pisan parue dans la revue le Magasin Pittoresque en 1846.— CHARTON, Edouard, « Le tombeau de Merlin », Le Magasin Pittoresque, Vol. 14, 1846, p. 87-88, Voir en ligne. —
Comme l’auteur de la gravure de 1846, Théophile Busnel semble ne pas s’être rendu sur les lieux. Le Tombeau de Merlin est représenté par quelques blocs de pierres épars surplombant une mare qui n’a vraisemblablement jamais existé. La composition quasiment identique est toutefois agrémentée d’un sanglier qui agit comme un point de focalisation du regard au centre droit de la gravure. Le réalisme de la lumière plein jour remplace l’éclairage lunaire et fantastique de l’original.
La gravure de la Fontaine de Barenton
L’illustration de la Fontaine de Barenton — Orain, Adolphe (1882) op. cit., p. 440 — est elle aussi inspirée d’une gravure de H. Pisan parue dans la revue le Magasin Pittoresque en 1846.— CHARTON, Edouard, « Fontaine de Baranton », Le Magasin Pittoresque, Vol. 14, 1846, p. 331-332, Voir en ligne. —
Théophile Busnel reprend la représentation fantaisiste et monumentale de la fontaine au dessinateur du Magasin Pittoresque. Il en modifie cependant la composition en recentrant l’image sur la fontaine, reléguant la forêt à un arrière plan à peine perceptible. Le voyageur en quête de rêverie romantique est devenu un « authentique » bûcheron venu chercher un peu de fraicheur et de repos au bord de la fontaine.
La gravure du Revenant de Paimpont
La Géographie pittoresque du département d’Ille-et-Vilaine d’Adolphe Orain relate la croyance en un prêtre fantôme sur la commune de Paimpont 3.
Des histoires plus bizarres les unes que les autres, sont encore racontées par les habitants des hameaux cachés dans la forêt. Les uns ont vu, un soir, en traversant la lande, un prêtre recouvert de l’étole, de la chasuble, prêt à dire la messe, avec des cierges à ses côtés. Il eurent beau courir à perdre haleine, le prêtre était toujours près d’eux. Ils firent dire des messes pour le repos de l’âme du revenant et ne le revirent plus.
L’humour de la gravure de Théophile Busnel établit une distance entre l’aspect fantastique et terrifiant de cette croyance et sa représentation.
La gravure de la Statue de saint Méen
Un dessin de Théophile Busnel d’une statue de saint Méen datée du 15e siècle illustre la partie de l’ouvrage d’Adolphe Orain consacrée à l’église abbatiale de Paimpont.— Orain, Adolphe (1882) op. cit., p. 401 —
La gravure de l’Enterrement de jeune fille à Monterfil
La gravure intitulée Enterrement de jeune fille à Monterfil est une libre interprétation d’un tableau d’Amédée Guérard (1824-1898) peint en 1861. — Orain, Adolphe (1882) op. cit., p. 400 —
Théophile Busnel offre une recomposition verticale du tableau original d’Amédée Guérard. La procession de jeunes filles, marchant de front, semble s’avancer vers le lecteur de l’ouvrage d’Adolphe Orain, lui donnant l’impression d’être partie prenante de la scène.